A N A L Y S E SÉDIMENTOLOGIQUE D E S F O N D S ...
A N A L Y S E SÉDIMENTOLOGIQUE D E S F O N D S
M A R I N S D E L A " P E T I T E C~TE"
( S É N É G A L )
par
Jean Paul BARUSSEAU(1)
I N T R O D U C T I O N
La présente étude s’inscrit dans le programme “Envi-
ronnement côtier” de l'ISRA-CRODT.
L’objet en est la définitiondumilieu physique cons-
titué par les substrats meubles qui recouvrent une grande
partie de l’avant-côte et de la plateforme interne au sud
de la presqu’île du Cap-Vert. Lafinalité est la recherche
des facteurs du sédiment susceptibles d’influencer la ré-
partition des populations benthiques. Cette recherche, au
moyen d’une analyse appropriée des correspondances 9 sera
réalisée ultérieurement . On se bornera donc à présenter
ici les caractères principaux du sédimentetles remarques
qu’ils appellent.
Des travaux antérieurs dans cette région ontété pré-
sentés par DEMOULIN (1967), MASSE (1968), DOMAIN (1976 ,
1977) et RIFFAULT (1980) . Ils sont en partie exposés de
façon succinte
dans le document synthètique du Ministère
des Pêches et de L’Environnement du Canada : le Baffin,
levé au large du Sénégal et de la Gambie (1977).
L’étude de DUMOULIN, essentiellement géomorphologi-
que, apporte peu d’indications exceptées sur la zone lit-
torale de Bargny àToubab-Dialao (Marigot de la Nougouma).
L’analyse sédimentologique des matériaux meubles du
plateau continental dans la région de la Petite Côte com-
mence véritablement avec le travail de M4SSE réalisé
sur
3 radiales échantillonnées de la côte aux fonds de 200 m
(1) Faculté des Sciences, Département de géologie ,
Dakar (Sénégal).

et sur des prélèvements de la baie de Garée et de la zone
littorale depuis Yoff jusqu’a Mbour. En tout , 75 courbes
granulométriques sont présentées . L’auteur s’est fixé
comme objet principal de ses recherches la définition des
types sédimentaires en fonction de leurs constituants dont
la composante biogène est minutieusement analysée a Six
ensembles sont décrits dont la répartition correspondaun
échelonnement bathymétrique :
- Ensemble littoral (plage et avant-côte)
- Ensemble pré-littoral (jusqu’a 30-35 m)
- Ensemble des sables roux x.Bryozoaires (jusqu’a !50-55m)
- Ensemble des sables glauconieux (jusqu’a 90-100 m)
- Ensemble des sables du large (jusqu’a 180 m)
- Ensemble des sables a Cyclammina (haut de 1 a pente
continentale).
L’étude de DOMAIN porte sur un domaine beaucoup plus
vaste que celui étudié ici puisqu’il s’Qtend à toute la
plateforme sénégalaise.. De ce fait le nombre d’échan-
tillons dans la zone des écosystèmes côtiers de la Petite
Côte ne s’élève qu’à 38 . Conçus dans un esprit synthéti-
que, les documents cartographiques publi& par DOMAIN fa-
vorisent une.description objective du matériau jusqu’aux
fonds 5-10 m non inclus . Les paramètres mesurés rendent
compte :
- De la granulométrie (teneurs en lutites et arénites).
- De l’importance de la fraction carbonatée et de l’a-
bondance des élèments coquilliers de grande dimension.
Dans son mémoire de thèse enfin, RIFFAULT reprendles
résultats des travaux antérieurs mais apporte une vision
plus dynamique , donc véritablement sédimentologique , de
la mise en place du matériel au cours des évènements fini-
quaternaires et actuels.
1 .
M O D A L I T E S D’ E C H A N T I L L O N N A G E
O B J E C T I F S E T
T E C H N I Q U E S D ‘ E T U D E
Un total de 513 échantillons ont été récoltés (fig. 1) soit à la benne
soit à la drague (environ 25 % pour ce dernier mode de prélèvement). Les né-
cessités de l’étude concomitante de la faune benthique (LEUNG TACK) impfi-
quaient en effet que le volume collecté soit plus important que ce que remon-
te généralement la benne. Cette dualité de mode d’khantillonnage n’est pas
un inconvévient,
l’analyse granulométrique modale permettant de reconnaître
les mélanges sédimentaires qu’ils soient naturels, c’est-à-dire réalisés
au cours de l’histoire sédimentaire du secteur, ou artificiels, c’est-à-dire
provoqués par le type de préleveur utilisé.
La répartition des prélèvements couvre totalement la zone de 0 à 20 m.
En outre, au nord du parallèle de Ngazobil (vers 14,’ 15 N), les échantilloas
ont été récoltés jusqu’à 50 q de profondeur.
Enfin trois radiales ont été étendues jusqu’au rebord, respectivement
vers 14” 35’ N, 14” 15’ N et 14” N.

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La densité des prélèvements varie donc notablement. Dans la zone centra-
le, ‘Le pas d’échantillonnage est de 1,32 mn , soit 1 échantillon par 6 km*.
Vers la côte (fonds inférieurs à 5 m), elle se réduit en raison des difficul-
tés de navigation. Au large, il ne s’agit que d’investigations de reconnais-
sance générale destinées B éclairer la reconstitution de la disposition des
types de fond sur la plateforme interne.
L’étude des sédiments a pour objectif la caractérisation des substrats
meubles afin de mesurer le contrôle qu’ils sont susceptibles d’excercer sur
le mode de vie et le développement de la biomasse et notamment des juvéniles
de poissons. Ce contrôle est exercé de façon statique et dynamique car la ré-
partition des types de fondsgouverne en partie de manière directe ou indirec-
te, les aires de distribution des différentes espèc.es. 11 est donc clair que
l’étude du sédiment s’intégre naturellement dans l’analyse des conditicns
de l’environnement qui déterminent l’abondance et la disponibilité des res-
sources halieutiques.
L’étude des matérieux a été réalisée par granulomètrie. On a utilisé une
colonne de tamis AFNOR corrigés. La correction des mailles des tamis est une
opération essentielle qui permet d’obtenir une courbe granulométrique dépour-
vue d’artéfacts, condition indispensable 3 l’analyse granulométrique modale.
La granulométrie a été définie sur le matériel brut simplement débarassé,
par tamissage à 50 p sous l’eau, d’une fraction pélitique généralement peu
abondante. Cette dernière opération conduit à caractériser chaque sédiment
par un indice de teneur en fraction inférieure a 50 IJ~ (pélite ou lutite) :
l’indice pélitique. Par complémentarité 8 100 X on peut, par cet indice, con-
naître la teneur en sable (fraction supérieure à 50 pm) : l’indice arénique.
Ces valeurs, comme d’une manière générale tous les paramètres sédimentologiques
figurent dans un rapport Archives du CRODT (BARUSSEAU, 1983).
L’analyse de la courbe granulométrique conduit à la définition de la mé-
diane, d’un indice de triage et de la formule modale.
La médiane, paramètre de situation, est la dimension telle que 50 % du
matériau est plus grossiére et 50 % plus fin. Elle fournit une idée approxima-
tive de la taille moyenne des grains du sédiment.
L’indice de triage (ou hétérométrie) compléte l’image du sédiment donnée
par ïa médiane en fourniss,ant une mesure de la dispersion des tailles des grains
autour de la valeur centrale. On a choisi un paramètre simple, fréqueannent
employé dans les travaux sédimentologiques, le “sorting index” de TRASK, So o
SO =
(Q3 / Q#'*
Les valeurs QI et Q3 sont les ler et 3ème quartiles, c’est-a-dire les
tailles relatives au pourcentage 25 (respectivement 75) telles que 25 % des
grains (respectivement 75 X) sont plus petits.
L’analyse granulométrique modale regroupe un ensemble de techniques des-
tinées 3 mettre en évidence les types granulométriques fondamentaux qui se com-
posent, dans une aire donnée , pour donner naissance aux mélanges observés en
chaque point (BARUSSEAU, 1973).
Le climat de dépôt d’un sédiment peut être défini comme l’ensemble des
relations qui s’établissent entre les agents susceptibles d’entraîner la mise
en place des particules (agents du tranport et du dépôt : houles, courants)
et les caractères de la sédimentation (nature et forme des particules, taux
de sédimentation). L”hypothzÉse fondamentale est alors la suivante : un climat
de dépôt donné entraîne la formation d’un assemblage granulométrique dont la
distribution est unimodale ; la courbe de fréquence caractéristique est une
courbe en cloche plus ou moins symétrique que par analogie avec la courbe de
Gauss on appelle la courbe gaussienne (gaussoide serait plus correct).

Au delà de son dépôt (c’est-à-dire de l’immobilisation en un point du
fond subaquatique) la particule est soumise à des facteurs capables de l’in-
corporer aux matériaux préexistants. Ce brassage vertical est réalisé avec
plus ou moins d’intensité par l’action des êtres vivants de l’endofaune
(bioturbation) et de certains agents hydrodynamiques (houles). Un sédimerrt
de’structure granulométrique gaussienne pourra donc se mélanger à un sédiment
pré-existant de
structure identique (mis en place dans le même climat de
dépôt) OU diffèrente (changement de climat de dépôt). Dans ce dernier cas la
représentation granulométrique du mélange fera apparaître la juxtaposition
graphique de deux (ou plusieurs) gaussiennes, aisees 3 distinguer.
L’analyse granulométrique modale comprend les étapes suivantes :
- Ecriture des formules modales : chaque population granulométrique est
caractérisée par son mode (dimension des grains les plus fréquents) et par
son pourcentage dans le mélange ;
- Statistique des modes : dénombrement cumulatif de toutes les valeurs
modales recensées ; on cherche par exemple toutes les valeurs inférieures 2
telle. dimension puis
3 telle autre en définissant un pas s,uffisamment
serré pour ne pas effacer des regroupements intéressants (ex. : de 10 en
10 fl entre 40 et 180 prn ; de 20 en 20 prn entre 180 et 300 (urn ; de 50 en
50 p jusqu’a 500 p ; de 100 en 100 pm jusqu’a 2 mm) ;
- Définition des types sédimentaires : la courbe représentative de la
statistique des modes montre que chaque mode entre dans une catégorie dont
elle est l’image locale (au lieu de prélèvement). Chaque catégorie représente
un type sédimentaire défini par un numéro , une lettre ou une expression litté-
rale. - Cartographie des types sédimentaires : en chaque point de prélèvement
on note la présence d’un type sédimentaire donné iet le pourcentage correspon-
dant (LON& 1975). Pour chaque type sédimentaire ‘la carte indique les courbes
d’isoteneur et les secteurs oh le type est absent. Un même prélèvement peut
être porté sur plusieurs cartes s’il résulte du m&lange de plusieurs types
sédimentaires (sédiments polymodaux) , La dis tribut.ion cartographique est in-
terprétée en fonction des élèments géographiques, morphologiques, courantolo-
giques, paléogéographiques ou biologiques disponibles.
Enfin, l’analyse sédimentologique est compl6tée par une évaluation de
la teneur en carbonates (surtout des élèments coq,uilliers) par décalcification
et pesées différentielles.
2 .
P R E S E N T A T I O N
D E S
X E S U L T A T S
E T
D 1 S C U S S I 0 N
Les résultats sont présentés sous forme de cartes de répartition donnant
la nature du sédiment : distribution des pélites (fig. 2) et distribution des
carbonates (fig. 3) et ses caractères granulométr:i.ques : carte des médianes
(fig. 4), distribution de l’indice d’hétèrométrie (fig. 5)) répartition des
types sédimentaires.(fig. 6, 7, 8 et 9).
I
2.1. REPARTITION DES PELITES (fig. 2)
Les pélites sont peu abondantes sur la plateforme de la “Petite Côte”.

69
Il est nécessaire de rassembler toutes les teneurs supérieures a 5 % seule-
ment pour qu’apparaisse une distribution significative. Cette rareté confir-
me l’observation de MASSE (1968) mais semble en contradiction avec les résul-
tats figures par DOMAIN (1977). En réalité, il faut noter que cet auteur a
utilisé une limite des pélites supérieure (63 p au lieu de 50 p) à celle
qui fut employée ici. Une fraction rapportée aux sables dans cette étude est
donc rattachée aux pélites dans celle de DOMAIN.
Ce qui est certain, c’est la faible proportion de la fraction argileuse
(matériaux ( 2~). On peut donc présumer que la teneur en matiére organique,
qui se fixe préférentiellement sur les argiles doit être basse. Ce facteur
est peu favorable au développement d’une endofaune riche, notamment en inver-
tébrés à corps mou.
La distribution des pélites est particulièrement simple. On les rencontre
avec quelque abondance (5 à 20 %, exceptionnellement jusqu’a 40 X) dans 3
secteurs :
- La zona nord
- L’avant-côte, de Mbour à Palmarin, de façon discontinue
- Le débouché du Saloum.
Dans le secteur nord, les pélites sont réparties en deux taches de large
extension ; l’une est abritée par la baie de Corée qu’elle déborde cependant
de manière notable ; l’autre se développe au large de Popenguine.
Dans la partie intermédiaire de la zone étudiée, les pélites forment des
aires faiblement étendues mais parfois relativement riches (jusqu’a 40 X). La
présence de fortes irrégularités topographiques liées aux bancs rocheux de la
région de Mhour et Joal en est certainement-responsable. Les tombants et escar-
pements rocheux engendrent des abris et des pièges sédimentaires susceptibles
de conserver les fractions fines.
Tout:3 fait au sud, le débouché du golfe nouakchottien du Saloum et les
modalités’de son colmatage récent (depuis 5 500 ans environ) sont à l’origine
d’un épandage fin en position de “vasière’ prodeltaique.
2.2. REPARTITION DES CARBONATES (fig. 3)
Les sédiments de la plateforme au sud de Dakar sont en général fortement
carbonatés. La teneur n’est inférieure B 25 % qu’au large de la flèche de
Sangomar et dans un petit nombre de secteurs au Nord (Rufisque, Bargny, Penne,
Popenguine) . Partout ailleurs, les débris de nature carbonatée sont abondants,
d’origine essentiellement organique-. 11 s’agit de tests entiers ou de fragments
de coquilles de mollusques, d’articles de carapaces de balanes, de débris de
bryozoaires, d’échinodermes, d’algues calcaires, de polypiéites ou de fragments
de murailles de coelentérés , plus rarement de crustacés (MASSE, 1968).
Quelques secteurs se distinguent par l’abondance de la fraction carbonate
biogène :
- La zone prélittorale
- La plateforme externe
Les petits pointements rocheux (Bel Air, Tiaroye, Mbao, Rufisque, Bargny)
ainsi que ia zone prélittorale (fonds de 7 à 10 m) sont fréquemment caractéri-
sés par des teneurs élevées en carbonates (plus de 75 X). La relation semble
devoir s’expliquer par la fréquente irrégularité des fonds dans ce domaine.
La présence des substrats durs en relief entraine un accroissement de la turbu-
lence donc probablement une augmentation du flux de nutrients (oxygène, parti-
cules alimentaires) favorables à l’abondance.des organismes dont les restes
s’accumulent au pied des masses rocheuses.

7 0
Le phénomène est également tri% développé au niveau des grands plateaux
rocheux de Mbour et Joal, sans aucun doute pour les mêmes raisons.
Entre ces carbonates prélittoraux abondants et ceux de la plateforme
externe s’interpose une bande, entre 15 et 40 m environ, oil les teneurs sont
en général plus faibles. Cette bande est toutefois entrecoupée de secteurs
transversaux oii s’élève la proportion des carbonates. Cela se produit notam-
-
ment au large des régions productives que sont les hauts-fonds prélittoraux.
La relation n’est cependant pas nette au large du secteur Mbour-Joal.
Au niveau de la plateforme externe, les carbonates adoptent une disposi-
tion longitudinale ; ils sont partout abondants sauf sur les fonds de 80 8
100 m (c’est la zone des sables glauconieux de MASSE).
2.3. LES CARABTERES GRANULOMETRIQUES GENERAUX
2.3.1. Distribution des médianes (fig. 4)
Les médianes granulométriques opposent des domaines oii le ‘sédiment est
grossier (md ,& 0,5 mm) et des secteurs où il s’affine (ad < 0,3 mm), Ces
derniers se localisent :
- Au niveau du littoral
- Dans la région sud, au large de la flache de Sangomar
- Sur la plateforme moyenne et externe, au del8 de la ligne des 20 m.
Les médianes élevées semblent très liées aux carbonates bioclastiques
de la zone prélittorale ; par contre ceux de la plateforme externe n’accrois-
sent plus la dimension moyenne des matériaux.
Il y a lieu de s’interroger sur cette particularité, La finesse des car-
bonates de la marge externe est-elle due :
- A une différence dans les tests initiaux impliquant un mode de fragmenta-
tion spéfikique, producteur de débris plus petits
- Aux processus de fragmentation eux-mêmes
- A un triage hydrodynamique dont il faudrait alors discuter le caractêre
actuel ou ancien.
Sur ce dernier point, trois arguments permettent d’orienter le choix :
d’une part l’abondance des élèments glauconieux dans certains sables de la
marge externe, la glauconitisation impliquant en effet une évolution diagéné-
tique de durée notable ; d’autre part, dans les sa’bles fin glauconieux, l’exis-
tence de débris de balanes usés biologiquement (MASSE, 1968) que l’auteur rap-
porte B des “reliques” quaternaires ; enfin, plus au large encore, l’existence
de sédiments considérés comme les témoins d’un stock ancien (MASSE, 19681.S’i.l
y a donc triage hydrodynamique, il semble ne pouvoir qu’être ancien, c’est-à-
dire contemporain d’un stade de remontée de la mer au cours de la dernière
transgression glacioeustatique.
La diminution de la médiane sur la plateforme moyenne externe est accom-
pagnée d’un certain nombre de modificationsde la composition des stocks bio-
clastiques (MASSE, ibid.). Parmi celles-ci, la plus significative semble être
la disparition rapide des débris de balanes à partir des fonds de 20 m.
Les fragments de lamellibranches, de bryozoaires et, dans une moindre
mesure, d’algues calcaires et de coelentérés, compensent cette défection et
l’on peut penser que cette substitution explique le changement perçu dans la
dimension des débpis qu’ils fournissent. L’explication de ce mode différent
de fragmentation pourrait résider dans la structure des plaques de la carapa-
ce des balanes. La présence des canaux internes leur confèrent en effet léggg-
reté et solidité ce. qui leur assure une meillen~ré:;istance à l’écrasement et
à la rupture. En outre, face aux actions cariantes rlcs. microorganismes, il
est possible que la relative minceur de cette strl~ct:ure alvEo8aire ne soit

71
pas propice & leur développement. Cette hypothèse devrait être vérifiée par
des spécialistes. En outre, il ne nous est pas possible de contrôler l’inci-
dence de facteurs de fragmentation différents dans une région de la platefor-
me plus profonde que celle où les débris de balanes sont abondants.
Les faibles valeurs de la médiane observées au large de la flèche de
Sangomar trouvent leur origine dans la faible teneur en carbonates des sédiments
de cette zone, La même explication vaut probablement pour les sables de la
zone littorale. Dans cette dernière, les particules bioclastiques sont, en
raison de leur forme, aisément mobilisées par l’intensité des facteurs hydro-
dynamiques et on peut pr&umer qu’elles sont en grande partie éliminées de
cette zone.
Deux conclusions peuvent donc être d’ores et déja dégagées :
- Les Car;bonates bioclastiques de la plateforme interne (fonds de moins,
de 20 m) déterminent quand ils sont abondants une plus grande grossièreté du
sédiment.
- Les fortes teneurs en débris biogénes carbonatés n’entrainent pas une
augmentation de la taille des matériaux au-dela de 20 m de profondeur.
2.3.2. Distribution de l’indice d’hétérométrie (fig. 5)
La courbe de fréquence des valeurs de SO fait apparaître deux profondes
coupures ; l’une vers SO = 1,45 , l’autre vers SO = 2,00. Ces deux limites
ont été utilisées pour catographier les valeurs de l’indice.
Les sédiments mal triés (hétérométriques ; SO& 2) sont relativement peu
fréquents et s’observent généralement en liaison avec les carbonates bioclas-
tiques mais la relation est plus évidente si on prend en considération l’ensem-
ble des sédiments médiocrement triés (2 ) SO> 1,45).
Les &diments bien triés (SO< 1,45) apparaissent dans 3 secteurs : au
large de la flèche de Sangomar 08 l’unitédes “sables du Saloum” est ainsi de
mieux en mieux caractérisée ; au Nord dans la baie de Gorée où une entité des
“sables de Gorée” semble également avoir des caractères spécifiques ; au large
de Popenguine et Mbour, la présence de sables bien classés s’explique essen-
tiellement par la réduction d’une des composantes des sédiments de la plate-
forme, la fraction carbonatée des sables grossiers IV-V (fig. 9). La relation
directe avec les carbonates et donc encore confirmée.
2.4. L’ANALYSE GRANULOMBTRIQUE MODALE
Le plateau continental sénégalais au Sud de la presqu’île du Cap-Vert
montre des sédiments où se
juxtaposent cinq populations granulométriques
qui regroupent respectivement les valeurs modales suivantes :
- Type 1
(sablons)
:
40 è
105 pal
- Type II (sables fins)
:
105 à
175 nm
- Type III (sables moyens)
175 à
500 um
- Type IV (sables grossiers A) : 500 3 1750 prn
- Type V
(sable grossiers B)
&à 1750pm
Les sablons, les sables fins et les sables moyens sont des populations
détritiques essentiellement quartzeuses. Le type III est constitué de quartz
clairs, les grains roux ne formant que moins de 10 % du stock. La surface des
grains révèle des traces d’ancienne éolisation mais la reprise aquatique est
la dernière marque laissée par le milieu. Les carbonates y sont constitués par
de rares débris coquilliers blancs très usés ; il y a peu de foraminifères
et d’ostracodes, aucun article de balanes. Les types 1 et II sont en quasi

totalité quartzeux en raison de la faible taille des grains, peu d‘observations
sont possibles à la binoculaire.
Les sables de type IV (sables grossiers A) constituent une population
trés caractéristique et aisément reconnaissable sur les documents granulométri-
ques. Il s’agit d’un segment très linéaire compris entre 400 et 1000 à 1100 um
(les modes les plus fréquents sont
entre 0,5 et 1 mm).
A la binoculaire, ce type se révèle presque entièrement constitué de débris
coquilliers. La structure granulométrique est étonnamment mal triée. Ce consti-
tuant n’a subi aucun effet de classement hydrodynamique. On peut en déduire
qu’il s’agit d’une population autochtone bioclastique, issue d’une fragmenta-
tion sur place d’élèments plus grossiers.
Quant au type V, il est peu fréquent (moins de 4,5 % des prélèvements) .
Il s’agit d’urie population de gros éléments bioclastiques. Bien que distincts
des sables grossiers A par leur composition granulométrique, il est clair que
les deux composants ont entre eux des relations génétiques évidentes. A cet
égard on peut assurer que le type IV résulte de la dégradation des élèments
présents dans les sables grossiers B. Néanmoins, la cause profonde de leur
différenciation n’a pas été élucidée. Dans la représen.tation cartographique
des types sédimentaire, IV et V ont été regroupés,
2.4.1. Répartition géographique du type 1 (fig. 6)
En fonction des pourcentages contenus dans le sédiment, la carte d’isote-
neur fait apparaître les zones 03 se concentrent majoritairement les sablons :
- Dans le secteur nord avec une importante participation dans la baie de
Corée et, à un moindre titre mais sur une vaste Etendue, au1 large de Popenguine.
- Sur la plateforme externe avec une distribution non plus zonale mais
mkidienne.c’est-a-dire liée ici à la profondeur.
Bien’que faiblement échantillonnés au niveaux des radiales de reconnais-
sance EW, les sablons du large se rencontrent généralement au niveau de la
zone des sables fins glauconieux de MASSE. Notons qu’ils ne sont pas accompa-
gnés de pélites abondantes (fig. 2).
Les sablons de la baie de Corée se localisent dans un secteur relativement
abrité oii la concentration hydrodynamique est aisée (MASSE, 1968 ; RIFFADLT,
1980). Quelle est l’origine de l’apport ? Il convient de remarquer d’abord
l’étroite corrélation avec les pélites dans ce secteur. Quelques observations
faites au rivage (DIALLO, 1982) montrent également que les pentes des plages
dans ce secteur ne sont pas en équilibre avec la pente naturelle de talus
correspondant à des matériaux de cette dimension, Cela prouve que cette région
est soumise à un apport fin constant et abondant,. Un seul facteur peut être
évoqué en l’absegce d’une dérive littorale significative et d’apports fluvia-
tiles : le transport éolien soit sous la forme de brumes séches, soit SOUS for-
me de matériaux en SaltatiOn repris des,dunes proches par l’action des alizés.
La question de la discontinuité de la répartition des sablons entre 0
et 50 m au large du secteur Yenne-Popenguine n’est pas éclaircie. Dans cette
zone dominent les sables moyens dont on verra qu‘ils ne sont pas actuels. Deux
hypothèses peuvent être avancées :
a.- Le dépôt est entravé par un régime hydrodynamique local introduisant
des composantes de courant normales à la pente des fonds (ENE-WSW).
b.- L’apport se répartit de part et d’autre d’un axe morphologique. Rien
dans la topographie ne permet de soutenir ce second point de vue. En l’absence
de plus amples détails sur ce point (levés bathymatriques précis, observations
en télévision sous-marine), on est enclin à lui préférer la première interpré-
tation dont il faudrait cependant étayer l’argumentation par des mesures de
courants.

2.4.2. Répartition géographique du type II (fig. 7)
La répartition des sables fins est particulièrement discontinue sauf au
@veau de la plage actuelle oii le type est unifOrm&nent représenté si l'on
excepte une variabilitg saisonnière (DIALLO, 1982) qui peut localement et mo-
mentanément faire disparaftre ce type sédimentaire du profil de la plage.
Malgré ce caractère disjoint, la nappe des sables fins est clairement
positionnée, en fonction de la bathymétrie, à certains niveaux particuliers :
45-55 m ; 15 è 20 m ; vers 10 m. Cette localisation n’est pas due au hasard
mais correspond aux stades de stationnement de la mer au cours de la remontée
pos tglaciaire. Les épisodes de ralentissement de la transgression ont permis
en un temps relativement court (quelques centaines d’années), l’élaboration
d’un cordon littoral éventuellement équipé de massifs dunaires plus OU moins
importants do@ la submersion ultérieure a laissé néanmoins subsister des tra-
ces manifestes.
Le type II est donc, aussi bien dans le passé récent que dans 1’Açtuel
le témoin des lignes de rivage.
Sur la ligne des 50 m, DOMAIN a cartographié un ensemble continu d’affleu-
rements rocheux dont MASSE avait remarqué qu’ils induisaient un ressaut topo-
graphique dans les profils 3 l’échosondeur. La continuité de ces affleurements
ne nous paraît pas assurée mais il est par contre certain que l’armature de ce
relief est une série de grés de plage (beach-rocks) dont plusieurs échantillons
ont été remontés et sont en cours d’étude.
Signalons enfin l’extension du type II au large de la flèche de Sangomar.
On peut présumer qu’au cours de la remontée du niveau de la mer, un système
de flèches littorales successives se sont translatées au fur et a mesure de
la transgression balayant l’espace compris entre 7 m et la côte actuelle. La
flèche de Sangomar représente la dernière en date de ces flèches successives.
2.4.3. Répartition du type III (fig. 8)
Le type III, on l’a vu, est une population détritique essentiellement
quartzeuse donc terrigéne. 11 est clair, d’après ce qui a été dit de la sédi-
mentation actuelle, que ces sables moyens ne sont pas en équilibre avec le
régime hydrodynamique qui prévaut de nos jours.
Le type III est, d’une .manière générale, três bien représenté sur la
plateforme au sud du Cap-Vert, avec des teneurs souvent supérieures 3 75 X.
Les secteurs qui en sont totalement dépourvus sont de faible étendue, sauf
au niveau des hauts-fonds rocheux de Mbour et Joal.
Les sables moyens sont très abondants sur la plateforme moyenne, entre
25 et 75 m généralement, Ils s’étendent en outre,plus prés de la côte, le
long de bandes transversales de direction ENE-WSW dont l’une des plus dévelop-
pées se situe au large de la Somone. Au large du delta du Saloum, une vaste
aire prélittorale est également couverte par ce type sédimentaire.
Cette orientation et la relation observée avec des réseaux fluvi;Ctiles
suggerent que les sables moyens ont été mis en place sur un plateau continen-
tal découvert jusqu’a m environ et qu’ils représentent par conséquent une
sédimentation fluvio-marine antérieure au dernier évènement glacioeustatique.
La vaste répartition du type montre que les structures sédimentaires élaborées
à cette occasion (cordons dunaires et paléovallées) ont été ensuite largement
étalées sur l’ensemble de la plateforme,
2.4.4. Répartition géographique des sables grossiers (fig. 9)
La répartition des sables grossiers (type IV et V) est très liée au domai-
ne infralittoral entre Rufisque et Popenguine et à la partie supérieure du

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domaine circalittoral au sud de cette limite. On atteint alors le facies que
MASSE décrit sous le nom de “sables biogènes à débris de balanes”. L’extension
des sables grossiers se réduit quand un type sédimentzre détritique domine.
Il en est ainsi au Nord dans la zone des sablons , au centre au niveau de tou-
tes les paléovallées , 05 s’observent les sables moyyens, au Sud dans la région
des sables moyens et des sables fins du Saloum. On peut en déduire que les
sables grossiers accompagnent partout les affleurements rocheux prélittoraux
non revêtus par une accumulation sédimentaire de quelque origine qu’elle soit.
La nature carbonatée de cette nappe sédimentaire, son caractère bioclas-
tique et sa mise en place subautochtone admettent une explication identique
3 celle des carbonates infralittoraux : la présence de substrats rocheux
voisins favorables au développement d’une faune testucées pourvoyeuse de débrg
organogènes. Il s’agit très certainement d’une composante de la sédinicntation
actuelle.
C O N C L U S I O N
Le revêtement meuble du plateau continental sénégalais ‘entre Dakar et
le parallèle de la Pointe de Sangomar est constitu4 de sept unités sédimento-
logiques caractérisées généralement par un type sédimentaire spécifique.
Les sablons de Corée représentent un facies de remaniement d’apports **
éoliens actuels.
Les sables détritiques du Saloum se manifestent sous deux facies, l’un
récent constitué de sables fins, l’autre plus ancien formé de sables moyens.
Les sables bioclastiques des hauts fonds prélittoraux son un élèment
actuel de la sédimentation ; peu déplacés, ils auréolent les zones irréguliè-
res où affleurent les roches consolidées.
Les sables fins des cordons littoraux submergés et du rivage actuel reflè-
tent la position de traits de côte successifs momentanément fixés au cours
des événements transgressifs postglaciaires.
Les sables détritiques de la plateforme moyenne et des paléovallées cons-
tituent un des composants fondamentaux de la sédimentation dans la région. Mis
en place au cours du quaternaire, peut-être pendant le cycle glacioeustatique
qui précède la régression ogolienne, leur remaniement. ultérieur, sans effacer
cependant les domaines paléogéographiques où ils se sont déposés, les a étalés
sur presque toute la plateforme.
Les sables bioclastiques de la plateforme externe sont distingués par la

répartition des carbonates qui soulignent l’exlste6?d’une abondante fraction
organogène au-delà de la ligne des 50 m. Le manque d’informations variées sur
cette unité peu échantillonnée ne permet pas d’interpréter ce type sédimentaire.
Les sablons du large n’ont pas été non plus sufisamment rencontrés, faute
de prélèvements serrés sur la plateforme externe. 1[.1 est toutefois possible
de les assimiler aux “sables glauconieux” de MASSI; dont ils présentent la
situation.


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