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BSN 0 8 5 0 - 1 6 0 2
,
F~%LEXION sud LE CARACTÈRE ÉVOLUTIF ET
L'IMFORTANCE FUTURE DE LA PÊCHE ARTISANALE
F, DIOURY
DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
C E N T R E D E R E C H E R C H E S DCÉAND6RAPHIl)UES D E D A K A R s TIAROYE
NUMÉRO 9 9
* I N S T I T U T SÉNÉSAiAlS D E R E C H E R C H E S A G R I C O L E S *
MARS 1985

A V A N T
- P R O P O S
Ce document, sur la base d’une synthèse de diverses publications
traitant de différents aspects de la Pêche artisanale, tente de dégager
quelques perspectives d’avenir pour ce secteur dans les pays en voie de
développement.
Pour retrouver le détail de ces documents originaux, on se reportera
à la bibliographie annexée au présent travail.

REFLEXION SUR LE CARACTERE EVOLUTIF ET
L’IMPORTANCE FUTURE DE LA PECHE ARTISANALE
DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT
Fr-arqoi s DIOURY ( ’ )
R E S U M E
En matière de conception des pêches,l’idée prédomi-
ne généralement d’une efficacité supérieure
de la pêche
industrielle sur la pêche artisanale.
Mais pour la plupart des pays en développement,face
aux difficultés de la pêche industrielle (stagnation des
captures, création des zones économiques exclusives et
forte augmentation des coûts du carburant), la pêche ar-
tisanale s’avère au contraire être un secteur vital, aux
nombreuses retombées socio-économiques, possédant un dy-
namisme propre et de grandes facultés d’adaptation.
11 appartient aux autorités concernées
de Drendre
en compte cette importante réalité
et de fav&ser davan-
tage le développement de cette activité qui bien qu’exi-
geant diverses améliorations, peut contribuer à de nom-
breux égar$s au réel développement économique des pays
du Tiers Monde.
ABSTRACT
Concerning fisheries conception, it
is generally
believed that industrial fishing is more efficient than
artisanal fishing,
But for most develc$oin:J countries,
in regard with
industrial fishery problems (catch stagnation, exclusive
(1) Juriste, chercheur en Planification
des Rêches
a1.J centre de Recherches océanographiques
d e Dakar-
Thiaroye, B.P. 2241 s Dakar (Sénégal).

economic zones, and high
Eue.1 cost increases 3
a r t i -
s a n a l fishery shows to be on the contrary a vital sect;?r,
with many socio-economic outfalls,
having its own dyna-
mit and major adaptation abilities,
It is the responsability of the concerned adminis-
trations ta take tare of this important reality, and put
more emphasis on the development of
such a n
act ivity
which, although needing various improvements ,can contri-
bute on several aspects to the real economic development
of Third World countries.
S 0 PI M A 1 R E
INTRODUCTION : L’alternative Pêche artisanale / Pêche industrielle
PREMIERE PARTIE : Caractère évolutif de la Pêche artisanale :
Dynamisme interne et impacts socio-économiques.
DEUXIEME. PARTIE : Contraintes et limites de la Pêche artisanale:
possibilités d’amélioration,
CONCLUSION : quel avenir pour la Pêche artisanale ?
1 N T R 0 D II C T 1 0 N
L’hLTERNATIVE PECHE ARTISANALE / PECHE INDUSTRIELLE
Dan.s l’ensemble des pays du Tiers Monde, qu’ils soient d’Afrique,
d’Asie, des Caraïbes ou du Pacifique F la conjoncture socio-économique nré-
sente actuellement deux constantes :
- le problème du i: @?LS idPVC Zcpp!w?t. , avec ses diverses conséquences dont
une dépendance inévitable vis à vis de l’aide étrangère.
.- le problème de la malnutrition, voire de la famine, conséquence du sous
développement et plus ou moins crucial selon les régions.
Dans ce contexte, et pour les pays côtiers qui bénéficient géneralement
d’eaux très poissonneuses, la pêche apparaît tout naturellement et à double
titre comme un secteur clé en ce qu él le peut $ dans le cadre d’un aménagement
rai: ionnel des ressources halieutiques y participer très efficacement a la so-
lution de ces deux obstacles majeurs que sont le déficit alimentaire et le
sous-développement.
On s’accorde @néralement sur ce point 5 et sur 1 ‘idée que 1 ‘aménagement
et le developpement des pêches ne doivent pas être considérés seulement du
poi.nt de vue biologique, mais qu’il faut également tenir compte de tous
leurs aspects sociaux et économiques (CARROZ, 1984) p
Un débat persiste néanmoins quant à 1 ‘opportunité de donner la priorité
de développement soit à la Pêche industrielle (PI) soit à la Pêche artisanale
(PA) .

Il faut également se garder d’une trop grande généralisation, chaque
pays ou région ayant comme nous l’avons déjà signalé des conditions géo-
politiques qui lui sont propres.
Aussi préférons nous , pour conclure hors du débat usuel, consi-dérer
PiSche industrielle et Pêche artisanale non pas comme deux entités rivales
et: insuscept ibles de complémentarité, mais au contraire comme deux volets
diff6rents < souvent même concurrents 9 mais ayant une finalité identique
et: pouvant,dans le cadre d’une gestion rationnelle des ressources hal.i.eu-
tiques, concourir de concert à la double recherche de l’autosuffisance
alimentaire et du développement économique.
L’un comme l’autre, ces deux secteurs nécessitent de nombreuses amélio-
rations pour accroître leur rentabilité: mais cette recherche de croissance
quelle que soit l’option choisie, ne doit pas faire oublier l’impératif
plus grand encore d’une exploitation rationnelle, dans la limite des res-
sources disponibles, et en harmonie avec l’ensemble des objectifs du dé-
veloppement , qu’ils soient économiques, sociaux, culturels y ou autres.
PREMIERE PARTIE
CARACTERE EVOLUTIF DE LA PECHE ARTISANALE / DYNAMISME INTERNE
ET IMPACTS SOCIO-ECONOMIQUES
On a souvent reproché à la Pêche artisanale son caractère archaïque,
la faiblesse de ses moyens techni.ques, son aspect “traditionnel et de petite
échelle”‘, pri ncipalement orienté vers la satisfaction des marchés intérieurs,
et son inadaptation aux rythmes actuels de la croissance économique, carac-
ttlrisée essentiel lement par une course à la production e.t à la consommation.
Et si l’on reconnait volontiers aujourd’hui la réalité de son impact
social, dont les manifestations sont souvent évidentes, on considère rare-
ment à sa juste valeur l’importance et la variété des effets induits de la
Pêche artisanale, pourtant non négligeables à de nombreux égards (aliaen,-
tafion, emploi, commerce, création de richesse (valeur ajoutée), domaine
socio-culturel, etc.. ,.) .
Un tel jugement, probablement tro? hâtif, ne permet ?as de mettre en
évidence des qualités essentielles de ce secteur, telles que son dynamisme
interne, sa grande capacité d’adaptation aux mutations technologiques au
cours de l’histoire, ou la multip1içit.é de ses effets socio-économiques
directs ou indirects, laquelle permet d’envisager une participation crois-
sante de ce secteur au développement socio-économique de régions le .plus
soiwent désavantagées p dans la mesure de la disponibilité des ressources
exploitées et face aux difficultés actuelles de la Pêche industrielle.
l .
9 Y N A ?" 1 S Y E
INTEYNE
DE LA
P E C H E
A R T I S A N A L E :
GRANDE CAPACITE D’ADAPTATION AUX MUTATIONS TECHNOLOGIQUES
Diverses étapes de son évolution hist.orique jusqu’à son stade de déve-
loppement actuel permettent d’illustrer le dynamisme interne de la Pêche
art: isanale.

Notre propos ne consistera pas à trancher catégoriquement une telle
question, le choix de l’une ou l’autre option étant généralement lié à la
spécificité de cha.que cas d’espèce, et à la manifestation d’une volonté
politique.
NOUS tenterons simplement de susciter la réflexion sur ce sujet et
de montrer que dans le contexte général actuel des pays en développement,
il peut paraître opportun de reconsidérer la conception de ces deux modes
de pêche en fonction de l’évolution conjoncturelle.
Les années 1970 ont vu en effet s’opérer un bouleversement dans l’é-
qui libre traditionnel des pêches maritimes, suite à une relative et régu-,
lière stagnation des captures réalisées par la Pêche industrielle, B
l’extension à 200 mil’les des zones de juridiction nationale et à la forte
augmentation des coûts du carburant.
Suite à ces modifications fondamentales, la Pêche industrielle est de-
venue “plus chère”, requérant des investissements toujours plus grands pour
ten.ter d’accroître sa rentabilité, et par là de plus en plus inacessible
pour des économies en développement.
Au contraire, la Pêche artisanale, plus accessible parce que plus
modeste,
se révèle souvent en mesure de contribuer largement, parfois meme
exclusivement aux exigences immédiates que sont l’alimentation et 1 ‘emploi,
sans pour autant requérir d’énormes investissements, qui sont une source
de dépendance vis à vis des éventuels bailleurs de fonds.
E1l.e peut par conséquent représenter une option tentante pour certains
Pays détenteurs de ressources, mais il convient alors de mettre en SumiZre
aussi bien les avantages qu’elle peut comporter, que les contraintes, voire
même les limites, auxquelles elle est necessairement soumise.
- Pour les uns, le développement de la Pêche industrielle doit être
prioritaire pour de mult.iples raisons d’ordre essentiellement économique,
justifiées par la recherche d’un profit toujours plus grand, plus concentré
et plus immédiat, selon une logique d’entreprise.
En outre, la Pêche industrielle a été souvent considérée comme une op-
tion d’avenir, en tant que “source notentielle de devises par ses exporta-
t ions, de forte valeur ajoutée par le traitement industriel, et devant
participer à la réduction du déficit de la balance commerciale des Etats
qui 1 ‘exploitent” (WEBER, FONTANA, 1983) .
Dans cette hypothèse, comme le remarquent VEBER et FCINTANA (1983), la
croyance dominante fait de la Pêche artisanale l’enfant pauvre du secteur
pêche, dont les traits essentiels sont alors réduitsà un ensemble de techniques
traditionnelles et archaïques, à une ‘“productivité limitée et dénassée” Dar
rapport aux exigences actuelles de la croissance économique et de 1 ‘autosuf fi-
sance al.imentaire.
Face à cette conception quelque oeu figée de la Pêche artisanal-e,
d’autres au contraire lui attribuent le rôle principal ; car el1.e domine
encore l’ensemble du secteur pêche dans la plunart des pays en développement,
tant par sa productivité que par ses nombreux impacts socio-économiques,
voire même sa simple viabilité économique.
Nous tenterons en premier lieu de mettre en lumière le caractère Svolu-
ti:f de ce type de pêche, et d’en préciser les principales caractéristiques,
à savoir sa dynamique interne et sa grande utilité socio-économique dans
le contexte précis des pays en dévelonpement,
Puis nous essaierons de dégager quelques contradictions ou faiblesses
mettant en évidence l’imperfection de ce secteur et les possibilités d’amé-
lioration qui en découlent.
11 faut en effet se garder d’une trop grande radicalisation, d’un
enthousi.asme immodéré qui s’ils sont parfois bénéfiques et encourageants,
occultent bien souvent la réalité au point d’en masquer des éléments essen-
tiels, voire des faiblesses importantes.

1,) 1. SCHEMA SUCCINCT D’EVOLUTION HISTORIQUE
Rien avant la cclonisation,
la Pêche artisanale existait sur la nlupart
des pays côtiers ou insulaires ; mais elle était pratiquée alors par des
populations côtières en tant qu’activité de subsistance, ou de troc (contre
des céréales) au même titre que la cueillette par les copulations de Z’inté-
rieur, et souvent couplée à des travaux agricoles saisonniers.
Selon les conditions locales de déveloopement, cette nêche était: pra,ti-
quée soit B pied depuis les pla-es ou les rives des fleuves,
soit 5 l ’ a i d e
de pirque.:t rudimon-t,airs.s
, simples troncs d’arbres creusés à l’intérieur
et. propuls6s à la perche ou à 1-a ptzgcxiew
La taille de ces embarcations était variable, mais quelle que Kit leur
longueur , ces dernières ne s’aventuraient qu’exceptionnellement au-delà de
quelques milles de la côte, en raison de leur mode de propulsion.
Fuis les contacts avec la navip,ation européenne, par l’esclavage, le
commerce ou 1.a colonisation, ont été à l’origine de diverses mutations
techniques telles que l’usage de la :*O?~S@ (encore que celui-ci ait .parfois
été antérieur à la colonisation) ou le renforcement des pirogues par des
%~(Iés” en planche, qui ont considérabl.ement accru l’autonomie des embar-
ca.tions (CHAUVEAU, 1981).
Ces premières améliorations ont elles-mêmes engendré d’autres effets
bénéfiques, telle l’augmentation de la production, qui fut à l’origine du
développement d’un commerce intérieur du poisson, avec le double avantage
de 1”‘alimentation en protéines de populations éloignées et 1.a création de
circuits d’échanges commerciaux avec tous leurs effets connexes.
Troisième effet induit, le développement de la production entraîna
l’accroissement des activités de transformation du poisson, telles que
séchage, fumage, et plus tard salage, lesquelles facilitèrent le transport
vers l’intérieur et contribuèrent à rcduire le “goulot d’Gtranglement” dû
à la brusque augmentation de production.
Dès lors f d ' ACT,r UT!? D~~MEST.l~~~liE X SUWISTAPJCE, LA .WC?iE !X'L'17;'iVrl' Yi!&
(yj#jy~; _r p;M,g,'/ YNr: A C'ï'.Vl-TE LJCRATII?,', A CARACTERE: COMMERCIAL!.
Ce processus sera accéléré par la colonisation, grâce à la mise en
place de réseaux routiers et ferroviaires facilitant grandement l’appro-
visionnement de marchés éloignés des côtes,
et grâce à l’augmentation de
la demande potentielle par le “marché colonial”. Là encore, surgit un
autre effet induit de la Pêche artisanale, par la création progressive des
activités de mareyage avec toutes ses retombées sociales et économiques,
dont le développement d’infrastructures d’accueil et de commercialisation
(stockage, distribution.. *. .) ) et la multiplication des emplois d’intermé-
diaires (revendeurs).
1.2. STADE ACTUEL DE DEVELOPPEMENT
Les dernières décennies ont vu, avec la multiplication des pro-
grammes de coopération Nord-Sud, l’accès à une autre étape capitale dans
le développement de la Pêche artisanale : celle de la motorisahh. des
pirogues, couplée
ou suivie de l’introduction de nouveaux engins de pêche
plus performants, comme la senne tournante, et de nouvelles teckniqws,
cotnme les pirogues glacières, permettant une pêche plus lointaine
et plus
rentable, ou les sondeurs acoustiques, (encore en phase de vulgarisatîun
mais déjà très appréciés par les pêcheurs) qui permettent de grandes
économies d’énergie en écourtant la phase de rec.herche des fonds de peche.

Ici, l’exemple sénégalais illustre clairement la faculté d’integration
des technologies étrangères par la pêche artisanale ; car si la senne
tournante,
technologie importée par la FAO en 1973, requiert l’usage de
pirogues beaucoup plus grandes que les pirogues usuelles de pêche à la li-
iiw, ce n’est
cependant pas cette technique qui fut à l’origine de la
construction de très grandes pirogues au Sénégal : celles-ci existaient
déjà depuis fort longtemps (17/18”S) et étaient utilisées comme moyens de
transport et de communication fluviale, avant d’être destinées à la pkhe
grâce à la diffusion des sennes tournantes (CHAUVEAU, 1981) E
On voit donc que la technologie étrangère n’a pas toujours été apportée
sur un “terrain vierge”, et qu’elle a au contraire été souvent intégrée
par un ensemble de techniques déjà existantes.
Au plan social, une transformation très importante s’est également
opérée, par le développement progressif dans certaines régions de 1 “e.~~;?ic?i
fici trm;rillaAr?s temporaires soit à bord des pirogues pour la pêche propre-
ment dite, soit sur la plage pour la pêche collective (senne de plage) ou
pour les opérations de manutention (tri, transport et chargement. du pois-
son débarqué).
Cet usage aboutit à une transformation de la cellule sociale de produc-
tion, qui passe d’un mode de production familiale ou domestique à un .mode
d’exploitation collective, voire en chaîne (avec les intermédiaires pré-
c i t é s ) .
Mai.s si l’apport de nouvelles technologies a contribué à cette révol.u-
tion sociale,d’autres facteurs, internes aux régions considérées, y ont
également participé : c’est ainsi qu’en Afrique de l’Ouest, la sécheresse
a fortement accentué l’exode rural , provoquant un afflux de population sur
les zones côtières cherchant tout naturellement à s’intégrer aux activités
de pêche dans un but de subsistance.
On peut voir là encore l’imbrication parfois complexe entre les effets
respectifs de la technol.ogie importée et de l’évolution interne liée .aux
r é a l i t é s l o c a l e s .
Ainsi , à toutes ses différentes étapes d’évolution, et à un rythme
variable selon les pays ou les régions considérés, la Pêche artisanale a
su par une indubitable capacité d’adaptation, intégrer progressivement les
nowelles techni.ques ou les nouveaux engins, sans bouleversements brut *aux
et le plus souvent à son avantage.
Le rythme et l’importance de son Evolution varient en fonction de nom-
breux facteurs (état des ressources, importance et niveau de connaissances
de la population de pkheurs , politiques d’assistance ou de non assistance
d e l’Etat, importance et qualité de l’aide étrangère, etc.. . .) I)
Mais quel que soit son stade actuel de développement dans un pays donné,
il ne fait aucun doute que 1 a Pêche artisanale évolue à la fois par un dyna-
misme interne, spontané, et par une adaptation plus ou moins rapide aux
apports t ethnologiques extérieurs ; ce qui lui permet une intégration crois-
sante à l’ensemble d’un système économique et social, tout en bénéfi.ciant
de l’aide et de l’expérience ,globalement
apportées dans le cadre des pro-
grammes de développement.
Suite à cette &olution,
on. peut se demander quels sont les effets
socio-économiques de la Pêche artisanale.

3
-
.
I M P A C T S
SOCIO-
E C O N O M I Q U E S
DE LA
P E C H E
A R T I S A N A L E
A première vue, il peut sembler aléatoire et présomptueux de générali-
ser sur cette question, en raison des spécificités géographiques , économi-
ques et politiques propres à chaque région.
Toutefois une analyse globale permet de dégager, au moins en ce qui
concerne l’Afrique de l’ouest, quelques caractéristiques constantes de La
Pkhe artisanale -ui a multiplié ses effets directs ou indirects sur le
système socio-économique en passant du stade domestique (activité d’u.n
petit groupe, à caractère presque autarcique) au stads commercial ( m i s e
en jeu de rapports sociaux et économiques beaucoup plus étendus sur un
groupe social nettement moins homoz+ne ).
Dans la plupart des cas, et ceci même pour quelques pays déjà déten-
teurs d’une flotte de Pêche industrielle, la Pêche artisanale se révèle
plus “ s o c i a l e ” au premier sens du terme, car elle crée un nombre d’emplois
beaucoup plus important (à la tonne débarquée) que ne le fait la Pêche
industrielle.
Elle se révèle moins onéreuse, car les investissements de base (embar-
cat ion, matériel de pêche) sont net tement inférieurs à ceux requis par la
Pêche industrielle ou même semi-industrielle.
Elle se révèle souvent plus rentable économiquement, soit qu’elle pro-
duise davantage que la Pêche industrielle soit qu’à production égale ses
coûts de fonctionnement soient bien inférieurs à ceux de la Pêche indus-
triel’le. Car elle ne requiert pas impérativement une techni,cité européenne,
laquelle grève lourdement les coûts d’exploitation, alors que la Pêche
industrielle exige un tel transfert .dans la plupart des cas.
Différents exemples permettent de mettre en évidence la multiplicité
et la variété des effets socio-économiques de la Pêche artisanale :
- 1 ‘exemple sénégalais’ bien qu’assez exceptionnel en raison de l’im-
portance de ses ressources et de sa pêcherie
artisanale particulièrement
développée,
illustre clairement ces divers aspects socio-économiques de
la Pêche piroquière : celle-ci produit en effet près de 70 % de l’ensemble
des captures de la Pêche maritime ; elle emploie près de 30 000 marins
contre environ 3 000 en Pêche industrielle et fait vivre directement ou
indirectement près du dixième de la population sénégalaise ; elle ne re-
jette que 5 X de ses captures contre au moins 50 X en pêche industrielle,
et opère une sélection bien plus importante que la pêche industrielle en
ce qui concerne le type et la taille de ses captures, réagissant avec
beaucoup plus de souplesse et de promptitude aux variations de l’environ-
nement écologique et économique. (:J1.:BI:I~, Fc)~IAIJA, 1983) .
Pour le prix d’un cordier (unité dite “semi-industrielle” ou “arti-
sanale améliorée’ d’une douzaine de mètres de long, d’un coût d’environ
3 millions CFA vers 1960 et 30 millions CFA vers 1980) il aurait été pos-
sible d’acheter près de 85 pirogues artisanales (pratiquant Le meme métier,
dans la même frange littorale), d’employer quelques 340 pêcheurs au lieu
de 12, et de capturer près de 1 800 t/an de poisson au lieu de 90 t . (KERE,
1982) .
De même, l’investissement nécessaire à l’achat d’un sardinier emplo-
yant 12 personnes aurait permis d’équiper 50 unités artisanales à la serine
tournant e , employant 1 500 personnes et produisant 30 fois plus de poisson
(WEBER, 1983) : ces chiffres parlent d’eux mêmes.

ii
D’autre part, la Pêche artisanale crée nombre d’emplois induits, dans
le domaine de-la transformation traditionnelle, dans toutes les étapes de
la distribution du produit depuis les “dockers”( 1)) sur les lieux de d6bar-
quement, jusqu’aux mareyeurs et à la foule de petits revendeurs répartis
à travers le pays. Elle permet également d’alimenter, souvent même pour
une part importante, les marchés intérieurs ou les industries modernes de
transformation et par là les exportations (régionales et intercontinen-
t a l e s ) .
Elle fait travailler diverses industries connexes, comme les fabri-
ques de glace et autres activités de conservation.
- Ile même, l’exemple voisin de la Gambie nous enseigne que la Pêche
artisanale est encore le secteur pêche le plus important, malgré une évi-
dente volonté politique de développer la Pêche industrielle, et qu’elle
joue un rôle considérable dans l’emploi, les échanges commerciaux et
l’alimentation en protéines animales.
- Il en va de même au Cap-Vert, oii la Pêche artisanale assure près
de 90 X de l’ensemble des captures, et où le plan 1982/85 prévoit une
“consolidation et une intégration des programmes d’assistance à la Pêche
artisanale, dans le double but d’améliorer la situation alimentaire, et
de stabiliser puis augmenter le niveau de vie des pêcheurs”.
Ainsi peut-on dire dans certains cas “qu’à l’intérieur des frontières
techniques qui. limitent son extension (sécurité, autonomie des embarcations,
puissance installée, conditions de conservation à bord) , la Pêche arti.sa-
nale se révèle plus eff iciente, à la fois au plan économique et au plan
s o c i a l , que la Pêche industrielle ou semi-industrielle”.
Car elle concilie faiblesse de l’investissement, taux de profit rela-
tivement élevé, utilisation importante de main d’oeuvre et taux élevé de
valeur ajoutée (WEBER, FONTANA, 1983).
Il convient cependant de nuancer cette assertion en fonction des cas
d’espèces,
et surtout de rappeler que si la Pêche artisanale, évolutive et
dynamique,
est appelée dans de nombreux cas et pour longtemps encore à
jouer un rôle de plus en plus important dans les économies en développement,
elle présente néanmoins diverses faiblesses ou carences qui constituent sou-
vent encore un frein à son réel développement.
Le fondement de ces faiblesses permet parfois d’entrevoir diverses
améliorations, mais il existe également au-delà des choix politiques <des
limites de fait, imposées par la nature même de cette activité.
DEUXIEME PARTIE
CONTRAINTES ET LIMITES DE LA PECHE ARTISANALE
Si la question de l’importance future de la Pêche artisanale s’acco-
mode aisément d’une prise en compte des divers facteurs favorables à son
( 1) “Dockers” : appellation parfois donnée aux porteurs de poisson
qui transportent les captures depuis la plage jusqu’aux véhicules des ma-
re:yeurs.

développement,
elle implique également une constatation aussi objective
que possible des contingences, faiblesses ou limites qui peuvent entraver
son évolution, ainsi que la recherche d’éventuelles possibilités d’amé-
lioration.
1 .
L E S
F R E I N S A U
D E V E L O P P E M E N T
DE LA
P E C H E
A R T I S A N A L E
Quel que soit le champ d’étude considéré, c e r t a i n e s d i f f i c u l t é s r e l a -
tivement constantes semblent concourir à limiter le développement de la
Pêche artisanale.
1.1. ACCESSIBILITE DES RESSOURCES ET AUTONOMIE DES EMBARCATIONS
La Pêche artisanale, de par sa conception, n’est en mesure d’exploiter
que les ressources situées à une profondeur limitée : malgré une évolution
continue et une croissance régulière des profondeurs exploitées par la
Pêche artisanale (de 20 à 30 m environ vers 1950 à 200 ou 300 m aujourd’hui
dans certains pays) la conception même de ce type de pêche limite son déve-
loppement 2 une profondeur moyenne de 300 m au delà de laquelle les moyens
mis en oeuvre ne relèvent plus de la pêche dite artisanale, tant par leur
technicité que par les coûts qu’ils impliquent.
Ceci dit, c’est précisément dans cet ordre de profondeur de 0 à 300 m,
qu’évoluent la plupart des espèces recherchées ; la conception artisanale
C!C?
ces
embarcations,
même motorisées et améliorées, ainsi que
la legislation sur la sécurité et les engins de pêche utilisés, même les
pI.us performants , sont autant de facteurs “non indéfiniment extens ibl.es” ~
imposant une limite “de facto” à un développement que l’on pourrait c.roire
sans limite, si l’en ne tenait pas compte de telles réalitës.
Sans doute pourra-t-on objecter que dans la plupart des cas l’essentiel
de:; ressources se :Situe précisément dans la frange côtière exploitée par la
pêche a r t i s a n a l e , %ais c e l a n e c h a n g e Tdk?nEnt le CaraCtèrci néCeSSairement
lirqité du v«lume &s captures possibles de la Pêche artisanale, Compte tenu
de ses moyens.
Tout au plus peut-on souhaiter, si l’état des stocks ne révèle pas un
niveau de sur-exploitation, parvenir à accroître l’efficacité de la peche,
par amélioration des techniques et engins utilisés, voire de l’autonomie
des pirogues (conservation par cale à glace, moteur Diesel
, treuils de
relevage des lignes, pirogues renforcées.. . ). Mais il faut être conscient
malgré tout qu’existe de toute fac;on un seuil infranchissable dans le ca-
dre d’une exploitation de type artisanal , sans compter la limitation. par
Co#ntraintes économiques comme les coûts du carburant et des engins de
p$che, qui s’applique également à l’un ou l’autre mode de pêche : c’est le
problème de la limite obligatoire de durée des sorties et des dures condi-
tions de travail 5 bord : inconfort, manque de sommeil, humidité etc...,.
1.2 e PROBLEME DE LA CONSERVATION DES PRISES A BORD
Là encore, l’embarcation artisanale, même améliorée (ex. des caissons
F A O à l ’ e s s a i , et des pirogues glacières) ne permettra probablement pas à
court ou moyen terme, de mettre sur le marché des produits glacés d’aussi

1 0
bonne qualité que ceux qui sont conditionnés par des unités plus impor-
tantes de Pêche industrielle (congélation, conditionnement à bord, etc. (I .) .
Et si 1 ‘on parvient à surmonter certains de ces obstacles par
diverses améliorations des embarcations, il est probable que le coût des
unités subira alors une telle augmentation qu’il deviendra inaccessible aux
petits pêcheurs dans le contexte socio-économique actuel.
D’autre part, si l’emploi de glace permet une augmentation de la durée
des sorties et donc dqatteindre des lieux de pêche plus éloignés, la préca-
rité des conditions de vie à bord apparaît alors comme une nouvelle con-
trainte difficile à contourner.
1.3. PROBLEME DE L’EXIGENCE DE QUALITE PAR LES MARCHES EXTERIEURS
Les marchés extérieurs, notamment européens ou américains, ont souvent
des exigences très strictes quant à la salubrité, la présentation et ‘la qua-
lité des produits qu’ils importent.
La Pêche artisanale se trouve parfois privée du débouché de ces marchés
pour la simple raison qu’elle ne dispose pas de moyens techniques et financiers
suffisants pour répondre aux critères exigés sur la qualité des produits, sauf
dans l’hypothèse oi2 eLle vend sa production aux usines de la place qui se
chargent de la commercialisation vers l’étranger.
1.4. DIFFICULTES LIEES A LA COWERCIALISATION, DONT LES FILIERES ECHAl?PENT
LE PLUS SOUVENT AU PECHEUR ARTISAN
Parallèlement à l’existence de facteurs limitants au niveau des res-
sources, des embarcations ou des techniques de pêche, un autre facteur im-
portant vient renforcer cette limitation de fait au développement de la
Pêche piroguière.
‘Il s’agit de la difficulté éventuelle d’écoulement de la production,
due au manque de structures de commercialisation (absence de réseaux routiers
ou ferroviaires , peu ou pas de chaînes de froid,
absence de marchés potentiels
etc.. . ) et au manque d’accès au crédit dans de nombreux cas de figure.
Cette difficulté d’écoulement a souvent pour conséquence qw toute aug-
mentation de production entraîne un abaissement des prix de venteou un
accroissement des pertes par rejet sur les plages (dans l’hypothèse ou cette
production supplémentaire n’est pas absorbée par la transformation artisanale
ce qui dans les deux cas a des effets néfastes sur le niveau de vie du produc-
teur. Par ailleurs, le bénéfice potentiel tiré d’une commercialisation directe
de ses captures échappe le plus souvent au pêcheur artisan, pour deux raisons:
.- la pêche occupe la plus grande partie de son temps et de son éner!gie.
.- bien qu’ayant une maîtrise empirique de la gestion domestique de son unité
de pêche, le pêcheur est bien souvent illettré, et handicapé de ce fait pour
maiitriser intégralement l-es aspects commerciaux de son activité.
Parfois même, cas extrême, ce dernier est en état de dépendance parce
qu’il n’est pas propriétaire de ses moyens de production (pirogues, moteurs,
engins)
: cf. par exemple les “mamma Benz” du Bénin ou du Togo, femmes d’af-
faires qui font (entre. autres) travailler
nombre de pêcheurs pour leur
com@e personnel en leur finançant 1 ‘achat des moyens de production.

En ce qui concerne le Sénép;al, les propriétaires de sennes tournantes
(pêcheurs,
mareyeurs ou simplcshommes d’affaires désireux d’investir dans
une activité économique réputée rentable) font par contre la preuve tle
connaissances approfondies en matière de gestion, et les difficultés se
situent à un autre niveau.
- Au ~-,Zfxn te.zhniqzce, nombreux sont les obstacles à un développement
harmonieux des différentes activités liées à la pêche :
a) Sur les plages, absence d’aires de conditionnement des produits de la
pi3che (débarquement à. même le sable, pas d’aires de nettoyage, pas d’aires
de glaçage etc.. . .)
Aux abords immédiats des plages, absence d ’ aires de stationnement nour
les véhicules des mareyeurs, et souvent même absence de voies d’accès
tracées (ex. Site de Lompoul, sur la Grande Côte). De manière générale,
salubrité insuffisante, voire inexistante : manque d’eau, d’ép,oûts, rejets
et stagnation sur place de déchets ménagers et autres,etc.,
b) Moyens de transport déficients (camions ou camionnettes vétustes,non
isothermes,entra?nant
des coûts de glaçage exhorbitants , souvent en panne)
par manque d’entretien et surtout manque de moyens financiers faute d ‘actes
au crédit bancaire{ 1).
c> Sur les lieux de vente (marchés) y absence de stockage sous froid,
hygiène déplorable : pas d’eau courante, évacuation en plein air des eaux
usées, absence d’aires de présentation (étals) du poisson en “dur”, et
vente à même le sol, parmi les mouches, les détritus et les crachats des
passants (ex. marché de la Gueule Tapée à Dakar, un des plus importants
de la région du Cap-Vert (CORMIER, 1981).
- Au p Icm &cc:nourique,, on observe d’importantes variations des prix au
débarquement d’un jour à l’autre, et même à l’intérieur d‘une même journée
(P rix
v a r i a n t dc u n à c i n q
1 : ce qui entraîne une instabi-
lité constante des revenus des pêcheurs.
On observe également une augmentation importante des prix entre la
plage et le marché, pour différentes raisons difficiles à maîtriser,
Les écarts importants ne trouvent cependant pas leur origine uniquement
dans un accroissement inconsidéré des bénéfices des intermédiaires.
Comme le pêcheur, ces derniers sont soumis au caractère périssable du
poisson, et doivent en outre assumer seuls des coûts élevés et des risques
de commercialisation en raison de l’inadéquation entre les débarquements
et les moyens dont ils disposent pour la commercialisation : camions vétus-
tes et inadaptés, tombant souvent en panne au risque d’occasionner la nerte
totale du chargement, manque de stockage sous froid sur les aires des mar-
thés, coût de la glace parfois suoérieur au coût du poisson transport6 au
kilo (ex. petits pélagiques à faible valeur commerciale) (cf. infra)
(f2dAB0131, 1982).
De plus il faut souligner que dans l’ensemble des pays du Tiers Monde,
et particulièrement au Sénégal, la tradition et la grande complexité des
ra?ports interpersonnels dans les milieux proches de la pêche artisanal.e
entralnent généralement une fixation de gré à gré des prix sur la plage,
ou en fonction de rapports affectifs entre le pêcheur et les acquéreurs
(f ami Ile) amis, mareyeurs ou autres), au lieu de suivre la loi de la criée
et le jeu de 1 ‘of fie et de la demande. Ce qui avantage indifféremment l’une
ou l’autre des parties, subtilement liées par un faisceau relationne 1 d ‘in-
terdépendance et d’assistance mutuelle.
I -
- - - - -
----.---_
Il) Certaines relations personnelles permettent parfois un actes au
cridit % mais ceci reste 1 ‘exception et ne nermet qu’un crédit limitg,

‘1 1
L’exemple séné$+lais des difficultés du projet CAPAS(Centre d’Assis-
tance 2 la Pêche artisanale), qui devait à terme permettre au pêcheur ar-
t isan de “se libérer de l’emprise des intermédiaires”, montre qu’au con-
traire les relations économiques et sociales entre producteurs et commer-
çants ne sont pas conflictuelles et sont composées d’un échange de presta-
tions réciproques (crédit informel, dons divers, alliances matrimoniales
ou autres) et ponctuelles ; ce qui explique la difficulté du projet 2 se
substituer au système commercial usuel, ce dernier faisant preuve de la
pILus grande souplesse par le biais d’ajustements permanents des prestations
échangées (CHABOUD, Comm. pers .) .
Le projet, au terme de trois années d’activité, n’écoule’ pas même I!! % des
d&arquement s de la Pêche artisanale, alors qu’il devait en absorber la
majeure partie en théorie. Ces résultats montrent les limites de cette
approche, qui devait tendre à substituer au système traditionnel de com-
mercialisation un système coopératif inspiré de l’exemple des coopératives
agricoles européennes de l’après guerre, et permettre au pêcheur de béné-
fi.cier de prix du poisson plus élevés et réguliers, et au consommateur
d’obtenir des produits de meilleure qualité, et à prix plus abordables,
Toujours au Sénégal, un autre foyer de difficultés réside dans les
problèmes rencontrés par les intermédiaires pour améliorer la qua1it.é du
poisson :
- absence de crcdit pour l’acquisition de matériel neuf (camions iso-
thermes).
- absence de crédit pour la constitution de fonds de roulement nécessai-
res pour des besoins <de trésorerie à court terme (par ex. achat d’un excès
de production en vue (d’un stockage ou d’un traitement industriel).
- difficulté d’approvisionnement en glace : le prix officiel (2 1S F CFA/
kp: au Sénégal) peut tripler voire quintupler en période de pénurie ; or cette
demiere tend à devenir chronique en raison de la gestion déficiente de
certaines unités de production : ex. de SOFRINORD, à Saint-Louis, usine à
glace très moderne, construite dans le cadre d’accords de coopération avec
un pays européen : après avoir fonctionné entre 1981 et 1983, l’usine est
fermée et quasiment abandonnée ) pour cause de factures impayées.
11 convient également de souligner dans l’exemple sénégalais le manque
c.hronique d’incitation de la part des ,$rants des unités de chaînes de
froid pour encourager les mareyeurs à utiliser les capacités de stocka;<e
existantes mais inemployées. Ainsi à Kayar, ont été installées vers 1970
des salles de stockage sous froid, dans les locaux de l’ancienne usine
COMAPECHE. Celles-ci n’ont jamais été utilisées, mais en 1981 on construi-
sait à 300 mètres de ces locaux de nouvelles chambres froides pour la mise
en oeuvre du projet CAPAS.
Force est donc de faire un constat sur l’incommunication entre deux
mondes qui ne coopèrent pas,bien qu’évoluant dans un même secteur d’activi-
t é : d’une part les mareyeurs , qui manipulent de grandes quantités de pois-
son, souvent de qualit:é douteuse, et de l’autre des institutions gérant
ou confiant en gérance privée des frigos ultra modernes, mais le plus sou,-
vent vides et déserts.
1.5. PROBLEME DE L’ABSENCE D’UNE TRADITION DE PECHE ARTISANALE
Certains pays, bi.en que détenteurs d’un certain potentiel de ressour-,
ces,n’ont par tradition aucune vocation particulière à la pêche, leurs
populations se livrant plus volontiers à l’agriculture ou au commerce (ex.
du ConSo, de la Côte d’ivoire, du Gabon).

D’autres, bien que riches en ressources halieutiques, ont une popula-
tion trop réduite en aombre, et/ou peu intéressée par la pêche.
Un exemple type est celui de la Mauritanie, qui jouit d’un potentiel
ccnsidérable de resso.urces maritimes accessibles à la Pêche artisanale,
mais dont 13 population nomade est à la fois très réduite et peu encline
à la pêche en mer, excepté
un petit noyau ethnique (IMRAGIJEN) tradition-
nellement tourné vers cette activité.
Il faut également tenir compte d’autres facteurs, externes à l’actl-
vit.6 de pêche elle-même, tels que habitudes alimentaires (car certains
pays ne sont pas traditionnellement grands consommateurs de produits de la
mer>, infrastructures et débouchés liés à la pêche, etc.. .
11 est évident alors que le développement de la Pêche artisanale ne
peut dépasser certaines limites. Car si l’existence et la connaissance de
la ressource sont deux conditions nécessaires à son développement, il est
clair qu’il faut par ailleurs que soient réunis la force productive, c’est
à-dire le pêcheur, sa science et son matériel, et l’usage effectif de cet-
te force de travail, c’est-à-dire l’activité de pêche elle-même, ainsi
qu’une organisation parallèle des circuits de commercialisation, pour que
13 Pêche artisanale puisse exister et évoluer.
~3 liste de ces contraintes, bien que non exhaustive, montre cependant
assez clairement que l’on ne saurait se contenter de faire une apologie
incondit.ionnel.le de la Pêche artisanale au détriment de la Pêche indus-
trielle, et qu’il faut au contraire s’efforcer dans la mesure du possible
d’apporter toute solution ou voie d’amélioration dans un secteur comme
dans l’autre, en tenant compte des objectifs et des contraintes de chacun.
2
. Q U E L Q U E S
P O S S I B I L I T E S D ’ A M E L I O R A T I O N
DE LA
P E C H E
A R T I S A N A L E
Malgr6 cet ensemble de contraintes irréductibles, par ailleurs égale-
ment subies par la pêche industrielle bien qu’avec quelques nuances, nous
avons vu que dans la conjoncture actuel.le des pays en développement, 13
Pêche artisanale est souvent plus à même que la Pêche industrielle de re-
tirer le maximum d’effets socio-économiques positifs de l’exploitation
des ressources halieutiques.
Cette constation, lorsqu’elle se révèle exacte, ,justifie amplement la
recherche de toutes améliorations susceptibles de permettre un meilleur
développement de la pêche artisanale.
En ce sens, et compte tenu de l’importance des artisans pêcheurs au
plan mondial ( 1) , il est souhaitable d’encourager toutes mesures tendant 2
réduire le coût des opérations de pêche tout en accroissant la production,
quand les ressources
le permettent et quand il est possible d’écouler sans
tarder ce surplus de production par une or-anisation en rapport des r’i-
seaux de commercialisation.
Pour la réduction des coûts, l’expérience a souvent montré qu’une
ams$lioration progressive des embarcations et techniques locales se révele
~1~s efficace que leur remplacement pur et simple par des technologies
étrangères, souvent peu ou moins bien adaptées.
(1) ils sont à l’origine de près de 25 X des captures mondiales et
d’environ 40 7 des disponibilités totales de poisson alimentaire (CARROZ,
1984).

‘1
$
On peut par ailleurs se demander s’il est vraiment indispensable,
ail nom de la seule Aide au développement, de chercher inlassablement 21
modifier les embarcations traditionnelles : l’exemple de la pirogue séné-
galaise, que divers “développeurs” essaient en vain de modifier depuis
une quinzaine d’années sans le moindre succès durable, illustre assez
les difficultés que peut rencontrer une telle démarche :
L’apport d’une technicité importée (et donc coûteuse) implique
divers effets induits défavorables à l’ensemble du secteur : augmentation
des coûts de production par
importation de nroduits finis (résine, plastique,
r.i.bre de verre, etc. ..) en remplacement des produits locaux (bois) et par
l.,: nécessité d’une qualification professionnelle requérant sensibilisation
puis format ion particulière et coût euse. D’où une baisse consécutive du
nombre d’emplois locaux traditionnels (charpentiers) ce qui va à l’encon-
tre de tout processus intégré de développement.
Ainsi a-t-on vu au Sénégal que
la pirogue traditionnelle de type
saint-louisien constitue l’aboutissement technologique remarquable d’une
adaptation progressive des pêcheurs et de leur embarcation aux conditions
~IV mer qui rGcr,nent au Sénégal et à la pratique toujours plus audaci.euse
de leur métier. Il semble dès lors difficile de la remplacer avantaqeuse-
ment. Et de manière générale, tous les projets de modernisation des embar-
cations (pinasses, pirogues en ferrociment, en métal ou en plastique,
doris ou autres types d’embarcations artisanales), à moins qu’ils provien-
nent de leurs utilisateurs eux-mêmes S se sont le plus souvent soldés par
des résultats peu convaincants voire des échecs, liés à leurs contraintes
de financement, de gestion et de maniement. (Adaptation et efficacité),
Par contre, là où la motorisation se révèle délicate, (coûts trop
61 evés ou Fonds coraliens) * l’utilisation de la voile parait en mesure de
contribuer à la réduction des coûts, que son usage soit exclusif ou auxi-
l i a i r e (ex. : Ile Maurice).
IJn aménagement des points de débarquement en vue d’un stockage de
courte durée durant la saison de pêche, permettrait de préserver la quaii-
te des produits en attendant leur revente,
et ne nécessiterait pas systG-
matiquement de gros investissements.
Pour les mareyeurs, et après étude préalable, il serait souhaitable
d’aménager des centres de distribution disoosant de capacités de stockacce
dans divers points éloignés des lieux de débarquements, (régions intérieures).
Une amélioration des voies et conditions de transport (mareyeurs -
transporteurs) ainsi que des lieux de conditionnement depuis les points de
débarquement jusqu’aux points de vente (marchés intérieurs, usines locales),
serait également souhaitable.
La commercialisation serait grandement facilitée par un meilleur accès
au crédit à la fois des pêcheurs eux-mêmes (équipements) et des operateurs
en aval de la commercialisation, c’est-à-dire les transformatrices (femmes)
et les mareyeurs.
Pour la transformation, les techniques actuelles peuvent généralement
être améliorées à peu de frais, notamment grâce à l’utilisation de l’éner-
gie solaire pour le séchage du ooisson. De même il est possible d’améliorer
les techniques de stockage par l’utilisation d’insecticides non toxiques
et la fabrication de claies de séchage plus hygiéniques.
Ce qui aboutirait par ailleurs à une réduction des pertes apres cap-
ture, encore très importantes dans la plupart des cas (ID millions tonnes/
an perdues dans le monde au cours des opérations de transformation
et de
distribution), (CARROZ, 1984).
A ce stade, il est important de souligner la nécessité impérative
d’ilne intégration psycho-sociologique de tout prnj et d ‘amélioration des en-

gins ou des techniques, par une étude préalable et par une préparation des
populations intéressees à recevoir ces améliorations.
Dans l’hypothèse contraire, de la mise en oeuvre d’un projet de déve-
loppement sans une prise en compte sérieuse et préalable des besoins de ses
destinataires,
l’exp&ience a souvent montré qu’une telle entrenrise est
systématiquement vouée à l’échec : exemple du séchoir solaire à poisson de
Guet Ndar 3 Saint--Louis du Sénégal : installé après éviction d’un certain
nombre de claies trad.itionnelles de séchage, ce four s ‘est révélé d’une
capacité trop petite, n’a fonctionné que le jour de son inauguration et
pourrit depuis plusieurs années, ron@ par les embruns et monopolisant une
grande surface qui pourrait être remise à la disposition des transforma-
trices traditionnelles .Exemple ép,alement d’lme vingtaine de pirogues f i.nan-
cees par deux bailleurs de fonds internationaux dans le but de sédent.ariser
des pêcheurs sénéF:alais nomades sur le site de Lompoul
i(:rande C6ce) .
Pour des raisons inconnues, ces niroques ont été fabriquées en Casa-
mance (Sud du pays) selon la technique des pirowes de fleuve, puis ache-
minees vers Lompoul, alors qu’existent à Dakar, Kayar et Joal des charpen-
tiers compEtents et habitués à construire les pirogues locales adaptées à
la mer.
Après divers essais néqatifs (les pirogues ne résistant nas à La. neri
Les pécheurs les ont refusées. Denuis lors, (plusieurs années), ces n irowes sont
abandonnées sur la n L~a~c, inutilisables et vouées à la nourriture.
Gn peut Légitimement se demander ce qui motive de telles erreu-rs dans
Le cadre d’un projet de développement.
Concernant la ressource, il semble prioritaire de renforcer le con-
trôle des i.ncursions de navires industriels dans les zones côtières at,tri-
bu& au secteur artisanal.
Concernant 1’ emploi ) et dans l’hypothèse d’un nombre excessif de pë-
cheurs compte tenu du volume limité des ressources(l), il se pose un pro-
bl.$me de reconversion pour les pêcheurs appelés à quitter leur emnloi.
Dans cet te optique, il convient de rechercher un reclassement socio-
professionnel à ces travailleurs3souvent sans autre qualification que leur
métier de pêcheur e
Celui-ci pourra se faire notamment dans l’artisanat, 1.e
tourisme,
Ja pisciculture ou l’agriculture, particulièrement dans certains
pays d’Asie (riziculture).
Enfin, concernant les conditions socio-culturelles dans lesquelles
vivent actuellement les artisans pêcheurs, il serait souhaitable de les
aider à sortir d’une vie marginale, généralement misérable, dans 1aquell.e
ils ne disposent pas même des infrastructures élémentaires telles que eau,
électricité, dispensaires et écoles, Actuellement leur très faible taux
d’alphabétisation,
leur manque de connaissances élémentaires de gestion et
surtout le manque d ‘accès au crédit, les empêchent de profiter des b6néfices
substanti.els de ce secteur, prélevés par des “fonctionnaires” ou autres
homme:: d’affaire avisés.
Les améliorations possibles sont nombreuses et plus ou moins aisées
selon les régions.
>Iais il faudrait à la base la manifestation d’une volonté politiq\\ie
de développement, sans laquelle toute déclaration d’intention restera
lettre morte.
(1) cas de certains pays d’Asie.

C O N C L U S I O N
IMPORTANCE POTENTIELLE DE LA PECHE ARTISANALE DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT.
Il. convient en nremier lieu de dépasser le débat usuel sur la supé-rio-
rité de l’un ou 1”autre mode de pêche, et de mettre au contraire l’accent
sur la complémentarité évidente et souvent nécessaire entre Pêche artisa-
nale et Pêche industrielle, qui doivent l’une et l’autre concourir à la
lutte contre famine et sous développement.
Nous l’avons dit, le choix de l’une ou l’autre option est lié à la
spécificité de chaque cas d’espèce et à la manifestation d’une volonté
politique.
Toutef0i.s la conjoncture mondiale mettant en évidence depuis les
années 1970 un ral.ent issement de la production industrielle, la Pêche
artisanale paraît une option idéale, notamment pour les pays en dévelop-
pement, qui. disposent de la plus ,grande nartie des ressourc:es, aisément
accessibles à la Pêche artisanale
Les avantages apparaissent clairement, au plan socio-économique : la
Pêche artisanale ne détruit pas 1 ‘écosystème , procure un nombre d’emplois
irrport ant s , s’intègre aisément aux modes de vie des pays en développement,
et utilise beaucoup mloins ;ie moyens financiers que la Pêche industrielle,
peur des résultats souvent meilleurs.
Elle contribue largement à l’alimentation en protéines animales, ainsi
qu’à l’intensification des échanges Sud-Sud en matière commerciale (pro-
duits transformés).
De plus clans de nombreux cas, elle représente même la seule option
possible,
car rares sont les pays en développement qui disposent des moyens
techniques et financiers nécessaires à l’acquisition d’une flotte de pêche
industrielle compétitive.
Son importance potentielle, sinon actuelle, ne faisant aucune doute,
il reste aux autorités responsables à mieux définir les besoins des pêcheurs
art i.sans
afin de déterminer les choix des améliorations à apporter en prio-
r i t é , et surtout à réorienter les financements des programmes de dévelopne-
men.t , qui accordent le plus souvent la priorité au développement de la
Pêche industrielle. C’est une question de choix d’aménagement et de choix
politiques.
B I B L I O G R A P H I E
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