ETUDX D E S C A P T U R E S D E S S E N N E S ...
ETUDX D E S C A P T U R E S D E S S E N N E S
D E P L A G E D A N S L A Z O N E
B E L A I R - B A R G N Y
Louis LE RESTE( 1)
I N T R O D U C T I O N
Depuis février 1982, j’étudieles captures des sennes
de plage entre Bel Air et Bargny (fig. 1).
Cette étude devrait contribuer B la connaissance des
mécanismes d’enrichissement trophique du milieu et des
conséquences des variations du milieu sur les espèces.
Par la même occasion elle permettra de mieux appré-
cier les captures des sennes de plage gui sont estimées
jusqu’à présent d’une façon très grossière.
Le choix de la senne de plage courue engin de prélè-
vement a été motivé par le fait que c’était le seul qui
permettait un échantillonnage des juvéniles(2).
1 .
M E T H O D O L O G I E
1.1. ZONE D’ETUDE
Les sennes de plage, assez nombreuses entre Bel Air et Bargny, sont très
rares au sud de cette localité. Leur densité ne recommence Cr augmenter qu’a
partir de Mbour. Comme il était matériellement difficile d’aller échantillonner
au sud de cette localité j’ai limité mon étude à la zone Bel Air - Bargny.
(1) Biologiste de l’ORSTOM, en fonction au Centre de Recherches océano-
graphiques de Dakar-Tiaroye (ISRA), B.P. 2241, Dakar (Sénégal).
(2) La pêche au lamparo permet également de capturer des juvéniles mais
il a été montré que les résultats de ce type de pêche sont difficilement
interprétables.

228
1 .2. ORIGINE DES DONNEES
1 .2.1. Fiches de nêche
A la suite de contacts avec les pêcheurs sept d’entre eux ont accepté
de remplir, pour eux-mêmes.& pour d’autres pêcheurs qu’ils côtoyaient quo-
tidiennement, des fiches de pêche dont on trouvera un modèle en annexe.
Chaque feuille concerne la pêche d’un patron de senne pendant une se-
maine, du lundi au dimanche.
Les patrons de senne ont en genéral deux filets, l’un à petite maille
(16 mm étirée), l’autre 3 maille plus grosse (28 mm etirée). Selon la taille
du poisson repèréils utilisent l’une ou l’autre senne. Parfois, mais rarement
les deux sont utilisées si,multanGpent, la senne à petite maille venant dou-
bler celle 3 grosse maille au moment oi1 les ailes de cette dernière atteignent
la plage. Aussi, la fiche de renseignements est-elle partagée en deux dans le
sens de la hauteur : la partie supérieure est réservée aux renseignements
concernant la pêche avec la senne 8,petite maille, la partie inférieure étant
réservée B ceux concernant la pêche avec la senne B grosse maille.
Les sept colonnes correspondent aux sept jours de la semaine. Dans chaque
colonne, chaque casier correspond B un coup de senne ; le pêcheur y note le
moment de la journée 03 il a été réalisé : matin, après-midi ou nuit. En
fait il y a rarement plus d’un coup de senne par jour.
Au bas de chaque demi-colonne le pêcheur indique le poids total des cap-
tures pour chaque type de senne, ventilé
en, deux cat6gories : petits: et
gros. Bien qu’apparamment assez vagues et subjectives ces deux catégories
correspondent B des qualités de poissons assez précises,,
- Le petit poisson (principalement anchois, jeunes sardinelles et Bru-
+.&uterms) est le poisson trop petit pour être commercialisé en frais et
qui est soit vendu aux usines pour transformation en farine, soit séché pour
être exporté vers les pays voisins.
- Le gros poisson est commercialisé localement en frais. Les seiches
et les “yeets” (&.&Gn pepo) sont également englobés dans cette catégorie.
Ces fiches sont remplies .depuis février 1982 avec une très grande régula-
rité et, semble-t-il, sérieusement. Elles sont collectées chaque semaine.
Elles concernent environ les trois-quart des pêcheurs travaillant dans la
zone d’étude.
1.2.2. Echantillonnage
Une ou deux fois par semaine j’effectue une visite des plages. Pour
chaque senne observée la répartition des captures par espèces est estimée
pour les “gros”. Pour les “petits” un échantillon est prélevé et ramené au
laboratoire où il est trié, pesé et mesuré.
Initialement j’ai essayba d’obtenir des échantillons pour le maximum
de sites, mais la plupart des sites étant déserts au moment de mon passage,
j’ai préféré concentrer mon effort sur la grande plage située entre Rufisque
et Bargny où deux 3 quatre sennes peuvent être régulièrement échantillonnées.
2 .
R E S U L T A T S
2.1. RESULTATS GLOBAUX
Pour l’ensemble de la zone, et sans considération d’espèces, les résultats
entre février 1982 et janvier 1983, ont été les suivants :

229
CAPTURES
NOMBRE DE
RENDEMENT
(kg)
COUPS
PAR COUP (kg)
Février
7968 1
224
356
Mars
39094
195
200
Avril
225955
280
807
Mai
483144
240
2013
Juin
658190
235
2801
Juillet
470033
401
1172
Août
247987
207
1198
Septembre
5 78450
584
990
Octobre
366292
374
979
Novembre
296264
263
1126
Décembre
140285
362
388
Janvier
384905
425
906
Total
3970280
Les résultats ci-dessus ont été obtenus par extrapolation àpartir des
résultats connus.
Je n’ai pas distingué ici entre sennes à petite et 3 grosse maille.
D’autre part, lorsque les deux sennes ont été utilisées simultanément, cela
a été compté pour un seul coup.
Les résultats présentés ici sont destinés uniquement Zi donner une idée
générale de la pêche B la senne de plage et ne seront pas analysés dans le
cadre de ce travail préliminaire.
2.2. VARIATIONS SAISONNIERES DES RENDEMENTS PAR ZONE ET PAR CATEGORIE
J’ai utilisé comme indice d’abondance la capture par coup de senne.
L’aire d’étude a été divisée en quatre zones qui, d’après certains cri-
tères (pollution urbaine et influence de l’upwelling côtier notamment) étaient
susceptibles de présenter une certaine homogénéité : Bel Air, Hann, Mbao,
Rufisque-Bargny (fig. 1).
Les variations saisonnières de rendement total, en “petits” et en “gros”
sont Présentées respectivement dans les figures 2, 3 et 4. Chaque fois, les
variations sont montrées pour les quatre
zones.
Les captures des “petits” étant très supérieures a celles des “gros”,
les courbes de rendements totaux et en “petits’ sont Zl peu près semblables.
Il suffira donc d’analyser les courbes de rendement en “petits” et en “gros”.
2.2.1. Rendements en “petits”
On constate qu’à Bel Air et à Hann les courbes sont assez semblables.
Elles sont assez semblables également à Mbao et à Rufisque-Bargny. En revanche
les variations sont très différentes à Bel Air-Hann d’une part et à Mbao-
Rufisque-Bargny d’autre part.

230
Dans les deux premiéres zones les rendements les plus importants sont
observés en saison chaude, entre juin et novembre(l),
Dans les deux dernières zones, en revanche, la période de rendements
importants se situe d’avril a juin.
2.2.2. Rendement 8 en “eros”
Les variations présentent une certaine analogie dans les quatre zones :
un léger maximum en février-mars et une période de hauts rendements, beaucoup
plus marquée, en saison chaude, entre juin-juillet et novembre-décembre.
2 .3. VARIATIONS INTERANNUELLES
Les données n’étant actuellement disponibles que pour quinze mois, de
février 1982 B avril 1983, il n’est évidemment pas possible de pousser l’ana-
lyse très loin.
11 est pourtant intéressant de comparer la période fcvrier-avril 1982
durant laquelle les alizés étaient assez forts et l’upwelling côtier fonction-
nait bien, Cr la même période de 1983 alors que les alizés ont été très faibles
ce qui a eu pour conséquence une faible remontée des eaux.
J’ai regroupé pour cette étude les résultats enregistrés dans les deux
zones Mbao et Rufisque-Bargny puisqu’il a Bté vu qu’elles présentaient une
grande analogie.
Les résultats pour les “petits” et pour les “gros” sont présentés dans
la figure 5. Les surfaces délimitées par les courbes pour les périodes février
avril sont en noir.
On constate que pour les “petits” une brutale augmentation des rendements
avait été observée dès avril 1982 alors qu’aucune augmentation notable n’est
encore visible en avril 1983.
Pour les “gros” au contraire, les rendements sont plus importants en
1983 qu’en 1982.
3 .
D I S C U S S I O N
Il est évident que l’importance relative de l’une ou l’autre catégorie
de poisson dans les captures dépend en partie de la maille du filet utilisé.
Cependant, même la plus grande maille permet de capturer en quantités appré-
ciables, lorsqu’ils sont présents, les petits poissons.
On peut donc considérer que les variations de rendement réflètent, sinon
d’une manière absolue, du moins approximativement, les variations d’abondance
des deux catégories de poisson.
Dès lors les variations de rendement dépendent pour une large part de
l’un ou l’autre des phénomènes suivants :
- Variations effectives de la biomasse sur la plateau ;
- Déplacements de :La biomasse dans le sens cike-large, une augmentation
des rendements au niveau des sennes de plage étant alors simplement la consé-
quence d’un rapprochement de la biomasse vers la côte.
(1) Il n’y a plus de résultats à Hann à partir de novembre car les pê-
cheurs ont abandonné la senne de plage pour lill senne tournante ce qui semble
indiquer que les rendements avec la’senne de plage avaient cessé d’ztre int6ressants.

Cependant, quelle que soit la cause de l’augmentation de la biomasse
dans la frange littorale, il est probable qu’elle dénote une augmentation,
au moins relative, de la nourriture disponible dans cette zone (1).
De ce point de vue, si on se réfère aux variations de rendement enregis-
trées pour les “petits” , qui sont planctonophages, la période d’enrichissement
primaire et secondaire se situerait en saison chaude dans la zone Bel Air-
Hann et en saison froide dans la zone Mbao-Rufisque-Bargny.
L’enrichissement trophique serait donc lié essentiellement Z.I des phéno-
mènes de reminéralisation de la matiére organique, plus intenses en saison
chaude et humide (augmentation de l’activité bactérienne, vidange des canaux
collecteurs d’égouts) a Bel Air-Hann alors que dans les autres zones il serait
essentiellement lié aux apports de l’upwelling.
En- qui concerne les “gros” on peut supposer que la faible profondeur dans
la zone côtière ne leur convient pas particulièrement et que, lorsque la nour-
riture est abondante sur l’ensemble du plateau, ils préférent se tenir au
large. Ce ne serait que pendant la saison chaude, lorsque la nourriture est
devenue rare au large , qu’ils se rapprocheraient de la côte 09 les phénomènes
de reminéralisation sont plus importants (pollution urbaine, décomposition
d’importantes quantités de macrophytes).
Ceci permettrait par ailleurs d’expliquer les différences observées entre
1982 et 1983 pour la période février-avril, respectivement pour les “petits”
et pour les “gros”, dans la zone Mbao-Rufisque-Bargny.
Pour les “petits” les rendements plus faibles observés en 1983 seraient
dus 3 une diminution de la biomasse des juvéniles liée à un déficit trophique
consécutif Zi la faiblesse de l’upwelling (alizés faibles).
Pour les “gros”, l’augmentation des rendements en 1983 ne correspondrait
pas B une augmentation de la biomasse mais 2 un scénario que l’on observe
normalement uniquement en saison chaude : du fait de la rareté de la nourritu-
re au large (l’upwelling du bord du plateau ne semble pas avoir fonctionné
cette année) il y aurait eu un déplacement de la biomasse vers la côte
l’upwelling côtier fonctionne plus ou moins.
Quelles sont les espèces qui auraient été les plus sensibles a ce mouve-
ment ? Sur les figures 6, 7 et 8 sont présentées les variations saisonnières
de rendement pour un certain nombre d’espèces. Cinq types de répartition
peuvent être distingués.
a.- Présence en toutes saisons : Mugi2 spp.
b.- Présence seulement en saison chaude : Sard-ineZZa eba, Carm CYYSOS,
v”a2eoides decaducty lus, Pomadhsys jube’lini, Sphyraenu guachando .
c .- Présence normalement en saison chaude seulement mais trouvées également
en saison froide 1983 : Sepia officinaZis, Cymbium pepo, Diplodus spp, Scombe-
romorus tritor.
(1) En effet, si la présence d’une espèce particulière peut être condi-
tionnée par tel ou tel paramètre de l’environnement
les variations de la
biomasse de l’ensemble des espèces sont en revanche’probablement condition-
nées par les disponibilités trophiques du milieu.

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--

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232
d.- Présence seulement en saison froide : Bai!istes earolinensis, Morone
punctata ; peut-être également : Sa.rd&eZZa au.rita( l), Trachinotus ovatus (1)
Fistularia tabacaria ( 1) ., Decapterus rhonchus
e.- Normalement absentes en toutes saisons mais trouvées en saison
froide 1983 , peut-être SaxdineZZa aurita(l), Trachirwtus ovatus(l), Fistuk-
ria tabacaria (1) , Decapterus rhonchus .
Ainsi, les espèces dont la concentration 3 la côte serait anormalement
forte en saison froide 1983 sont SepZa OfficinaZis, C~?r&i~n pepo, Diplodus
spp, Scomberomorus tritor, Decapterus rhonchus et peut-être SardineZZa auriti,
Trachinotus ovatus et F$stularia tabacaria.
C 0 N C L U S 1: 0 N
Ce travail est un rapport provisoire. En premier lieu il faut s’assurer
de la fiabilité des données fournies par les pêcheurs. Le parallélisme des
variations entre Bel Air et Hann d’une part ainsi qu’entre Mbao et Rufisque-
Bargny d’autre part tend 3 montrer que les fiches ont été remplies avec sét
rieux. Des vérifications sont cependant nécessaires et sont en cours.
Par ailleurs, les remarques qui ont été faites doivent être considérées
pour le moment
davantage comme des hypothèses de travail que comme des résul-
tats définitifs.
Les observations suivantes ont été faites.
Dans la zone Bel Air-Hann L’enrichissement trophique du milieu semble
résulter essentiellement de la reminéralisation de la matière organique et
est surtout important en saison chaude.
Dans la région Mbao-Rufisque l’enrichissement trophique du milieu est
probablement assuré essentiellement par l’upweltingen saison froide et secon-
dairement par des phénomènes de reminèralisation en saison chaude.
11 convient de noter que l’importance des rendements dans la zone Bel Air-
Hann tendrait à montrer que la pollution urbaine, loin de représenter un in-
convénient, semble avoir pour la production halieutique un effet plutôt
favorable.
Les variations des rendements en petits poissons semblent liées à des
variations de la biomasse des juvéniles. Les rendements des sennes de plage
en avril-mai pourraient peut-être alors constituer un indice de l’abondance
des captures par les senne tournantes un peu plus tard.
La zone littorale, qui abrite les juvén?l.es de nombreuses espèces, sem-
ble constituer également une zone refuge pour les subadultes et adultes de
certaines espèces quand les eaux du large s’appauvrissent c’est-à-dire norma-
lement en saison chaude. Mais en cas de faiblesse de l’upwelling ce pourraît
être en partie le cas également en saison froide. Les adultes viendraient
alors concurrencer les juvéniles abondants B cette époque de l’année dans la
zone côtière et pourraient contribuer à augmenter les difficultés alimentaires
des ces derniers.
(1) Ces espèces ont été observées en décembre-janvier 1983 seulement mais
aucune observation n’a été faite à cette période pendant ta saison froide pré-
cédente.

233
Il a été signalé 3 différentes reprises à travers le monde que l’effon-
drement de certains stocks était du à une pêche intensive dans des zones
refuges où s’étaient concentrées les populations à la suite de mauvaises
conditions environnementales. Une augmentation de la densité des individus
dans ces zones permettait alors le maintien de la pue et des captures B un
niveau relativement glevé, masquant le phénomsne de surpêche qui conduisait
à l’effondrement du stock.
Les premiers résultats présentés ici tendent à montrer qu’un tel scénario
n’est peut-être pas à exclure au Sénégal pour certaines espèces. La présence
anormale de certainwespèces dans les sennes de plage en saison froide pourrait
alors être le signal d’une faiblesse de l’écosystème et on pourrait peut-être
envisager dans ce cas une surveillance accrue de la zone côtière pour y empê-
cher une intensification de la pêche.

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