8 l LA GESTION DE L’ESPACE AQUATIQUE EN...
1 8 l
LA GESTION DE L’ESPACE AQUATIQUE EN CASAMANCE
M.C. CORM::-S,,(l)
(1) Géographe ORSTOM en poste au Centre de Recherches Océanographiques
de Dakar-Thiaroye-ISRA, BP 2241, Dakar, Sénégal.

1 8 2
R E S U M E
La gestion de l'espace
est une notion à la fois ju-
ridique (contrôle et droit d'accès à
la ressource),géo-
graphique (aménagement spatial) et culturelle (perception
et connaissance de l'espace). La gestion
de l'espace a-
quatique en Casamance est abordée sous ces différents as-
pects.
L'attention est d'abord portée sur l'importance et
l'ancienneté de la gestion traditionnelle du milieu et
pose le problème des
interférences entre la Législation
officielle et la Coutume.
Ensuite, deux types d'aménagement sont décrits : les
barrages-palissades
et les bassins piscicoles, qui
mon-
trent combien les communautés autochtones maîtrisent leur
environnement écologique.
Enfin, un
inventaire
des conflits-potentiels et
réels -est fait, insitant sur I.es enjeux dont est l'objet
l'espace halieutique et sur les rapports ambivalents en-
tre la pêche et les autres activités (agriculture, cueil-
lette des huîtres, tourisme).
Cette description montre en définitive combien il
est délicat d'établir une gestion rationnelle de l'espace
susceptiblede s'adapter à l'instabilité
du milieu casa-
mançais aussi bien physique qu'humain.
A R S T R A C T
The snace managementis an intricate concept as well
juridical (control and access right of the
ressource),
geographical and cultural
(perception and knowledge of
the space). The aquatic space manag,ement in Casamance is
discussed from these different points of view.
The attention is first drawn to the importance and
w
O f
the
traditionnal management
of the'environment
which causes an interference problem between the officia1
legislation and the traditionnal habits.
Then, two types of
management
are described : the
weirnets or
"dams-palisades" and the fish-ponds which
show to
what
extent the local communities control their
ecological environment.
Then., an inventory of potential and real conflicts
is done, insisting
on the
interests at stake concerning
the fishing areas and on the ambivalent
relationships
between fishing and the other activities (agriculture,
oyster gathering, tourism).
This description clearly shows to what extent it is
delicate to estoblish a rational space management able to
adapt
to the instabilitv
of the Casamance environment
both from a physical and a human point of view.

1 8 3
I N T R O D U C T I O N
Il n‘est pas possible d'aménager la pêche en Casamance sans connaître
les modalités de gestion traditionnelle de l'espace.
Par gestion, nous entendons la connaissance, la maîtrise, l'aménage-
ment, le partage de l'ensemble des terres et des eaux et les modes d'accès
à la ressource.
La Casamance connaît de profonds bouleversements, à la fois du milieu
physique et humain. Compte-tenu des modifications de l'environnement et des
changements sociaux et économiques,quelle est la gestion la plus efficace
de l'espace halieutique ?
Pour introduire le débat sur cette question,
nous décrirons les modali-
tés de gestion de l'espace en présentant :
1. Les aspects institutionnels (modes d'accès à la ressource, statuts
des eaux intérieures, de la mer)
2. Les aspects techniques (différentes formes d'aménagements tradition-
nels) 3. puis nous analyserons les facteurs de changement et les conflits
dont le contrôle de l'espace halieutique est l'enjeu.
.
1 .
S T A T U T
D E S
E A U X E T
D R O I T S
D ' A C C E S A L A
R E S S O U R C E
1.1. LIMITE CONFUSE ENTRE LES DOMAINES MARITIMES ET CONTINENTAUX
- Le domaine maritime comprend les eaux territoriales dont la limite
est"fixée B une distance de 150 milles marins" -a partir de différents points
de la côte (cf. loi no 76-54 du 9 avril 1976) et les eaux estuariennes navi-
gables, soit le fleuve Casamance jusqu'au confluent avec le Soungrougrou
(cf. Decret no 75-1091 du 23 octobre 1975). Le pont de Zig'iinchor sert à
l'heure actuelle de limite.
- Le domaine continental comprend les portions de fleuve non naviga-
bles, les bolons,: les rivières et les marigots.
- Ces domaines font l'objet d'une réglementation appliquée par la DOPM
(Direction Océanographique des Pêches Maritimes) quant au domaine maritime,
par le SEEF (Service des Eaux et Forêts) quant au domaine continental. Ain-
si, afin de protéger les ressources des eaux continentales, l'usage des en-
gins suivants est interdit (cf. arrèté no 1920 du 24 février 1976) : senne
tournante, senne de plage
dont les mailles ont moins de 30 mm de côte et un
développement supérieur à 150 m, filet a mulet de plus de 30 m de développe-
ment, filet tournant, chalut et "Kilis". 11 est de même interdit de poser
des engins dans le chenal navigable ou de barrer avec un filet ou autre en-
gin fixe / dérivant sur plus du 1/3 de la largeur des cours d'eau. La tail-
le desesoèces,pêchées est aussi soumise a un contrôle : les tilapiae, par
exemple, doivent avoir au moins 10 cm de longueur (cf. arrêté no OI3131 du
3 nov. 1982).
- La Casamance est un milieu amphibie; entre les deux domaines il y a
de nombreuses interférences. Les limites ne sont pas nettes. L'exemple le
plus significatif est la législation concernant la crevette. La zone autori-
sée de la pêche à la crevette s'étend à partir du pont de Ziguinchor jusqu'à

1 8 4
1 km en amont de Goudomp et sur le Soungrougrou jusqu’aux villages de Baba-
te et Diaw inclus. La pêche aux engins traînants est interdite (cf arrêté
interministeriel no 4862 du 24 octobre 1981). Cet:te zone, tout en faisant
partie du domaine continental, est gérée par la DO?M. Par manque de moyens
et de personnels d ’ encadrement, le SEEF limite son champ d’aciion pour l’ins-
tant au fleuve Sénégal et au lac Je Guiers ; il n.‘a jamais eu à intervenir
en matière de pêche en Casamance.
1.2. PERCEPTION DE L’ESPACE HALIEUTIQUE
En fonction de l’histoire dr peuplement. la pêrception et la maîtrise
des eaux intérieures et maritimes diffèrent.
Les marigots et les bolons constituent un milieu calme, C~OS, maîtrisé.
Leurs rives sont très anciennement occupées et leurs ressources exploitées (cf.
analyse des amas coquilliers par de SAPIR, 1970:1. 11s font partie de l’espa-
ce vécu du Diola au même titre que les rizières, les palmiers, la forêt où
il chasse.
La mer est à la limite extérieure de cet iispace; les villages lui tour-
nent le dos. Longtemps inconnu, tardivement exploité, ce milieu est considé-
ré comme dangereux.
Le fleuve Casamancc tient à la fois du milieu maritime et du milieu con-
tinental. Par sa larcs,eur, sa profondeur, à cause de la houle, des risques occa-
sionnés
par les tornades ou les crocodil.es-jusqu’aux années 1950, très nom-
breux-, il est perçu comme la mer ; on y pêche, au niveau de l’estuaire, les
mêmes espèces avec les mêmes engins. Cependan,t)
ces rives sont familières
aux villageois et sont comprises dans le terroir..
1.3, CONTROLE COUTUMIER DES EAUX INTERIEURES
Les terres et les eaux appartiennent à Dieu, dont le f.6tiche est. le dé-
légué ; le roi-prêtre et le chef du village sont responsables du respect de
la coutume. Cet espace approprié collectivement sur une base religieuse fait
l’objet d’un partage seion le droit du premier occupant ; chaque village dis-
pose ainsi d’un terroir, dans les limites duqu(Al il a la priorité, voire l’ex-
clusivité dans l’usap,e des terres et des eaux,
Ainsi, les zones de pêche sont nettement circonscrites au niveau de cha-
que village ; leur extension ne dépasse pas la distance qu’une pirogue peut
parcourir en une journée ; elles comprennent les bolons qui donnent accès au
v i l l a g e , -les confluences avec d’autres bolons servant de limites entre zo-
nes villageoises-, les îles couvertes de mangrove ou de tann-étendues sursa-
lées- les lieux de pêche et de campement repérés, nommés, dont la connaissan-
ce est transmise de générations en générations (fig. 1 et 2).
L’aire effective de pêche et de cueillette des ressources aquatiques
n’est cependant pas limitée à. ces zones coutumières. Les campagnes, de quel-
ques mois, en saison sèche, à l’extérieur du terroir, sont une pratique COU-
rante chez les Di.ola, auxquelles se sont ajoutaes depuis la fin du XIXème
siècle les migrations de pêcheurs étrangers à la région. Cela pose le problè-
me du droit d’accès ‘î la ressource.
1.4. DROIT D’ACCES A. LA RESSOURCE
- L’accès à la mer et à. ses ressources est libre ; comment pourrait-il
en être autrement, compte tenu de la migratio:? des espèces ? De plus, en

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Fig. 1: Gestion de l'espace.àquatique

186
FIG. 2 , -- Zone de pêche de Tioben
( e n q u ê t e d e m a i - j u i l Iet 1984)

1 8 7
Casamance, jusqu’au milieu du XXème siècle, les plages sont inoccupées. Les
villageois accueillentles pêcheurs migrants originaires du nord car ils ne
sont pas perçus comme des concurrents ; au contraire, ils leur fournissent
du poisson de mer en abondance et les forment à la pêche maritime, en les
prenant comme apprentis sur leurs pirogues. Ils sont logés au village chez
un tuteur comme b Kafountine ou campent sur la plage comme à Ponta Bassul
ou Ponta Diogan.
Si la ressource n’est pas appropriée, par contre, ies pêcheurs se repar-
tissent entre eux les fonds. Les sites les plus propices à la pose des filets
dormants, riches en langoustes ou en soles, sont repérés, reçoivent un topo-
nyme-souvent le patronyme de l’aPné, responsable de l’unité de pêche., ce-
lui qui a découvert le site-deviennent la chasse-gardée et, dans les faits,
la propriété de l’unité de pêche.
- Pour les eaux intérieures, les modalités d’accès à la ressource et
d’appropriation varient selon les parties prenantes et les formes d’exploita-
tion.
Un pêcheur étranger au village peut installer son campement dans la zo-
ne villageoise et exploiter les bolons de cette zone à condition d’en avoir
demandé l’autorisation au chef du village. Il ne lui est demandé aucune ré-
tribution mais traditionnellement le pêcheur fait dons de poissons ; les
campagnes s’effectuent le plus souvent à l’intérieur des aires d’échanges
traditionnels entre villages qui appartiennent au même pays historique ou qui
ont des activités complémentaires - (fig. 1, cf, l’aire de pêche des Bandial.
étendue sur la rive droite : les pêcheurs de Bandial échangent leurs poissons
contre le bétail et les légumes du Blouf; cf. l’aire de pêche de Thionk-Es-
s y l : les pêcheurs vont camper dans les îles, à Niomoune tandis que les vil-
lageois du Kassa, des Blis-Karone, font des campagnes de cueillette du vin de
palme dans leur brousse).
Au niveau du village, les zones non aménagées sont libres d’accès et
appropriées collectivement ; les villageois ont l’usufruit des ressources ;
la protection du milieu est assurée par la coutume ; un code de réglements
plus moral. que légal en garantit le respect, La coutume fixe encore les
saisons de pêche et de cueillette, &es lieux de campements et de pêche, %les
débarcadères.
(cf. lieux de pêche hant& qui reviennent à une mise en défens
in DEMBO COLY, 1945).
En ce qui concerne les zones aménagées, de façon permanente ou intermit-
tente, les modalités de gestion de la ressource sont plus complexes, variant
dans l’espace et dans le temps. Nous nous arréterons sur deux formes d’amé-
nagement.
2 .
F O R M E S D ’ A M E N A G E M E N T
T R A D 1 T 10 N N E L
Outre les multiples nasses, paniers, pièges utilisés dans les marigots
ou les eaux peu profondes, essentiellement par les femmes,(fig.3 Photo et des-
sins) on relève deux formes de pêche autochtones, -ou du moins acquises de
longues dates - cf. les premières descript ions des Portugais au XVème siècle-
qui ont une grande ampleur en Casamance : les enceintes, palissades et barra-
ges, et les digues qui enferment les bassins piscicoles. Ces types d’aména-
gements dépendent du cycle des marées et des crues/décrues et se rencontrent
dans toutes les grandes zones d’épandage de l’intérieur de l’Afrique inter-
t r o p i c a l e (
SAUTTER G., 1966 : 430-432).

1 3 8
- --_ ..-.- --

1 8 9
2.1. LES PECHERIES : ENCEINTES ET B ARRAGES
Description : Deux types de pêcheries sont relevés en Casamance
(DIAW M . c . , 1985) : - les barrages proprement dits, appelés JAPANG, EPANG,
BUFEH, EGUEHEN selon les langues diola, sont posés en travers d’un petit
bolon ; de petite dimension (2-3 m de large), ils sont constitués de claies
amovibles en tiges de rônier. Le pêcheur les enroule pour les transporter
sur sa pirogue et les plante au moyen de piquets sur les fonds des marigots.
Les claies sont disposées en V ouvert dans le sens du courant et,à leur
jonction, est placée une chambre. Les poissons remontent, avec la marge, le
couloir formé par l’une ou l’autre des branches du V et se piègent dans la
chambre.
- Les palissades sont de véritables enceintes-pièges, plus ou moins fi-
xes, ouvertes vers l’amont, de telle sorte que le poisson s’y laisse enfer-
mer à marée descendante. Selon les lanoues diola, elles sont appelées BUYIL,
BUPANG, FUGHAM, UGUIT)EN. Elles sont formées-es tiges de palmier tressées
de fibres de rôaier. Les piquets sont en bois de palétuvier. Ces palissades
sont fichées sur les fonds sablo-vaseux, perpendiculairement à la rive. Le
dispositif est proche du précédent mais a un plus grand développement. Aux
angles formés par la jonction de deux palissades, sont placées des chambres-
pièges ; le poisson peut y rester 3-4 jours avant d'être recueilli par le
pêcheur ou les pêcheurs au moyen d’un panier.
Extension : Ces pêcheries sont caractéristiques de l’estuaire dans
1 a zone s i t uée entre le bolon du Diouloulou et celui d’Aff iniam. Leur ex-
ploitation est une des principales activités des hommes du Bandial qui. font
des campagnes
de quelques mois en saison sèche. Ce sont les spécialistes des
grandes palissades avec les populations duRassa. tandis que les petits barra-
ges se ren.contrent. dans tous les villages riverains de bolons (fig. 4).
Modalités de gestion,: Le poisson capturé appartient au fabricant et pro-
priétaire de la palissade.par extension, le fond de pêche sur lequel est fixé la
palissade lui appartient ‘aussi, alors qu’il n’en avait au départ, comme on
l’a vu plus haut, que l’usufruit. La parcelle d’eau, une fois découverte, ex-
ploitée et occupée de façon plus ou moins permanente, devient la propriété
privée du pêcheur ou de son lignage quand la pêche est collective ; elle ac-
quiert un statut équivalent à celui d’une rizière.
2.2. LES BASSINS PISCICOLES
Description : Les bassins piscicoles sont des aménagements hydrauliques
gagnés sur la mangrove, situés en aval des rizières. On ne les rencontre qu’en
Basse-Casamance,
où s’étendent les rizières inondées. Ils sont constitués de
digues munies de drains qui permettent de maîtriser la pénétration de la ma-
rée et la vidange du bassin. On distingue deux types de bassins, différents
par les formes d’aménagement, d’exploitation et de gestion.

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l KATINDN6
KABILINL
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PALISSADE
PALISSADE
P O P U L A T I O N
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ECHELLE
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Km
t
1
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F i g . 4.- Barrages, palissades. P o u r c e n t a g e d e l a p o p u l a t i o n s e c o n s a c r a n t à
c e t t e a c t i v i t é .

1. m#igrdvc
2.grxtdb55in (pêche)
3.pditbassin @khe+riziculturc)
FIG. 54- Bassins pistoles
Les petits bassins, BIIT, JIFIP, BUBUJ, forment une zone tampon entre
les rizières et l’eau salée des grands bassins et des bolons. Ils couvrent une peti-
te superficie comprise entre 5 et 20 ares, ils sont enclos de digues KALINGA’
ELINGA, larges de 50 cm B 1 m. Des troncs de rônier évidés posés en travers
de digues servent de drains ; le paysan les ouvre et les ferme au grès des
marées. Ces bassins sont destinés à la culture,:du riz et à la pêche ; en leur
centre, on trouve une planche surélevée, appelée KAYELAY, GOAL, qui porte du
riz, quand le sol est suffisamment-dessalé par les pluies et selon la dispo-
nibilité en main d’oeuvre. La pêche se pratique toute l’année au moyen de nas-
ses-pièges ou de palissades posées à l’emplacement des drains, au moyen de pa-
niers-clôches ou d’haveneaux qu’utilisent les femmes en pénétrant dans l’eau.
Ces dernières construisent aussi de petites digues dans la vase pour pièger
les alevins.
Ces bassins appartiennent au propriétaire des rizières qu’elles protègent
juste en amont ; le chef de famille et ses femmes et enfants y ont seuls ac-
cès librement. Le poisson est destiné à la consommation familiale. Les autres
villageois peuvent y pêcher avec l’accord du propriétaire,et en aucun cas, ne
peuvent modifier le niveau de 1’ eau.
Actuellement, dans la plupart des villages, ces bassins sont (I l’état
d’abandon comme beaucoup de rizières inondées, faute de jeunes pour entretenir
les digues et par suite du manque de pluies.

--_.--
1 9 2
Les grands bassins, FLJ’JXMB, HUKANCA, BUWOI sont situés a l’aval des pe-
tits bassins, dans la mangrove incomplétement défrichée, qui sert ainsi de
frayères au poisson. Ce sont de vastes carrés de 60 à 80 ares séparés les uns
lt?S aLItreS par des digues secondaires ELINGA semblables aux précédentes. Une
digue-mère HUKINK, FUKAEN les isolent des bolons et barrent les chenaux de
marée ; elles ont des dizaines de kilomètres de développement. parallèlement
2 la digue, Court un canal KAGUIL, GAJILEN, KAGOY large de S 3 10 m, profond
de 1 à 3 m, dans lequel pullulent les tilapies et mulets, capturés 2 l’éper-
vier .
Ces bassins sont uniquement destinés B la pêche qui se pratique de deux
façons :
- les poissc.ns sont piègés à la marée montante juste avant l’hivernage ;
ils sont retenus quelques mois dans les bassins pour qu’ils grossissent puis
le bassin est vidang,é en septembre-octobre au moment d’une forte décrue.
- le bassin est ouvert et fermé plusieurs fois dans l’année en fonction
de la marée. Dans le premier cas, il s’agit d’un 6levage extensif, dans le
second, d’un simple piégeage. Dans les deux cas, on utilise des nasses-pièies
et des barrages pour capturer le poisson au moment de la vidange puis les fem-
mes raclent le fond du bassin avec des paniers. La pêche d’un bassin dure 3-
4 jours. Dans la plupart des cas, l’appropriation des bassins est collective
au niveau du village, du quartier, du sous-quartier ou de la concession. En
fait, dans les villages diola, cela correspond le plus souvent à un lignage.
L’aîné du lignage est le responsable de la gestion du bassin . C’est lui qui
invite les hommes adultes à reconstruire la digue ; il décide des dates d’ou-
verture et de fermeture des drains ; il règle le niveau de l’eau au moyen d’une
nasse très allongée, le KALAKAN fermée par un bouchon de paille ou de feuilles,
il dirige les opérations de pêche-le jour de la pêche, le KALAKAN est rempla-
cé par le FULAN ou HUNANUM, grande nasse-piège muni.e à une extrémité d’un ci?-
ne rentrant -et procède au partage des poissons.
Les bassins de chaque lignage sont, la plupart du temps, ouverts à inter-
valles réguliers selon les cycles de marée et les lignages s’invitent à tour
de rôle. Le poisson est pêché en plusieurs temps : Le lignage propriétaire po-
se les FULAN B la sortie des drains. Une partie des prises des FULAN est par-
tagée égalitairement entre chaque famille qui compose le lignage ; le reste
est verdu-avant les années 1950, le poisson était échangé- ; l’argent est ver-
sé dans une caisse commune sous la responsabilité de l’aîné ; cette caisse
sert d’assurance maladie et divers et permet de financer les gros travaux.
Lorsque le bassin est presque vidangé, les autres lignages peuvent recueillir
le poisson resté dans la vase avec divers paniers ; le poisson appartient alors
à celui qui le capture.
Comme on le voit, ces aménagements requièrent un travail énorme, conce-
vable uniquement dans une société fortement encadrée. Ils ont tendance à recu-
ler là oit les structures de la société sont remises en question par l’exode
rural, la volonté d’ indépendance financière des jeunes, 1’ individualisme et
le développement d’activités plus lucratives.
Ces modes de gestion traditionnelle sont-ils adaptés aux nouvelles Con-
ditions du milieu physique et humain ?

6 : 1AlSSins piscicoles
e t détai 1 ti ‘une
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1 9 4
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Fig. 7.- Répartition des bassins piscicoles.

1 9 5
3 .
C O N T R O L E D E L ’ E S P A C E :
E N J E U X E T
C 0 N F 1 T S
Des conflits sont latents ou surgissent en Casamance pour le contrôle
de l'espace alors que la Colonisation puis l'Indépendance 2nt surimposé de
nouveaux cadres à la structure existante et que le milieu est en pleine évo-
lution. Nous ferons ici un inventaire des, conflits en analysant les rapports
des populations à l'espace et en essayant d'apporter des éléments de réponses.
3.1. CONFLITS ENTRE PECHEURS
a) à l'échelle des villages : En 1862, on relève dans les Archives (cf.
ANS 13 G 366), un des premiers conflits où les villageois font appel aux re-
présentants de la Colonie pour faire respecter la Coutume : Les gens de Mlomp
se plaignent que des habitants de la Pointe Saint-Georges "ont pris du pois-
son dans leurs pêcheries”. Les villages n’hésitaient pas à recourir aux ar-
mes pour défendre une rizière ou une pêcherie. Actuellement, des conflits
éclatent entre villages qui font ressurgir ces vieilles inimitiés : Depuis
trois ans, le village de Niomoune
refuse que les pêcheurs de Thionk-Essyl
campent et pêchent dans leur zooe puisqu’ilsne peuvent plus aller cueillir le
vin de palme dans la brousse de Thionk-Essyl ;
la sécheresse et l'ampleur pri-
se par les campagnes de pêche sont à l’origine de ces frictions.
b) à l'échelle de la région :
- En Moyenne Casamance, deux systèmes de pêche se concurrencent ; les pê-
cheurs autochtcnes-Balante, Diola, Mandingue- capturent le poisson au moyen
de félé-félé, filet trainant ou senne de plage,
tandis que les pêcheurs tou-
couleur qui approvisionnent les usines en crevettes, utilisent des engins fi-
xes, dont les mouillages arrachent les autres filets (
LE RESTE L., 1983 ;
JONGUE Klass de, 1980). Les tenants de ce conflit sont complexes, à la
fois techniques, sociaux, ethniq,ues et économiques.
- A Kafountitie, les pêcheurs migrants saisonniers ne sont plus gracieu-
sement logés par les villageois mais louent des chambres. Ils pêchent vers le
nord ou au large, laissant aux groupes GOPEC" autochtones l'exclusivité d'u-
sage des fonds proches de leur installation. Ce statuquo
traduit les diffi-
cultés nées du nombre croissant des migrants et de la création d’unités de
pêche maritime diola. Les allochtones sont désormais considérés tommes concur-
rents. A terme, se poseront des problèmes d’épuisement des fonds pour les
Diola s’ ils pêchent
toujours au même endroit, sans compter que les espèces
wnt ; déjà leur rendement baisse.
c) à l'échelle interrégionale
A
Les eaux de la Guinée sont riches et: peu exploitées par les autochtones.
Depuis des générations, des pêcheurs nyominka migrent dans les îles B,ijago:
et exploitent les fends guinéens ; depuis peu - 1983-, des Diola font aussi
des campagnes de pêche dans cette région.
La Guinée se plainte les pois-
sons ne soient pas écoulés sur place et que les pêcheurs violent les limites
des eaux territoriales au niveau de Boudiediete.
Ce contentieux relève du droit international et, à ce jour, demeure le
seul en instance de réglement.
d) entre la pêche artisanale et industrielle
La pêche industrielle est interdite dans les eaux côtières et estuarien-
nes. Les effractions sont répandues au large de tcut le littoral sencgalais. En
-
-
*GOPEC : Groupement Opérationnel Permanent d'Etudes et de Concertation

1 9 6
Casamance, on trouve des chaluts jusqu’au niveau de la Pointe Saint-Georges
dans l’estuaire. Les pêcheurs “artisans” se plaignent que leurs filets dor-
mants soient arrachgs par les chaluts, leurs pirogues endommagées- les fi-
lets dormants sont posés de nuit ; les pirogues ne signalent pas leur pré-
sence par une lampe tempête ou autre-et que les chaluts pillent leurs fonds.
Le respect des limites des pêches dépend des moyens de contrôle et de
surveillance des côtes (avion, bateau de la DOPM).
3.2. LES RAPPORTS ENTRE LA PECHE ET LES AUTRES ACTIVITES
a) L’ agriculture
Dans les systèmes d’exploitation traditionnelle, la pêche et l’agricul-
ture sont complémentaires ; la pêche se pratique pendant les temps morts agri-
coles-en saison sèche, le soir ou la nuit-. Le poisson fournit les protéines
du plat de base diola, le riz blanc.
Cet équilibre est remis en cause par la monétarisation et la pénétration
de l’économie de marché, l’exode rural et, avec lui, la multiplication des
contacts et le changement des mentalités, la recherche du numéraire et d’ac-
tivités immédiatement rémunératrices. Aussi, les *jeunes ont-ils tendance à
abandonner les travaux de champs .jugés trop pénibles pour le profit qu’ils
en retirent et 3 se lancer dans la grande pêche qui les éloigne du village,
la plus grande partie de l’année. De plus en plus, les migrations se prolon-
gent en hivernage.
D’un autre côté, le maintien et même le développement de certaines for-
mes de pêche favorisent le maintien de l’équilibre traditionnel : Elles re-
tiennent les jeunes dans la région , assurent l’entretien des aménagements com-
met les digues, perpétuent le contrôle et la gestion de la ressource.
Au total, le développement de la pêche ne concurrence pas l’agriculture.
Le recrutement des “nouveaux” pêcheurs se fait parmi les jeunes qui ne dispo-
sent pas encore de biens fonciers et qui trouvent dans cette activité le mo-
yen de gagner leur autonomie financière. L’agriculture est menacée en premier
lieu ni par la sécheresse, ni par le développement des autres activités en
Casamance mais par l’exode rural. Et la pêche est un des moyens de freiner
cet exode.
b) La cueillette des huîtres
La pêche et la cueillette n’exploitent pas les mêmes niches écologiques,
ne mobilisent pas les mêmes populations, ne suivent pas les mêmes circuits.
Les cueilleuses reprochent aux moteurs de polluer les eaux et d’être respon-
sables de la baisse de production, Ce facteur est négligeable par rapport à
l’augmentation de la salinité,
c) Le tourisme
Les rapports sont ambivalents
- D’un côté, le tourisme concurrence la pêche : Il conduit à l’expropria-
tion des terres villageoises et occupe les plages-- à Cap Skirring il est in-
terdit de transformer le poisson sur la plage par suite des nuisances olfac-
tives et les pêcheurs voient leurs lieux de campements de plus en plus cir-
conscrits par les nouvelles implantations d’hôtels ; depuis 1985, l’occupa-
tion de la plage a fait l’objet d’un réaménagement qui permet la cohabitation
de toutes les activités. cf. fig. S- Il favorise la multiplication des petits
métiers--guide,
vendeur de souvenir, prostitution- qui détournent les villa-
geois des activités de production-riziculture, pêche- ; il offre des gains
élevés vite acquis, ce qui, à terme, peut destructurer la société ; la masse
salariale distribuée sur place est peu importante car la plupart des emplois
sont subalternes et saisonniers ; il préléve sur place de façon irrégulière
et saisonnière des produits frais -légumes, volailles, poissons-. ce qui


1 9 8
perturbe le marché et crée des situations de pénurie pour les villageois.
- D’un autre côté, le tourisme constitue un marché pour les poissons,
les crustacés et les mollusques ; il crée des infrastructures dont bénéfi-
cie la pêche, comme
les voies de communications.
En fait, il convient de distinguer deux types de tourisme :
- le tourisme de séjour se pratique dans des, complexes hôteliers ou des
clubs. Les tours sont organisés et payés depuis le pays d’origine des clients.
Le ravitaillement auprès des pêcheurs migrants est effectif mais les prix
sont anarchiques-depuis 1983, la DOPM fixe
avec. les parties prenantes les
prix en début de saison-et les populations locales sont mises à l’écart de
ces circuits.
- le tourisme intégré, par contre, avec la formule des campements villa-
geois, ne perturbe pas le milieu, entraîne les autres activités, suscite la
création de coopératives-pêche, élevage. *- et l”éq,uipement des villages. Il
contribue à un développement intelligent de la pêche qui profite directement
aux populations villageoises.
C O N C L U S I O N
La gestion de l’espace pose deux grandes interrogations :
- Dans quel cadre juridique faut-il résoudre les conflits ? Comment con-
cilier droit coutumier et législation officielle ?
- Comment établir une gestion de l’espace rationnelle et suffisamment
souple pour s’adapter à l’instabilité du milieu aussi bien physique qu’hu-
main ?
Les conflits d’intérêt ne sont pas nouveaux mais prennent une particu-
lière ampleur depuis ces quinze dernières années <avec la mltiplicationdes migra-
tions de pêche et la sécheresse. Le contrôle de l’espace aquatique est un enjeu
d’autant plus important que les autres espaces -agricoles et pastoraux-ne ré-
pondent plus B la demande des populations. Les exemples sur la Grande et la
Petite Côte montrent comment ces conflits latents peuvent dégénérer violem-
ment et incitent a une réflexion constructive tenant compte de la complexité
du milieu.

B I B L I O G R A P H I E
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2 0 1
D I S C U S S I O N
CHABOUD.- Quelle est l'importance des conflits potentiels entre pêcheurs mi-
grants et autochtones, notamment pour l'accès aux ressources les plus
favorisées commercialement (soles, langoustes) en relation avec les dif-
férents projets en cours de réalisation ?
CORMIER-SALEM.-
Il y a très peu de villages côtiers concernés par ces problè-
mes (Kafountine, Boudiédiéte).
C. DIAW.- Deux aspects doivent être perçus dans ce qui,peut être une source
potentielle de conflit.
- Le fait que les pêcheurs qui s'initient dans les différents projets
aient un certain nombre de limitations dans la connaissance du milieu.
- Les frustrations développées chez les pêcheurs migrants qui revendi-
quent la légitimité de leur présence! et leur implication dans les dif-
férents projets de développement,
ce qui pose le problème desdits projets
et de leur schéma d'implantation.
CHABOUD,- Pourriez-vous rappeler les modalités de la répartition du produit
de l'activité et les servitudes entraînées à l'intérieur ?
En ce qui concerne les rapports sociaux et production, il serait bon de
préciser les rapports internes (du point de vue du fonctionnement et la
dynamique interne des lignages et des unités de pêche).
Quel est votre point de vue sur l'élément explicatif qui pourrait être
constitué par l'introduction de l'économie monétaire et de la crise so-
cio-économique ?
CORMIER-SALEM.-
Pour la première question, des élements de réponse seront four-
nis par l'exposé de C. DIAW sur la gestion des unités de pêche.
Les aspects socio-économiques ont été rapidement évoqués dans l'exposé.
6. DIAW.- Quels sort les rapports entre drnoit maritime et droit couturrier 2
CORMIER-SALEM.-
Il y a une opposition entre ces deux types de droit ; dans la
pratique la gestion du milieu est réalisée par les villageois eux-mêmes.
En ce qui concerne les problèmes d'appropriation du milieu, le droit
maritime est muet.
FRENOUX.- D'un point de vue officiel le domaine continental (à partir de l'em-
bouchure du Sougrougrou) relève de la competence des Eaux et Forêts et
le domaine maritime (en aval du Sougrougrou) de l'océanographie et des
Pêches Maritimes.
B. DIAW.- Comment le tourisme intégré peut-il contribuer au développement
"intelligent" de la pêche ?
COWIER-SALEM.- IL y a correspondance des, calendriers du tourisme et de la
pêche ; les pêcheurs migrants attendent l'ouverture des hôtels pour s'ins-
taller dans les campements.

----
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-
.---
2 0 2
SAMBA.- Peut-on parler de droit coutumier dans certaines parties des eaux in-
térieures oii sont présentes de fortes communautés de pêcheurs migrants
(Toucouleur pêchant la crevette) ?
CORMIER-SALEM.-
Les populations Balante et Diola qui cultivent le terroir se
considèrent comme propriétaires de la rive tout au long de leur terroir.
Sur cette zone il y a effectivement un droit coutumier mais le problème
se complique par la présence de migrants pêchant la crevette et d'au-
tochtones pêchant le poisson ; ces derniers revendiquent le droit de pro-
priétg et la priorité pour l'usage des eaux0
La complexité du mode de gestion en Basse Casamance est sans commune me-
sure avec ce qui se passe en Moyenne Casamance.
CHABOUD.- Le droit coutumier est l'expression d'un certain rapport de forces g
quand les conditions sont stables d'un point de vue social, économique,
environnemental et technique, le droit coutumier peut s'appliquer, mais
quand on est en pleine évolution, on peut se demander si ce droit s'appli-
que et dans ces conditions si la puissance publique dispose de moyens
d'application d'une réglementation lorsque le droit coutumier ne permet
plus de régler les problèmes de conflit.