@CH& ET STRATÉGIES DE DEVELOPPEMENT JIISCOURS...
@CH& ET STRATÉGIES DE DEVELOPPEMENT
JIISCOURS ET PRATIQUES
J,. WEBER e-t A. FONTANA
RAPPORT INTERNE
No 53

&t & R & & il f;r
~---
- -
F O O D A N D A G R I C U L T U R E ORGANIZATION
O F T H E U N I T E D N A T I O N S.--~
FXP:SFDI83/12
ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR-
L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE

April 1983
ORGANIZACION DE LAS NACIONES UNIDAS
PARA LA AGRICULTURA Y LA A@.lENTACION
_c_-
- I-.----~__II_
P E C H E S
E T STRATtGItS D E D E V E L O P P E M E N T
D I S C O U R S E T
P R A T I Q U E S
Pm
J. WEBER(" e-t A. FONTANA(')
R E S U M E
Les discours sur le developpement des pêches dans
les pays en dGveloppement sont déterminés par 1 ‘assimi-
lation abusive entre richesse nationale et exportations;
par la croyance en une efficacité supérieure des formes
industrielles de pêche, par une réduction hâtive de la
pêche artisanale à ses seuls effets sociaux. Dans le cas
sénégalais,la pêche artisanale démontre qu’il est possi-
ble de concilîer rentabilité élevée du capital,faiblesse
de l’investissement, forte utilisation de main d’oeuvre
et taux élevé de valeur ajoutée. Substituer
l ’ a n a l y s e
des faits à. la doctrine du “il n’y a qu’à” issue
des
discours dominants suppose un développement intensif des
recherches de base, sur longue période; or la nature des
recherches entreprises comme le développement des pêches,
est déterminée par la division internationale du travail
Cette même division internationale tend à placer les pê-
cheries artisanales dans une situation accrue de
dépen-
dance et de fournisseurs à bas prix à l’égard des pays
r i c h e s :
cette
tendance risque de s’accentuer avec la
création des Z.E.E.
(1) Economiste de 1’ORSTOM ; (2) Biologiste de l’ORSTOM,
chercheurs au Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-
Thiaroye (IS?XA) B.P. 2241 DAKAR.

2
I N T R O D U C T I O N
L'intérêt pour les aspects non biologiques des activités de pêche est
récent et doit être porté au crédit des biologistes des pêches eux-mêmes.
Ce caractère récent explique peut-être que les aspects économiques et so-
ciaux des pêches soient encore appréhendés à travers une série de mythes
relatifs à l'efficience économique et l'importance sociale des divers
types de pêche. Le discours sur le développement est souvent éloigné des
pratiques mises en oeuvre ; 2s ce discours se rattache aux "préconceptions"
(CHAUVEAU, 1983) de ce qu'est l'activité de pêche et de ce que "doit-être"
le 'ldéveloppementll.
Il s'agit de faire justice de ces mythes en s'appuyant
sur des travaux de recherche de base indispensables à la compréhension du
secteur en tant que totalité structurée dans un environnement national et
international en rapide évolution.
1 .
P E C H E S , D E V E L O P P E M E N T , M Y T H E S E T
R E A L I T E S
1. "LA PECHE INDUSTRIELLE EST EFFICIENTE ECONOMIQUEMENT, LA PECHE ARTISANALE
EST EFFICIENTE SOCIALEMENT".
Le cas sénégalais nous enseigne que la plus efficiente des deux formes
n'est pas celle qui repose sur une technologie lourde.
1.1. Investissements
Les artisans travaillent avec plus de 70 % de fonds propres, contre
4 à 5 % pour la pêche industrielle , laquelle bénéficie des avantages subs-
tantiels du code des investissements, du Crédit Maritime, de l'aide des
banques et organismes financiers (FREON-WEBER, 1981 ; FONTANA-WEBER, 1983 ;
AUBERTIN, 1983 ; CHAUVEAU, 1983).
1.2. Profits
Les taux de profit du capital (Produit net
) sont de l'ordre de
(Capital investi)
50 ii 70 %/an en pêche artisanale, contre 3 à 7 % dans la pêche industrielle.
1.3. Emplois
L'industrie emploie 2 700 marins ; l'artisanat en emploie 27 000
(SOCECO-PECHART, 1982 ; 1983).
Pour le prix d'un sardinier employant 12 personnes, on peut équiper
50 unités artisanales de senne tournante,
employant 1 500 personnes et
produisant 30 fois plus de poisson.
Le coût de création d'un emploi est de 0,2 millions CFA dans l'arti-
sanale contre 4,4 millions CFA dans l'industrielle.
1.4. Utilisation des caotures
La pêche industrielle rejette au moins 45 % de ses prises, contre moins
de 5 % pour la pêche artisanale, celle-ci livrant aux transformatrices (donc
créant de la valeur), les espèces non commercialisables en frais (mais pas
seulement celles-ci).

3
Notons que les rejets de poisson-mort-ne sont pas pris en compte dans
le discours sur l'efficacité, celui-ci reposant sur des critères de renta-
bilité de la firme et non sur celui des coûts ou bénéfices pour la collec-
tivité.
1.5. Utilisation de la ressource
La pêche artisanale est incomparablement plus sélective que la pêche
industrielle.
De plus, dans le cas sénégalais, on observe des tentatives spontanées
d'auto-réduction des captures, pour faire face aux fluctuations de cours,
sur certaines espèces (pélagiques). La pêche artisanale peut réagir avec
beaucoup plus de souplesse aux variations de l'environnement, écologique
et économique (FREON-WEBER, 1981 ; WEBER, 1980).
-
1.6. Création de richesse
Le taux de valeur ajoutée (seul critère pertinent d'évaluation de la
création de richesse) se situe aux environs de 60 % en pêche artisanale
contre moins de 30 % en pêche industrielle.
1.7. Exportations
40 % des exportations (équivalent frais) sont fournies par l'artisanat,
représentant moins de 10 % de la valeur totale des approvisionnements des exportateurs.
L'illusion d'une supériorité de l'industrielle pour la création de
richesse ne
viendrait-elle pas de là ?
Ainsi, la pêche artisanale apparaît comme la plus efficiente, sociale-
ment et économiquement, du point de vue de la ressource, de la collectivité
natiozle et de l'entreprise.
-
2. LE DISCOURS DU DEVELOPPEMENT ET DE LA PLANIFICATION
2.1. La logique qui sous-tend les discours dominants sur le développe-
ment des pêches est 'a peu près la suivante :
La pêche artisanale est une forme de production "dépassée", qu'il
s'agit de faire évoluer vers des formes "supérieures", d'abord semi-indus-
trielles, puis industrielles dans un second temps. Quel pays (en développe-
ment ou non) n'a pas dans ses cartons des projets de flottilles "de transi-
tion" ou"intermédiaires" ?
On compte sur les "effets d'entraînement" de l'industrie pour contri-
buer à l'accumulation du capital. Et sur les devises tirées de l'exportation
pour équilibrer le commerce extérieur. Quand à la ,pêche artisanale, elle
"fournit des emplois et nourrit l'intérieur". De là à confondre l'entrée
de devises avec le solde des exportations, ou mieux encore l'entrée de
devises avec la création de richesses,
il n'y a qu'un pas vite franchi.
"Le pétrole bleu, avenir du Sénégal : la pêche, premier secteur de l'économie
avec 20 % des recettes d'exportation" titre la presse nationale.
On accordera donc des subventions a l'exportation, des crédits aux
industriels et les avantages substantiels d'un code des investissements
généreux.

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Les difficultés d'approvisionnement du marché intérieur sont attribuées
aux marges excessives d'une profession dontla "moralisation" est présent&
comme panacée. L'intermédiaire n'a pas le même statut social suivant qu'il
écoule ses produits vers les marchés de Ilintérieur OU à.l'exportation.
Dans
le premier cas, il n'a pas accès au crédit et recourt à des mafzëriels
vét.ustes, souvent renouvelés ; son image officielle est celle 'd'un "profi-
teur". Dans le second cas, il accède a l'aristocratie des 'Opérateurs
Economiques", aux honneurs, aux crédits, aux avantages divers, subventions,
code des investissements. Plus d'une société auréolée du prestige de
1'E:xportateur ne dort celui-ci qu'au labeur vilipendé des mareyeurs qu'elle
emploie (SEPM, 1980).
Le caractère "dépassé" de la p&che artisanale se traduira par une énergie
peu commune déployée pour remplacer la pirogue par des embarcations 'plus
efficaces" maïs qui ont &utes, jusqu'lc présent, démontré leur infériorité,
sauf sur le plan du prix de revient. â combien supérieur ! (WXEER FREON, 1981 ;
BRENDEL, 1983 ; SEPM, 1980).
Quant à la transformation artisanale, il s'agit aussi de la faire
"évoluer", d'augmenter sa productivité, de tekke sorte qu'elle puisse...
exporter. Ce qu'elle fait déjâ, bien qu'à travers des circuits non contrôlés,
"non structurés".
Cette logique de développement se traduit en chiffres :
Captures débarquées au Sénégal = 100 %
Financements inscrits au plan = 100 %
Pêche artisanale
: 65 %
Pêche artisanale
: 23 %
Pêche industrielle : 35'%
Pêche industrielle
: 77 %
(d'après Ministère du Plan et de la Coopération, 1981)
2.2. Les préconceptions à l'épreuve des faits
Quatre années d'observatïon,
confirmées par les travaux d'autres équipes
à travers le monde, montrent qu'en aucun cas il n'existe de "filiation" entre
pêche artisanale et pêche industrielle :
il s'agît de deux formes radicale-
ment différentes d'exploitation des mêmes ressources. La pêche artisanale
évolue, rapidement... vers une pêche artisanale plus performante, non pas
vers une quelconque pêche industrielle (CBAUVEAU, 1982). La pêche dite
industrielle répond (ou devraît répondre) à une logique d'entreprise ; la
pêche artisanale trouve un compromis entre logique d'entreprise et réponse
aux problèmes des socïistés rurales des pays en développement : disponibilité
monétaire et emplois. Qn "invente" en Occident le partage du travail, sur
quoi se fonde la pêche artisanale(l) et bien souvent l'agriculture et l'ar-
tisanat, dans des pays à sous emploî tragique ; dans ces mêmes pays, par
un curieux retournement, les "experts" accorderont les faveurs de l'inves-
tissement à des activités à faible utilisation du'travail. La nêche artisa-
nale démontre quotidiennement, au Sénégal, qu'il est possible de concïlier
rentabilité élevée du capital, faiblesse de l'investissement et forte
utllisatïon de main d'oeuvre, taux élevé de valeur ajoutée.
Qu'en est-il de la contrEbutïon de la pêche 2 la richesse nationale ?
On ne répétera jama2s trop que celle-ci ne s'évalue pas en entrée de de-
vises, mais en valeur ajoutée. Or, la valeur ajoutée par l'ensemble du
secteur ne représente guère que 4 à 5 % de la PIB. sur 37 milllards CFA
d'exportation , il ne reste guère que 10 milliards dans le pays. Encore
faudrait-il prendre en compte le poids des subventions, détaxes, avantages
fiscaux, prêts bonifiés etc..., pour l'instant mal évalués. Si la pêche peut
et doît jouer un rôle hmportant dans le développement, les évaluations
économiques qu? en sont faites ne conduisent-elles pas à placer en elle
des espoirs démesurés par rapport à la réalité ?
(1) Tel est l'argument explicite des pêcheurs pour expliquer des
équipages supérieurs aux besains :
"il faut donner du travail aux frères
pour qu'ils puissent dresser la tête au lieu de mendier' (interview de
pêcheur à Djifère;)

2.3. Comment définir pêche industrielle et pêche artisanale ?
Certaines pirogues sont plus grande que certains chalutiers ; la tail-
le des embarcations n'est donc pas un critère pertinent et absolu.
La rentabilité du capital n'est pas non plus un critère discriminant
nous l'avons vu.
Les deux formes de pêche se distinguent par la proportion d'inputs
importés. Les unités industrielles sont entièrement importées, quand la
pêche artisanale n'importe que ses moteurs hors-bord et ses filets synthé-
tiques. Le carburant représente12 à 16 % du chiffre d'affaire des unités
artisanales, contre 2.5 à 30 % pour les unités industrielles : 190 litres
par tonne débarquée artisanalement, contre 450 litres par tonne débarquée
en pêche industrielle.
La gestion, nous l'avons vu, n'est pas non plus un critère à l'avantage
de la pêche industrielle, et elle peut encore être notablement améliorée
par des actions de formation en pêche artisanale.
Les deux formes de pêche se trouvent en concurrence sur de nombreux
stocks. Elles n'en sont pas moins complémentaires iles unités industrielles
peuvent accéder à des stocks inaccessibles aux pirogues, stocks hauturiers,
stocks profonds, ou stocks côtiers impliquant le recours à des engins qu,e
ne peuvent utiliser des pirogues (chalut à crevettes par exemple). 11
s'agirait donc de passer du discours évolutioniste à une planification
des choix technologiques basés sur des critères d'accessibilité des stocks
en n'oubliant pas qu'un choix technologique est un choix social.
En fin de compte, la différence la moins pertinente n'est peut-être
pas celle-ci, avancée sous forme de boutade : 'la.différence entre pêche
industrielle et pêche artisanale est que dans l'industrielle, le capitaine
est à l'abri".
Jx .
P L A N I F I C A T I O N D U
D E V E L O P P E M E N T ,
D E V E L O P P E M E N T
D E S
R E C H E R C H E S
1, LA REXXERCHE DE BASES CONCEPTUELLES
A l'heure actuelle, dans de nombreux pays, pas seulement en développe-
ment, le plau se résume a un catalogue de projets, sans visée globale cohé-
rente, Pour que celle--ci soit possible, il est indispensable que l'activité
de pêche soit pensée comme une totalité structurée, de la capture à la con-
sormnation, - chaque élément de cette totalité participant de tous les autres
et ayant sur eux des effets précis, dans un contexte natgonal, et internatîonal
en évolution rap?de.
Il ne s'agit plus de s'appuyer sur le "bon sens", mais sur des travaux
de recherche méticuleux, pluridisciplinaires, de longue haleine. Pas de
planifica,tion des pêches sans évaluation rigoureuse des ressources et de
leur capacité de renouvellement. Pas de planification des pêches sans éva-
luation ri!zoureuse des coûts et des revenus aux différents niveaux du ~VS-
tème. sans analyse or6cise des interrelations entre ces niveaux.
Nous l'avons vu, il y a loin de la réalité des faits aux discours do-
minants qui rejettent vers le "social"
la pêche artisanale et'pour cela
en prônent la préservation, Que dire d'une,"science" économique qui jette
vers le "social" (i.e. l'incontournable) ce qu'elle refuse d'appréhender ?
Dépassant quelque peu la recherche d'une allocation optimale des ressources,
refusant le "bon sens'l' comme catégorie scientifique, l'économie dont nous
nous prévalons veut se donner comme champ l'étude des bases matérielles
des rapports sociaux.

6
2. L'EXAMEN DES CHOIX TECHNOLOGIQUES
Ainsi la technologie est-elle inséparable du contexte économique et
social dans lequel elle est mise en oeuvre (ORSTOM-CYRS, 1979). Il n'est
pas évident que les techniques dites avancées (ce q& signifie souvent
lourdes) soient les plus efficientes économiquement et socialement :
l'exemple de la pirogue sénégalaise , jusqu'a présent inégalée en dépit
des efforts répétés à grands frais, en est une démonstration.
On peut se demander si les "meilleures" innovations ne sont pas suscep-
tibles de provenir des sociétés de pêcheurs elles-même ; innovations tech-
niques, mais aussi et surtout innovations "sociales" fournissant les "en-
cadrements"
(GOUROU, 1983) sans lesquels la technologie reste sans effet.
L'échec répété et généralis des coopératives de pêche est là pour le
rappeler brutalement :,une technologie ne produit ses effets qu'à travers
un processus d'appropriati‘on sociale par ceux qui la mettent en oeuvre.
Nous retrouvons ici, indirectement, une autre différence importante
entre formes artisanale. et industrielle. En pêche industrielle, l'activité
est subordonnée à un certain type de technologie ; en pêche artisanale, la
technologie est appropriée par les pêcheurs (et non 'adaptée" aux pêcheurs),
subordonnée aux condit?ons sociales de sa mise en oeuvre.
3. L'INDISPENSABLE RECHERCHE DE BASE
Produire des scénarios d'aménagement, fournir les éléments nécessaires
à la prise de décision cohérente et les moyens de tester les effets de cette
décision aux différents n%veaux du système, tels sont les buts poursuivis
par la recherche.
Cela suppose un énorme travail de collecte de données de base sur de
longues périodes, tant biolog?ques, qu'écologiques, économiques,sociales
et historiques.
Cela suppose la liberté du chercheur, pas toujours évidente en de trop
nombreux pays ; cela suppose que la recherche soit envisagée comme base de
la planification, non comme son alibi.
Ici encore, les faits mettent les discours à rude épreuve:qui ne prône
en effet le nécessaire développement de la recherche ? Mais la recherche,
comme le développement,, est insérée dans la division internationale du
travail dans un monde en crise. S'il est relativement facile de financer
des travaux sur des~problèmes industriels il est loin d'en aller ainsi
pour des recherches sur la commercialisation locale ou la transformation
artisanale.
Il est plus aisé d'obtenir un ordinateur de grande puissance que le
salaire de deux enquêteurs p un véhicule que du carburant,de financer des
equipements que leur fonctionnement.
III * M A R C H E
M O N D I A L E T
P E C H E
A R T I S A N A L E
L'intérêt pour le maintien, voire le développement de la pêche arti-
sanale,est récent. Si on lui reconnaissait volontiers une fonction "sociale",
seul 1'fRCLAM démontrait son efficience économique (THOMSON, 1980), ses
capacités d'évolution, d'adaptation aux situations de crise, suivi par
d'autres équipes - dont: celles du CRODT (J. WEBER, 1980) et de Rhode Island
University (SUTINEN, POLLNAC, JOSSERAND, 1981). En Afrique de l'ouest, il
y a peu, parler de l'efficacité de la pêche artisanale ou du mareyage "tra-
ditionnel" était suspect de passeïsme.

Contradictoirement,
l'intérêt nouveau et généralisé accordé aux pêches
artisanales ne doit pas être constaté sans méfiance par l'observateur.
1. L'ACCES A LA RESSOURCE ET FLOTTILLES "LOINTAINES"
La création des Z.E.E. rend plus difficile et précaire l'accès aux
stocks par les grandes nations de pêche. L'évolution du coût du carburant ir
son tour renchérit celui du poisson,
le plaçant à un niveau voisin de celui
des volailles et au-dessus de celui des produits laitiers.
Les armements "industriels“ nationaux ont, dans l'ensemble, fait long
feu. Coût du carburant, frais financiers,
coût des équipements ont sérieuse-
ment érodé des marges bénéficiaires étroites.
Les pays du Tiers-Monde devien-
nent le déversoir des vieilles unités semi-industrielles des pays riches
et la conséquence en est l'âge respectable des armements nationaux : de
17 à 24 ans d'âge moyen selon les types de bateaux au Sénégal.
2. PECHE ARTISANALE ET EXPORTATION
Dans ce contexte, la pêche artisanale peut devenir "intéressante"pour
l'approvisionnement des pays riches. Moins consommatrice de carburant (12 à
16 % du chiffre d'affaire contre 25 à 30 % dans l'industrielle), utilisant
une main d'oeuvre nombreuse mais peu rémunérée (de l'ordre de 20 000 F CFAJmois
contre 50 000 CFA dans l'industrielle), elle débarque à des prix de loin
inférieurs à ceux de la pêche industrielle. Evolutive, la pêche artisanale
peut augmenter son rayon d'action, améliorer la conservation à bord donc
la qualité du produit (WEBER, 1983).
Dans toutes les périodes de crise d'approvisionnement des pays riches,
les pêches, artisanales ont connu un fort développement. Ce fut le cas de
celle du Sénégal à la faveur des deux guerres. Dans les années cinquante,
les industries du poisson étaient approvisionnées en quasi totalité par
la pêche artisanale, laquelle s'est ensuite autonomisée progressivement
avec le développement du mareyage en frais vers l'intérieur (CHAUVEAU, 1983).
3. LA LOGIQUE DE LA DEPENDANCE
A l'heure actuelle, au Sénégal,
la commercialisation intérieure n'a
pas accès au crédit, est décriée socialement et très rigide : les gains
de productivité physique dans la pêche se traduisent à la fois par des
baisses de prix et-un-accroissement des rejets en mer. Sauf pour les
espèces destinées à l'exportation : céphalopodes, crevettes, rougets, soles,
langoustes (KEBE, 1982 ; CJJABOUD, 1981 ; DEME, 1982).
Déjà, la pêcherie artisanale de céphalopodes est encouragée par les
industriels japonais qui se procurent ainsi un produit moins coûteux que
s'il était pêché par les unités industrielles. On peut se demander si
Y le Japon n'est pas le précurseur d'une situation pouvant se généraliser
au üioins partiellement,
On pourrait à première vue s'en féliciter : les pêcheurs nationaux
contribueraient ainsi à l'entrée de devises et à la richesse nationale,
tout en s'appropriant les ressources nationales. Ce serait oublier les précé-
dents du cacao, du café, etc... Ce serait oublier que le prix des cépha-
lopodes - mais aussi celui des moteurs hors-bord - se décide à Tokyo ;
que ceux des pélagiques se fixent à Las Palmas. Ce serait oublier enfin
que dans les circuits internationaux de commercialisation la valeur ajoutée

8
est réalisée par le dernier maillon de la chaine ; que les prix aux diverses
étapes du procès de production nedécoulent pas des coûts de production mais
du prix de vente final.
NOUS avons tenté dans le passé (WEBER, 1974) de montrer que le système
commercial du cacao et du café se satisfait très bien de structures fami-
liales de production à faible productivité à l'hectare. Ces activités, en
Afrique, sont essentiellement entre les mains de petits producteurs dont
le sort se règle 3 New-York, Londres, Rotterdam.
Il pourrait en être ainsi demain des pêcheurs artisans du Tiers-Monde
si l'on n'y prend garde : ceci expliquerait en partie l'intérêt soudain
qu'on leur accorde. S'assurer la maîtrise des ressources suppose d'en contrô-
ler la commercialisation , pas seulement la production.
La bataille des Z.E.E. se gagnera ou se perdra plus sûrement sur ce
terrain là que sur celui du niveau technologique des unités de production
ou celui des modes d'accès à la ressource.
Dakar, Avril 1983,

R E F E R E ; N C E S
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