LE CONSEIL DES PECHES DE JOAL FADIOUTH : UNE...
LE CONSEIL DES PECHES DE JOAL FADIOUTH :
UNE INSTITUTION DE RECHERCHE, DE GESTION ET DE
DEVELOPPEMENT INTEGRES EN PARTENARIAT
Par
kCot~~sa BAKHAYOKHO, Alassane DIENG,
Ibo tl NDIA YE ét Marna FA YE
15X.4, Centre de Recherches. Océanographiques de. Dakar-TTtiaroye, BP 22JI- DAKAR
INTRODUCTION
Le centre de pêche de Joal est situé sur la Petite Côte du Sénégal (fig. 1) au
coeur d’une zone où d’importants phénomènes d’upwelling (remontées d’eaux
froides riches en sels minéraux) se développent en saison froide (Rebert, 1983) et
où les apports en matières organiques des estuaires du Saloum et du fleuve Gambie
abondent notamment en saison des pluies (Anonyme, 1985).
Cette zone se caractérise en conséquence par une haute productivité. Son
littoral, plat et constitué de fonds meubles, a une grande richesse spécifique
(Anonyme, 1985) et les espèces se concentrent tout le long de l’année dans cette
frange maritime peu agitée. La Petite Côte apparaît donc comme une zone favorable
à la pêche artisanale à partir du port de Joal, port moins excentré que celui de
Djifère et plus proche des zones productives que le port de Mbour.
Cette pêche artisanale sénégalaise va se développer très rapidement au
cours des décennies 1970 et 1980 pour atteindre en 1987 quelques 1151 pirogues
dont 1107 actives parmi lesquelles 425 sont basées à Joal (Soceco-Pêcha& 1983 ;
1990). Sa complexité sera si grande et sa dynamique si forte que les gestionnaires
et les chercheurs vont éprouver de grandes difficultés à accompagner le
mouvement, les pêcheurs à poursuivre leur développement et l’environnement de la
pêche à s’adapter à la situation. La nécessité d’une collaboration, voire d’un
pertenariat entre les acteurs se fera sentir. C’est dans ce contexte que nous avions
proposé* l’idée de mettre sur pied le Conseil des pêches de Joal-Fadiouth ; elle a
été favorablement accueillie par les autorités du développement et de la recherche.
Le présent document analyse le contexte qui prévalait dans les pêcheries
artisanales et particulièrement dans le port de Joal à la fin des années 1970, au
début et au milieu des années 1980, et qui a donné naissance au Conseil. II
présente ensuite la composition et le fonctionnement de cette organisation avant
d’évoquer ses résultats et ses perspectives d’avenir.

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fa. 1 .- La côte sénégalaise et la position du port de Joal

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f&. 1 .- La côte sénégalaise et la position du port de Joal

1. LE DEVELQPPEMENT DE LA PECHE A JOAL ET LES BESOINS DE
COLLABORATION DES INTERVENANTS DANS LA GESTION
Les pêcheurs artisans connaissent bien l’environnement ci-dessus décrit et
vont s’installer temporairement puis définitivement dans le port, par suite de la
raréfaction progressive des prises d’espèces démersales traditionnelles sur la côte
nord (Laloé et Samba, 1990) ; et en raison des difficultés de commercialisation des
sardinelles capturées par les pêcheurs des Îles du Saloum (Fréon et Weber, 1985).
Joal devient un pôle d’attraction.
En 1976, les saint-louisiens de Guet Ndar inventent la caisse à glace qu’ils
installent à bord de grandes pirogues pêchant à la ligne pour leur permettre
d’augmenter leur autonomie en mer et d’exploiter des lieux éloignés (Fall, 1984). Ils
trouveront dans le centre de Joal un port d’accueil saisonnier pour exploiter les
mérous. Réputés bons pêcheurs de soles au filet maillant calé au fond (filet dormant
à sole), ils s’adonnent aussi à cette activité de décembre à mai, puis toute l’année
avec une interruption pendant les fêtes religieuses de la Tabaski et de la Korité
(Laloé et Samba, 1990).
Les pêcheurs du Cap-Vert et de Ndayane trouveront aussi dans le centre de
pêche de Joal un endroit indiqué pour l’exploitation de la sole d’octobre à mai
(Soceco-Pêchart, 1990). Ceux des îles du Saloum, spécialisés dans la capture de la
sardinelle (plate surtout) au filet maillant encerclant se rendront à Joal d’octobre à
mai (Chaboud et Laloé, 1983). Ils rencontreront dans ce port un débouché à leurs
fortes captures, leurs épouses qui les accompagnent participant à la transformation
des produits de la pêche non mareyés en frais. Elles traiteront aussi les Cymbium
(yeet) capturés en abondance par leurs époux et les pêcheurs du Cap-Vert qui
opèrent au filet dormant à yeet.
Joal, apparaît aussi comme le centre principal de pêche à la senne tournante
coulissante dirigée sur la sardinelle ronde, la courbine, les carpes blanches et les
carangues (Anonyme, 1987a).
La quasi-totalité du parc de pirogues à la senne tournante évolue à partir de
ce port (Soceco-Pêchart, 1990). Ces pirogues ont quitté le centre de Djifère avec
l’arrêt de l’usine de fabrique de farine de poisson pour rejoindre Joal afin de trouver
un débouché à leurs produits et continuer à travailler.
La réputation de Joal sera également le fait de la pêche à la seiche au casier
et à la turlutte (Bakhayokho, 1980 ; Bakhayokho et Drammeh, 1986). Le prix très
incitatif de ce mollusque sur le marché japonais permettra le dévelgppement trés
rapide de cette pêcherie encadrée par les sociétés sénégalo-nippones de la
SOPAO et de la SENEPESCA (Mizuishi, 1977).
-
:Société de Pêche de l’Afrique de l’ouest.
Sénégalaise de Pêche, Surgélation et Congélation des Aliments.

Avec la pêche de la seiche, la vente à la pesée sera introduite dans le
mareyage. Les mareyeurs vont utiliser de la glace pour conserver les seiches. Ils
pourront ainsi attendre les pêcheurs qui ne seront plus contraints comme
auparavant de rentrer avant la tombée de la nuit pour écouler leurs produits. En
conséquence, des lieux de pêche plus lointains sont de plus en plus visités pour
poser les casiers et les filets dormants.
L’explosion du poulpe (Octopus vulgaris) en 1986 (Caverivière, 1990) viendra
compliquer le paysage de la pêche à Joal, attirant tous les pêcheurs de ligne, de
casier voire de filet.
Les pêcheurs des Îles du Saloum utilisant le filet dérivant de fond, exploitent
les barracudas en saison des pluies au niveau de l’estuaire et vendent leurs
captures à Joal. De nombreux filets dormants quadrilleront toute la frange côtière de
la Petite Côte pour pêcher les mâchoirons, les raies, les plexiglas, les otolithes, les
courbines (Anonyme, 1985).
Désormais, de nouveaux engins apparaissent (filet à Rhynobatos et
palangres de fonds en 1986). De nouvelles techniques comme la mixité se
pratiquent. Celle-ci consiste pour des pêcheurs d’une même pirogue en l’emploi de
plusieurs engins au cours d’une même marée. Plusieurs sorties s’effectuent dans la
même journée voire dans la même nuit (Gérard, 1985).
L’expansion rapide des activités halieutiques à Joal au début des années
‘1980 n’a pas manqué de poser d’énormes problèmes de gestion à l’administration
locale et aux professionnels de la pêche .
Les conflits en mer se multiplient entre les pêcheurs artisans utilisant des
engins fixes (casiers et filets dormants) et ceux utilisant des engins mobiles (filets
dérivants, sennes tournantes et filets maillants encerclants). II en est de même aussi
entre les chalutiers (surtout les glaciers) et les pirogues qui partagent les mêmes
aires de pêche et recherchent les mêmes espèces. Les agents de l’administration,
chargés aussi de la police des pêches, éprouvent beaucoup de difficultés à
résoudre les problèmes et sollicitent l’appui de la gendarmerie, de la recherche et
des pêcheurs (Bakhayokho et Diouf, 1990).
Les vols de casiers créent doutes et suspicions entre les pêcheurs et
exacerbent les tensions sociales au sein des communautés d’exploitants. Les
dépôts de plaintes au service des pêches et à la gendarmerie ne se comptent plus
et posent d’énormes difficultés, d’autant que les jeunes pêcheurs (mineurs pour la
plupart) sont davantage concernés.
Le début des années 1980 est aussi la période des pénuries fréquentes de
pièces détachées de moteurs hors-bord dans les structures (satellites) du Centre
d’Assistance à la Motorisation des Pirogues (CAMP). D’importants réseaux se
constituent pour créer des pénuries artificielles en extrayant les pièces de rechange
de la distribution (effectuée par des structures publiques) afin de les vendre au
marché parallèle. Aussi, la collaboration de tous les intervenants dans la pêche
était-elle recherchée pour venir à bout de ces pratiques.
” PV de réunion CENT. RECH. OCÉANOGR. DAKAR-THIAROYE/DOPM du 15/09/1987 à Joal.

5
Par ailleurs, devant les mouvements migratoires importants et quotidiens des
pecheurs entre les ports de Mbour et de Joal, la gestion du carburant subventionné
constituait un véritable casse-tête et un sujet permanent de frictions entre les
pecheurs et les agents du service des pêches, le carburant subventionné se
vendant hors douane et faisant l’objet de trafic par les pêcheurs et les
automobilistes. A ce niveau aussi, la collaboration des pêcheurs, des chercheurs,
des gérants de stations d’essence, des gendarmes et des douaniers était
recherchée.
Enfin, l’occupation anarchique et l’insalubrité de l’aire de conditionnement
nécessitaient une gestion participative des intervenants.
En somme, la gestion de la pêche était difficile à Joal au cours des années
1980 et faisait appel à la collaboration de tous les acteurs.
2. LA RECHERCHE HAUEUTIQUE A JOAL ET LES BESOINS DE
COLLABORATION AVEC LES ACTEURS DU DEVELOPPEMENT.

En matière de recherche halieutique, trois opérations ont été conduites à
Joal dans le cadre de la pêche artisanale (Anonyme, 1987c) :
- l’étude de la méthodologie de collecte et de traitement des statistiques ;
- l’étude de la seiche ;
- l’étude de la pêche à la palangre de fond à l’aide de vire-ligne.
D’autres recherches étaient par ailleurs menées mais elles n’appelaient pas
directement une collaboration plus accrue des acteurs de Joal à cette époque. Elles
portaient sur :
- le suivi des unités de pêche, des prix et du mareyage ;
- l’évaluation des ressources par chalutage et par écho-intégration ;
- le suivi des paramètres de l’environnement (température, salinité, etc.).
%.l- ETUDE DE LA COLLECTE DES STATISTIQUES DE PECHE
Pour connaître l’activité de pêche, deux paramètres sont utilisés (Bergerard,
1980 ; Laloé, 1985) :
- l’effort ou nombre de sorties de pirogues par type de pêche ;
- la prise par sortie de pirogue pratiquant un type de pêche donné.
Ces données recueillies sur la plage permettent d’estimer la prise totale du
port concerné, prise qu’on peut extrapoler à la zone d’influente du port à partir de
coefficients obtenus grâce au recensement du parc piroguier.
Au début des années 1980, l’effort journalier était estimé sur la côte nord et
au Cap Vert en faisant la différence entre le décompte du parc le matin après le
départ des pirogues et en fin d’après midi après leur retour de marée. (Gérard et
Greber, 1985).
Cette méthode, fiable dans ces deux zones où la stratégie de pêche était
simple, ne pouvait s’appliquer à Mbour et à Joal.

A Mbour en effet, toutes les pirogues débarquaient de jour mais les doubles
sorties étaient fréquentes. Aussi, le système du pointage des arrivées de pirogues a-
t-il été appliqué dans ce port.
Nous avons utilisé une autre méthode à Joal où des arrivées et des départs de
pirogues pour la pêche étaient enregistrés de jour comme de nuit. Dans ce port en
effet, l’appui de vieux pêcheurs responsables de communautés de migrants était
sollicité au niveau des abris (« pinch ») où ils séjournaient ; ces abris jouxtaient les 3
km de côte qui bordent la plage (Gérard, 1985). A Joal, cette méthode de recueil de
l’effort, initiée pour obtenir les statistiques de pêche de la seiche, s’est vite avérée
peu fiable pour estimer les données relatives à tous les types de pêche pratiqués
dans la localité. En pleine saison, le port recevait jusqu’à 1200 pirogues et
enregistrait jusqu’à 800 sorties par jour (Anonyme, 1987a). Ainsi, plusieurs
communautés se retrouvaient au niveau d’un même abri et leurs marées n’étaient
plus contrôlables par les vieux pêcheurs accrédités à cet effet. De ce fait, pour la
collecte de l’effort, une plus large collaboration des professionnels était recherchée.
S’agissant des enquêtes de prise par sortie, les deux enquêteurs du CRODT
affectés dans le port ne pouvaient assurer une bonne couverture des 3 km de plage.
L’appui des agents techniques des pêches relevant de l’administration, était alors
fortement souhaité .
Ces besoins de collaboration se ressentaient par ailleurs au niveau des
pêcheurs qui souhaitaient par ce biais fournir à l’administration locale les justificatifs
de leurs importantes demandes en carburant subventionné. II en était de même des
agents techniques des pêches qui voulaient, par la collaboration, harmoniser leurs
statistiques avec celles de la recherche suite aux instructions renouvelées qu’ils ont
reçues*.
2.2- ETUDE DE LA SEICHE
L’étude sur la seiche consistait d’abord en des essais et tests de la pêche au
casier pliant et à l’appât à base d’épi de cocotier ; le second aspect de l’étude portait
sur les marquages de seiches à bord des pirogues.
Le reproche généralement fait aux chercheurs par les gestionnaires, les
encadreurs et les producteurs de la pêche, est qu’ils effectuent des recherches sans
grande implication des utilisateurs des résultats, publient dans un langage
difficilement accessible et souvent dans des revues étrangères. Ce processus ne
permet guère la validation des résultats de la recherche par le développement et à
fortiori leur application ; notamment pour les recherches ci-dessus évoquées portant
sur la pêche artisanale à Joal où la cible principale est constituée d’opérateurs
presque tous analphabètes en français, très attachés à leurs traditions et très liés
socialement et économiquement aux mareyeurs, fabricants d’engins de pêche,
vendeurs de matériel de pêche et de carburant, etc.
Ainsi, toute recherche dont les résultats sont destinés à être appliqués par les
pêcheurs artisans, comme c’est le cas par exemple pour l’étude de nouvelles
“* Lettre du CENT. RECH. OCÉANOGR. DAKAR-THIAROYE n”06/1988 en date du 26 février 1988.
” Lettre no1 d du Directeur des pêches en date du 29 janvier 1988.

technologies, appelle l’implication des parties prenantes du processus d’adoption
des résultats.
En ce qui concerne les tests et essais en milieu réel, la collaboration de
pêcheurs avertis et de fabricants de casiers s’était avérée nécessaire, de même que
celle des agents techniques des pêches chargés de la vulgarisation des innovations’
ces derniers étant assistés par des volontaires japonais et disposant d’une
embarcation appropriée.
Les mareyeurs de seiche, en tant que fournisseurs de casiers aux pêcheurs,
devraient être associés à la recherche-développement sur la vulgarisation de la
pêche au casier pliant. En raison des vois fréquents de cet engin en mer, tous les
pêcheurs de seiche devraient aussi être impliqués.
S’agissant des marquages en mer, la collaboration des pêcheurs utilisant des
pirogues devrait permettre d’en effectuer un nombre important et à moindre coût,
d’obtenir des taux élevés de recaptures et de faciliter le transfert des résultats
relatifs à la répartition et aux migrations des seiches.
2.3” ESSAIS DE PECHE A LA PALANGRE DE FOND A L’AIDE DE VIRE-LIGNE.
Pour exploiter les mérous’ la recherche avait décidé en 1987 de tester des
palangres de fonds et un vire-ligne à Joal où les expériences de travail des
chercheurs avec les pêcheurs étaient des meilleures (Samba et Fontana, 1987).
Un pêcheur breton était associé à un spécialiste de la pêche à la ligne pour
expérimenter ces nouvelles technologies. Afin de mieux effectuer les essais et
d’optimiser le transfert des acquis, une plus large contribution des pêcheurs à la
ligne devait être trouvée à travers des discussions de groupes pour identifier les
imeilleures zones de pêche, apprécier les comportements des engins en vue de
procéder à d’éventuelles améliorations de gréement.
3. LE CONSEIL DES PECHES DE JOAL- FADIOUTH
3.1- UNE INITIATIVE DU CENTRE DE RECHERCHES OCEANOGRAPHIQUES DE
DAKAR-THIAROYE (CRODT)
A partir de l’expression de tous ces besoins de collaboration, le programme
de recherche sur la pêche artisanale du CRODT a conçu et proposé un organe : le
Conseil des pêches de Joal-Fadiouth. II s’agit d’une interface de communication, un
instrument de concertation, d’échange et d’action. II vise le renforcement de la
synergie entre les parties prenantes de la recherche halieutique, de la gestion et du
développement de la pêche artisanale maritime dans la commune de Joal-Fadiouth.
Créé par arrêté n”87/498/D.Mb du préfet du département de Mbour (Anonyme,
1987b), il procède d’une démarche de travail en équipe, de participation et de
responsabilisation des équipes opérationnelles de recherche et de développement,
en vue d’une plus grande efficacité dans les interventions.
Pour le mettre en place, un inventaire des partenaires avait été effectué par
les enquêteurs du CRODT affectés à Joal, sous la direction du responsable du
programme. Etaient ainsi recensés : les pêcheurs par métier, les mareyeurs, les

fabricants de casiers et de pirogues, les fournisseurs de carburant, les réparateurs
de moteurs hors-bord, les femmes transformatrices, les groupements d’intérêt
economique, les projets de développement, etc.
Le Conseil comprend un bureau placé sous l’autorité du préfet de Mbour et du
maire de Joal ; la présidence est assurée par l’inspection régionale des pêches,
assistée des pêcheurs et de la recherche ; le secrétariat est tenu par le chef du
poste de contrôle de Joal et un technicien de la recherche.
Le bureau du Conseil est assisté par des commissions ad hoc : commissions
chargées des conflits, de la surveillance des zones de pêche et des engins, de
l’approvisionnement, de la recherche-développement, de la recherche en mer, etc.
L.e bureau du Conseil, élu annuellement, tient des réunions hebdomadaires de
c.oordination et convoque l’assemblée ordinaire du Conseil une fois l’an.
3.2- IMPACTS DU CONSEIL
Le bilan du Conseil des pêches de Joal-Fadiouth peut être apprécié au plan de la
recherche, puis de la gestion et du développement de la pêche.
3.2.1- AU PLAN SCIENTIFIQUE
Le Conseil des pêches a mis en place une cellule statistique au niveau de
JoaI*. Elle se compose des trois enquêteurs du CRODT et de deux agents
techniques du service local des pêches assistés d’un aide et des représentants des
professionnels désignés au niveau de chaque abri (ou Pinch). S’appuyant sur une
liste quotidiennement mise à jour des pêcheurs qu’ils dressent, l’aide et les
représentants des pêcheurs confirment les sorties de pirogues de la veille et
informent de celles du jour. Ainsi, l’effort de pêche recueilli devient plus précis
comme les contrôles réguliers l’ont montré (référence aux rapports de mission des
enquêteurs de Joal).
Les enquêteurs et les agents techniques couvrent mieux la plage pour
collecter les prises par sortie : le taux d’échantillonnage des pirogues a relativement
augmenté du fait de l’affectation sur la plage de quatre personnes au lieu de deux ;
la représentativité des enquêtes est aussi améliorée du fait d’une occupation plus
complète de la plage dans le temps et dans l’espace.
Les données recueillies étant propriété commune des parties prenantes et les
traitements effectués mensuellement de manière identique, il n’existe plus de
différence entre les statistiques de la recherche et celles du service des pêches.
Pour les tests et essais de pêche au casier pliant proposés par la recherche,
une Équipe avait été mise en place par le Conseil. Elle était composée du chercheur
qui a mis au point le casier et l’appât, assisté de ses deux techniciens basés à Joal,
d’un volontaire japonais en fonction au service local des pêches et spécialisé dans
les techniques de pêche, de cinq pêcheurs au casier proposés par leurs pairs, d’un
menuisier métallique fabriquant de casiers, du plus grand mareyeur de seiche de
Joal et d’un représentant de la commission chargée de la surveillance des zones et
engins de pêche.
” PV de réunion du 03 février 1988, poste de contrôle de Joal.

Le CRODT a fourni les prototypes de casiers à tester, et a été aidé en cela au
début des essais par le mareyeur membre du Conseil, qui a pu obtenir une
contribution d’une industrie de pêche de la seiche (SENEPESCA) ; le service des
pêches a fourni une pirogue et un moteur hors-bord ; le carburant était payé et les
pêcheurs désintéressés sur la vente des captures réalisées.
Toute l’étude de faisabilité de la pêche au casier pliant a été effectuee dans
ce cadre. La mise au point de cet engin fut ainsi vite obtenue et l’appât rapidement
adopté (Bakhayokho et Ito, 1987 ; Bakhayokho, 1990 ; Shimowada, 1992).
La palangre de fond et le vire-ligne ont été testés suivant la même démarche
rnais avec une plus grande implication d’un économiste des pêches. Au terme des
essais, la palangre de fond a été entièrement adoptée (Bakhayokho et Kébé, 1990).
Eflle a même complètement remplacé la palangrotte à bord des pirogues glacières
(Anonyme, 1988). Quant au vire-ligne Bakhayokho et Kébé (1990) ont montré qu’il
améliore la pêche artisanale ; en revanche, son prix d’acquisition reste trop élevé
par rapport au pouvoir d’achat des pêcheurs artisans.
Les marquages de seiches réalisés suivant la même méthode participative
furent aussi un succès (Bakhayokho, 1990). II y a eu en 1988 plus de seiches
marquées et à moindre coût. Les retours de marques ont été plus importants
qu’avec les opérations menées à bord du navire de recherche.
La réalisation des recensements bisannuels du parc piroguier et des
infrastructures liées à la pêche a été entreprise sous l’égide du Conseil et a été, de
ce fait, grandement facilitée. En effet, de soixante-douze heures en 1982 (Soceco-
Pêcha& 1982)’ le recensement ne dure plus maintenant qu’une demie journée
@oceco-Pêchart, 1990) en raison de la large participation de tous les intéressés.
II faut noter par ailleurs que les agents de la recherche en poste à Joal ont
organisé, dans le cadre du Conseil, des séances d’alphabétisation des jeunes
pêcheurs, en collaboration avec le système éducatif local. Ils ont aussi organisé des
causeries de sensibilisation aux acquis de la recherche et à la sécurité en mer.
3.2.2-AU PLAN DE LA GESTION ET DU DEVELOPPEMENT
Le Conseil a institue des brigades de surveillance des casiers mouillés* ; ces
brigades, constitués de groupes de pêcheurs, recevaient une attestation de
reconnaissance de la gendarmerie pour surveiller eux-mêmes leurs engins en mer la
nuit. Pour ce faire, un membre d’équipage de chaque pirogue de la brigade restait à
bord d’une des pirogues appelée à passer la nuit en mer dans la zone de mouillage
des casiers.
Cette pratique a beaucoup fait diminuer les vols de casiers et par suite les
conflits, comme l’indique le compte rendu en date du 2810911989 ci-dessous
évoqué : « parlant spécifiquement des cas de vols d’engins de pêche, notamment
les pièges de toutes sortes, le président du Conseil a loué les initiatives heureuses
de certains pêcheurs qui se sont constitués en groupes pour une surveillance
rotative de leurs casiers en mer ; grâce à ces tours de garde, a souligné le président
du Conseil, la fréquence des vols a été minimisée ».
Par ailleurs, la commission chargée de la surveillance des zones de pêche a
contribué largement à la réduction de la pêche chalutière dans les zones interdites
--_I
li Compte rendu de réunion du Conseil en date du 28/09/1989.

aux bateaux et partant à la réduction des destructions de casiers et de filets. Le
compte rendu ci-dessus l’atteste : « Ainsi, à l’issue de fructueux débats, le Conseil
des pêches de Joal en sa session du 2810911989, se félicite des performances
réalisées quant au recul de la fréquence des cas de conflits ».
Ce résultat a été obtenu grâce à la surveillance collective des zones de
pêche réservées. En effet, après le repérage au radar des bateaux en position
irrégulière de pêche, les pêcheurs fournissent une pirogue et un moteur,
l’administration paye le carburant ; les recettes des contraventions sont ensuite
distribuées entre les parties prenantes de l’opération de contrôle.
Le Conseil a également jeté les bases d’une réglementation de la pêche
artisanale notamment de la pêche aux engins fixes et de celle aux engins mobiles ;
des études spécifiques conjointes effectuées par les agents de la recherche et ceux
du développement ont contribué à ce résultat (Bakhayokho et Diouf, 1990).
Au terme du compte rendu en date du 2810911989 évoqué plus haut, le
Conseil a contribué à faciliter le transfert du débarcadère à l’entrée de la ville de
Joal et l’intégration des pêcheurs sénégalais rapatriés de Mauritanie à la suite des
événements de 1989. II a permis la négociation régulière au début de chaque saison
(juin à octobre) du prix plancher du kilogramme de seiche et de poulpe acheté au
pêcheur, évitant ainsi les arrêts fréquents de la pêche en protestation contre les
baisses de prix.
Enfin, l’immatriculation des pirogues, le renouvellement des cartes de
mareyeurs, l’aménagement et l’électrification de l’aire de conditionnement des
produits ont été entrepris et réalisés sous l’égide du Conseil des pêches de 1988 à
1990 (voir les rapports au poste de contrôle des pêches de Joal).
Grâce à tous ces résultats, d’autres conseils de pêche ont été créés à Mbour,
à Kayar et à Hann dans la même période.
CONCLUSION ET PERSPECTIVES DU CONSEIL DES PECHES
De manière générale, le Conseil des pêches de Joal-Fadiouth est un
instrument d’appui à la recherche, à la gestion et au développement de la pêche à
Joal. II a participé à la résolution de beaucoup de problèmes touchant à ces
différents aspects du secteur. Renforcé par l’organisation et la responsabilisation
accrues des pêcheurs dans le cadre du Collectif National des Pêcheurs du Sénégal,
le Conseil a été si actif qu’il a souvent empiété sur les compétences de
l’administration locale des pêches.
Une évaluation expost de cette interface serait donc souhaitable pour
compléter ce travail, d’autant plus :
- qu’en matière de recherche, le modèle est en train de connaître un essai de
généralisation à tout le système agricole à travers les projets « PARURE » et
« REMEDE » (Bakhayokho, 1995a ; Bakhayokho, 1995b) et à travers la suggestion
en cours, d’organisation de la recherche scientifique et technique en systèmes sur la
base du partenariat (Bakhayokho, 1996) ;
- qu’en matière de gestion, le projet de code de la pêche en préparation
propose d’institutionnaliser l’approche de gestion participative du secteur halieutique

11
à travers un réseau intégré de conseils de pêche aux différents niveaux local,
départemental, régional et national ;
- que les gestionnaires du processus de « régionalisation » en cours au
niveau national pourraient s’inspirer de cette démarche pour le développement
participatif à la base des collectivités décentralisées ; cette démarche pouvant
corroborer les idées développées par le Ministère du Plan et de la Coopération et
qui sous-tendent la régionalisation (Anonyme, 1989).
Cette évaluation pourrait faire ressortir l’impact du Conseil des pêches et
l’influence des mutations organisationnelles, institutionnelles et environnementales
sur cet outil, toutes choses à prendre en compte dans la généralisation éventuelle
du modèle. Elles pourrait aussi permettre de mieux préciser la place et le rôle des
différents acteurs ainsi que les prérogatives du Conseil par rapport aux institutions
existantes.
BIBLIOGRAPHIE
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