LA FILIERE DES HUITRES EN CASAMANCE M.C....
LA FILIERE DES HUITRES EN CASAMANCE
M.C. CORMI:-SALEM("
.
(1) Geographe ORSTOM en poste au Centre de Recherches Océanographiques
de Dakar-Thiaroye-ISRA, BP. 2241, Dakar, Sénégal.

2 2 0
R E S U M E
La filière des huîtres en Casamance consiste essen-
tillement en la cueillette des huîtres de palétuviers, à
marée basse , par les femmes diola. Les huîtres
s o n t s é -
chées et fumées puis autoconsommées, échangées ou vendues
sur place, à Ziguinchor et à Dakar.
La description de cette filière montre que cette ac-
tivité reste dynamique, quoique menacée par La dégradation
de la mangrove et l’exode rural ; seconde par rapport à la
riziculture,
elle n’est nullement marginale. Elle apporte
un complément de revenu indispensable et un appoint
a l i -
mentaire hautement valorisé. Elle repose sur une
gestion
poussée du milieu,une organisation complexe des cueilleuses
et des circuits de distribution variés.
Tout projet d’ostréiculture, fondé en ce qui concerne
la protection de la mangrove, doit cependant aussi prendre
en compte la réalité de cette pratique,
son
importance
économique, culturelle et sociale.
Oyster production in Casamance essentially
consists
in mangrove oyster gathering at low tide by the diola wo-
men. The oysters are dried and smoked and then xsumed
l o c a l l y , exchanged or sold on the market in Ziguinchor or
Dakar.The study of these processes shows that this activity
stays dynamic though threatened by the degradation of
the
mangrove and the rural exodus second to the rice
culture,
it is not at a11 marginal. It provides an essential
com-
plementary income and highly appreciated nutritional con-
tribution ; it is based on a elaborated management of
the
environment 9 a complex women organisation and varied
dis-
tribution channels.
Any oyster culture project,
justified with respect to
the mangrove protection, should however also take into ac-
Count the reality concerning this practice,its economical,
cultural and social impact.

2 2 1
I N T R O D U C T I O N
OBJET
La filière des huîtres en Casamance consiste essentiellement en la
cueillette des huîtres de palétuviers, à marée basse, par les femmes
diola; puis les huîtres sont séchées et fumées, autoconsommées, échangées
ou vendues sur place, à Ziguinchor ou à Dakar.
PROBLEMATIQUE
La cueillette des huîtres est-elle :
- une pratique dépassée, marginale, laissée aux femmes âgées , qui en
retireraient un profit insuffisant compte tenu du travail requis; dans ce
cas, les ressources seraient sous-exploitées et il conviendrait de dévelop-
per une nouvelle filière.
- la pratique la mieux adaptée aux conditions du milieu physique (sé-
cheresse et dégradation consécutive de la mangrove, interdisant toute ex-
ploitation "industrielle"
au risque d'épuiser les stocks d'huîtres) et
humain (exode rural des jeunes, changement des mentalités, enclavement éco-
nomique de la Casamance, rendant hypothétique l'écoulement des huîtres
crues sur Dakar et les marchés extérieurs)?
METHODE
Pour rendre compte de la réalité de cette pratique en Casamance, nous
avons adopté une approche de type "filière" consistant à mener des enquê-
tes aux différentes échelles selon les étapes du processus d'exploitation.
Nous avons d'abord recensé les villages dont la population pratique cette
activité et mené une série d'enqugtes formelles et d'interviews auprès de
cette population. La filière des huîtres a été suivie depuis la cueillette
dans la mangrove jusqu'à la vente sur les marchés de Dakar.
PLAN
Nous présenterons d'abord les étapes de la filière - c'est-à-dire les
processus de cueillette, de transformation, d'écoulement, ensuite les ac-
teurs - composition,
organisation, revenus -, puis nous nous interrogerons
sur les avantages et les inconvénients de ce système, en tenant compte
surtout de deux aspects fondamentaux du contexte actuel : la dégradation
de la mangrove et l'exode rural.

2 2 2
1 *LES
E T A P E S D E
2, A
F 1 1, 1 E R E
1 o 1 e LA PRODUCTION
a) Extension géographique
Aire potentielle de cueillette :
7”” --- ---. I ------- ~ ________p
Les huîtres vl..vent à l’état naturel,
grégairement,
sur les racines échasses des palétuviers (Zhizophora) décou-
vertes à marée basse (BLANC A., 1950, Ostreu parasitica, Gryphea gasar,
“rassostrea gasar, nom vernaculaire wolof :idohoss ; nom vernaculaire diolao
sourj .En Casamance, la mangrove couvre 887 km” en 1983 (S. BADIANE, 1986) y
Elle ne s’étend pas au-delà du Soungrougrou. Actuellement, en amont de
Ziguinchor, à part la rive droite entre Tobor et Fintiock, elle n’est plus
constituée que par du bois mort. L’aire potentielle de cueillette s’étend
donc essentiellement en aval de Ziguinchor et est encore limitée à une
étroite frange, celle constituée par les Rhizophoracés a Cette aire, il y
a quelques années, devait être beaucoup plus étendue. Tous les observateurs
sont frappés par la vitesse de dégradation de la mangrove depuis une quin-
zaine d’années (MARIUS, comm. pers., 1985), En 1973, la mangrove couvrait
931 km2, en 1979, 907 km2
; elle aurait regressé de 3,2 % en 6 ans, tandis
que les tann-étendues sursalées-auraient progressé de 73 % au détriment
des eaux et de la mangrove (M. SALL in S. BADIANE, 1984) > La sécheresse et
la salinité sont-elles seules en cause ?
Si l’aire potentielle de cueillette s’est considérablement réduite 9
l’aire effective, par contre, est étonnament stable,
Aire effective de cueillette : L’aire de cueillette (. fig. I
.
-~--‘--‘--““‘~-“““--“‘c’
situation de la c~Iell.lette des hurtres en 1950) n’a guère changé depuis
l’époque où les- ancètres des DiolLa se nourrissaient d’huîtres et de pois-
, .
-. _ ^
sons, comme en temolgnent les buttes
d’origine anthropique, amas de co-
quilles d’huîtres, datant des premiers siècle de notre aire. (O.L. de
SAPIR, 1971).
Les huîtres sont destinées non seulement à la consommation mais aussi
à la fabrication de la chaux. C. ROCHE signale au XIXème siècle, à Carabane
la présence de fours à chaux (C. ROCHE, 1‘985 : 82).
Au début du .XXème siècle, outre la cueillette, une forme d’ostréicul-
ture est pratiquée par la population des Djougoutj et des Karones : “ils
cueillent des huiZtres de ptzZétz&ers et les enferment dans des pares sur
les bords des marigots ; qznand’elles sont assez grosses, ils les enlèvent,
Z!es écailles, tes fument et vont Zes vendre à Cartrbane ou. en rivière.”
(LASNET, 1900 : 171).
Il faudra attendre la fin des années 1940 pour que s’ébauchent les
premiers projets d’aménagement moderne de parcs ostréicoles sur le modèle
de ceux de Joal et de Sokone (fig. 2
o exploitation des huîtres entre
1950 et 1970).
L’aire actuelle de cueillette est toujours centrée sur la Basse-
Casamance en aval de Ziguinchor, Sur la rive droite , le bolon d’bffiniam,
les bolons entre le Blouf (ou Djigoutjj et le Diouloulou, les îles Blis-
Karone B frangés d’une mangrove à palétuviers riches en huîtres, sont
encore très fréquentés. Sur la rive gauche, la situation est localement
moins bonne : Autour de Bandial, dans les îles derrière Carabane, le long

L E G E N D E
N
t
FIG. 1.- Situation de la cueillette des huîtres en 1950 (d'a$r'6s'GUEYE, lT5L)

224
+
+ i ç
4
t 9

de I’Essoukoudiak Bolon, de Boudiédiéte à Diakène, de nombreux rhizophores
chargés d’huîtres se suspendent au dessus de la marée basse. Par contre’
en amont d’Eloubaline, la recherche du bois mort a remplacé celle des
huîtres ,; entre Carabane et Ponta, en amont de Ziguinchor entre Niaguiss et
Adéane et le long du Soungrougrou, les palétuviers disparaissent au profit
des plages sablo-vaseuses ; la cueillette des huîtres cède le pas au ramas-
sage des coquillages ( fig. 3
: aire d’exploitations des mollusques en
1985).Couvrent expliquer ce contraste entre les deux rives ? La dégradation
de la mangrove est-elle due à la sécheresse, à la surexploitation ou a
leurs effets combinés ? Des éléments de réponse seront apportés par l’ana-
lyse de la gestion spatiale et temporelle du milieu et l’étude de la popu-
lation qui pratique la cueillette.
b) Gestion traditionnelle du mil.ieu
Gestion spatiale : problème de 1’acEroEriation ou du droit d’accés à
-m--s---- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - --------------_--------------
la ressource :
_------e---s
L’aire effective de cueillette se découpe en un certain nombre de
zones, contrôlées par les “pays”, les villages ou mêmes les quartiers. Ces
zones sont limitées par la distance au village, la profondeur des bolons,
la richesse des rhizophores et la “coutume” (CORMIER-SALEM M.C., 1986).
A l’intérieur de la zone villageoise, chaque quartier a son propre
débarcadère, ses propres “chant iers”, ses propres lieux de cueillette (fig,
4
: Zone de nêche de Niomoune).
-
-
En fonction des liens inter%illageois traditionnels, les femmes peu-
vent cueillir les huîtres en dehors de l’aire villageoise, ce qui donne
lieu à des campagnes pouvant durer quelques mois.
Les caqagnes de cueillette d’huîtres :
--m-m-- - -“--““-‘T”‘^-‘-“‘----
--
Les îles autour du DioulouPou sont les principaux sites de campement
des villageois du Blouf, des Karones et des Bliss. Jusqu’aux années 70,
les campagnes sont familiales (L.V. THOMAS, 1959, 1960, 1967).
Depuis une trentaine d’années, les migrations se sont modifiees.
La régression actuelle de ces migrations familiales est moins due à
la réaff irmation des droits coutumiers - La sécheresse et le déclin de la
riziculture incitent les villageois à interdire l’accès de leur zone aux
campagnards, à revendiquer l’appropriation et l’usage exclusif des ressour-
ces de leur espace aquatique - qu’à des changement d’ordre familial et
personnel. Les femmes sont retenues à la maison par leurs enfants en bas-
âge, par les tâches domestiques, par leurs maris, tâches assumées par les
jeunes filles avant l’exode rural. Les campagnes sont jugées comme trop
fatigantes, trop risquées.
Les campagnes se sont mieux maintenues dans les îles et dans le vil-
lage où les femmes sont organisées en compagnies.
Gestion temporelle de la cueillette des huîtres
- - - - - - - - - - - --------c-----------___c___________
La saison : la cueillette des huîtres se pratique entre janvier et
juin, juillet si l’hivernage - la saison des pluies - est tardif, pour des
raisons matériel le, biologique, alimentaire, économique et technique.
Les jours de cueillette : Pendant la saison sèche, la fréquence de
sortie dans les bolons dépend de l’abondance des huîtres, des activités
annexes des femmes, de leur mode d’organisation. Les premiers mois, quand
les huîtres sont les plus abondantes, les femmes vont cueillir les huîtres
deux jours d’affilé et restent un jour au chantier villageois pour les
transformer. A la fin de la saison, un jour elles cueillent, le second
elles transforment. Elles ne sortent tous les jours qu’en cas de partage
des tâches au sein de leur groupe.

L E G E N D E
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FIG. 3~ Aires d'exploitation des mollusques en 1985

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CASAMANCE
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FIL. 4." Zone de pêche de I$omoune

2 2 8
Les heures de cueillette : Les heures de dëpart et de retour dépendent
du cycle des marées. Les huîtres accrochées aux racines échasses des palé-
tuviers ne peuvent être récoltées qu’à marée basse, quand elles sont décou-
vertes. Quand la marée commence à descendre vers 6 - 7 heures, les femmes
embarquent tôt le matin sur leurs petites pirogues. Elles rament en moyenne
une heure de temps jusqu’à leur premier lieu de cueillette. Elles passent
la journée à cueillir les huîtres et ne rentrent qu’avec la marée montante.
Les sorties peuvent durer de 5 heures à plus de 13 heures. Elles n’empor-
tent aucune nourriture, si ce n’est un peu d’eau.
c) Les techniques de cueillette
Les instruments
- - - - - - - - - - - - - - -
Les instruments sont rudimentaires, limités le plus souvent à un vieux
coupe-coupe, un bâton) des paniers en fibre de rônier. Les mieux pourvues
ont une hache dont elles se servent aussi pour couper le bois mort. Pour
saisir le rhizophore, en détacher les ‘huîtres et éviter de trop se blesser
les mains, des femmes utilisent un bâton fourchu appelé EZJUZJW~ dans le
Blouf. Quelques unes se servent de vieilles chaussettes en guise de gants.
La coupe
- - - - - - -
Selon les sîtes, les femmes adoptent différentes techniques de cueil-
lette aux conséquences Variab*les sur le renouvellement des stocks. Quand
il y a une “plage” ( fig. 5 >> 9 elles descendent de 1.a pirogue ; sinon,
elles s’enfoncent dans la ,vase avec de l’eau jusqu’à la taille.\\ Ou bien
elles coupent les rhizophores qui ont pris racine
dans la vase, ou bien
elles détachent une à une les hurtres à l’aide de ~‘EI.JWJZUK ou bien encore
elles secouent les rhizophores supsendus pour faire tomber les huîtres
directement dans la pirogue ou le panier. Cette dernière technique est la
meilleure car, ainsi, la mangrove n’est pas abîmée ; malheureusement, les
rhizophores suspendus sont de plus en plus rares. La deuxième technique
la plus longue, la plus pénible
est actuellement La plus répandue ; là,
le renouvellement du stock est assuré; la mangrove n’est pas détruite, les
huîtres sont sélectionnées.
1.2. LA TRANSORMATION
a) Le chantier
-
Le chantier lest le lieu où les femmes transforment les huîtres. Durant
la saison, elles y passent le tiers de leur temps; la plupart des chantiers
sont situés à côté du débarcadère, 0G les femmes tirent leur pirogue ; ils
se signalent de loin, véritables collines d.e coquilles vides, d’où s’él.ève
la fumée des foyers (fig. R ).
b) Les techniques de transformation
Les techniques de transformation n’ont guère change depuis des généra-
t ions. L’opération la plus longue consiste à recueillir 1~ chair des huîtres.
Les branches des palétuviers chargées d’huîtres sont mises sur le feu, ou
bien les coquilles d “huîtres, détachées préalablement des branches, sont
mises 2 griller ou à boui!lir dans une grande bassine remplie d’eau. Une
fois les coquilie:; ouvertes, les femmes retirent ‘la chair qu’elles étalent
au soleil sur une natte.

FI(:. 5;‘” Cue:illette ‘ d e s tlultrc!s I: m a r é e basse Yc:.a~-quer
1 ‘ewuyum.

2 3 0

2 3 1
Le séchage dure 1 à 2 jours, 2 jours dans le Bandial où les huîtres
ne sont pas fumées, 1 jour dans le Blouf. Les huîtres insuffisamment
séchées par le soleil
sont étalées sur un van circulaire posé au-dessus
du foyer domestique. Le fumage dure 1 à 2 jours.
Les huîtres se conservent plusieurs mois dans les paniers ou des sacs
en toile de jute, suspendus dans un endroit sec, au-dessus du foyer ou sur
une des claies du grenier à riz, dans lequel un feu est entretenu en per-
manence.
c) Estimation de la production
Il est illusoire de vouloir calculer la production d'huîtres crues ou
séchées. Les femmes n'utilisent pas de balance,
ne connaissent pas la part
des huîtres réservée à la consommation,
à la transformation ou à la vente,
ne peuvent dire combien il faut récolter d'huîtres pour remplir un panier
d'huîtres séchées.
D'une part, toutes les notions économiques de rendement, rentabilité,
production ne correspondent à rien à leurs yeux. D'autre part, même en
utilisant leurs propres unités de mesure - sac ou panier - les estimations
varient selon la marée, le jour, la saison, l'année, le lieu de cueillette
et la cueilleuse. - En moyenne, par jour et par femme, 4, 5 paniers
d'huîtres sont ramassés mais selon la cueilleuse, la production passe du
simple au décuple soit de 1 à 10 paniers et la contenance des paniers varie
selon la taille des huîtres de 3 à 16 kg.
Nous avons estimé la quantité d'huîtres prélevées dans la mangrove en
combinant les différentes variables selon une hypothèse basse et une hypo-
thèse haute (cf. tableau).
,
VARIABLES
HYPOTHESE BASSE J3YPDTJ3ESE HAUTE
Quantité d'huîtres cueillies/femme
8 kg
30 kg
Nombre de cueilleuses
2000
.<
4000
Nombre de jours de cueillette
60
120
T O T A L
j 14400 t.
1 960 t.
La quantité d'huîtres prélevées dans la mangrove est comprise entre
1000 et 15000 t. ou entre 2 et 30 millions de douzaines d'huîtres.
D'autre mesures permettent de préciser cette fourchette :
Nous avons un recensement pour les mois de janvier à mai 1985 des
huîtres débarquées au ponton SEFCA de Ziguinchor. La quantité d'huîtres
écoulées crues non décortiquées à Ziguinchor s'élève à 500 t/an en moyenne
Seulement 5 % des huîtres sont écoulées sous cette forme à Ziguinchor ou à
partir des autres centres de distribution (Carabane, Dakar). En tenant
compte des autres formes d'écoulement (autoconsommation, don troc, trans-
formation = 95 X), la production de la Casamance s'élèverait à 10 000 t.
En fait 75 % des huîtres sont séchées (le décorticage et le séchage
font perdre 98 % de son poids à une huître). Nous savons que les femmes
qui partent en campagne de cueillette de plusieurs mois produisent pour la
saison un sac de 50 kg d'huîtres séchées ; ces femmes sont parmi les plus
grosses productrices d'huîtres. Dans cette hypothèse haute, la production
d'huîtres séchées de la Casamance s'6leverait à 200 t., soit en équivalent

2 3 2
frais à 10 000 t, auquel il faut ajouter les 25 % d’huîtres écoulées sous
les autres formes soit une production tota1.e pour la Casamance de 13 000 t.
ou 26 millions de douzaines.
La DOPM estime à 213 1: la. production d’huîtres de 1985 des départe-
ments d’Oussouye,
de Bignona et de Ziguinchor. Il est sûr qu’une bonne
partie de la consommation et de la vente locale lui échappe. Cependant, une
telle différence entre leurs estimations et les nôtres montre combien il
est délicat de quantifier la production.
Un fait certain, et qui ressort de tous les témoignages, est la dimi-
nution de la production par rapport aux decennies antérieures : avant, l’u-
nité de référence était la pirogue et non le panier ; une femme remplis-
sait en 2 - 3 heures une pirogue. La même ne remplit plus actuellement que
2 - 3 paniers en 5 heures au minimum.
le 3. L’ECOULEMENT
Les huîtres sont destinées à l’autoconsommation, au troc, au don et
de plus en plus à la vente. Il est difficile, voire impossible, d’évaluer
la part de chaque modalité d’écoulement.
a) L’autoconsommation
Pendant la saison de cueillette, les huîtres sont consommées tous les
jours, dans les familles où une femme pratique cette activité; elles tien-
nent une place comparable à celle -du poisson, Systématiquement, les femmes
prélèvent une part de leur cueillette pour la consommation familiale et
quelquefois une part est réservée à leur époux. Le plus souvent, les huîtres
sont consommées le jour même, bouillies ou grillées, dans une sauce aux
oignons et aux piments ou aux noix de palmiste,
qui accompagne le riz blanc:
Pendant l’hivernage, on ne consomme plus les hultres que séchées ou
fumées, conservéesS pour les jours de fête ou utilisées comme substitut du
poisson frais plus rare. Dans les villages
où les femmes ne s’adonnent pas
à la cueillette, c’est surtout durant cette saison que l’on consomme des
huîtres ; en saison sèche, le poisson revient moins cher s- pour un plat, il
faut environ 6 ou ? petites tilapies ou un pot d’huîtres séchées ce qui
revient à 5 F. CFA dans le premier cas, à 200 F. CFA dans le second.
Ainsi, chez les diola, les huîtres ont une place très importante, sur
le plan strictement alimentaire - 100 g d’huîtres apportent 78 cal. autant
si ce n’est plus que la plupart des poissons et la viande ; elle sont riches
en oligoélément, surtout en vitamine C ; elles représentent la seconde sour-
ce de protéines animales après le poisson -’ mais aussi culturel . Les
femmes vont cueillir les huîtres pour améliorer l’ordinaire de leur famille
et pour les fêtes g elles font aussi l’objet de dons pour honorer les hôtes,
pour “payer” un service - le pêcheur qui prete sa pirogue aux cueilleuses
reçoit un panier d’huîtres séchées à la fin de la saison,
b) Le troc
Avant les années soixante-dix, les huîtres étaient, courarmnent échangées
contre du riz, Dans les îles, les villages moins bien desservis par les voies
de communication ( fig. 9
: à Niomoune, Hitou, Bandial, Kartiack) un ca-
nari d’huîtres séchées s’échange encore contre un canari de riz ou de vin
de palme - les huîtres du Bandial s’échangent par exemple avec les légumes,
le riz, les pagnes du Blouf. I- Depuis le déficit pluviométrique, la baisse
de production de riz, mais aussi la pénétration d.e %“économie monétaire,
le troc a disparu de nombreux villages.

*-
:.

2 3 4
c) La vente
Le circuit dle distribution des hu^itres et la formation des prix sont
complexes, variant selon :
- l’état des huîtres (entières, décortiquées, crues, fraîches, séchées)
- l’unité de mesure (tas, pot, bol, panier, sac)
- les intermediaires (cueilleuse, femme du village, bana-bana ou dé-
taillante extérieur au village)
- les lieux de production et de vente (debarcadère, chantier, domicile
de la cueilleuse, village, marché du departement / régional / national) o
Les huîtres crues non décortiquées
------------.-----r-s--- ---. ---- -__
Les huîtres sont écoulées crues dans les villages bien situés par rap-
port aux voies de communication et par rapport à la clientèle-citadin,
Européen, touriste .- c’est-à-dire dans les villages de la côte sud autour
des complexes hôteliers du Cap Skirring et autour de Ziguinchor (fig. 9
:
Brin, Badiat, Boukitingo, Siganar, Kabrousse, Boudiédiéte), Le marché des
huîtres crues de Ziguinchor est le quasi-monopole des femmes Diola Ramé
originaires de Guinée Bissau ; elles cueillent les huîtres dans la mangrove
en face de Ziguinchor entre Toboret Tapilane, et les vendent au ponton
SEFCA ou, quand le bateau Casamance Express fonctionne, au port de Dakar.
Les huîtres ne sont jamais pesées. ElJ’les sont vendues à la douzaine,
à la clientèle européenne, 22.F CFA. La douzaine d’huîtres de Joal est
vendues 25 fois plus cher, soit 550 F CFA ! Z’unité de mesure d’usage le
plus courant est le panier - D’après nos pesages et comptages, le petit
panier contient 28 huîtres ou 1,5 kg, le moyen 59 huîtres ou 3,4 kg, le
grand 248 huîtres ou 1.5,4 kg - ou le sac qui correspond à 6 grands paniers-
1500 huîtres 011 98,5 kg - I.,‘huître
ainsi vendue revient environ à 31 F CFA
l e k g ( f i g . JO
> *
Les huîtres décortiquées et séchées
----------1-----m.--- _-------------_
Les huîtres simplement bouillies, conservées ou non dans du citron,
sont vendues par les cueille.uses directement aux villageois, de 50 à
200 F CFA selon la taille du pot. Les huîtres séchées sont l’objet d’un
traf i6 beaucoup plus complexe.
Les huîtres séchées ne sont vendues sur place que dans les villages
les plus isolés - dans les Karone par exemple .^ Partout ailleurs, les
huîtres sont écoulées 9 par les cueilleuses elles-mêmes ou une feme bana-
bana du village, sur le marché le .plus proche ( fig. 9
) - Bignona,
Oussouye 9 Carabane -, à Ziguinchor ou à Dakar, Les prix varient moins selon
les lieux de cueillette que les lieux de vente. Au niveau de chaque villa-
ge, les femmes s’entendent sur un prix unique et, même entre les villages,
la gamme des prix est assez resserrée. Le prix le plus courant du pot
d’huîtres séchées au village est de 200 F CFA. Par contre, le prix de ce
mé^me pot varie du simple (100 F CFA) au double (200 F CFA) entre le villa-
ge de cueillette et le marché regional - Ziguinchor -’ du simple au quintu-
ple (500 F CFA) entre le village et le marché national - Dakar - (fig.
JO
>.
Le prix des huîtres est grevé par les moyens de transport déficients
et secondairement, par le trop grand nombre d’intermédiaires. L’écoulement
des huîtres à Dakar est illustratif. Les femmes sont dépendantes du bateau
“Le Casamance Express”, moyen de transport plus pratique et moins onéreux
que la route, surtout pour les pondéreux mais dont le trafic est très
irrégulier.

.
FIG. lC.- Circuit UP distribut ion des huîtres e t leur prix (en t‘ CFA)
POSTE DE DEPENSE
QUI EFFEC;UENT":;TT"E"P"ENSE
RIZ
90
HABILLEMENT
6 9
DIVERS PRODUITS DOMESTIQUES
(savon, allumette, pétrole, médicament..
3 9
DIVERS POUR AIDER LE MARI
18
COTISATION (Association féminine)
14
SCOLARITE DES ENFANTS
8
LMPO'I
6
INVESTISSEMENT DANS D'AUTRES ACTIVITES
4
Tableau 1. Destination des revenus tirés de la cueillette des huîtres.

2 3 6

2 3 7
Les femmes chargent sur le bateau leurs paniers, qui seront réception-
nés au port de Dakar par une petite soeur, une cousine ou remis a des
“courseurs”
ou commissionnaire ; ces derniers se chargent de les écouler
auprès des détaillantes. Le plus souvent, cependant, les femmes se rendent
elles-mêmes à Dakar, à la fin de la saison, en mai-juin, et y demeurent
le tempsdlécouler leurs marchandises - de quelques jours à quelques semai-
nes - ; la plupart font du porte à porte, ou se placent sur les trottoirs
des rues les plus passantes. Leur clientèle est essentiellement composée
de Diola mais toutes les populations consomment désormais les huîtres
comme le poisson transformé.
2 . L E S
A C T E U R S
2.1. LA COMPOSITION
a) Nombre
La cueillette des huîtres est pratiquée dans 59 villages. En moyenne,
15 % des femmes actives cueillent les hurtres soit 70 femmes par village.
Mais l’effectif des femmes actives et, parmi elles, des cueilleuses d’huî-
tres est très variable selon’les villages.
On peut avancer qu’au moins 4000 femmes pratiquent la cueillette aux-
quelles il faut ajouter 100 femmes détaillantes ou “bana-ba.na”, pour les-
quelles les huîtres constituent la principale marchandise.
b) Profil des cueilleuses d’huîtres
Sexe : Il y a 30 ans, la cueillette se pratiquait couramment par cou-
ple. L<ho.mne ramait tandis que la femme était chargée de la cueillette pro-
prement dite. Actuellement les hommes travaillant seuls ou en compagnie
de leur femme sont nettement minoritaires (moins de 1 2).
Ethnie : Toutes les cueilleuses sont Diola, avec une spécialisation
dans la filière des huîtres crues chez les femmes Diola Ramé.
A&e: Les cueilleuses d’huîtres ont entre 24 et plus de 75 ans, soit
en moyenne 44 ans, ce qui est assez élevé. Il ne faut cependant pas en
conclure que la cueillette est une activité de femmes âgées, L’interpré-
tation doit être nuancée. Cette moyenne traduit un phénomène qui touche
toutes les activités - l’exode rural des jeunes - et cache des situations
variées selon les villages.
Situation familiale : Toute les femmes sont mariées ou l’ont été.
Certainesont 1,2,3 ou 4 (1 cas> co-épouse et, dans ces cas-là, sont souvent
les premières épouses. Leurs maris sont cultivateurs et pratiquent, en sai-
son sèche, la pêche ou la récolte du vin de palme. Elles ont en moyenne
4 enfants à leur charge.
2.2. L’ORGANISATION DES CUEILLEUSES D’HUITRES
Les femmes cueillent les huîtres individuellement - 35 Z des c,as -
ou par groupes de 2, 3, 4 femmes appelés compagnies. Les différents types
d’organisation se retrouvent dans tous les villages. Ils sont basés sur
des liens de parenté - mère/fille, CO-épouses, soeurs, belles-soeurs..-
de classes d’âge, de voisinage. Les associations vont du simple partage
de la pirogue au travail en commun, depuis la cueillette jusqu’il ?a vente
des huîtres séchées. Les tâches et les gains sont partages
éga 1 ita ire-
ment entre toutes les femmes.

2 3 8
Un type d'organisation original est constitué par les sociétés, forme
de coopérative traditionnelle, qui regroupe les femmes du même quartier,
basées sur des travaux collectifs - une bananeraie, la fumure des champs,
la cueillette...-
et l'organisation de cérémonies. Les sociétés sont des
associations d'entraide et les huîtres une forme de cotisation.
2.3. LES REVENUS
a) Des revenus difficiles à estimer
Les frais : La cueillette ne nécessite guère d'investissements;on l'a vu,
les instruments sont rudimentaires,
fabriqués par les femmes elles-mêmes;
les principaux frais sont engendrés par les déplacements.
La plupart des femmes ne sont pas propriétaires de leur pirogue:; elles
la louent (31 % des cas) ou l'empruntent (62 % des cas). Dans ce cas, le
prE?teur, qui est le plus souvent leur mari ou un parent (lato sensu), re-
çoit un petit don en nature - quelques huîtres séchées ou du bois pour
la cuisine -
Dans le cas de la location, les femmes payent aussi bien en nature
qu'en argent, au jour le jour, p ar mois ou à la fin de la saison. Selon les
villages cela leur revient de 100 F. CFA par jour à 2500 F CFA pour la
saison ou un panier d'huîtres séchées.
L'autre frais de déplacement ne concerne que les femmes qui veulent
écouler leurs marchandises au meilleur prix en dehors du village. Un voyage
à Dakar leur revient à 5 - 6000 F CFA, aller en bateau avec 2 paniers
d'huetres séchées et retour par"car rapide!!
Les gains : Les femmes ' qui écoulent leurs marchandises au jour le jour,
ne connaissent' pas leur gain, qu'elles dépensent au fur et à mesure. Il
n'en est pas de même des fenrnes qui font des campagnes de cueillette et qui
attendent la fin de la saison pour vendre leurs productions. Leurs revenus
s'étalent de 15 000 à 70 000 F CFA par an.
Les femmes diola Ramé qui vendent les huîtres crues à Ziguinchor ou
à Dakar, gagnent environ 109 000 F CFA par an pour un investissement en
travail moins important.
b) La destination des gains
De plus en plus', les femmes cueillent les huîtres pour gagner de
l'argent, afin de couvrir leurs propres besoins en biens de consommation
et ceux de leurs familles. Ces besoins ont augmenté depuis les années 1950-
1960 avec le désenclavement de la Casamance, la multiplication des migra-
tions et des contacts avec les autres populations, la pénétration de
l'économie monétaire. Les femmes sont chargées d'un certain nombre de dépen-
ses dans le ménage diola, auxquelles s'est ajouté l'approvisionnement en
riz depuis la sécheresse (tableau 1 .).
Avant la sécheresse, leurs principaux postes de dépenses étaient
constitués par l'habillement et les cotisations pour les danses, les céré-
monies féminines.

3. A N A L Y S E
C R I T I Q U E D E
C E T T E
F I L I E R E
3.1. EFFICACITE DE CE SYSTEME
a) Du point de vue biologique
La cueillette est-elle une forme d'exploitation dévastatrice ? Les
avis sont partagés, les études sur ce sujet font défauts - La plupart ne
concernent que Joal - Fadiouth et le Saloum -
Un fait certain est la dégradation de la mangrove. Toute les femmes
se plaignent de la sécheresse, de l'augmentation
de la salinité et en
déduisent la diminution de la production ; depuis les années 1970, les
huîtres sont moins abondantes, moins grosses et moins bonnes. Cette dégra-
dation peut aussi être dûe à la surexploitation.
Cependan&sila cueillette risque de ravager la Casamance, pourquoi
jusqu'aux années 1970, ce phénomène n'a pas été perçu alors que la pression
humaine sur la mangrove devait être plus importante (cf. exode rural) ?
Certes, les femmes coupent les rhizophores suspendus ; elles s'approvision-
nent en bois dans la mangrove ; mais ces deux faits sont mineurs eu égard
à l'étendue de la mangrove ; de plus, les femmes vont chercher le bois dans
les zones de mangrove déjà morte. Et, C#omme on l'a vu, les villages ont des
moyens de contrôle et de protection de leur environnement.
En fait, il semble que jusqu'aux années 1970, un équilibre était
instauré entre l'exploitation et le milieu.
Cet équilibre a été remis en
question par une succession de mauvais hivernages. Encore à l'heure actuelle,
il n'est pas sûr que la cueillette soit la moins bonne méthode d'exploita-
tion de ce milieu fragile, grâce à sa souplesse d'adaptation - les zones
dégradées sont mises en défens, les femmes vont cueillir les huîtres dans
des zones "vierges" -
b) Du point de vue démographique
La cueillette est un frein à l'exode rural dans la mesure où elle
constitue une activité rémunératrice de saison sèche. Deux cas de figure
sont à envisager :
- Certains villages sont à l'état d'abandon ; l'exode des jeunes, la
.
concurrence des activités 'modernes' - tourisme, pêche lointaine, culture
du chanvre... - détournent les populations des activités traditionnelles.
Dans ces villages effectivement, la cueillette des huîtres est une activité
en déclin tout comme la riziculture.
- Dans les autres villages, par contre,
on assiste à un regain d'acti-
vité de la cueillette comme si cette pratique d'appoint devenait d'autant
plus nécessaire que les autres activités traditionnelles venaient à faire
défaut.
c) Du point de vue économique
Aspects posififs
-- -w--w -w----B
-' la cueillette ne nécessite pas d'investissement.
- elle
est immédiatement rémunératrice et fournit des liquidités.
- la demande est supérieure à l'offre
; le marché est largement: ouvert.

2 4 0
- une comparaison avec les autres activités de saison sèche pratiquées
par les femmes diola-ramassage du bois, du sel, des coquillages, maraîchage ,
petite pêche, hxde palme, vannerie, poterie... - met en avant les avan-
tages suivants (par ordre d'importance) des huîtres : les huîtres sont un
produit facile à écouler ' peu périssable, qui procure des gains relativement
élevés par rapport aux autres activités,
et surtout qui appartiennent en
propre à la cueilleuse et dont la valeur ne cesse d’augmenter.
Ainsi, la cueillette est une activité d’appoint hautement valorisée.
Aspects négatifs :
-- ------- -----
- le travail est insuffisament rémunéré, compte tenu du temps, de la
fatigue et des mauvaises conditions de travail.
- les huîtres sont difficilement exportables, elles ne sont pas cali-
brées, elles ne font pas l’objet d’un contrôle sanitaire.
- les moyens de distribution sont déficients ; les femmes sont trop
dépendantes du “Casamance Express". Un seul "pays", le Blouf est dôté d'un
camion offert par 1'UNICEF dont les femmes, organisées en coopératives, se
servent à tour de rôle selon le produit à écouler.
d) Du voint de vue social
- L”importance alimentaire et culturelle des huîtres se manifeste quo-
tidiennement mais aussi en certaines occasions cornne les cérémonies de cir-
concision ou lors des "famines",
les produits de cueillette devenant la
base de l'alimentation.
- La cueillette des huîtres met en avant la place originale tenue par
les femmes dans la société diola. Cette activité leur donne leur autonomie
financière ; actuellement, xles besoins essentiels de la famille sont
couverts, en partie, par les gains retirés de la vente des huîtres séchées.
La filière est maîtrisée par les femmes elles-mêmes; les bana-bana étran-
gers au village ou à la région sont l’exception. Les sociétés sont une for-
me d’organisation sophistiquée, coopérative tout à la fois de production,
de consommation, de distribution sans oublier les cotisations, l'entraide,
les réseaux de solidarité tissés au niveau du village mais aussi entre la
Casamance et Dakar.
Quelles améliorations peuvent-elles être apportées à cette filière ?
Peut-on envisager de développer d'autres filières?
3.2. LES AUTRES FILIERES
a> Les marcs ostréicoles
Le marché des huîtres crues est domine par la coopérative de Joal-
Fadiouth ; les huîtres proviennent désormais des gisements naturels des
Iles du Saloum - le stock de la Somone est épuisé, celui de la Fasna et de
Mbissel est en voie d'épuisement - Les huîtres sont mises à dégorger une
première fois sur la Petite Côte, une seconde fois à la Pointe des Almadies
à Dakar ; la douzaine est vendue 550 F CFA. Afin de préserver les stocks,
des études (LEUNG TACK D., 1986) ont été réalisées pour acclimater l'huître
japonaise, dont la vitesse de croissance est nettement supérieure - pour
l'huître de palétuvier, la taille de 10 mm n'est atteinte qu'au bout de
6 mois tandis que pour l'huître
japonaise, dès le quatrième mois, elle
atteint 60 mm. La température en période d'hivernage est le seul obstacle
à son implantation au Sénégal'obstacle majeur puisqu'il. nécessite des in-

‘1 4 1
vestissement lourds (au total 64 millions F CFA soit 20 - 25 M pour l’a-
ménagement des bassins et 10 - 15 M pour le refroidissement de l’eau). De
tels projets sont-ils concevables en Casamance ? Tout dépend en fait de la
clientèle visée (agent de production comme consommateur) et du rôle assigné
au développement de l’exploitation des huîtres (sur le simple plan de
l’écoulement : satisfaire l’autosuffisance alimentaire ou obtenir des
devises par l’exportation ?). Il est certain que les femmes diola sont les
grandes oubliées.
b) Les aménagements en Casamance
Sur les modèlesdes parcs de la Petite Côte,des parc ostréicol.es sont
créés en 1955 à Kassel, site difficile d’accès mais riche, à Cabrousse et
Djivent en 1963, à Diakène en 1969. Tous ces parcs, aménagés grâce à des
financements extérieurs, sont à l’état d’abandon faute de maintenance, de
moyens de distribution, de marché - Le nombre d’Européens de Ziguinchor a
diminué brutalement après l’Indépendance ; le tourisme ne s’est développé
en Casamance qu’à partir des années 1970 -
En Casamance, on relève des témoignages datant du début du siècle,
sur le captage des naissains le long des bolons. A Cabrousse, on trouve
encore des parcs traditionnels : il s’agit en fait des bassins collectifs
en aval des rizières, aux abords de la mangrove ; les naissains sont captés
sur les stipes de rônier. Ces sites proches du village ne sont pas très
propices à la reproduction ; les rendements sont faibles ; les stipes
portent très peu de naissains. Les naissains sont aussi fixés sur des pi-
quets le long des bolons. Une amélioration peu coûteuse et simple consis-
terait à détroquer les jeunes huîtres des palétuviers, ce qui permettrait
de faciliter leur croissance, et à utiliser les bassins pour leur élevage,
sur sol ou en suspension.
c) Le marché
Les huîtres de Casamance sont insuffisamment valorisées par rapport
au travail requis et aux prix des huîtres d’autres provenances. 11 est
délicat d’augmenter leur prix sans léser la clientèle traditionnelle, pour
qui les huîtres deviennent de plus en plus un produit de luxe. Par contre
il serait envisageable de valoriser les huîtres crues à destination de la
clientèle “européenne” en offrant un produit calibré et garanti sain.
Par ailleurs, la filière des huîtres gagnerait en efficacité si les
femmes étaient dôtées de bons moyens de communication.
C O N C L U S I O N
ORIGINALITE DE CETTE FILIERE
Cette filière est originale dans la mesure où sa dynamique est endo-
gène, et qu’elle est maîtrisée par les femmes diola. Cette pratique “tra-
ditionnelle” s’est remarquablement intégrée à l’économie de marché. Désor-
mais, les motivations économiques tendent à l’emporter sur les motivations
culturelles et sociales.

2 4 2
AVENIR DE CETTE FILIERE
Le dynamisme de la cueillette des huîtres, comme de toutes les acti-
vités en Casamance, dépend essentiellement des modifications de l'environ-
nement et de l'évolution démographique.
La phase de sécheresse actuelle s'inscrit-elle dans un cycle ? Est-
elle réversible ?' Si les huîtres dans un premier temps ont bénéficié
relativement de ces changements, le seuil de tolérance semble actuellement
atteint ; après un regain d'activité, certains signes de reflux sont
perceptibles dans quelques villages. L'utilisation plus rationnelle des
parcs traditionnels peut être une alternative à la dégradation de la man-
grove, à condition que la salinité n'augmente pas dans ces bassins.
La migration définitive des femmes à Dakar est aussi - si ce n'est
plus - préoccupante. L'exode rural des jeunes est le principal élément
déstabilisateur de la société et du système d'exploitation traditionnelle
diola.
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v
D 1 s c u s s 10 N
BABOU : En quoi la situation des femmes a-t-elle changé ?
CORMIER-SALEM : Autrefois les .fi.lles restaient au village et pouvaient
ainsi garder les enfants et accomplir les taches ménagères pendant
que leur mère travaillait dans la mangrove, Mais maintenant que les filles
les vont travailler à la ville, les cueilleuses doivent cumuler leur
travail avec les tâches ménagères.
CHABOUD : que sont: devenus les parcs à huîtres des années 50 ? Quelle était
la destination de la production ?
CORMIER-SALEM : Les huîtres étaient destinées à la clientèle européenne
de Ziguinchor 0 Cette clientèle ayant sensiblement diminué, les parcs
ont périclité.
CHABOUD : Comment a été calculé le prix des ‘huîtres fraiches ?
CORMIER-SALEM : Les huîtres étant vendues par paniers il a été tenu compte
de la contenance moyenne des paniers de mani.ère à ramener les prix à
la douzaine 0
BANDARE : Pourquoi. la taille des huîtres diminue-t-elle ‘7
LEUNG-TACK : Cela peut-être da a la fois à Inaugmentation de la salinité
et à une surexploitation du stock.
NDAW : Il faudrait étudier la possibilité de créer des parcs.
LEUNG-TACK: Les at’outs sont réels car lshuître est facile à élever et la
croissance est rapide. D’autre part, la douzaine étant vendue 550
francs à Dakar, on dispose d’une bonne marge de manoeuvre. En revan-
che le fait que le bénéfice soit différe par rapport à l’investisse-
ment constitue un frein. L’exemple de Kabrousse, seul village où on
capte le nessain , pourrait constituer un point de départ pour le dé-
veloppement de l’ostréiculture,
Signalons également les possibilités offertes par l?huître japonaise
dont la croissance est très rapide (5 cm de novembre à juin>, mais
qui ne résiste pas aux températures superieures à 35.C atteintes en
hivernage.