PREVISION SUR LES EFFETS COTIERS D'UNE POLLUTION...

PREVISION SUR LES EFFETS COTIERS D'UNE POLLUTION PAR
LES HYDROCARBURES
Yves GALLARDO*
Un projet d'implantation d'une raffinerie de pétrole et
d'un tfSea-line" dans la région de Kayar, sur la cbte nord du
Sénégal, a provoqué de la part du Ministère du Développement
industriel et de l'hrtisanat, une demande de renseignements sur
les conséquences marines possibles au cas 06 un navire pétrolier
venait à sombrero
Au Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye
existe depuis quelques années une Section 81Environnement"(I*So9,A,
54) chargée de surveiller l'État du milieu marin et de ses fluc-
tuations, lesquelles proviennent en partie des activités humaines.
Vus à court terme, c'est à dire à l*échelle du jour ou de
la semaine, les effets d'une pollution par les hydrocarbures peuvent
être très variables d'un secteur côtier à l'autre et ont,en outre,
une certaine dependance saisonnière- Les causes de cette variabilite
ht de
l'incertitude sur le devenir d'une nappe d'hydrocarbures
découlent généralement d'une bonne connaissance des vents de sur-
face et d'une relative ignorance du niveau et de la structure de
la turbulence se développant aux échelles temps-espace indiqées,
à l'interface air-mer d'une part, mer-fond (rivage) d'autre part.
NATURE DU PROBLEME
Il est donc difficile d'aborder le problème des échanges
entre milieux différents sans faire intervenir une part de théorie.
L'essentiel est d'essayer de garder une bonne part de bon sens et
d'esprit critique au vu des résultats théoriques.
+ Odanographe physicien de 1'ORSTOM - CRODT BP 224:L DAKAR Sénégal

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Pour tenter d'éclaircir le problème, nous présenterons
deux exemples d'effets possibles en région de Kayar, l'un d'eux
pris en sais*n chaude (aoQt-septembre), l'autre en saison froide
(f&rier-mars). Auparavant nous poserons des hypothèses de départ
imposées par les risques de pollution marine, s'inspirant de
l'expérience malheureuse du naufrage de l'Amoco-Cadiz sur la cote
brestoise l'annde dernière : Vf649000 tonnes se sont répandues sur
les plages pendant les quinze premiers jours, un peu plus de
80.009 tonnes de la cargaison se sont évaporées dans l'atmosphére,
tandis 4ue 40.000 a 50,000 tonnes ont imbibé les sédiments sub-
tidaux". Travaillant à cette époque au Centre Océanologique de
Bretagne j*ai pu constater que l'atmosphère "empestaittV le pétrole
plusieurs kilometres à l'intérieur, quelques jours encore aprcs
llaccident. La dérive de la nappe superficielle suivait essentiel-
lement le vent de surface0
En conséquence les effets d'une pollution marine côtière
se répercutent certainement sur les trois milieux : mer% sédiments,
at!w, La mer possède un défenseur naturel, cbpable de colo-
L-I
niser en une ot deux semaines le #étrole f&ottant et de faire dis-
paraître toute trace importante dlhydrocarbure en 2. ou 3 melrs : ce
sont les bactéries; Ve processus naturel de biodégradation est
cependant très lent dans des conditions normales, entraifne un
appauvrissement du milieu en oxygène et en sels nutritifs d90G la
nécessité de détruire les nappes importantese Il peut être toute-
fois à la base de procédés de lutte par enrichissement en microor-
ganismes, sels nutritifs et composés tensio-actifs% Dans les
sédiments la bindégradation bactérienne est extrêmement lente et
dans l'atmosphère nous supposons qu'elle est nulle. D'une façon
générale l'étendue des dommages augmente avec la durée de présence
du pétrole dans l'eau de mer, par conséquent il s'impose de lléli-
miner le plus rapidement possible., En cas contraire, et c'est notre
première hypotht?se de départ, le site côtier choisi doit être le
&JS désertique possible, à cause d'effets biologiques à long
terme pouvant altérer les fonctions vitales, la croissance et modi-
fier le comportement des espèces marines, des larves notamment-

La contamination du sédiment ct de l'atmosphère peut &tre un réel
danger pour l'homme, l'agriculture, l'élevage et l'aviculture que
ce soit 3 court, moyen ou lnng terme* La côte sud, lieu de prédi-
lection des larves ne peut en aucun cas être implantée, d'autant
que la contamination des etituaircs conduirait, ajoutée au déclin
de la pêche cbtière, à une catastrophe économique : c'est notre
s&conde hypothése de départ pour &n arriver à une pr&ision des
échanges entre les trois milieux, la troisième hypothbse étant la
nécessité d'une turbulence
_I_N
cfitière marine la plus &evée possible
afin d'avoir des conditions d'aération et de dispersion susceptibles
de hâter la disparition des hydrocarbures.
Le maximum de turbulance marine est apportée par le phéno-
néne de "barretl ,yui sévit pratiquement sur toute la côte nord.
EXEMPLES PREVISIONNELS
Ltexpérience de LtAMCCO-CADI2 a prouvé qu'une grande quan-
tité d'hydrocarbures était transférée dans l'atmosphère : en plein
océan, le déferlement et par suite la mise en suspension de fines
gouttelettes d'huile seraient pra3ablement emp&chés par l'effet
stabilisateur de la nappe d'hydrwarbures ellecm3men A la c6te
on peut penser que la turbulence bien plus élevée favorise X'éva-
poration, la solubilité et wssi les transformations photochimiques
du film superficiel par rayonnement ultraviolet, Partant de là
et si l'on retient que les sables fins présentent une tendance
à la décontamination, alors qu'au contraire les sables grossiers
récèlent de fortes accumulations de pétrole, le cho'x d*un site,
d'implantation de raffinerie se précise d&wonBsge.
A ce stade des connaissances, il s'agit d'estimer simplement
la distribution de la pollution entre les 3 milieux d'un site
côtier nord désertique connaissant le phénomène de bazre et dont
les tonds sont tapissés de sable fin. A priori bout site désertique
au nord de Kayar convient, ai condition de rester à 150 km au sud
de St-Louis, tr&s vulnérable
à cause du fleuve Sénégal et aussi
d'un fond de sables grossiers au niveau de la Mauritanie.

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PREMIER EXEMPLE : Saison froide (février-mars) (figure 1)
Une nappe d'hydrocarbures est "produite" en surface, au
nord de Kayar, par vents de Nord soufflant à plus de 5 m/sec et
houle de NW creusant a 3 mp conditions rencontrées habituellement
à cette époque, D'après la théorie de la circulation littorale,
étayée de quelques observations, la nappe d'hydrocarbures sera
rapidement plaquée à la côte tout en s'écoulant vers le NE.
S'exercent les effets conjugds du vent, de la barre, et des
trajectoires associées an caractère rotationnel de la houle réelle :
la nappe peut se fractionner et se propager vers le large dans
une couche intermédiaire où s'atténuent les rtitationnels de surface
et du fond. Etant données la strudture verticale homogèfie des eaux
en cette saison et l'intensité des effets mécaniques et photochi-
miques il serait peu étonnant que toute l'épaisseur d'eau soit
polk~ée. Pour que la dégradation bactérienne s'effectue dans de
bonnes conditions il faut de l'oxygène, des sebs nutritifs et de la
chaleur. Fhytoplancton et Wpwellingl' apportent les deux premières
conditions; la troisième est correctement réalisée, l'ensoleillement
étant suffisant pour élever la température des lPfractions brtfi.str
de quelques degreso Nous pouvons remarquer que là encore la r'kes-
aité d'une faible activité humaine s'impose pour que des demandes
chimiques et biologiques par les eaux usées restent négligeables0
11 n'est pas impossible que les algues vertes, consommatrices de
la fraction d'hydrocarbures contenant les huiles légères, se déve-
loppent peu à peu comme en baie de Hann.
Il est moins malaisé de prévoir les transports d'aérosols
que ceux des sédiments fins, aussi nous préférons préciser le choix
du site en fonction des risques de pollution des régions côtières
par l'intérmédiaire des vents, fies pluies, ou autres phénomènes
rm4téorologiques~
Nous ne cachons pas nue cette prise de position
est arbitraire et que les considérations théoriques qui vont suivre
nécessiteraient des vérifications expérimentales-

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Nous avons vu que les conditions initiales de mise en
suspension des gouttelattes polluées sont réunies au niveau de la
barre qui coIncide avec la ligne de déferlement de la houle* Nous
admettons des vitesses dans l'air de l'ordre du cm/sec vers le
haut aux heures chaudes de la journée, vers le bas durant la nuit
et nous remarquons qu'en cette saison la nature du champ de vents
est à tendance divergente, c'est à dire favorable à une pollution
terrestre, dont le parcours principal se situerait dans le sud du
site catier à déterminer(proba5ibité supérieure à 0,6).
En fait, vue la nature turbulente et aldatoire du champ
de vents, des vents des secteurs NE, NW et même 'A ont une probabi-
lité d'existence voisine de 0,1, si bien que le Cap vert n'est pas
complètement à l'abri d'une pollution par retombées atmosphériques,
En cas de panne soudaine des alizés ou de leur diminution
d'intensité, des ville comme Thiès ou M'Bour pourraient subir une
pollution d'un niveau élevé parce que situées dans le sud de M'Boro
a moins d'une demi-journée pour un vent moyen de 2 m/sec.
Deuxième exemple : Saiaon chaude (aofit-septembre) (figure 2)
Une nappe d'hydrocarbures se décharge en surface toujours
dans la même zone, mais en saison des pluies. Deux paramètres
essentiels sont modifiés : le vecteur vent et la structure verti-
cale de l'Océan ; les vents tournant en moyenne du Nord au NW et
ne dépassent guère 4 m/sec, tandisqu'une barrière de densité apparaît
dans les eaux vers 15-25 m.
Le niveau de turbulence est sensiblement amoindri, la nappe
d'hydrocarbures
se fractionnera moins aisément et risque de rester
longtemps piégée dans la couche marine supérieure, c'est a dire celle
où se développe le plancton dont se nourrissant les poissons pela-
giques côtiers* Par contre, le sédiment marin et lVatmosphère dev-
raient être moins contaminés que précédemment, Toutefois dans une
zone à bathymétrie tourmentée, il peut se produire un cisaillement
vertical et des vitesses verticales suffisantes pour dégrader le
pycnocline (barrière de densité) à la faveur d'oscillations verti-
cales liées à la propagation d'ondes internes en milieu stratifié-

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Ce balayage vertical de presque toute l'épaisseur d'eau côtière
par simple ondulation de la pycnocline pourrait induire des oscil-
lations semblables d'une cwche polluante encore mal fractionnée,
donc très toxique et envahissa tit le fond de la couche homogène
de surface.
La nature convergente du champ de vents en cette saison
devrait permettre une ascensirrfi rapide des aérosolso Les particules
contaminées pourraient retbmber tbt au tard avec les pluies. Nous
n'avons aucun indice sur le& effets dans les domaines de l'agri-
culture et de la santg. Nnub +?~na que la biodégradati-n s'ac+
complit en cas de dispergiqn I)ar cies vents variables.
DISCUSSION DES DEUX EXEMPLES : Choix du site
Il apparaît que le choix du site doit répondre à des critéres
de turbulence maximum et de t~déserticité*f en oeufs et larves côté
mer, en activités humaines a&é terre d'autre part (aviculture notam-
ment). Il faut essayer d'éviter an maximum une implantation dont
l"axe N-S traverse des villes dans un rayon de 200 km, parce que
lwalizé bien que maritime rsu côtier peut conserver une direction con?--
tante durant plusieurs heures. Quant aux risques d'accidents des
"kfinkers It il est évident qu'ils augmenteront avec la turbulence
elle-même et en particulier avec le cisaillement des courants qui
impose des efforts opposés sur les lignes d'amarrage et sur les
structures mouill&es : par c.rJnsé+ent il semble bien plus prudent
de s'implanter au-dessus de ligries de sonde rectilignes- Peur éviter
une pollution atmosphérique-terrestre à court terme, c'est-à-dire
trop peu dispersée, il semble préférable que le champ de vents conw
verge afin que les ascendances soient favorisées= Théoriquement une
telle configuration peut exister localement sur la côte nord, la
presqu"île du Cap vert pauvqnt favoriser une courbure anticyclonique
des trajectoires.
Fait 3 Dakar, le 11 Janvier 1979
Yves GALLARDO