9 1 Q U E L Q U E S A S P E C T S D E S E C...
9 1
Q U E L Q U E S A S P E C T S D E S E C H A N G E S
C H I M I & E S S O L S - E A U X D E S U R F A C E
E N C A S A M A N C E
J . Y . L E B R U S Q (1)
(1) Pédologe au Centre ORSTOM de Dakar, B.P. 1386.

R E S U M E
La sécheresse a entrain6 une sursalurle des sols exon-
dables, les rendant dans la plupart des cas inutilisables
pour la culture. L'abaissement de la nappe phréatique a
par ailleurs favorisé l'oxydation des sols potentiellement
sulfatés-acides
ce qui a entrainé ur.e diminution du pH.
Dans certains cas il y a même libération (de sels d'alumi-
nium solubles
et toxiques, Le problème prioritaire est
l'élimination du sel par la construction dle petits barra-
ges anti-sel.
A B S T R A C T
The intertidal soils and the surface waters in Casa-
mance : some aspects of chemical inter changes.
The intertidal soils have become hypersaline following
the present drough ; most of
them are now unfit for agri-
culture. The lowered ground water level has also accelera-
ted the oxidization of
the potentially-sulphate-acidic
soils, with a lowering of pH.
Toxic soluble aluminurn
salts have even been set free.
The main priority issalt elimination,
reachable
through
small anti-salt dams.

9 3
I N T R O D U C T I O N
Les échanges chimiques entre les sols et les eaux de surface (estuai-
re et bolons essentiellement) en Casamance concernent d'une part les élements
majeurs (Na, K Ca, Mg, Cl,. SC4, t;COg)a,uqùels nous nous intcressons 'ici et les
éléments mineurs (P04, N03, silice... ), que nous ne traiterons pas faute de
données.
Schématiquement,
nous distinguerons des échanges non specifiques,rewIes
par des processus essentiellement physiques, (transfert de nappes, inonda-
tions, évaporations), se soldant pas des transferts de sel, et des échanges
spécifiques, gouvernés par des processus physico-chimiquesparticuliers (oxy-
ch-réduction, réactions acide-base, précipitation).
1.
L E S
T R A N S F E R T S
D E
S E L S
E N T R E
L E !$
S O L S E T
L E S
E A U X D E
S U R F A C E
Durant la période humide antérieure à 1968, un équilibre dynamique s'é-
tait établi entre d'une part l'accumulation des sels dans le milieu par les
apports depuis la mer et l'évaporation, au cours de la saison sèche, et d'au-
tre part l'élimination de ces sels par les pluies d'hivernage. Cet équilibre
se traduisait par un niveau moyen de salinité permettant la croissance des
palétuviers, la riziculture dans les mangroves (rizières profondes) dessalées
temporairement en hivernage, et sur les terrasses bordant les vallées, qui
n'étaient alors jamais atteintes par les sels. Tandis que la salinité des bo-
lons et de l'estuaire allait décroissant de l'aval vers l'amont une grande
partie de l'année, celle des nap es phréatiques croissaient depuis la mangro-
've vers le centre des tannes (SO fs très salés, nus ou peuplés d'halophytes),
du moins en saison sèche.
Depuis le début de la phase de sécheresse, le lessivage des sels par
les pluies a décru, tandis que la période d'évaporation s'allongeait avec la
saison sèche. L'équilibre était alors rompu, et manifestement, le nouvel équi-
libre, qui s'établira à un niveau de salinité global du milieu plus élevé,
n'est pas encore atteint (sauf en cas de retour à la pluviométrie antérïeure).
Ainsi, parallèlement à l'augmentation de salinité des eaux de surface
(Sefa ; juin 69 : 8,5 mmhos/an ; juin 79 : 48 mmhos/cm ; MARIUS, 1985), cel-
le des nappes phréatiques des sols du domaine fluviomarin s'élevait : double-
ment à Balingore entre la période humide et 74/75, valeurs atteignant 150 à
200 mmhos/cm (MARIUS, 1985), gradient de salinité décroissant depuis la man-
gro've vers les tannes, avec 120 mmhos/cm en bordure du marigot contre 50-80
mmhos/cm dans les tannes, à Koubalan, en 1984 (BOIVIN et LE BRUSQ, 1984).
En même temps, le niveau moyen des nappes phréatiqukss'abaissait,
et par sui-
te d'une réalimentation des nappes en bordure des marigots, la pente piiko-
métrique descend une grande partie de l'année vers les terrasses et les pal-
meraies non salées (Contrat CEE no TSD A 104, ORSTOM/DAKAR). Les eaux salées
s'écoulent donc actuellement vers l'intérieur des terres (palmeraies, bordu-
re du plateau). A Koubalan, de manière spectaculaire, les marées de vive eau
de juin 86 ont provoqué une élevation du niveau de la nappe à 240 m du mari-
got, par apport latéral d'eau salée ‘SOUS des rizières de terrasse, en quelques
jours. Aussi, après une mortalité massive des palétuviers et la perte des ri-
zières profondes, assiste-t-on aujourd'hui Zi la contamination de rizièresde
terrasse et h la mort de nombreux palmiers.

9 4
Les stocks de sels accumulés dans les sols du domaine fluviomarin (nap-
pes phréatiques, cro3tes de sels superficiels, “mo~quettes” sursalées) sont
aujourd’hui considérables. Aussi en cas de retour à une pluviométrie norma-
le, le dessalement de l’estuaire et des bolons serait retardé. Ainsi à Kou-
balan, après deux hivernages relativement satisfaisants, (84 et SS), la sa-
linité du marigot a encore augmenté depuis juin 84 : plus de 100 mmhos/cm
en juin 86 contre 80 mmhos/cm en 84,
En cas de persistance de la phase sèche, il ‘est impossible de dire
jusqu’à quel niveau la salinité de l’ensemble du d’ornaine fluvio-marin (sols
et eaux)pourra croître.
2 .
L E S
E C H A N G E S
S P E C I F I Q U E S
Les zones de mangrove se caractérisent géochimiquement par le proces-
sus de réduction des sulfates de l’eau de mer par (des bactéries, en présen-
ce de matière organique et en milieu pauvre en oxygène,car submergé, Ceci
produit des sulfures, et notamment de la pyrite (FI~. S2), et des bicarbonates,
libérés dans les nappes et les eaux superficielles. Les sols riches en pyri-
te sont appelés “potentiellement sulfatés acides”. Actuellement, les apports
en matières organiques fraichesayant diminué en de nombreux endroits (mari-
grove décadente), il est probable que la sulfato-réduction a globalement di-
minué en Casamance.
Plus grave, la baisse des nappes phréatiques a permis l’oxygénation
des sols, et l’oxydation de la pyrite en acide sulfurique et fer ferrique.
Il en résulte une forte baisse du pH du sol (jusqu’à î,5-2 1ocalement)et la
précïpitation d’un sulfate ferrique, la jarosite, de couleur jaune pâle.
Ces deux caractères permettent d’identifier les sois sulfatés acides. C’est
pour éviter leur formation que l’on exclut le drainage des sols de mangroves’,
interdisant ainsi leur dessalement en période sèche, Les barrages de Guide1
et d’Affiniam ont été conçus sur ce principe : inonder (et dessaler) les sols,
à l’eau douce en hivernage, inonder les sols à l’eau salée en saison sèche,
en admettant de l’eau de mer depuis l’aval.
En outre, en Casamance, un phénombne nouveau, e t a.pparemment relative-
meut rare, est intervenu, Des mangroves anciennes, enfouies sous des allu-
vions en bordure des vallées, dessalées pendant la phase humide, ont été as-
séchées, et ont libéré de grandes quantités d’aluminium échangeabletfixé
sur les argiles) et soluble (jusqu’à 50 méq/l dans les nappes). Contrairement
à la jarosite, très peu soluble, les suIfates d’aluminium sont, en milieu a-
cide, solubles et donc mobiles. Ils forment le long de certaines vallées
des croûtes blanches précipitées à la limite des terrasses. Les pluies les-
sivent ces crostes vers les marigots ou les retenues des barrages anti-sels,
et les eaux deviennent acides.
.A Djiguissoum, l’eau de la retenue avait un pH de 3,2 en décembre 85.
A Guidlel, un marigot secondaire a vu son pH Chu”ter de 6,t à 3,1 après la
première pluie de juin 86. Les eaux ainsi contaminkes par l’aluminium sont
inutilisables pour l’irrigation et probablement la pisciculture.

9 5
3.
C O N S E Q U E N C E S
P O U R L ' A M E N A G E M E N T
R E G I O N A L ,
L'acidification généralisée des sols des moyennes et hautes vallées de
Casamance rend caduque l'interdiction de drainer ces zones. Par contre, la
progression inquiétante de la salinité rend nécessaire l'arrêt des intrusions
d'eaux salées vers l'amont. Il est possible d'établir des petits barrages an-
ti-sel que l'on maintiendra fermés en saison sèche, même au prix de l'acidi-
fication de quelques hectares de sols potentiellement sulfatés acides, déjà
stérilisés par les sels. L'établissement de ces barrages devrait se traduire
par l'arrêt de la dégradation des zones amont, mais aussi, en supprimant des
surfaces évaporatoires qui sont autant de salines, pourrait ralentir la sali-
nisation des zones aval, qui reçoivent actuellement, en hivernage, les sels
accumulés en saison sèche dans les zones amont.
B I B L I O G R A P H I E
BOIVIN (P,), LE BRUSQ (J.Y.), 1984.- Etude pédologique des Kalourrages -
Vallées de Koubalan et Tapilane. ORSTOM/DAKAR
MARIUS (C.), 1985.- Yangroves du Sénégal et de la Gambie, ORSTOM, Travaux
et documents.
Rapports semestriels "Mise en valeur des mangroves au Sénégal'! Contrat CEE
TSD A-104 ORSTOM/DAKAR 1984-1985.

D I S C : U S S I O N
E.H.M. DIALLO.- Comment lutter contre la toxicité ferreuse ?
LE BRUISQ .- Un drainage suffisant permet l'oxydation du fer ferreux en fer
ferrique insoluble et non toxique.
A. DIALLO.- Quelle est l'importance de cette toxicité pour la crevetticulture ?
COUTEAIJX.- Le problème existe mais peut être résolu par un lavage des bassins
2 l'eau de mer et par apport de chaux. La toxicité du fer et de l'alu-,
minium sont, en fait, surtout sensibles pour les poissons.