Documents Scientifiques du Centre de Recherches...
Documents Scientifiques
du Centre de Recherches Océanographiques
de Dakar - Thiaroye
Le trémail, une innovation
dans la pêche artisanale sénégalaise :
processus de diffusion et fonctionnement
pst- Emmanuel CHARLES-DOMINIQUE et Mamadou DIALLO
:I --z-s -
v
CENTRE DE RECHERCHES OCEANOGRAPHIQUES DE DAKAR - THIAROYE
* INSTITUT SENEGALAIS DE RECHERCHES AGRICOLES *
Avril 1997

1
i,e trémail, une mnovation dans la pêche artisanale sén&.zlai,sc? :
proccLwu~s de dijilsion et.fonctionnement.
Par
E. Charles-Dominique’ et M. Diallo*
Résumé
Le trémail, un engin précédemment absent de la pêche artisanale d’Afrique de l”Oues;t,
s’est rapidement diffusé au Sénégal, à la suite d’une démonstration faite en 1989 a Pointe
Sarène par un industriel exportateur de poisson. Il est actuellement très répandu sur la cou: sud
et se développe dans certains villages de la côte nord. La difision rapide s’est faite en milieu
pêcheur, par de nombreux éc,hanges d’informations et de savoir-faire, à l’occasion notamment
de migrations saisonnières, L’enquête technologique montre que la technique se déforme et se
diversifie pendant le processus d’innovation La technique a été introduite pour cibler fa seiche
(~S~@a o&kîua/Ïs), mais d’autres utilisations émergent (notamment capture des poissons plats
~j~~~o~~~o.s.~s .~pj? et Synaptwa spp.). L’organisation du travail a déjà été sensblement modifee
{problème de l’entretien des filets). Ces changements continuels doivent inciter au su3 di attentif
des pratiques de pêche.
Abstract
The trammelnet, a fshing gear previously missing in the West Afi-ican artrsanal
fisheries, spread rapidly in Sénégal since 1989, afier a demonstration was made by SI fish
processing plant agent. At present, numerous fishing units use this gear on the Senegalese
south toast, and it is developing on the north toast. Its rapid diftùsion was worked out among
fiskermen: through many information and know-how exchanges, during seasonal migrations of
fisbing units. The present investigation shows that the technology was changed and diversified
during the innovation process. The gear was introduced with cuttlefish as a target, but other
targets are emerging (Aatfishes like ~ynogk~sszrs spp, and Synaptura spp) The orgarrizatiorr of
labor has yet been appreciably changed (due mostly to the nets maintenance problem) T’hese
permanent changes much incite to a carefùl survey of fishing practices.
.------ll.-
-l_.--_
’ Chercheur de I’ORSTOM, ISRA-CRODT, BP 224 1, DAKAR
’ Chercheur Biologiste des Pêches de I’ISRA-CRODT, BP 224 1, DAKAR

2
1.
Introduction
En 40 ans, les prises de la pêche artisanale sénégalaise ont été décuplées (30 000 twnes
en 1954. 330 000 tonnes en 1993”). Cette croissance s’explique en premier lieu par
l’augmentation de la productivité du travail et, dans une moindre mesure? par I’arrivee cie
nouveaux pêcheurs, qui viennent renforcer les équipages d’unités de pêche ayant adopté
certaines innovations techniques. Kébé (1994) note ainsi que, depuis 1966, la productivi:e du
travail a augmenté de 90 %. tandis que le nombre d‘unités de pêche est resté stable et ie
nombre de pêcheurs a augmenté de 50 %.
Les grandes innovations reconnues au sein de la pêche artisanale sénégalaise ottt
surtout eu lieu pendant la période 1950-1975 : motorisation des pirogues à partir des armees
1950 (Chauveau, 1988 ; la forme et l’utilisation des pirogues évoluant progressivement), puis
utilisation deç fibres synthétiques ; dans les années 1970, diffusion de la !senne tournante
coulissante puis des casiers et turluttes à céphalopodes et des pirogues équipées de glacières
(Bakhayokho. 1981). Depuis une quinzaine d’années, aucun “grand changement” n’a été signalié
(hormis l’utilisation du fil monofilament dans les années 1990), ce qui a pu laisser penser ;I une
certaine “stagnation” de l’innovation’.
Il ne fait pas de doute cependant que le système pêche continue d’évoluer Des formes
de changement, peut-être moins visibles et plus continues, mais tout aussi eficaces, sont
signalées. La capacité à innover de la pêche artisanale s’exprime tout autant quand il s”agit
d’exploiter des ressources nouvelles que quand il faut se reconvertir sous la pression de
contraintes de l’environnement (disponibilité variable des ressources vivantes, changement sur
les marchés). On assiste ainsi au développement et à la complexification des marchés, $ie la
transformation et du mareyage ; à la diversification des stratégies d’exploitation (migrations,
polyvalente technique, adaptation aux variations de disponibilité de la ressource vivante). Dans
un tel contexte, on ne sera pas surpris que des innovations plus visibles continuent à apparame,
comme l’introduction du trémail décrite ici.
Le trémail est un engin réputé pour son efficacité et très répandu dans le monde.
D’après les inventaires disponibles du Sénégal au Gabon, faits entre 1984 et 1980, il était
absent d’Afrique de l’Ouest (Bénin : TANIMOMO, 1989 ; Ghana : ANUM DOW, 1984 ;
Cameroun : SECK, 1987 ; Gabon : SECK, 1987 ; Guinée : Salles, 1989). En revanche, au
Maroc, de nombreux trémails sont utilisés sur tout le littoral. Leurs formes et leurs usages sont
particulièrement diversifiés (Roullot et Fahfouhi, 1984).
L,e trémail a pris en quelques années une extension considérable au Sénégal dans la
pêche maritime artisanale, notamment sur la côte sud, à partir d’une introduction faite en L 989
à Pointe Sarène Ce changement, mal repéré par le système d’enquêtes statistiques. pourrait
avoir., si son intensité se confirme et se maintient, des conséquences importantes, notamment
en matière de déplacement de la pression de pêche sur certaines ressources vivantes, ou en
matière d’organisation et de productivité du travail.
_-_~^_.-

__-.

---.
I_..
’ Sourw base de données Pécha Artisanale. Centre de Recherches Océanographiques
Dakar-Th~aroy
’ (kxlotto ui (1077) considèrent que “l’amklioration [dc la pêche artisanale, si elle se poursuit 1~ ne concerné’ plus JW I.ZS
et
points de dktail, le gros du travail ayant dkjà été réalisé“ plus récemment, Chauveau et Samba ( I 9fP) çonsidcrem que “ia
capacitk d.innovation de la p&he artisanale semble s’amenuiser”

3
Des enquêtes ont été effectuées en janvier 1996 dans plusieurs villages (de la cote sud et
de la cote nord (entretiens avec les pêcheurs, description des filets), pour tenter de fah-e le
point sur le fonctionnement de cette nouvelle forme de pêche, et de comprendre les conditions
qui ont accompagné son développement. Après l’analyse de cette enquête, on tentera :le
confronter les résultats obtenus avec les statistiques disponibles de la pêche sur la celte sud ,w
cours des dernières années.
2.
Méthode d’enquête et questionnaire
Nous nous sommes rendus dans 18 villages de la côte en janvier 1996+ de Djifère a
Saint-Louis, où nous avons demandé a rencontrer des pêcheurs utilisant des trémails’ .4u
moins 2 unités de pêche ont été interrogées dans chaque village, et souvent plusieurs perwnrres
par unité de pêche.
Quatre points principaux ont été abordés : caractéristiques et utilisation des Mets,
organisation de la pêche, historique de l’introduction de la technique, et signification de son
developpement (conditions de l’introduction, « bilan )) de cette pratique) Le:s questions out
porte sur les pratiques du pêcheur interrogé mais aussi, et notamment quand des variantes
exastaient. sur celles des pêcheurs du même lieu.
On commence de préférence l’enquête en “voyant ensemble” avec les pêcheurs certains
aspects concrets, notamment la description “technologique” de l’engin : mesures au metre et du
pied à coulisse, identification des fils avec des pochettes d’échantillons L’objet concret
médiatise le dialogue et la prise de contact, qui s’établissent ainsi de manière plus équilibrée et
plus spontanee. Dans cette phase de l’enquête, on apprécie la participation (du pêcheur à la
description Nous essayons d’établir un dialogue plutôt que de “remplir un questionnaire”., et
“d’amener” les points qui nous intéressent dans le cours de la conversation. Les questions
peuvent porter sur les pratiques de la personne interrogée, mais aussi im.pliquer d’autres
personnes ou groupes (tout le monde fait-il cela de la même manière dans ce ,village ‘) on nous
a dit ceci à tel endroit,, qui ne semble pas se vérifier ici, pourquoi ?). Les quest:ions non
abordées sont posées après avoir conclu l’entretien, avant de se séparer.
- Historique de l’introduction
Les personnes rencontrées ont éte interrogées sur leur connaissance d’éventuelles
utilisations de trémails avant la période récente, sur les étapes de l’expansion récent:e de la
technique (orrgine, première année d’utilisation dans le village, vitesse d’expansion, éventuels
échecs depuis la première année), sur les conflits éventuels survenus au couacs de i:e
développement du trémail
- Organisation de la peche
Les questions ont porté sur le nombre de membres d’équipage, les rythmes (quotrdien,
saisonnier) et l’organisation du travail (à terre, en mer), les lieux de pêche, les espèces ciblees
et/ou capturées Les pêcheurs ont également été: interrogés sur les techniques actuellement
associées au trémail et sur celles qu’ils pratiquaient avant de l’adopter
’ Au la cote sud : Guéréo, Ndayane, Toubab Diallao, Yène, Mbour, Pointe Sarène, Npning, Ngaprou. Jo,,~, I~G+Ic;~;
Dans IÜ przsqu’ile du Cap Vert Ifann plage, Bel Air, hunbédioune : Sur la côte nord Kaym. Ivlboro. Fass %~\\e. ‘+II)~-
Louis Pilote.

4
- Caractéristiques des filets
Neuf tilets (dans neuf lieux différents) ont été entièrement décrits (observation directe).
Des questions supplémentaires ont été posées sur l’existence de variantes, la fdbricatien
(méthode, qui fabrique) l’entretien des filets. l’utilisation en mer (nombre de filets utilises,
nombre de filets par tésure6), le coût des filets, enfin sur le fonctionnement de l’engin
{efficacité, sélectivité)
- Développement et bilan de la pêche au trémail
Enfin, des questions ont été posées visant à cerner les raisons de Ia large
« appropriation j) constatée de la technique, et notamment demandé aux pêcheurs d’en pr&iser
les (! avantages et inconvénients » par rapport aux techniques alternatives, et si d’eventuels
changements au niveau des ressources vivantes (abondance, marché) avaient favorisé Ie
développement du trémail ou poussé les pêcheurs à délaisser des techniques utilisées
précédemment.
L’information recueillie par le système d’enquête du CRODT (voir $ 4) ne permet pas
de distinguer précisément les enquêtes concernant le trémail, car cet engin a été classé jusqu’à
présent avec les autres filets maillants de fond dans la catégorie “FD” (filet dormant), et parfois
dans une catégorie plus restreinte, “FD divers”, dans laquelle peu d’enquêtes sont disponables
Quelques résultats disponibles d’enquêtes au débarquement sur les prises par sortie (quantitcs,
composition), sont néanmoins présentés, qui n’ont qu’une valeur indicative
3.
Résultats
i\\u cours d’un recensement précédent dans la région du Sine-Saloum (programme
PC’A, 1995), nous avions dénombré, à Djifère, 43 unités utilisant des trémails, toutes
originaires de villages de la côte sud, et partageant leur activité entre ce campement saisonnier
et leur village d’origine 7 Ces unités pratiquaient le trémail soit seul (20 unités,), soit asscw$é à
des filets maiilants calés au fond (ou “filet dormant” FD) : 20 unités au (< FD sole >.t, 3 unités
au FD yet ou au FD raie,
Les enquêtes présentées ici confirment la présence de trémails à Djifère et montrent de
plus que cet engin est désormais très utilisé dans la plupart les villages de la côte sud (tab. 1) Il
progresse par ailleurs au cours de ces deux dernières années sur la côte nord. Dans certains
villages. il semble être devenu l’engin dominant parmi les pêcheurs utilisant des filets maillants
calés au fond ou des casiers? et de nombreuses unités de pêche utilisent Ie trémail
exclusivement.
3.1 Historique de l’introduction
3. I, 1 Orqfine
Plusieurs informateurs ont mentionné des cas (( isolés )) d’utilisation de trémarls
(concernant toujours une seule unité de pêche), en différents endroits de la cote entre 1974 et
” IJae tesure ou filière est l’ensemble formé par des filets attachés bout à bout
7 Qift’rt: &ait le seul village où des trémails ont été observés, hormis Bétanti (gros village des ilcs soc2 sit& ~II:’ k li‘.tor,,k./,.
où une seule unit2 pratiquait le trémail. A Djifkre, 17 unités étaient originaires de Ndayane, 10 de Pon~te Careut 7 $1~
Nyning. 6) de h4bonr et 3 de G&&o.

5
1994' ; dans tous les cas, ces expériences ne se seraient pas étendues et auraient été de wua?e
durée L’actuelle expansion du trémail proviendrait, d’après de nombreux temoignages
concordants, et confirmés par l’historique de la diffusion, d’une seule expérimentation faite a
Pointe Sarène au début de 1989, par un ressortissant italien travaillant pour le compte d’une
usine de conditionnement du poissong. Ce dernier avait armé dans ce village deux pirogues
pour la pêche avec des trémails, les membres d’équipages étant des pêcheurs du viilage. Les
essais ont débuté le 20 janvier 1989 (Faye, 1990).
D’apres les pêcheurs, la diffusion s’est faite selon différentes modalites, en trois temps
principaux :
- les pêcheurs de Pointe Sarène, puis ceux de Nyaning, ont rapidement expérimente ces
engins, Les premiers ont été considérés pendant un temps comme les (( spécialistes >a 3e la
technique, qu’on faisait même venir à Joal en les rémunérant, au début, pour fabrique; des
filets et montrer leur mode d’utilisation ; on notera, que l’expansion ne s’est pas faite de manière
linéaire et continue, certains échecs ayant eu lieu, comme à Nyaning (tab. 1) ;
- les migrations de pêche auraient joué un rôle majeur dans le processus de diffusion de
la technique. Le campement de Djifère, fréquenté saisonnièrement par de nombreux pecheurs
de la côte sud, est souvent cité comme le lieu principal où le trémail aurait été connu ‘et
adopté’” ; dans la presqu’île du Cap-Vert, les quelques unités “pionnières” rencontrées viennent
également de la côte sud ;
- la difision à la côte nord, qui ne concerne encore que deux villages, s’est faite plus
tardivement, à un moment ou la technique était déjà bien établie sur la côte sud, suivant :In
processus « accéléré k) : à Fass Boye, un seul pêcheur, campagnard de Guéreo, venu comme
membre d’équipage, aurait montré la technique à tous les pêcheurs du village ainsi qu’,it des
pêcheurs de Mboro. La saison suivante, toutes les pirogues du village utilisaient des trémails.
Par ailleurs, il semble que des mareyeurs ont contribué dès 1990 au processus de
diffusion en privilégiant le financement des trémails plutôt que celui des casiers à. seiche
{pêcheurs interrogés et Faye, 1990).
3.1.3 lhcussion
Le déroulement du processus de diffusion appelle les remarques suivanltes. La premiere
étape, “l’offre d’innovation” (essais de Pointe Sarène qui ont duré un an), est une initlatibce
exogène au système de production stricto senm (les pêcheurs). Nous reviendrons sur le rijle et
-----.---. ---- ~
Tln essai aurait 2te fait il y a 20 ans a Mbour, un autre à Dionewar en 1974, un autre a Pointe Sarenz en i 974 jt3ar itn
Japonais
I. un autre ,j Ndavane en 1978, un pêcheur de Saint-Louis aurait essayé isolément en 1978 tm tremiiil jap+mu~~ 1
entierement moncfïlament - qui lui avait ete apporte de Mauritanie, un pêcheur de Ndayane en aurait !:u un cm (iambtr
avant 19%. L’authenticité de ces intormations reste à vérifier. sauf dans les trois cas suivants : CII 19X( 1 ct 9X 1 !m
“volormhre” Japonais associé au service des pêches a expérimenté le trémail à Mbour pendant 6 mois
L’Cngul S!u11 a1
modèle fabrique au Japon. A Saint-Louis, en 1995, un pecheur a utilise un trémail donné par un CO~&~I i embarque GLK C.II
bateau “ramassem-“. associe pour la péche à des pirogues artisanales). et l’a ensuite modifié. En 10,95 a Prlote. J~&s &
Saint-J.ouis. un ptkheur a aussi acheté un trémail à des coréens, et l’a reproduit pour pêcher dans le fleuw
’ I Jsine (il-‘SMA. &uee à ‘Tropical, près de Mbour et actuellement fermée.
” Au campement de Djifere. de nombreuses unités d’origine diverses se retrouvent saisonnièrement ct p~xvtxt cta~roo:c~
quotidiennement leurs pratiques De retour dans le village d’origine, les pêcheurs partis vers des destination>. diffcr~nws
s’inîorment par arlleurs de leurs experiences respectives à l’occasion des rassemblements ammels (t2tcs r<ligiet,.ses et
locales. par exemple à Saint-l,ouis ou dans les villages Nvominka).

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les motivations des “offreurs”, des industriels exportateurs de produits de la pkhe relayé, par
les mareyeurs finançant les engins. La rapide expansion qui suit immédiatement l’introduction
se produit en revanche sans intervention extérieure, et peut être qualifiée d’endogène., imerne
au milieu des producteurs.
Les faits rapportés à propos de la difision en milieu pêcheur (échanges nombreux
d’informations et de savoir-faire, “spécialistes” rémunérés, apprentissage informel de la
fabrication, discussions nombreuses sur les aspects techniques du nouvel engin, kutiatives
ividuelles d’expériences de montage dont les résultats sont ensuite largement connus)
ressemblent à ceux observés quand un projet d’innovation est élaboré. Treillon ( 1992, p 106)
note dans cette phase “une intense coordination informelle entre les techniciens qui s’appuie
sur [. ] une forte composante d’apprentissage collectif non prédéterminé., sur l’institution
progressive d‘une auto - organisation faite d’ajustements mutuels tous azimuts et sur une
certaine redondance qui permet la circulation et la répartition de l’information en évitant
l’existence de zones d’ombre”‘. En bref, cette phase de diffusion ressemble à une vaste
expérimentation collective Elle a été sans doute été indispensable pour que la technique puisse
s’implanter aussi rapidement à grande échelle.
Bien qu’il semble que peu de modifications aient été apportées au modèle initial de
l’engin de Pointe Sarène, on assiste depuis son introduction, comme nous le verrons ci-dessous,
à un processus d’adaptation ou “réinvention” de la technique (essais de variantes de montage
dont certaines sont adoptées, diversification des espèces-cibles), processus qui est
fréquemment observé dans les processus de diffusion des innovations (Treillon, 1992)
3.2 Organisation de la pêche
Les unités de pêche utilisant des trémails possèdent un équipage m.oyen de 4 à 5
pêcheurs, les extrêmes étant de 3 et 10 pêcheurs (tab. 2). Les pirogues recensées à Qifère (43
unités) étaiem de 12 à 18 m de longueur, équipées de moteurs de 8 à 25 CV Les pecheurs
interrogés ont déclaré posséder 8 à 50 filets, chacun d’une trentaine de mètres (Le nombre’ trks
élevé de 100 filets par unité de pêche, donné comme courant à Yène, reste à veritier.)
On distinguera les étapes suivantes dans la mise en œuvre de la technique du .trémail
a
terre, la fabrication puis l’entretien des filets, et en mer, les sorties périodique,s pour placer et
déplacer les filets, les remplacer quand ils doivent être réparés, et pour récupérer les captur es
3.2. I Fabrication et entretien des.filets
La fabrication d’un filet est relativement rapide, effectuée en quelques jours par certains
pêcheurs de l’équipage, parfois aidés ou conseillés par des pêcheurs extérieurs à I’u.nit:é de
pêche
En revanche, l’entretien des filets est plus problématique. En effet, les trémaik se
degradent beaucoup plus vite que les autres types de filets, en raison du montage très flou de la
nappe centrale.

7
Tab, 1 : Chronologie du développement de la pêche au trémail par village
Villages -
Développe à
partir de
‘ointe Sarène
‘-
Très répandu actuellement.
qyiuing
1992-1993
L’introduction de l’engin en 1989 s’est soldée par un éche
:t un arrêt (« ils ne connaissaient pas le travail, les filet
itaient mal faits, ils se sont découragés H). La techmque a ét
reprise
ensuite et
connaît
actuellement un
1Ql
développement.
Juéréo
Très répandu actuellement.
klbour
lntroduit par un pêcheur de Sendou, Ic trémail sembl
répandu, mais dans des proportions difficiles à estimer.
loal
1995 .‘.- Le trémail a été introduit pour la première fois lir la suite d
x campagnes » (déplacements saisonniers) effectuées
Djifère en 1990, mais s’est surtout développe au cours d
l’année 1995. Il semble actuellement répandu. mais dans de
proportions difiïciles à estimer.
Vdayane
Ires répandu actuellement.
Yène
~--
. ..- Très répandu actuellement.
__--__ -_-.~<-,.,, - ..-
Ygaparou
Très répandu actuellement.
Mboro
1994
2 équipes en 1993, développement ensuite
Hann-plage
peu développé Des campagnards de la côte sud viendraient. peu nctnbreu?
depuis 1993, vers les mois de mars-avril
peu développe
Bel-Air
Des campagnards de Yène (peu nvmbrcux) emploient 1
trémail en 1995 [la date de leur première arrivée e!
-
-
_- incertaine]
---..“--I.--.)---
rropical
Assez développé actuellement.
ruubab Diallao
peu développe Une seule pirogue. équipée par un mareyeus dc Yèa
emploie des trémails ; le village, spécialisé dans la pêche à 1
ligne, pratique très peu la pêche aux filets de manici
générale.
1995
Pass Baye
Un seul pêcheur, Aboulaye Faye, (( campagnard :-) originau
de Guéréo, venu comme membre d’équipage. 23. montré 1
technique à tous les pêcheurs du village amsi qu’au
pêcheurs du village voisin de Mboro et aux K campagnards
présents : un pêcheur rencontré plus tard à Saint-Louis ava
appris la technique de cette manière. A la saison suivan
(1995) d’après les pêcheurs interrogés, tous les pêchew
originaires de Fass Boye ou campagnards (80 pirogues ?) 01
utilisé le trémail.
peu développé
1 pêcheur isolé s’est procuré un trémail (note 5) et a pêcl
Pilote (près di
dans le fleuve avec des filets reproduits à partir de cc mode.
saint-louis)
(à noter que la seiche, absente de ses Lones de pêche. n’e
pas ciblée, mais la sole et diverses espèces de poissons).
Kayar
peu développé La première saison de trémail, par des campagnards sain
louisiens qui l’associent aux filets à sole a lieu de mars à jui
1995
peu développe
Saint-Louis
La première saison est l’année 1995 II semble que pu
d’unités de pêche ont été concernées.em-.-“-_-
le tfemall‘. eiZ
sé à Nditakh Ycnc
ao, Yène Cmedj tt Y&e Tad, tandis que Toubab Iliallao Léle. Yimg.~i

8
Sur la côte sud, les filets sont répares régulièrement (la durée de vie d’un filet varie de 1
a 2 ans) Tous les membres d’équipage, sans spécialisation apparente, consacrent la plus
grande partie de leur temps de travail à cette tâche, qui limite le nombre de filets pouvanr être
mis en oeuvre. Il semble que le nombre maxima1 de filets pouvant être entretenus par une unité
de pêche ne puisse pas dépasser 30 à 50.
Dans un village de la côte nord (Mboro), une équipe ayant adopté une autre strategie
face à ce problème a été rencontrée. Ces pêcheurs saint-louisiens, possédant des trémails et des
filets maillants à sole, entretiennent seulement le filet externe mais pas le filet interne, qui est
considéré comme « perdu » (ainsi, sa durée de vie ne serait que de quelques mois”) Cette
methode permet de répartir différemment travail et investissement, et d’utiliser simultanemer?t
un beaucoup plus grand nombre de filets que quand ils sont entretenus.
Ces variantes devront bien entendu être prises en compte dès lors qu”on s’intéressera
aux rendements et aux comptes d’exploitation de ces unités de pêche. Si le trcimail continue à
se developper, on peut d’ailleurs s’attendre à ce que d’autres solutions apparaissent face au
problème du ramendage, qui semble se poser de manière particulièrement aigue (une possibilité
étant la spécialisation des tâches).
1.1.1 Sorties de pèche
Sur les lieux de pêche, les filets sont attachés bout à bout pour former des tesures ou
filières ((( filas » est le terme employé par les pêcheurs) d’une dizaine de filets. Les filets
peuvent rester plusieurs mois en mer, sauf en cas de tempête où ils sont tous ramenés à terre
pour éviter les dégâts ou les pertes.
Les filières sont placées de manières différentes pour rechercher les meilleurs
emplacements et orientations
Elles sont déplacées fréquemment en fonction des rendements
obtenus (“‘essai et erreur”) Une filière peut être laissée de 1 jour à 1 semaine a la meme place.
La technique de placement et de déplacement des filets est identique à celle pratiquée pour les
autres filets maillants de fond.
La sortie de pêche habituelle consiste en une visite des filets, pour récuperer les prises
(opération assez rapide), nettoyer les filets et les changer quand ils sont endommages. Un ou
plusieurs filets réparés sont ainsi emportés à chaque sortie. Les visites des filets peuvem durer
plusieurs heures Elles ont lieu généralement toutes les 24 heures, pendant le jour En haute
saison, à Mboro et Fass Boye, deux visites par jour étaient faites ; dans certains cas, la
fréquence n’est que d’une visite tous les deux jours (en saison froide sur la côte nord)
1. i, 2 Lieux de pèche, espèces cibl&e.~, sélectivitk
Les filets sont partout calés au fond, sur des fonds durs, sableux ou coquilliers Les
fonds rocheux sont évités Sur la côte sud, les trémails sont mouillés à des distances V<ariables
de la côte, depuis la proximité du rivage jusqu’au delà des 6 miles.
Sur la côte nord, à Kayar, Mboro et Fass Boye, le trémail est utilisé à la côte, dam une
zone où les seiches sont abondantes et où, par ailleurs, se trouveraient les soles de grandes
tailles Plus au large se trouveraient les lieux de pêche des filets maillants a sole, dans une Loile
où les seiches seraient plus rares et les soles de plus petites tailles.
---~-_-~ - ----~
” Pratique rencontrée en Europe.

9
Les statistiques concernant les prises des trémails (quantités, composition) ne sont p.~s
disponibles, car l’engin, comme on l’a dit plus haut, n’est pas encore considéré comme un type
distinct par le système d’enquêtes. On se limitera donc à rapporter les indications données; par
les pêcheursi
Le trémail est presenté à la fois comme un « filet à seiche » (il est connu couramment
sous le nom de G mbal! yeureudeu », filet à seiche) et comme un filet efficace pour toutes les
espèces présentes’“.
Les statistiques disponibles confirment que le trémail est le seul filet de fond qui cvaptwe
etkacement les seiches. En revanche, l’efficacité identique pour toutes les espèces présentes
est peu vraisemblable. Les pêcheurs signalent plutôt que certaines espèces comme les serches
ou les -8 soles »14 seraient capturées avec une efficacité particulière, et que, l’engin assurerait
par ailleurs des prises régulières et diversifiées de différentes espèces,
Par ailleurs, la sélectivité ne dépend pas seulement des caractéristiques (de J”engin, mais
aussi de sa mise en ceuvre. Comme on I”a vu pour la côte nord, la. recherche de la serche.,
espéce principalement ciblée, conduit au choix de certaines zones de peche qui ne sont pas
favorables pour d’autres ressources. Réciproquement, certaines conditions sont évitées (fonds
roc,heux, présence d’espèces détériorant les filets, etc.) qui rendent vraisemblablement la
sélectivité de l’engin complexer5.
Enfin, la technique est relativement récente. Elle semble ewore en cours
d’expérimentation en plusieurs endroits (voir plus bas les modifications d’engins). Son
fonctionnement, ses conséquences sur les prises des autres engins font l’objet de discussions
fréquentesr6. Le mode d’utilisation de l’engin, les espèces ciblées, les conditions de pêche et les
prises, peuvent être variables suivant les lieux (voir plus loin), voire changer à l’avenir
1.1.3 Techniques associées
Les principales techniques associées au trémail sont les filets maillants calés au fond de
dif%érents types et les engins ciblant la seiche ou le poulpe (casiers, turluttes) Les principales
-----_-._.-.---.-~ ---
” 1 Jnr indication des prises par sortie peut être fourme en sélectionnant les enquêtes de “filets dormants ii SOI~:~’ ;t 1 :yi’eie
(janvier 1992~juillrt 1993) pour lesquelles la prise de seiche est positive. et qui correspondant donc probablemtrat a JC>,
tremails (ces données concernent 25 unités de pêche et 410 sorties). La prise par sortie se décompose amsi
Selw
offiçinahs 19 kg t$noglossus spp 9 kg, Scnaptura spp. -1 kg, Pseudotholithus brachvgnatus 2 kg, Arius ipp kg, wtra~s
especes 4 kg.
” On appelle aus>.i ÇC filet (( passe partout )) - au sens dc
“tout poisson y passe” ou SC international ,); “qui prend ?ou1,*s
sortes de poisson”. Le mot trémail est rarement utilisé, sauf à Fass Rave.
‘J C’ategorie composite qui comprend plusieurs espèces.
” Certaines inquiitudes se sont manifestées notamment au Service des Pêches à propos du caracttxc “debiructeur” ‘!.,
“meurtrier” du trémail (le terme “meurtrier” doit être proscrit car réservé à l’acte de tuer un être humain) Les ~Mes NC la
&lectivite et l’efficacrte de ces engins sont rares (contrairement à celles consacrées aux filets maillants) Il ccwitw. de:.~
d’etre prudent sur ces ,jugements et preciser le plus possible la nature des menaces craintes, les ressources raenacccs, ?:i.
itudier les arguments au cas par cas, En tout état de cause0 l’engin n’est pas destructeur pour les habitats ct :$a ~aaill~:
relativement grande epargne les .mvéniles de nombreuses rspéces. On devra également relativiser ce jugement en rappelant
que d’autres engins comme les chaluts entraînent des mortalités mutiles (juvéniles, re,jets) et ont un impact sur 1~s habitat,
!’ -4 Saint-Louis. on nous dit que les pêcheurs parlent particulièrement de cette “technique nouvelle”.
l:>~,ffktc~~~~~.
inta-pretations existent. et çireul~nt sur le fonctiomtemenl et I’effriçacité du trémail, notamment pour la seiche .i\\ ?ld~~an~:
;?IZ nous dit que les poissons caplurés par l.es trémails attireraient les seiches, et que, pour cette raison on interdirait &: I;,s
placer à proi;imité des casiers. A Pointe Sarène, on nous dit que quand des seiches sont prises, elles rendnueru 1s.: filet
répulsd (pour d’autres seiches) en envoyant leur encre. ce qui représenterait un inconvénient par rapport à 1,~ pe&h~ :I la
turlutte A Saint-Lotus. on nous dit que les seiches sont sensibles à l’agitation des engins (casiers. tremailsj par m6itrvtiu
temps. et que tout contact avec un objet les fait reculer.

10
associations citées sont la turlutte à poulpe pendant l’hivernage (à Pointe Sarène et Nyaparou ,I,
la turlutte à seiche (sans casier) pendant l’hivernage, le casier et la turlutte à seiches (a Joal), et
l’ensemble des filets maillants calés au fond (les trémails sont associés auF; filets a yen à Joal ut
Djifère, à raies et à soles à Djifère ; sur la côte nord, tous les pêcheurs qui emploient Pe tremaiI
pra.tiquent aussi le filet à sole, en alternance saisonnière, mais aussi simultanément)
1.2 Caractéristiques des filets
1.2.1 Mmtages observés
Le trémail est un filet constitué de trois nappes : deux nappes externes de grand
maillage et une nappe interne de petit maillage (fig. l-a), montée avec beaucoup de flou La
nappe interne étirée, est en moyenne 2 fois plus haute que les nappes externes étirées J.e
poisson passe au travers des grandes mailles d’une des deux nappes externes (placées en vis-.$
vis), puis rencontre le filet à petites mailles où il pénètre en formant une poche,, et enfin
s’entrave, s’accroche ou se maille suivant les ca&‘.
Nous avons examiné 9 filets dans 9 lieux différents, et des indications complémentaires
nous ont été données par les pêcheurs sur les caractéristiques des trémails du même lieu
(tab 2). Dans l’ensemble., les filets observés sur la côte sud sont d’une construction homogène,
avec quelques variantes, contrairement aux quelques filets vus sur la côte nord, d’introduction
plus récente et beaucoup plus hétérogènes.
Les nappes externes sont toujours confectionnées par les pêcheurs, avec du fil de pêche
fort La dimension de la grande maille est constante sur la côte sud (235 mm de côté), car on
utilise pour le montage un gabarit standard, une ardoise d’écolier Sur la côte nord, on mewe
les mailles en doigts, et différentes dimensions existent (175 mm à Mboro et Fass Baye. 1 h;c)
mm à Saint-Louis). Le fil le plus souvent utilisé pour la grande maille est en nylon (polyamide
PA) câblé 1110 rn/kgt’, de couleur blanche D’autres couleurs (bleue, rouge) et d”autres fils
(polypropylène PP 960 rn/kg) sont parfois utilisés.
” On ii vu egalemcnt deux himails une nappe à petite m;iilles awolée à une seule nappe a grandes ma&3 L’rril à bbw.!t:
dan:; Ici Sme Saloum. l’autre à Mboro. Dans les deux cas. ce montage était provisoire et dû à un manque db: rnw cm, ~+ur GI
conféction d’une nappe supplémentaire
” IYaprcs un pkhzur le fil 1 110 est plus facile à travailler (confection des nappes) que le fil 11 15 qui sa& ~wurta~,i @:rs
performant

11
Tab. 2.- Caractéristiques des filets observés
I
I~mgueur du filet (brasses ou mètres)
i:br /
17br
‘4%. de filets
Nb. de membres d’équipage
.Yb. de filets Dar tésure
GRANDE
Nombre de mailles en hauteur
MAILLE
Nature du fil
Couleur
Titre (m/kg)
NAPPE
Côté de maille (mm)
PETITE
Nature du fil
MAILLE
Titre (mikg)
Nombre de mailles en hauteur
RALINGUE
Nature du fil
HAUT
diamètre (mm\\
/
I 81
8
l
8
I
8
I
8
I
II
I
9
I
‘?
I h I h ii
RALINGZ’E
Nature du fil
PA cabléblanc i
I
I
I
I
I
I
‘7
I
I
Titre (mikg)
1100
I
I
I
?
rapport
i ,532
I
dimension erande maille oetite maille 1
1.91
rapport d’armement nappe interne

1 2
La nappe interne est de fabrication industrielle, de côté de maille 46 mm (40 mm dans
un cas”‘), en fil PA câblé 4000 rn/kg. Dans quelques cas, un fil plus fin est utilisé (6000 ns’kg).
Il est moins onéreux mais plus fragile, et les pêcheurs préférant pour cette raison le titre ~4OOC
Les nappes sont montées de manière suivante sur les ralingues supérieure nnférieure
IX~
fil doublant les ralingues est noué sur celle-ci par intervalles”, formant des « compas )) (fig. l-
b) Six petites mailles sont enfilées par intervalle (5 à Mbour), sans être attachées2’ A chaque
extrémité d’un compas, les grandes mailles sont fixées sur les ralingues. Ces mailles de
bordure, contrairement aux autres, n’ont que trois noeuds (fig. l-d). Elles sont fixées *au moyen
d’un noeud non serré ou d’une boucle (fig. 1 -e et l-f), ce qui permet un glissement des mailles
et la déformation du filet. Dans une variante de montage observée à Mboro (côte nord’), la
grande maille est prise dans le compas où elle peut glisser encore plus librement (fig 0 -12)
8
f&J.- Détails de montage des trémails observés. a : position des nappes. b
montage habituel sur les ralingues. c : variante à Mboro. d : n,ouage des
grandes mailles aux extrémités supérieure et inférieure. e : fixation habituelle
d’une grande maille sur une ralingue. f : variante à Guéréo. g : plombage B
Guéréo (235 mm ouverture du compas). h : extrémité latérale des filets à
petites mailles.
---.---- ----~-
” IYap~tis le rapport de M. Faye. agent du CROI>T‘, datke du 11/4/1990, les premiers filets mtroduh à I+he Sar~,:t~e
avaient une maille de 40 mm.
” Sur la côte sud, d’une longueur égale au côté de la grande maille. A Mboro, l’intervalle est dc 12 cm.
*’ 1 Jne variante a été vue H Ngaparou, ,3U le montage sur la ralingue du bas est fait avec des dcrnr-compas tle S ma~.lle.

1 3
A Pointe Sarène, Jes nappes externes sont pré-montées avec un fil fin qui rJoubJe les
ralingues une fois Je filet assemblé. Nous n’avons pas compris l’intérêt de ce montage (les
pêcheurs disent que ce fil sert à « mesurer » pendant le montage).Les ralingues supérieure et
infërieure sont toujours de même dimension. Sur la côte sud, cette dimension est généralement
de 17 brasses (30 m environ). les extrêmes étant de 13 et 25 brasses. Sur la côte nord, les filets
ont des dimensions comparables. Leur longueur mesurée en mètres, est identique a celie des
filets maillants de fond à sole (de sorte qu’un trémail peut être confectionné à partir de
ralingues récupérées sur un filet à sole).
La rahngue supérieure (corde PA ou PP ciblée 8 mm) est généralement ~JUS fine que la
ralingue inférieure (corde PP câblée 9 mm) Le filet interne, à son extrémité latérale, est monté
de la manière suivante : un fil fort (absent à Mboro), le même que celui qui sert à la confection
des grandes mailles, est enfilé dans la dernière rangée de petites mailles (fig. l-h), et fix& aux
extrémités des ralingues Sa longueur est de 1,3 m (une seule mesure)22. Les na.ppes eY;t&izures
à grandes mailles sont soit libres aux extrémités latérales, soit fixées, à chaque noeud, sur ce fil
passé au travers de la nappe interne.
Le plombage le plus fréquent est de 5 kg/filet (170 g/m), et varie entrer .3 et 8 kg Les
plombs ( J 00-200 g) sont identiques et régulièrement espacés, ou différents et alternés (Ciuéréo,
fig, l-g). On nous dit que quand on cible la sole, on plombe davantage (Guéréo, d’après 2
pêcheurs) , quand on cible la seiche, on met davantage de flotteurs. Sur la côte nord, le
plombage est nettement inférieur que sur les filets de la côte sud, et n’est pas modif% #apr& la
fabrication. Les flotteurs utilisés sont hétérogènes à tous points de vue , il n’a donc pas eté
possible d’estimer leur flottabilité.
Les caractéristiques des montages observés ailleurs dans le monde sont réunies Itar ta
FAO (Dremière, eomrn pers.) Elles sont résumées dans le tableau 3. Le filet est monté au
Sénégal conformément aux normes connues, avec cependant un montage légèrement plus fJou.
Il faut signaler cependant l’existence d’autres types de montages de trémails, comme ceux CIU la
naJ,pe de petites mailles est faite de différentes bandes longitudinales de maillages diff&ents, ou
les filets composés d’un filet maillant (bande supérieure) et d’un trémail (bande infërieure~, 011
trouvera des descriptions de filets de ces différents types notamment dans l’inventaire des
engins de pêche du Maroc (RouJlot et Fahfouhi, 1984).
Tab. 3.- Normes de montage habituelles relevées par Prado et Dremière
(1988) et caractéristiques observées.
Prado et Dremière,
Sénégal :
moyenne [maximum - minimuniJ 1
1988
rapport dimension du grand maillage /
I
1-7
4.9 1x7 ~’ $91
-
dimension du petit maillage
-~,11--.-.“-
rapport hauteur étirée nappe interne /
1,5 -2
1.9 [ 1,2 ” 2.51
--
-----<m--w.---_
-
---m-.--._
-1
lest (grammes par mètre)
100 - 200
I
I
170 [ 100 - 230]
I
*’ A Joal. on nous dit que ce fil latéral doit être plus cour7 (impliquant donc un montage plus llou de lu napp& mtoxc) .>i
l’on cible la seiche que si l’on XXII cibler ltr poisson. Cette indication ~ugg&re I’eGstence de variantes ci’utilisdtior:

1 4
1. i. 1 Lssais de montage
Le fil monofilament pour la petite maille a été essayé sans succès à Mbour. A Joai, un
pkheur a teint en bleu foncé une nappe de petites mailles pour tenter, sans succes, d’éloigner
un poisson qui cause des dégâts aux filets (LagocephaZus). Différents essais nous on’/ éte
signalés concernant le nombre de mailles à monter en hauteur, aboutissant, on !“a ku., à une
construction plutôt homogène.
Il est de l’ordre de 25 a 30000 FCFA (pour une longueur de 17 brasses) Un filet
entretenu peut durer 2 ans Les trémails sont considérés comme des engins coûteux.
1.2 Développement et bilan de la technique selon les pêcheurs
On aborde ici les réponses aux questions sur l’environnement de la pêche au moment de
« l’appropriation H du trémail. On complétera cette information par la présentation de quelques
données concernant la pêche sur la côte sud.
1.2. ï Changements ali niveau des ressources vivantes
Nous avons demandé aux pêcheurs s’ils avaient remarqué des changements d’abondance
des ressources, notamment de la seiche, ayant précédé ou suivi leur propre adoption du
trémail Les réponses ont été toujours négatives, et expliquées dans certains cas par la difficulté
de comparer les rendements issus d’engins différents. Mais ces réponses sont dificiles ti
interpréter, car on ignore comment les pêcheurs perçoivent et évaluent les variations
d’abondance (des distinctions sont-elles faites entre les changements d’abondance tendanciets,
les changements hasardeux - imprévisibles -, et les changements techniques - amélioratio’n de
l’elkacité, etc. - ?) On verra plus loin que la meilleure efficacité des trémails est cependant
reconnue dans certaines réponses.
1.2.2 .Ivantages
Les aspects considérés comme des (( avantages » ou des (( inconvénients j) du trkmail
par rapport aux autres techniques sont ici classés du plus fréquemment au moins fréquemment
citk
II Le filet (( prend tout )jr et notamment la seiche « qui a un bon prix » , « on ne revient ja.mals
bredouille H, les prises nulles sont rares. Les captures sont variées
par exemple, des requins
peuvent se mailler dans les nappes externes. Les soles sont capturées particuli(irement
effkacement, au point que de nombreux pêcheurs auraient remplacé leurs filets à soles pdl
des trémails (Yène)
2 Comparé aux casiers qui ciblent également la seiche, le trémail a comme avantages bfe
capturer les seiches de grandes tailles qui ne pénètrent pas par les ouvertures trop ktroites
des casiers, d’être efficace en toutes saisons (le casier est principalement utilise pendant
l’hivernage ; l’engin serait pris pour abri par les seiches en période de reproduction‘“)
-------------_-
” IA verihtion de ce rythme saisonnier est diffkile ii partir des statistiques dans la mestut oii L,asiers ct mhtt~:. a
c&phalopodes sont confondus.

1 5
3. Le mode de capture du trémail blesse beaucoup moins les poissons qu’un filet marllant
Même après 24 heures en mer, les poissons de certaines espèces (notamment les soles)
peuvent survivre jusqu’au relèvement des filets et être commercialisés très trais voire
vivants (on a pu le constater).
4. Double production journalière (Mboro)
1.23 hconvthients
1 quand la mer est agitée, les filets accrochent coquillages, débris végétaux, etc., en ;3e
couchant au fond, et sont endommagés. Il peut être alors nécessaire de les retirer
temporairement. La pêche au trémail est interrompue à Mbour et Ngaparou pendant
l’hivernage à cause de l’agitation des eaux. Sur la côte nord, on considère que la période de
plus grande agitation de la mer (janvier a mars) interdit complètement l’emploi du tremail,
qui serait utilisé actuellement de mars à août.24
2 les crabes, ainsi que certains poissons (I,agoceyhaluu) causent des dégâts aux filets 3e
petites mailles. Ce problème n’est pas signalé partout. Il pourrait être contourné (en évitant
certains lieux de pêche) mais dépend peut-être de conditions localement défavorables (ainsi,
à Tropical~ les pêcheurs seraient obligés d’interrompre la pêche saisonnièrement pour cette
raison) Les crabes sont écrasés avant d’être démaillés pour ménager le filet à Kayar.
D’après les pêcheurs,, ce problème se poserait beaucoup moins avec le fil monofilament
(utilisé notamment pour les filets maillants à sole calés au fond)25. Mais ce fil ne
conviendrait pas par ailleurs pour le trémail car il rigidifierait le filet de mmière excessive
(des essais. non concluants, ont notamment été tentés par des pêcheurs de Mbour)
3. le travail à terre de ramendage, beaucoup plus important qu’avec les filets maillants, aurait
(q décourag,é >) des pêcheurs non G spécialistes des filets ». Rappelons que jusqu’à present, il
n’y a pas de division des tâches, chaque pêcheur participant aux sorties en mer et a
l’entretien des filets
4. à Pointe Sarene, au moment des essais., les opinions divergeaient sur l’intérêt global du
trémail. Actuellement, les opinions sont encore partagées entre pêcheurs, les plus nombreux
considérant que l’engin est largement plus efficace que les filets utilisés auparavant (5 fors
plus selon un pêcheur...) et ceux (peu nombreux) qui mettent en doute les qualites
d’ensemble de la technique.
5 des inquiétudes se sont manifestées à différentes reprises (notamment au cours de réunions
villageoises en 1990, Bakhayokho, Comm pers.), à propos d’un impact négatif du tremail
sur l’abondance globale des ressources, ou sur les parts de ressources revenant aux groupes
de pêcheurs n’utilisant pas le trémail. Il semble que ces problèmes aient été surtout poses au
moment de l’introduction de la technique dans un village (voir 3.4.4 ci-dessous), Au cours
de nos enquêtes, les pêcheurs au trémail disent ne pas avoir remarqué de changements
d’abondance (voir 3.4,1). Le point de vue serait peut-être différent chez les pêcheurs
exploitant les mêmes ressources avec d’autres engins Cette enquête reste à faire.
22 Certains saint-lwisiens utiliseraient par ailleurs le trbmail sur la côte sud mais pas a Saint-Louis en 1a1s0n &2; ion&t~~~s
de mer
*’ Le monofilament aurait de plus l’avantage d’accrocher moins de salissures.

1 6
En 1994, les pêcheurs de Ngaparou ont refusé à des campagnards de NLamng qui
utilisaient des trémails de s’installer dans leur village, considérant que l’engin était beaucoup
trop efficace, et que la pêche se ferait a leur détriment. Depuis cette date, le tremaif a
cependant été adopté par les autochtones de Ngaparou A Djifère, des frictions se sont
produites entre pêcheurs aux trémails et aux casiers. A Kayar, des frictions permanenres
existent, mais concernent l’ensemble des (( filets dormants )) et pas spécifiquement le n-émail,
2.
Eléments du contexte de la pêche artisanale sur la petite côte
On présentera ici quelques indicateurs (nombre de sorties, prises, pri*b; au
débarquement), macroscopiques (à l’échelle du port, de l’année, des grandes catégorres
d’engins)? de l’évolution de la pêche dans la région où le trémail a été diffusé initialement. 0n
s’intéresse ainsi aux conditions qui ont pu influer sur L’offre d’innovation puis sur son
appropriation par les pêcheurs artisans.
Les grandes categories d’engins utilisés sur la petite côte sont les sennes tournantes
coulissantes, les filets maillants (encerclants, calés au fond, dérivants) et trém.ails, les lignes a
main et palangres, les sennes de plage, les casiers, Certaines catégories, notamment les filets
maillants calés au fond et les lignes, comprennent plusieurs types d’engins, de fabrication et de
sélectivité différentes. De nombreuses unités de pêche associent plusieurs techniques (cas de
“mixité”),. en général en alternance saisonnière, mais parfois simultanément (avant la visite des
casiers, par exemple, une peche à la ligne à main - turlutte à seiche - est faite autour des
casiers)
D’apres nos enquêtes, les techniques associées au trémail sont les casiers (qui capttirent
uniquement des seiches), les lignes à céphalopodes (turluttes de deux types différents suivant
que l’espèce visée est la seiche ou le poulpe), et les filets maillants calés au fond (de differents
types)
A ces types d’engins correspondent les catégories statistiques LCS (ligne -. casier -
seiche, qui regroupe les casiers à seiche et les turluttes à seiche et à poulpe, c’est-à-dire les
principales techniques de pêche des céphalopodes), FD (filets maillants calés a.u fond, que l’on
Co:nsidérera ici tous types confondus), et “lignes” (PML, PVL, PGL, dans lesquelles peuvent
aussi être comptées des sorties de pêche a la turlutte). Le trémail a été classé comme “‘filet
dormant” (FD), ou comme “FD divers”, catégorie qui n’est pas réservée au seul trémail. Dans
cette catégorie, à Mbour et Joal (à partir de 1990), et à Pointe Sarène (à partir de i989), on
enregistre bien des rendements élevés de seiche (entre 4 et 19 kg/sortie), ce qui n’avait jamars
été! observé auparavant, et qui correspondent donc sans doute à des sorties de tremails. Le
nombre de sorties “FD divers”, supérieur ou égal au nombre de sorties trémails, est
relativement faible de 1989 a 1993 pour l’ensemble de la région ( 14 ?h des sorties de filets
“dormants” de tous types), bien que plus élevé à Pointe Sarène (proche de 50 ‘%). Ces résultats
traduisent mal les observations (certes qualitatives) faites sur le terrain. Outre le problème des
catégories statistiques, la sur-représentation de Mbour et Joal par rapport aux ‘!po~.ts
secondaires” non échantillonnés (Guéréo, h’ène, Ndayane, Ngaparou, etc ) est sans doute en
cause dans ce qui apparaît comme une sous-estimation de l’activité des trémails dans les
statistiques.
Nous étudions ci-dessous les résultats des pêcheries associées au trémail.

17
2.1. I Pêche des &phu/opodes (seiche et poulpe)
Les casiers et les turluttes à seiches ont été introduits par l’aide japonaise dans les
années 1970 (la pêche démarre en 1975). Les exportateurs japonais, intéressés par I”achat des
prises artisanales, ont largement contribué au développement de cette pêcherie (70 O/;, des
casiers fabriqués en 1986 étaient financés par les japonais, d’après Bakhayokho et Kébé, 1?‘9 1)
Les un-luttes à poulpe, différentes de celles utilisées pour la seiche, sont d’utilisation plus
récente ( 1986, Bakhayokho, Comm. pers).
L#a quasi - totalité des captures de céphalopodes (seiche et poulpe) est reportée dans La
catégorie “lignes - casiers - seiches” (LCS), et effectuée dans la région de Mbour et JoaL’“.
Le nombre de sorties de cette catégorie augmente très fortement de 1989 ti : 991
(fig. 2) On observe, pendant ces trois années, une stabilité des débarquements c5e seiche
(fig. 3 ), tandis que les débarquements de poulpe augmentent considérablement
fïg ,? ” Nombre de sorties pour 3 catégories d’engins (rtigion Mbour fïg 3.- Debarquements de sexht: et pou& 4 tcww.~ par Ia péchti
* Joal )
artisanale (d’aprés Sakhayokho et Kebé. I99 I ct bases de donnw
CROD’I’ à partir de 1982)
1 6 0 . 0
1400
1 2 0 . 0
100.0
80.0
60.0
40.0
0 0 i ---+---+--.---
v.---.,-...
__. -
- ..~
_-
82 a3 a4 05
86
a:’ 36
i.9
et!
i
92
93
fig 1- lndws d’abondance de la seiche et du poulpe sur les fonds fig. 5 - Prise par sortie (kg. catégorie [ilet? mail.!.lnt~ c.al& .tu f&d j
de pêche chalutière (Gascuel et Thiam, 19?14)
Région Mbour - Joal
Lt’ 1 A:S estimatwns de nombre de sorties et de prises sont laites par strates. Les strates Mbour ct Joal rçpr&en~~nt r;r> par !‘
et les villages voisms de la petite cote (Pomte-Sarène fiwniant une autre strate).

‘18
Les statistiques ne distinguent pas les techniques casiers - turlutte à seiche et un-lutte a
poulpe Il est cependant probable que l’augmentation des sorties concerne beaucoup plus cette
dernière technique. Quelque soit la répartition des sorties entre les deux techniques, les
rerrdements de poulpe ont éte très élevés pendant ces trois années Les rendements de seiche
n’ont pu augmenter que si le nombre de sorties de casiers a baissé.
Gascuel et Thiam (1994j ont estime des indices d’abondances de plusieurs especes, a
partir des données de la pêche chalutière On constate, à partir de 1989., une très nette
augmentation de l’abondance du poulpe, mais aussi de la seiche (fig. 4). Concernant le poulpe,
cette augmentation s’accorde avec celle des débarquements de la pêche artisanale, même :,i,
aux débarquements très élevés de 1989 ne correspond pas une augmentation similaire de
l’abondance, I:n revanche, l’augmentation de l’abondance de la seiche constatée sur les fonds
ehalutables ne s”est pas accompagnée d’une augmentation des prises dans la pêche artisanaie
côtière
21.2 Pêche auxfilets maillants cal& au ftind
L’activité avec ces engins est restée relativement stable jusqu’en 1988 dans la regiw
Mbour - Joal (fig, 2). La baisse d‘activité qui survient à partir de cette année et le minimum de
1991 traduisent sans doute un report partiel d’activité sur la catégorie LCS, en forte
augmentation au même moment. Les rendements de ces filets (fig. 5) sont de plus en plus
dominés par les prises de gastéropodes (Cjmhium .spp. et Mwex S~)I.), pour tous les types Je
filet maillant (à sole, à raie, à poisson, à langouste, à yet). Les rendements en poisson baissent
nettement à partir de 1989. Dans cette catégorie, on constate donc une certaine ërosion de
L’activité et une baisse des rendements en poissons, mais à l’inverse une augmentation des
rendements de gastéropodes.
2.1.3 Pêche aux lignes
L’activite est restée relativement stable (fig. 2) évoluant comme dans la catégorre
précédente. Les prises par sortie (fig. 6) diminuent après 198827, sans compensatron, en raison
de la diminution des rendements de mérous.
Oatkres sp.
OEpinephekrs spp
O Arius aambiensis
118S~arue caeruteostictus
fip 6 - Prise par sortle (kg, catégorie lpes). Région h4bour - Joal.
” Avant 1OK.S. 12s casiers et les lignes ne fomlant cpbne seule catégorie les prises par sortis dont b”ilS la inêlue
signilïcation.

1 9
II faut tenir compte, pour pondérer ces changements de rendements, des prix de vente
des différents produits (tab. 4)
Tab. 4.- Prix moyens des principales espèces à Mbour et Joal avant et aprés
la devaluation du FCFA de janvier 1 99428
espèces
prix moyen
prix moyen
rapport
1993
1994
pol-4Je
223
800
3.6
seiche
350
950
2.7
Epinephelus aeneus
790
1337
1.6
Epinephelus gigas
900
1900
2.1
Epinephelus goreensis
3 1 0
460
1 ..Y
Pagellus coupei
245
480
2,0
Le prix de la seiche est légèrement supérieur à celui du poulpe (de 198 1 a 1990, il
augmente linéairement de 150 à 350 FCFA tandis que le prix du poulpe augmente linéairement
de 200 à 400 FCFA entre 1987 a 1991).
Les prix des espèces de poissons les plus valorisées (Serranidae, Sparidae) connaissent
une croissance plus rapide pendant la décennie 1982-1992 (par exemple d’un facteur 3,5 pour
Lkntex ~fi//o.ws), atténuant ainsi l’effet des diminutions de rendements pondéraux ifilets
maillants, lignes) Le yet, capture principale des filets maillants, est de faible valeur (20 a 200
F/kg), contrairement au gastéropode Murcc sp (200 à 600 FCFA) dont l’exploitation se
développe également.
Les effets de la dévaluation du franc CFA en janvier 1994 sont immédiats et se
traduisent par un doublement des prix pour plusieurs espèces de poissons vendues à
l’exportation (on ne dispose que des données de l’année 1994). Les céphalopodes bénéfGent
d’une augmentation bien supérieure (2,7 à 3-6) à celle enregistrée sur les poissons Récemment,
le prix du poulpe a dépassé celui de la seiche.
Sur la côte sud, le phénomène le plus marquant de la période 1982-I 993 a &é le
développement très rapide de ia pêche du poulpe à la turlutte entre 1989 et 199 1 (la turlutte à
poulpe est apparue en 1986, Bakhayokho, Comm. pers.). L’exploitation de la seiche semble
stagner pendant la même période, et cela malgré les fortes augmentations d’abondance
enregistrees - sur les fonds chalutés - depuis 1989, et malgré des prix motivants, légèrement
supérieurs à ceux du poulpe sur le marché. Si la stabilité des rendements des casiers etait
confirmé, ainsi que l’augmentation de l’abondance des seiches, les casiers apparaîtraient peu
sensibles aux variations d’abondance de la ressource (phénomènes de saturation ‘?j
A partir de cette présentation rapide des statistiques de pêche, on remarquera que
l’ofie d’innovation (l‘expérimentation à Pointe Sarène) intervient début 1989, ‘c’est-à-dire juste
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2X sourçe : Base de données “pris” du CRODT

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avant que la forte augmentation de l’abondance de la seiche sur les fonds chalutables pilisse
être constatée (notamment par les exportateurs). L’offre d’innovation intervient donc a.varzt le
signal au niveau de la ressource. Par ailleurs, le trémail, ciblant la seiche, commence à
s’implanter en 1989 à un moment où apparaît une ressource abondante, valorisée et facile
d’accès, le poulpe. Enfin. l’évolution de la pêche avec les autres techniques dans la région ne
semble pas particulièrement défavorable, sauf peut-être pour les lignes, mais qui sont très peu
concernées par l’adoption du trémail.
On ne peut donc pas mettre en évidence de conditions exceptionnelles au niveau de la
ressource qui auraient favorisé l’offre et la difision de la technique, au moins pendant les 3
Pre:mières années. Une étude plus approfondie auprès des “offreurs” (industriels exportateurs)
et des utilisateurs (stratégies des pêcheurs) permettrait peut être de mieux comprendre
pourquoi la technique a été adoptée à ce moment et dans cette région
3.
Conclusion
Nous avons à plusieurs reprises parle “d’innovation” à propos de l’expansion du trémail.
Pour le justifier. on se référera à cette définition de Rogers et Shoemaker ( 1971) cités par
Treillon (1993) “une innovation est une idée, une pratique, ou un objet considérés corne
nouveaux par un individu ou un groupe II importe peu que cette appréciation de nouveauté
soit objective ou non, mesurée en termes de délais par rapport à une découverte ou un premier
usage C’est la nouveauté telle qu’elle est perçue par l’individu ou le groupe qui détermine stm
comportement, Si l’idée semble nouvelle pour l’individu et le groupe, c’est une innovation”
Le tremail utilisé au Sénégal n’est pas un engin nouveau du point de vue de la
tec.hnologie des engins de pêche (le montage est conforme aux normes connues ,, les tréma.ils
sont réputés dans d‘autres régions tropicales pour capturer efficacement les seiches et les
poissons plats, von Brandt, 1984, p. 374). Les nombreuses introductions ponctuelles de cet
engin, depuis 20 ans, montrent par ailleurs que l’innovation ne réside pas dans la “découverte”
d’un engin ignoré auparavant” Les pêcheurs artisans forment un milieu très ouvert sur ie
monde extérieur: notamment par le jeu des emplois au sein des armements de pêche industrielle
étrangers (Espagne, France, etc.),
On peut s’interroger sur les représentations en milieu pêcheur de ce que nous
considérons comme une innovation : en règle générale, la présentation donnée est celle d’un
“fiiet a seiche”, qui ne semble pas considéré autrement que comme un type de filet maillant de
fond parmi d’autres, Cela explique sans doute que son expansion soit passée relativement
inaperçue de certains enquêteurs. On a néanmoins rencontré des pêcheurs parlant de
“technique nouvelle”.
Mais l’innovation réside plus dans le processus que dans l’originalité de l’objet
ses
traits caractéristiques sont l’adoption à grande échelle de la technique, accompagnée d’une
“appropriation” par les pêcheurs (adaptation, modifications de montage, variantes. etc ) , la
circulation de l’information et des savoir-faire particulièrement intense, depuis la periode de
démarrage ; enfin, la “déformation” et la diversification fonctionnelle de la technique depuis
son introduction (engin ciblant des espèces de poissons, et non pas seulement la seiche).
‘” 11 CF: sujek. les pkchntrs disent souvent qu’ils “connaissent” l’engin (son existence). mals qu’il,5 ne l’ont j;ulna~) “.:o”
(fonctiormer. en situation).

21
On l’a vu, l’introduction du trémail est une initiative privée, exogène au milieu pêcheur.
Elle &nane d’industriels exportateurs de produits de la pêche, relayés par les mareyeurs On
remarquera que la précédente innovation marquante dans la pêche artisanale, celle des casiers
et turluttes à seiches, concernait également les céphalopodes, et s’est faite dans des conditions
comparables (l’aide japonaise, bien que non privée, est orientée vers des produits intéressant le
marché japonais 1 l’essai d’introduction du trémail à Mbour en 1980-I 981, cf note 6, esr une
initiative du même type) Ces “offres d‘innovation” successives s’expliquent-elles par un enjeu
régional particulier ? On estime que 50 % de la biomasse mondiale de poulpe est concentrée
dans la région Maroc - Guinée (Caverivière, comm pers.). Une enquête aupris des indusariels
serait nécessaires pour analyser les motivations de ces initiatives.
11 conviendra enfin de considérer désormais le trémail comme une catégorie séparée
dans les enquêtes statistiques quotidiennes et dans les recensements. Il sera egalerment
nécessaire de suivre son évolution, difficilement prévisible, et de redresser les sous-estima:tions
probables de ses effectifs Le bilan technique détaillé fait ici a en grande partie pour bs.tt de
servir ultérieurement au suivi de ces évolutions.

2 2
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