Les acacias gommières au Sahel: Exsudation gommibre...
Les acacias gommières au Sahel:
Exsudation gommibre et production-
perspectives
J. Vassal’ et M. Diod
1. Institut de la Carte Intematimale de la V+%etion,
Univereite Paul Sabatier, lbulouee, France.
2. Institut S6nbgalais de Recherches Agricolea, Direction des
Rechemhes sur lea Pmductione
Foreetibres,
Dakar, Sénégal.
Acacias are characteristic components of the sahelian scenery. ‘Ihe more
important species exuding gum arabic, a product highly demanded in
the international market, are Acocziz senegal and Acacia se&. Sudan
exports around 80% of the gum currently marketed in the world. In this
country, a particular mode offarming ofk senegal (the hashab bush fal-
low system) has become traditional. In other sahelian countries, gum
production has declined all along the 20 past years, the causes of this
regression being climatic (drought) but also socio-economic and political.
Among the actions which could help to improve gum yield in the
Sahel, the authors emphazise more particularly l/ the enlargement of
the area of gum production (by the use of additionaJ Acacia species) and
2/ the application of experimental research upon the influence of phe-
nological rates and rhythms (defoliation), mode and periods of tapping
as well as climatic rhythms on the amount ofgum exudation in the dry
saison.
Introductioh
Les Acacias sont des élèments caract&istiques
du paysages au Sahel,
domaine dans lequel ils jouent un rôle éminent sur le plan écologique èt
socio-&onomique.
Ils sont en effet des agents anti-erosion
car ils contri-
buent a fixer les sols grâce a un reseau racinaire dense et profond. Par
leurs associations symbiotiques ils favorisent l’amelioration de ces sols

Vassal et .Dione
181
en azote. Ils sont par ailleurs source de bois de feu et charbon de bois, de
bois d’oeuvre, de fourrage aérien précieux en saison sèche, ainsi que de
gomme dite marabique*.
Les Acacias ont, semble-t-il, Bté utilisés des le Néolithique. Le décryp-
tage des hiéroglyphes égyptiens permet de penser que les espèces A.
nilotica, A. seyal et R itortilis étaient exploitées aussi bien pour leur
gomme (comme ingrédient alimentaire, produit anti-inflammatoire et
diurétique, pour les peintures a l’eau, l’impression des étoffes, les ban-
delettes de momies...) que pour leur bois (construction, bateaux, mobi-
lier, objets d’art ou de culte tels que la mythique Arche d’Alliance...). La
gomme arabique est par ailleurs citée dans des formules alchimiques
grecques ( sous le nom d’Akakia).
Le but de cette note est :U de faire un bilan des modes d’exploitation des
gommiers au Sahel et de l’évolution de la production au cours des 30der-
nieres annees 2l d’evoquer quelques aspects des recherches menées en
vue d’un meilleur contriJe du rythme et des causes de l’exsudation.
Les acacias gommiers les plus importants au Sahel:
Acacia senegal et Acacia seyal
Acacia sencgal (L.) Willd. var. senegaï ( mvereka en Ouolof, ‘sPatouki= en
Peuh& nawarwarx en Maure, z+Haahaba en arabe soudanais) fournit
l’essentiel de la gomme arabique commercialisée dans le monde. Cette
gomme a d’excellentes qualités: elle est dure, claire et a de bonnes carac-
téristiques sur le plan ~hydrosolubilité,
pouvoir rotatoire sp&ifique et
viscosit.4. Les produits les plus renommes sont traditionnellement œux
.du Fleuve* (E%&gal) et du Kordofan (Soudan).
L’arbre, de petite taille, est caract&isé par un port flabelle, des feuil-
les bipennées; les rameaux portent des aiguillons (mépinesa non vascula-
risées) disposes par 3 a I’insertion des feuilles (le médian oriente vers le
bas); les fleurs sont en longs Bpis blanc-jaunâtre; les gousses, larges et
plates, renferment des graines arrondies.
L’esp&ce est distribuBe, au Sahel, entre les isohyètes (100) 209400
(800) mm dans une zone marquée, en moyenne, par 9 a 11 mois de séche-
resse. Les températures moyennes mensuelles varient entre 20°C (pour
le mois le plus froid) et 35°C (pour le mois le plus chaud). Les sols
préférentiels sont sableux et profonds (souvent dunaires); les sols argi-
leux sont généralement tolérés sous de plus forte pluviométries.
Acacia se& Del. (&ourourn en Ouolof, .Boulbi. en Peuhl, &adraBeda
en Maure, *Tahl* en arabe soudanais) fournit une gomme moins prisée

182
Natural Resources and Social Conflicts
car friable et souvent colorée (par la présence de tannins). C’est
aujourd’hui un produit d’appoint important, notamment au Soudan, vu
la rbgression de la production de gomme Msenegak
L’arbre est de taille analogue & celle d’A senegal. Les troncs sont rou-
ge ou blanc-verdâtre, pulvérulents. Les rameaux portent de véritables
épines (donc vascularisées), disposées par 2 (stipules modifks). Dans la
variéti orientale fitala (*arbre siffleur< ou kstle treea) les épines
creuses et renflbs abritent des fourmis (myremécophilie). Les fleurs
sont en têtes sphériques (glomérules); les gousses sont étranglées entre
les graines, relativement Btroites et falciformes.
L’espéce vit dans une aire gf%graphique et climatique assez analogue
B celle d’A senegul. Elle admet des sols sableux ou argileux.
Gestion et production des gommiers -,utilisations
et
commercialisation de la gomme arabique
Modes de gestion des gommeraies à Acacia senegal:
La gomme demeure un produit traditionnel de cueillette, notamment
pour les pasteurs nomades (Peuhls, Maures). Elle exsude souvent sans
saignée préalable; c’est ce que les soudanais appellent la gomme nwady..
Dans plusieurs régions sahbliennes (Soudan, ‘&had, Nigéria, Sénégal)
les arbres sont g&&-alement saignés. L’écorçage, souvent effectué à
l’aide d’une hachette, consiste, B prélever, sur le tronc ou/et les branches,
une bande d’écorce de 4-5 cm de large sur une longueur minimale de 40
& 60 cm. 2 instruments de saignée ont Bté créés par les soudanais et les
sénégalais. Dans le premier cas, il s’agit d’une lame métallique analogue
B un fer de hallebarde muni d’un crochet; dans le second cas, la lame
tranchante est trapézoidale. Ces deux types de pièces métalliques sont
fixés & l’extrémiti d’un manche de bois fin de favoriser le travail g
distance. L’outil sénégalais est actionné de bas en haut; Poutil souda-
nais, après entaille de l’écorce, permet de tirer celle-ci vers le bas grâce
au crochet latéral.
L’exploitation débute génkalement lorsque l’arbre a 4 ou 5 ans. La ncar-
rea, ne doit normalement porter que sur le quart de la circonférence de
la fraction korcke. La saignhe est pratiquée au début de la saison sèche
et dans le courant de celle-ci. La première récolte s’effectue 30 à 40 jours
apr&s écorçage, les autres tous les 10 8 15 jours en gknéral. Dans l’Ouest
du Sahel on distingue deux campagnes de récoltes: la grande campagne
(en début de saison sèche) et la petite campagne (en mars, avril). Notons
que les autres espèces de gommiers ne sont normalement pas saignées.

Vassal et Dione
183
Au Soudan a étk mis au point, dans la ceinture gommière, un type de
gestion très productif connu sous le nom de *Hashab bush fallow
systema fondé sur l’assolement (wshifting cultivation~) c’est-a-dire de
jachère arbustive. Les jardins a gommiers (Ngum gardens*) sont exploi-
tés durant 10 a 12 ans par les villageois (l’arbre produit dès l’âge de 45
ans). Lorsque les gommiers ont une productiviti moindre, ils sont cou-
pés. Sur la parcelle ainsi défrichée, qui a bénéficié d’un enrichissement
du sol grâce aux symbjoses racinaires, sont effectuées des cultures tra-
ditionnelles (mil, arachide, melon, sorgho, sésame). Les rejets d’Acacias
sont régulièrement coupes. Cette parcelle est abandonnée après 45 ans
lorsque le sol est épuisé. La reconstitution du verger est alors favoris&
en laissant se développer les repousses d’Acacias et de jeunes individus
issus de germinations. Ce syst.&me fonctionne ainsi *en mosakmea,
chaque parcelle illustrant une étape de ce mode d’exploitation. Notons
qu’au Soudan est aussi pratiqué le semis direct, notamment au Kordo-
fan: les Acacias croissent ainsi parall&lement aux cultures traditionnel-
les. Lorsque le sol est tipuise, seuls les gommiers sont exploites.
En ce qui concerne kes productions moyennes annuelles par arbre au
Soudan, celles-ci sont ltrès variables et s%chelonnent de 100 g & 1 kg.
Dans les autres pays zrheliens, on peut signaler des tentatives de gus-
tion sylvo-agricole des gommeraies entre les années 30 et 60. Lesr&ul-
tats n’ont guére été probants. Au Sénégal, signalons les tisultats enam-
rageants du programme sylvo-pastoral mis en place dans le cadra du
mprojet s&égaloallemand~. Dans ce même pays, les plantations vïlla-
geoises (PROBOVIL) ,incluant des gommiers constituent une initiative
prometteuse (voir Diane et Vassal, ce vol.).
Commercialisation de la gomme
Circuits de distribution et tonnuges: La gomme est normalement
centralis& par des grossistes et commerciali&e par des sociétks pri+es
agr&s ou par des organismes d’Etat. Les comptoirs commerciaux de
Soci&& européennes d’export-import, notamment françaises, ont sou-
vent périclite au Sahel francophone, notamment au profit de commer-
çants libanais, marocains, mauritaniens...
Au Soudan, pays producteur essentiel, la gomme est centralisee sur les
marchés locaux par les marchands, tri&? puis commercialisk. par la
Gum Trade Company (cr&e en 1970) qui a le monopole de ce makbé.
Celui-ci est ainsi “normalisez par fixation d’un prix minimum sur les
marchés d’encheres. On distingue au Soudan 1/ lagomme nettoyée (de-
aned gumu) sans écorce ni débris ou sable, mais avec encore un certain

184
Natuml Resources and Social Conflicts
% de poussière ou de gomme rouge, 2/ la gomme triée a la main (whand
picked selected puma) avec beaux et gros morceaux de gomme claire. La
gomme est acheminee vers Port Soudan ou l’entrepôt de la Gum Cie a
une capacit.4 de stockage de 60 000 t (réserve &ampona de 20 000 t).
Le Soudan est le plus gros producteur et exportateur sahelien. Voici
les moyennes annuelles de production depuis 1960 correspondant essen-
tiellement a de la gomme .Hash&:
1969-l969:
46mt
1979-1976:
35ooot
1977-1991:
37ooot
1992-1989:
2aooot
Actuellement ce pays produit environ 25 000 t de gomme Hashab pour
8 000 t de gomme ‘Ibhl qui prend une part relativement importante du
marché pour des utilisations industrielles autres que la confiserie
(empesage des vêtements, confection de banco...).
Dans les autres pays saheliens, le marché de la gomme est peu organi-
st5, surtout depuis la dernière dt!cennie. La qualité! du produit est par ail-
leurs g&&alement m&Iiocre car la gomme est souvent vendue mal trib
voire non triee. En ce qui concerne les quantitis, certains pays tels que
la Mauritanie ont vu leur production s’effondrer a la suite des d&âts de
la s&heresse des ann&s 70. La production tchadienne a quasiment
disparu pendant quelques annees en raison des év&mments politiques.
Au total, les productions annuelles sont faibleset dSciles Bestïmer par
pays compte tenu des exportations frauduleuses d’un pays a l’autre. Au
S&&gal, apr&s une legere augmentation en 1971 (Preudenberger 1988),
i
la production de gomme l senegalr s’est ensuite stabilis& autour de 500
a 2 000 t selon l’ann&. Elle n’est aujourd’hui que de quelques centaines
de tonnes par an. Au Mali et au Tchad on note de 200 a 300 t de gomme
*serregala par an. Le Tchad fait par ailleurs aujourd’hui un effort parti-
culier pour commercialiser la gomme “seyal” (jusqu’a 5000 t annuelle-
ment). Enfin, au Nigeria, les productions annuelles de gomme
weyalfsenegala avoisinent 1500 a 2 006 tl.
Cour8 moyen8 de lu gomme ambiquei Les prix moyens varient ac-
tuellement entre 10 et 20 I?F le kg. Au S&egal, les prix de 1970 a 1987
ont fluctué entre 4 et 44 IWkg (F’reudenberger 1988). Aujourd’hui, la
1) Les dodes 3+ctMes sur les tonnages et les prix ont éti aimablement fournies
parMi !lwlh?net, CNI, Rouen, Fiance.

Vassal et Dime
185
meilleure gomme sénegalaise se négocie autour de 21.000 FF la tonne.
Les prix au Soudan sont légerement inférieurs, soit environ 15 FF le kg.
Bref rappel des causes de la régression des gommeraies
La rar%faction des gomrniers et la chute des rendements sont liees, pour une
part, aux crises climatiques (faible pluviom&rie) tres sensibles depuis une
vingtaine d’années. On constate ainsi que 1’ïsohyèt.e 100 mm s’est décale
vers le sud au point de toucher le fleuve Sén&al au Nord de St. Louis et de
se rapprocher de la boucle du Niger au Mali (Rognon 1991). Ainsi, dans la
Station expérimentale ISBA de M?Biddi(nord S&@al) la moyenne des pluies
annuelles Btait-elle de 1Wre de 400 mm de 1931 a 1960 (Giffard 1974) alors
qu’elle avoisine aujourdlhui 300 mm. Les mortalités ont eté trés Bevées
dans certaines régions, notamment au Mali, Burkina Faso, Mauritanie
(‘Barra)... L’homme est aussi responsable de cette r&ression car il inflige
diverses mutilations aux arbres pour assurer l’alimentation en fourrage du
bétail, pour s’approvisionner en bois ou augmenter la production de gomme
(saignees profondes, extensives et trop r+pem pratique du feu pour sti-
muler I’exsudation). Fragilises par la sécheresse, les gommiers supportent
tri% mal œs traitements. 11 faut ajouter B cela les difficultés gién&ales de
regenération dues au pietinement et 8l’ingestion par les troupeaux desjeu-
nes plantules.
Ces différents facteurs ont ainsi conduit a une chute de la production
gommike dans les différents pays. Ce recul a été de l’ordre de 10 000 t
au Soudan entre 1970 et 1976.
Inté& industriel de la gomme arabique
Rappelons que la gomme arabique est un hydrocolloide complexe 8 poids
mol&mlaire tr&s 4evé.. 11 s’agit d’un polysaccharide de type arabinoga-
lactane incluant une fraction arot& (Street & Anderson 1983, Fenyo &
Vandevelde 1989). Les meilleures gommes sont inodores, sans saveur,
claires et dures, fortement hydrosolubles, de faible viscosité et a pouvoir
rotatoire négatifi C’est le cas de la gomme wenegala: viscosité moyenne
de 16 ml/g; rotation sp&ifique moyenne autour de -30”. La gomme *sey-
ala a une viscosit.e moyenne voisine de 12 ml/g mais un pouvoir rotatoire
positifvoisin de +50” (Andersen 1977).
La gomme arabique a de nombreuses applications industrielles dues a
son pouvoir émulsifiant, stabilisant et +aississant. Elle est utilisb
comme ingrédient ou sdditifen confiserie, dans les aliments di&&iques,
les cremes et desserts ainsi que pour les boissons pulpt!es (action
suspensoïde dans les sodas, mousse de bière...). Elle est aussi beaucoup
employée en pharmacie (pastilles et dragees, sirops, crèmes, lotions...).

Natuml Resources and Social Conflicts
On l’exploite également dans des domaines comme la pyrotechnie, les
peintures a l’eau, la protection des plaques offset, les colles... La deman-
de est donc forte sur le marche international ceci maigre une concur-
rence partielle de produits de remplacement tels que les amidons modi-
fies, les gommes de graines, les extraits d’algues ou la gomme xanthane.
Sur le plan alimentaire, la directive CEE ‘74/329 du 1806.1974 autorise
la commercialisation de la gomme arabique sous le code E 414. Divers
travaux ont et45 rklisés pour apprtkier les r&onses allergiques a la
gomme ztsenegala utilisée dans l’alimentation (Monneret-Vautrin 1983;
Fournier 1983; Strobel & Ferguson 1986 cited by L. Brimer 1993 in
press): les r&ultats obtenus sont assez contradictoires. L’innocuité pa-
r& bien établie pour ce qui concerne les produits Cosm&iques (Guillot
et aL 1983). Des controverses existent quant 8 la digestibilite et les
apports caloriques de la gomme wrenegala. Il semble aujourd’hui hasard-
eux d’kablir la valeur calorique de cette gomme pour l’homme (Brimer,
communication personnelle).
.C
Am&ioration de la production de gomme arabique
L’ am15lioration de la production en gomme arabique est une prkccupa-
tion permanente des organisations internationales, des forestiers et
industriels depuis une vingtaine d’annees. Plusieurs symposiums ou
documents g&kaux sur le marche de la gomme arabique témoignent de
l’importance de ce probleme (rapports et colloques du CNzfCED/GATI’
1970 et 19878/79 -colloques de la Societé Eranex, Marseille, 1973,1976
- rapport CNUCED/GATIWNSO 1983 -’ colloque de l’institut Inter-
national d’Enseignement et de Recherches sur les Collo1des Naturels,
Marseille 1983 -colloque et compte rendu ISFWDBPF-SYGGA III, St.
Louis, !%n&al1988/89). Des programmes de plantations expkimenta-
les ou villageoises de gommiers ont et.45 mis en place notamment au
Soudan et au S&@a1 (Dione et Vassal, ce vol.): ils ont permis l’amt5lio-
ration des techniques agronomiques et de ,gestion des gommeraies, un
premier processus de skkction, des essais de multiplication ainsi qu’une
sensibilisation des populations au pr&&me de la protection et de la
r&tWration du potentiel sahelien en lign&x productifs. Parallélement
se sont d&elopp&s des recherches interdisciplinaires portant sur
l’amelioration des qualités physicochimiques de la gomme msenegala,
les méthodes de multiplication in oitm, les différentes esp&ces de gom-
miers et la msîtrise des phenomenes de gommose. Ces deux derniers
points seront plus spkialement traités ici ainsi que dans l’article Dione
& vassal (ce vol.).

___. --. -..-__------.-.- ._-....
_ -. .-~
Vassar et Diane
187
Comment élargir la gamme des espèces gommières
- Parmi les Acacias du “groupe senegalti (subgen. Aculeiferum Vas.), 2
autres espèces gommi&res pourraient être plus particulièrement retenues.
Acacia laeta R. Br. ex Benth. produit une gomme dure et claire de bon-
ne qualité (viscositi: proche de 21 ml/g; pouvoir rotatoire spécifique:
-42” - Anderson 1977), souvent confondue avec celle d!! senegal. Les 2
espèces sont en effet très proches systimatiquement maisA laeta a des
aiguillons généralement par 2 et un nombre plus réduit de folioles de
plus grande taille. Elle est distribue dans la partie Est du Sahel jusqu’8
la latitude 4’ Ouest et Wnéficie d’un climat analogue B celui d’A. sene-
gai mais supporte des sols souvent rocheux g argile-calcaires plus ari-
des. C’est donc une esp&ce légèrement plus xérophile.
Acacia pdyacuntha Willd. subsp. cumpylacantha (Hochst. ex A. Rich.)
Brenan exsude une gomme qui a également des qualités proches de cel-
les d’A. senegal (viscosité: 16 ml/g environ; pouvoir rotatoire spécifique:
-12” - Anderson 1977) mais demeure peu exploitie. L’arbre a des carac-
téristiques assez nettement distinctes: aiguillons robustes, par deux -
nombreuses paires de pennes et de folioles - longs épis. L’espèce se
distribue globalement entre les isohy&tes 300 et 1200 mm dans les
savanes souvent inondées. Cette distribution illustre les possibilitis
d’extension méridiomale de la zone gommière.
-Parmi les Acacias proches clAcdu se-yal (subgen. Acacia) nous citerons
plus particulièrement. fe.sp&e A. ehrenbergianu Hayne (=A. flaua (Fors-
sk.) Schweinf.) dont la gomme, dure et claire, a un pouvoir rotatoire spéci-
fique négatif (proche de -8”, Andersen et Bridgeman 1984) exceptionnel
dans ce groupe. Carbje, souvent confondu avec A. seyal, a un tronc rosât-
re non pulv&ulent (&orce se d&achant par plaques); les feuilles sont plus
courtes que les épines stipulaires; les glomérules de fleurs sont jaune cla-
ir. L’esp&ce est distribu& au nord de l’isohyéte 300 mm jusqu’au del& de
l’isohy&te 100 mm d’ail sonintéret pour l’extension septentrionale de l’aire
gommiére. !II& x&ophile, elle traverse le Sahara et se retrouve ÇZI et la au
sud de l’Af?ique du Nord. Elle tolère des sols souvent squelettiques.
Parmi les autres esp&ces gommieres de ce groupe, nous mentionnerons:
Acacia tordis (Forssk.) Hayne, dont la sous-espèce raddianu, très
xérophile, est largement répartie de la zone nord-saharienne au
Sahel;
Acacia dotica (L.) W’illd. ex Del. dont les différentes sous-espèces col+
nisent les sols argileux &Gens entre les isohy&tes 200 & 800 mm;

188
Natuml Resources and Social Conflicts
*
Acacia sieberana DC. qui affectionne les sols limoneux et a une distri-
bution plus méridionale (jusqu’aux régions méridionales préfores-
ti&SS).
Notons que les gommes exsudées sont de qualité moindre car souvent
colorées et friables. La gomme Babul produite par la vari& indica est
traditionnellement utilisk en Inde (antihémorragique, apprêt des tis-
sus...).
Quelques aspects actuels des recherches sur les modalités
d’induction de la gommose:
influence de8 saignées sur ICuluction tik gommose (Mouret 1987;
Vizmd 1992; V’.d et Mou& 1992): La gomme r6sulte d’une destru-
ction cellulaire, g6nératrice de poches 4ysigènesa apparaissant priorit-
airement dans le phloéme interne. Ces lacunes augmentent de volume
par accroissement tangentiel et centrifuge. Certains vaisseaux sont
oblit&& par la gomme. Celle-ci semble provenir des cellules de paren-
chyme ligneux voisin particuli&ement riche en amidon. Les réserves
amylacées semblent bien constituer le matkiau saccharidique dé base
nkessaire B la biosynthése de la gomme (Joseleau et Ullmann 1985,
1990).
Au niveau des blessures, tous les tissus sont transform6s en gomme.
Les poches gommeuses lib&iennes ont une taille peu à peu décroissan-
te en s%loignant verticalement et tangentiellement des blessures puis
disparaissent. Ceci montre le rôle inducteur des saignh. Nésnmoins, ce
facteur est rkessaire mais non suffisant car tous les arbres blessés
n’exsudent pas de la gomme. Notons par ailleurs que seule une saigrk
superficielle (ne dépassant pas 1’6corce) sera efficace Btant donné l’origi-
ne libkienne de la gomme.
Influence du climat sur k volume d’exsudation et sur l’induction
gommeurre (V&~al et al. 1992): Si l’on wnsidke le poids moyen de
gomme exsud& par arbre, on note que la production est étroitement cor-
r&e B la pluviom6tie de l’hivernage prtkédant la production (Sène
1988; Dione 1989): B une pluviométriè é\\ev& correspond une bonne
rkolt.42. Il apparaît que, sur sol sableux, la pluviométrie optimale est glo-
balement comprise entre 300 et 500 mm.
Les pics de production gommi&re observks en 1989-1990 & la station
expérimentale de Mbiddi, au Nord Sénégal, se situent en décembre. Ils
succ&dent B une chute brutale du degré hygrométrique, dès l’arrêt des
pluies, c’est-&-dire en octobre-novembre. Les arbres sont alors soumis à
un stress hydriqw marqu6 qui joue vraisemblablement un rôle tr&s

Vassal et Dione
189
important dans l’induction de gommose (Vassal 1992). Cette période oc-
tobre-novembre s’avére ainsi la plus favorable pour les saignees. ‘Ibute-
fois, si la pluviom&rie d’hivernage est nettement inferieure a 300 mm,
les saignées seront globalement peu productives et lesantes. Elles de-
vront être évities dans la mesure où les sols ne sont pas en mesure de
conserver un stock hydrique suffisant (Dione et Vassal, ce vol.).
Relations entm étàt phénologique et production gommiém (Eu-
sa1 et al. 1992; Dione & Vassal, ce vol.):
Durant la saison sèche, les
arbres se defeuillent asynchroniquement selon leur situation dans la
toposequence dunaire (Dione et Vassal, ce vol.). En cumulant les r&sul-
tats obtenus dans 7 placeaux de la station forestière s&egalaïse de Mbid-
di (280 arbres - saign6es d’octobre/novembre - observations 1989-90)
on met en évidence une relation entre Btat phénologique et production
gommiere. En effet, si l’on constitue 4 classes de production (0 = pas de
production ; 1 = production < moyenne; 2 = production comprise entre 1
et 2 fois la valeur moyenne; 3 = production supérieure A 2 fois la moyen-
ne), on constate que la classe 3 correspond a des lots d’arbres fortement
et prkcoct5ment defeuilles (pic moyen de defoliation de 70% en janvier).
La production moyenne par sujet est dans œ cas maximale en décembre
et correspond a 350 g environ. Inversement, des arbres peu et tardive-
ment defeuilles (40% de defoliation en avril) ne produisent pas de gom-
me. Les classes 1 et 2 ont un comportement interm&liaire: le pic de pro-
duction moyerme’arbne de decembre est inférieur a 100 g.
Les saignees pratiqu6es sur des arbres insuffisamment défeuilles se-
ront donc peu ou non productives. Des 6corçages tardifs, synchrones
d’un degre estimé suffisant de défoliation, ne seront pas pour autant
productifs (Dione et Vassal, œ vol.). Les Saign&e les plus inductrices de
gomme paraissent donc devoir être conjuguées, sur des sujets su&am-
ment défeuillés (70% environ), avec la brusque chute d’hygrom&ie du
début de saison s&che responsable d’un net changement de régime hy-
drique de l’arbre.
Conclusion
Les Acacias demeurent un important espoir pour le Sahel dans le con-
texte actuel de d&ertification et d’appauvrissement konomique. La
diversité de leurs utilisations permet d’envisager leur emploi dans dif-
férentes actions de reforestation a finalité sylvo-agricole ou aylvo-pasto-
rale.La forte demande en gomme arabique sur le marche international
plaide en faveur de solutions d’amenagement impliquant non seulement

190
Natuml Resowxs and Social Conflkts
l’esp&ce Acocio senegal mais aussi d’autres Acacias qui, mieux valorises,
permettraient l’extension gtkgraphique de l’aire gommière. Lkur&liora-
tion de la production en gomme arahique pose encore différents problè-
mes lies au contexte social voire politique des pays concernés. Elle sup-
pose notamment une protection efficace des peuplements productifs, !-
une rationalisation des modes de commercialisation et de gestion (par
exemple sur la hase du modele soudanais), une information appropriée
sur les methodes et pkiodes de saign6es, tenant en particulier compte
de la pluviométie et de l’état physiologique de l’arbre (exprimé par son
rythme de defoliation). Les saignees devront être eventuellement évi-
t4es de façon a pr6server les arbres aprés un hivernage déficitaire.
Enfin, la recherche fondamentale doit être poursuivie afin de mieux Bva-
luer les variations de qualit physico-chimique des exsudats et de cer-
ner les processus d’induction physiologique de la gommose et de biosyn-
these de la gomme en vue d’une meilleure maitrise du processus
d’exsudation.
SELECTION BIBLIOGRAPHIQUE
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192
Natuml Resources and So&l Conflicts
10 shbgalais. Compte rendu de fin du programme MRT 68 L 0465,75 pp.

Ernst Yod
193
Sécurité alimentaire et stratégies
paysannes: La dynamique des banques
de céréales dans le nord du plateau
central du Burkina Faso
Ernest ‘Yod
University of Ouagadougou
Burkina Faso
Introduction
Depuis le debut de la dlkennie 70, le Burkina Faso (comme les autres
pays du Sahel) traverse une crise alimentaire du fait de la sécheresse et
de la faible productivit6 de l’agriculture cérealière. Pour la pkiode 1970-
1983, le bilan céréalier du Burkina fait apparaître un déficite annuel
moyen de 3% de la production nationale par rapport aux besoins (cf.
Lecaillon et Morrison 1985).
Dans la région centralle semi-aride du pays (communément appelée
plateau central), les rendements du sorgho et du mil montrent nette-
ment une tendance à la baisse’due & la r&ression des terres fertiles et
a la forte variabilité pluviométrique.
Les faibles performances des systémes de production traditionnels en
vigueur s’accompagnent d’une dégradation des terres arables et de l’éco-
syst&me en général. Dans le même temps, la pression démographique
contribue à accroître la demande alimentaire tandis que l’émigration
des jeunes ruraux fait grossir le nombre de personnes a charge par actif
agricole.
Face a une telle précarit4 dans Yapprovisionnement alimentaire des
ménages notamment ruraux, des initiatives nouvellès ont vu le jour
dans le but d’accroître les&sponibilit& cétialières tout\\ien facilitant par
des actions appropriées,,l’acc&s a la nourriture pour to& les différents
groupes de population. armi ces initiatives qui visent la reconstitution
de la socSté, de l’écon clll
/ ‘e rurale et de l’agro-tkdogie, l’expérience des
banques de cérkdes semble être une des plus remarquables.