LA CREATION DE ZONES-REFWES: UNE APPROCHE POUR...
LA CREATION DE ZONES-REFWES: UNE APPROCHE
POUR SECURISER LE PASTORALISME AU SENEGAL
Par
CHEIKH MBACKE NDIONE
DRSPA

Nous avons beaucoup progressé dans notre compréhension du pastoralisme et
de sa logique propre. Cela a pris du temps parce que ce n’était pas évident de
réconcilier les intérêts des pasteurs et ceux du planificateur. Cette compréhension s’est
traduite par une meilleure acceptation de la mobilité comme tactique éprouvée de
gestion des ressources pastorales. Depuis lors, de nombreux projets de promotion du
pastoralisme se remettent en cause en incorporant la défense des élevages extensifs
dans leurs objectifs. Des approches sédentaristes, on veut se départir d’un point de vue
théorique. Cependant dans la pratique, le fait de concentrer les efforts au nord de la
zone sylvo-pastorale n’est pas sans poser de problème de retour à la sédentarisation.
Pour être englobante, une définition de l’espace pastoral tenant compte de la
mobilité ne peut isoler le nord du sud de la zone sylvo-pastorale. L’espace pastoral
constitue un tout limité seulement par la frontière matérialisée par l’espace agronomique
situé plus au sud. La stratégie de réduction des pertes en bétail amène très souvent et
le plus souvent les pasteurs au sud de la zone sylvo-pastorale. Ces circuits complexes
de transhumance méritent plus d‘attention car ils ne sont pas fortuits. Si notre objectif
est de sécuriser le pastoralisme, il nous faut encourager La mobilité et mieux l’organiser.
Paradoxalement, ni le planificateur, ni le donateur n’accordent une importance à
la question de savoir “si on souhaite sécuriser le pastoralisme quel est l’endroit le plus
indiqué pour le faire et comment y parvenir”. La réponse à cette question est
“primordiale” si on veut aboutir aux résultats souhaités et anticipés. La polarisation au
nord reflète simplement le lieu où se pose le problème: c’est comme un mirage. Dans
cette contribution, nous souhaitons montrer que la solution du problème que représente
la sécurisation du pastoralisme ne se trouve pas le plus souvent au nord de la zone
sylvo-pastorale. Ce qui contraste avec l’attitude des bailleurs qui concentrent l’essentiel
de leurs efforts au nord.
Le caractère épisodique des sécheresses et la transhumance qu’il provoque
aurait dû éclairer nos stratégies. En effet chaque fois que le déficit pluviométrique
entraîne un déficit fourrager plus ou moins global, les zones d’accueil identifiées à
travers les enquêtes sont le plus souvent localisées au sud. Ainsi, le long de l’histoire de
la sécheresse, des relations se tissent entre les populations du nord et celles du sud de
la zone sylvo-pastorale .
En plus, la sécheresse suit un gradient d’intensité et d’installation se
superposant aux isohyètes. Par conséquent, il est plus probable que le déficit fourrager
se ressente plus au nord qu’au sud. Pourquoi alors, concentrer les efforts
d’aménagements et de promotion pastoraux au nord en accordant un intérêt dérisoire
au sud?
Depuis la dépossession des pasteurs de la forêt de Khelcom, le tissu pastoral au
sud se restreint comme une peau de chagrin. On peut rétorquer que le sud subit la
pression de l’avancée du front arachidier. Cependant cette opposition agriculture-
élevage me semble exagérée quand on se réfère au monde réel. En effet, sur une ligne
passant par Doli, Payar, Gassane et remontant au nord jusqu’au niveau d’une ligne
Dodji-MBeuleukhé, l’élevage extensif pastoral coexiste avec l’agriculture. Et la majorité
des populations de ces zones tire leurs revenus de l’élevage en particulier et du

pastoralisme en général. La coexistence pacifique entre agriculteurs et pasteurs est
remise en cause sporadiquement par des conflits d’intérêts comme partout ailleurs.
Ce qui est surprenant est que, pour cause de manque d’eau, de vastes espaces
y restent encore sous exploités. En y ajoutant la superficie importante du Ranch de Doli,
on constate qu’il y a l’espace nécessaire pour sécuriser le pastoralisme et réduire les
pertes en bétail. Ceci est d’autant plus pertinent que le Ranch de Doli est actuellement
sous-valorisé malgré ses aménagements sans pareils. La création de zones-refuges
représente une des voies pour atténuer les crises épisodiques du pastoralisme à
privilégier.
Pourquoi mérite-t-elle la priorité? Cette création de zones-refuges apparait offrir
le plus de sécurité de recouvrement des fonds investis et être plus durable. II est en
effet plus facile de recupérer un prêt consenti pour l’aménagement de zones refuges par
le biais d’une politique de distribution de l’eau. Cette approche est plus durable car elle
évite les problèmes de surcharge même temporaires.
L’on dira que le projet d’appui à l’élevage (PAPEL) est présent à Thiel et à
Thiargny où il compte installer des antennes de forage pour valoriser les espaces
marginaux. C’est bien mais largement insuffisant par rapport à ce qu’il est possible de
réaliser en mobilisant l’état, les donateurs, les bailleurs et les populations. Mais un
problème de coordination d’actions se pose. Même si ces actions visent très souvent le
même objectif, car elles sont menées par des structures jouant à s’ignorer. De ce jeu
dangereux, il en sort deux perdants: la société sénégalaiess et les pasteurs; les autres
parties reçoivent indemnités et salaires.
Une fois reconnue l’insuffisance de l’action du PAPEL, la bonne question est
comment utiliser le Ranch de Doli et les zones environnantes ayant conservé leur
caractère pastoral pour sécuriser le pastoralisme en période de détresse. Pour
organiser cette approche, quelques difficultés persistent parmi lesquelles:
- tout en révisant son cadre institutionnel, le projet sénégalo-allemand (PSA),
doit reconnaître qu’il reconduit une approche sédentariste malgré la reconnaissance de
la rationalité des élevages extensifs sahéliens. En effet dans la nouvelle démarche, on
semble restreindre le rayon de la mobilité pastorale au nord et pire réduire la
sécurisation de cette mobilité, en ne faisant pas allusion aux zones-refuges donc aux
sous-espaces situés plus au sud. En situation de détresse, la solution du problème ne
résidera pas à l’endroit où le gros des aménagements est consenti. La négligence de
l’intérêt que représente le sud de la zone sylvo-pastorale peut être fatale.
- le PAPEL devra reconsidérer sa conception restrictive de l’espace pastoral qui
ne saurait se superposer à l’aire de desserte d’un forage. Nous sommes encore devant
une approche sédentariste qui ne dit pas son nom;
- la communauté rurale pastorale ne peut être une copie même bonne de celle
des communautés sédentaires. En effet très souvent, un sous-espace pastoral se
trouve à moitié coince entre deux communautés rurales. Cet aspect de la réforme
administrative dans sa deuxième phase mérite une attention particulière;

- un autre préalable est de réduire ces fonds importants engrangés par les
intermédiaires entre donateurs ou/et bailleurs et les pasteurs au désavantage de l’action
directe. Le nombre d’intermédiaires entre les donateurs et les pasteurs devient d’année
en année plus important;
- la coordination des actions au sein d’un même et unique ministère. C’est
reconnaître que le développement rural pastoral est global et comporte des
composantes zootechnique, environnementale, hydraulique etc.. Les directions
nationales traditionnelles enfermées dans leurs rivalités ne pourront jamais mener à
terme une politique sectorielle coordonnée sans discrimination;
- la reconnaissance de la spécificité pastorale de ces espaces qui doivent
accueillir de manière harmonieuse des activités agronomiques. II est important de
mettre ici l’accent sur la complémentarité entre agriculture et élevage pendant neuf mois
et au lieu de se polariser sur les possibles conflits pendant les trois mois d’hivernage.
La spécificité pastorale se réfère au blocage des voies d’accès à certaines ressources
(telles que les mares) par la disposition des champs.
Quelle est maintenant la tactique proposée pour sécuriser le pastoralisme par
la création de zones-refuges? Elle repose essentiellement sur:
- une nouvelle politique de distribution de l’eau dans les aires de desserte de
forage qui simulera la dispersion des mares temporaires;
- assigner une fonction de sécurisation au Ranch de Doli et renouveler en
conséquence les équipements et aménagements;
- identifier une politique de financement de la stratégie et de recouvrement du
crédit;
- asseoir un mécanisme d’alerte précoce et de répartition des transhumants dans
les zones d’accueil;
- mettre en place une structure de stabilisation des prix s’appuyant sur un
destockage précoce des animaux ayant peu de chance de faire la traversée du désert;
- innover en matière de lutte contre les feux de brousse en s’appuyant plus sur
les populations et en les incitant à participer sans introduire de distorsion;
- mettre en place un stock de céréales pour stabiliser les prix en faveur des
pasteurs;
- sécuriser la distribution de l’eau par la mise en place d’équipes compétentes en
maintenance des forages.
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