Participation d'une commaunauté villageoise à l'aménagement de son terroir : note méthodologique
INSTITUT SÉNÉGALAIS
de
RECHERCHES AGRICOLES
I
RÉFLEXIONS
ET PERSPECTIVES
Participation
d’une communauté
villageoise
à l’aménagement
de son terroir
Note méthodologique
Désiré Yandé SARR
Ousseynou DIOUF
ISSN 0850-0711
_ ,.I ,f._' .&'
Vol--d-
N” 1
4

I~RA
Institut S6nbgalais de Recherches Agricoles
Route des Hydrocarbures
BP 3120
Dakar, Sénegal
0 322428:322430/322431
Télex 61117 SG
TLC (221) 22 34 13
Document réalisé par
la Direction des recherches
sur !es systèmes et cultures pluviaux
Secteur Centre-Sud
BP 199
Kaolack
Désir6 YandO SARR, Sociologue
Chercheur ~‘I’IsR’A
en poste au secteur Centre-Sud
Kaolack
Ousseynou
DIOUF, Agent administratif
en poste au secteur Centre-Sud
Kaolack
0 lSRA
Conception
et édition : Unival

Participation
d’une communauté villageoise
à l’aménagement
de son terroir
Note méthodologique

ISIA - RÉFLEXIONS
et PERSPECTIVES
-
Vol. 6 - no 1 - 1995
Participation
d’une communauté villageoise
à l’aménagement de son terroir
Note méthodologique
Désiré Yandé Sarr
Ousseynou Diouf
Isra, secteur Centre-Sud
Résumé
Le terroir vi!iageois doit être considéré comme l’unité essentielle pour la plani-
fication,
l’exécution
et le suivi des aménagements
visant une meilleure
gestion des ressources naturelles.
L’approche terroir ne saurait cependant être menée sans une adhésion de la
communaute
utilisant ce terroir, sans un cadre organisationnel
adéquat
pour gérer et valoriser la mobilisation de la communauté.

ISFIA - RÉFLEXIONS
et PERSPECTIVES
- Vol. 6 - no 1 - 1995
Cette note décrit la demarche suivie qui a permis, grke à une forte mobili-
sation, la réalisation d’aménagement
de lutte antii5rosion par une commu-
naut villageoise.
Mots-cl&
: Terroir, Mobilisation,
Aménagement,
Communauté
vtllageoise,
Participation, Cohésion.
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ISIA - RÉFLEXIONS et PERSPECTIVES - Vol. 6 - no 1 - 1995
Justificatifs
Les populations
rurales sont confrontées
à de multiples problèmes
affec-
tant leur niveau de production
agricole : dégradation
de l’environnement,
problèmes d’intrants, gestion des ressources naturelles, etc. L’appréhension
qu’elles ont des causes et même des conséquences
de ces problèmes
ne paraît pas toujours claire, encore moins leurs interventions
adéquates
et décisives.
L’encadrement
dont ils ont bénéficié, dans la plupart des cas, s’est employé
à développer une certaine technicité (utilisation du matériel agricole, respect
des doses d’application
de l’engrais) sans réellement
se soucier d’inciter
un esprit d’initiative, de créer les conditions pour une meilleure identification
et une meilleure gestion des ressources disponibles
par les agriculteurs
eux-mêmes.
La conséquence
d’une telle démarche a été le développement
d’une attitude
passive devant les phénomènes,
qui se lit à travers ces propos sans cesse
avancés par les paysans <(c’est un problème que nous ressentons
et qui
nous préoccupe
mais nous ne savons que faire, il faut nous aidera, ou
encore concernant
la gestion des ressources communes
<<c’est le bien de
tous, on ne peut empêcher personne de faire ce qu’il veut >>.
Une telle attitude constitue un obstacle à la politique de responsabilisation
qui’ prône une prise en main de leur destinée par les populations
rurales.
Elle est un obstacle
à une connaissance
des problèmes
dans leurs
causes et leurs effets. Elle inhibe et freine de ce fait toute stratégie en
vue d’une amélioration
des conditions de vie et de production
au niveau
des communautes
villageoises.
Dès lors, il importe de réfléchir:
- a une demarche
visant l’identification
des problèmes,
la détermination
des conditions et modes de participation
des populations
et la connais-
sance des aspects organisationnels
de cette participation ;
.
- à la recherche et la mise en œuvre de solutions.
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ISRA - RÉFLEXIONS
et PERSPECTIVES
-
Vol. 6 - no 1 - 1995
Objectifs
II s’agit, grâce a un travail de sensibilisation et de mobilisation, d’aider :

renforcer la cohésion communautaire
dans le but d’amener les paysans
a participer a l’examen des problémes d’interêt collectif ;

définir avec les populations
des solutions
en adéquation
avec les
ressources disponibles ;
-à développer et accroître le niveau de participation communautaire
à I’amé-
nagement
de leur terroir mais aussi à la conduite d’un processus
de
développement
intégré des différents secteurs d’activité.
Hypothèses de travail
La démarche proposée repose sur l’idée que :
0 le degre d’intégration
de la population
aux difiérentes
phases de dia-
gnostic, d’analyse et d’identification
de solutions determine
son niveau
d’implication dans l’application de ce qui aura été mis au point ;
0 la conviction de satisfaire des besoins propres tout en réalisant des
objectifs de la collectivité renforce la mobilisation des individus ;
8 les possibilités
d’application
d’une technologie
seront d’autant
plus
grandes que celle-ci sera définie en adéquation
avec les ressources
disponibles.
Ces différentes
hypothèses
guident la démarche
exposée dans les pages
qui suivent.
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ISRA - RÉFLEXIONS
et PERSPECTIVES
-
Vol. 6 - no 1 - 1995
Mbthodologie
II s’agit, avec la communauté
villageoise,
d’établir des objectifs
et des
priorités, de planifier et de coordonner l’emploi des moyens a partir:
-
d’une connaissance de l’environnement ;
- d’une analyse des problèmes et attentes de la collectivité ;
-
d’une mobilisation des ressources humaines.
Ces différentes
étapes imbriquées
les unes aux autres constituent
la
démarche, non seulement pour la participation des populations à I’amenage-
ment de leur terroir, mais aussi pour la conduite d’un développement
intégré
au niveau de la communauté.
Toutes les étapes de la démarche doivent être caractérisées
par un système
de partcnariat,
d’échange
effectif entre intervenants,
chercheurs
et/ou
vulgarisateurs et populations concernées.
Comprendre
l’environnement
L’idée selon laquelle <<les acteurs opèrent à partir des conditions sociales,
économiques, technologiques,
etc. propres à leur milieu » oblige à une connais-
sance de l’environnement
de la communaute.
II en résulte que la première
phase va consister, dans l’analyse des données démographiques
dans leurs
structures et aspects numériques,
à une répartition
de la population
par
catégories d’âge, de sexe, à l’analyse de son evolution.
De même, l’existence
de mouvements
migratoires : importanve,
période,
durée et conséquences
en terme de disponibilité de main-d’œtrvre
pour les
actions à mener sera considéree.
L’analyse des structures de pouvoir et
pôles d’influente
des formes de regroupement
dans la communauté
et
des modes de désignation des dirigeants sera déterminante dam le processus
de sensiblisation.
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ISRA - RÉFLEXIONS et PERSPECTIVES - Vol. 6 - no 1 - 1995
Le deuxiéme aspect de la connaissance
de l’environnement
concerne les
aspects economiques.
Le développement
d’une communauté
est en effet
étroitement
lie aux ressources disponibles, à la manière de les exploiter, de
les gérer, de les valoriser. De ce fait, un accent particulier sera mis :
-sur les activités de production, les disponibilites en termes d’équipement
;
-sur
l’approvisionnement
et les modes de distribution des biens au sein de
la communaute,
et enfin ;
-sur les ressorirces naturelles.
Ce travail préliminaire
a pour objet, au-delà d’une description,
I’anatyse et
l’explication des faits. II permet une connaissance
des problèmes et enjeux
sbciaux mais aussi économiques,
aide a déterminer les orientations possibles
en adéquation avec les moyens et, partant, à définir les conditions oe réalisa-
tion des actions retenues.
Les différentes sources d’information à utiliser au cours de cette phase sont :
-les
donnees
administratives
disponibles
sur la communauté
(recense-
ment démographique,
statistiques économiques, etc.) ;
-les
interviews, discussions formelles, informelles, individuelles,
par petits
groupes, ou en assemblée au niveau de la communauté
;
-les enquêtes specifiques, observations et visites de terrain
C’est donc dire que ce travail ne saurait se faire correctement
sans la col-
laboration et surtout la participation
de la collectivité. Celle-ci, en plus de
fournir des réponses aux questions, doit être impliquee dans le processus
d’analyse des différentes situations.
Analyse des problèmes et examens de solutions
Les communautés
villageoises sont plus à même de gérer les ressources
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ISFIA - RÉFLEXIONS et PERSPECTIVES - Vol. 6 - no 1 - 1995
naturelles dont elles dépendent et d’en assurer la régénération.
Elles pourraient
aussi être plus aptes à s’attaquer a certaines causes de la dégradation
des
écosystèmes
(Le : désequilibre
des systémes agraires, inaduquation
des
modes de mise en valeur du milieu) dues à l’action humaine.
Pour jouer ce r6le, les communautés villageoises doivent :
-comprendre
les objectifs et justifications des actions ;
-percevoir
clairement les enjeux (quels risques sont encourus au cas où rien
n’est fait) ;
-participer
au diagnostic des problèmes
et à l’élaboration
des mesures
de préservation et/ou de régéneration des ressources.
i
Cette phase de reconnaissance
constitue, en même temps, une étape de
pré-diagnostic
des problèmes
d’analyse et d’identification
des contraintes
que rencontre la collectivité. Elle est complétée par :
-le repérage des mécanismes qui, en relation les uns avec les autres, condui-
sent à une dégradation du milieu ;
-l’analyse
@es différentes situations, chacune dans sa nature et son contenu,
ses causes et ses effets ;
-1’investigaIion
des solutions possibles et des techniques
de lutte dispo-
nibles.
A ce stade de la démarche,
les niveaux d’intervention
doivent être définis
(dans le cadre d’aménagement
du terroir, le niveau parcelle individuelle et/ou
le niveau terroir villageois), le choix de priorités établi et les actions définies
en adéquation avec les ressources disponibles de la communaL!é.
II importe
de noter que c’est l’échelle terroir de village qui permet le mieux la mise
en place d’une structure capable de prendre des décisions et d’organiser
leur exécution au niveau du village.
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ISRA - WFI~XIONS et PERSPECTIVES - Wol. 6 - no 1 - 1995
Au cours de ces phases apparaissent
des individus dont les avis et prises
de position sont considérés,
servent à‘ former les id6es d’où pourraient
découler
des décisions.
Ces personnes,
qui font preuve d’une certaine
ascendance
de par leur cclairvoyance », de par leur dynamisme
et esprit
d’initiative, vont en effet être déterminantes
pour une mobilisation de la collec-
tivité en vue de la réalisation des solutions prkoniskes.
Leur action va
aussi être déterminante pour la mobilisation des ressources surtout humaines.
Responsabilisation.et mobilisation des ressources humaines
L’intervention
de la population est determinante
dans la réalisation d’actions
d’intérêt collectif à la communauté.
Pour cette participation,
la population
a
besoin d’être persuadée que son action est décisive pour la r&oluticn de pro-
blèmes et la satisfaction des objectifs visés. Les individus doivent prendre
conscience qu’ils réalisent des besoins et objectifs personnels tout en réali-
sant les besoins et objectifs de leur communauté.
1
Dans ce processus de mobilisation, les leaders, notamment
les leaders dési-
gnés(l) par la population elle-même jouent un rôle capital. Ils aident les autres
dans I’identGication des problèmes et la recherche de solutions, les persuadent
de l’importance qu’il peut y avoir à s’impliquer dans les actions préconisées en
vue de résoudre les problèmes rencontrés. En d’autres termes, ils jouent le
rôle d’animateurs au niveau de la collectivité.
II importe, dès lors que la collectivité mette en place, autour de ces individus, un
cadre structuré de réflexion, de concertation et d’analyse des problemes qu’elle
rencontre s’il n’en existe pas déjà. Celui-ci sera en même temps le cadre
d’identification
de solutions en adéquation avec les ressources disponibles et
de planification des actions collectives à entreprendre.
(l) Leaders
drkignés
et leaders tradirionnels
: les premiers
ayant eu cette ascen-
dance de par leur dynamisme
et esprit d’initiative,
les seconds
ayant i?ti investis
traditionnelle,nent
par la naissance
: chefs de village, chefs religieux,
responsables
politiques, etc.
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km
-RE~FLEXIONS
et PERSPECTIVES
-
Vol. 6 - no 1 - 1995
En impliquant d’avantage
la collectivit6 dans le processus d’identification,
en facilitant l’information sur les causes et effets des difficult&
rencontrees,
sur les avantages qu’elle peut tirer de son action tant au niveau individuel
que collectif, cette structure jette les bases d’une plus grande mobilisation et
accroît de ce fait même le niveau de participation.
Le repérage des animateurs
se fait par observation
au cours de rencontres
organi&es,
par interviews et discussions informelles.
II suppose un temps
de présence dans la communauté et une intégration à la vie de celle-ci.
La démarche présentée comporte un double aspect de formation et d’expé-
rimentation.
Elle permet une meilleure connaissance
des problémes
et une
plus grande prise en compte des besoins. Elle développe
et renforce la
mobilisation autour des solutions envisagées et facilite l’évaluation des actions
qui auront été réalisées.
Recommandations
La mise :$n application de cette démarche rencontre des obstacles auxquels
il faut prêter une attention toute particulière.
-Au
niveau de la mobilisation
des ressources
humaines,
il existe des
situations de conflit quelquefois
très marquees dans le milieu entre per-
sonnes, des incompréhensions
entre groupes constitués (jeunes vs adultes,
femmes VJ hommes), entre tendances politiques.
II importe, tout en cherchant à identifier de tels obstacles et 2 en mesurer
la portée au niveau de la communauté,
de les ménager pour ne pas les
exacerber.
Concernant
les divergences de points de vue résultant de l’appartenance
à
des groupes constitués,
l’intervenant
doit tenir compte des différents avis,
insister stir l’apport que les uns et les autres peuvent avoir dans la recherche
de solutions d’intérêt collectif. II ne doit en aucun cas s’ériger er, juge surtout
en cas de conflit entre individus.
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ISRA - RÉFLEXIONS
et PERSPECTIVES
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Vol. 6
- P-1
- 1995
-Certaines
personnes,
tout en faisant valoir leur appartenance
a la com-
munaute,
manifestent
un certain laxisme pour participer aux réunions et
discussions et partant aux activites organisees.
II importe :
-de
déternliner les causes d’une telle attitude, du reste normale, tous n’ayant
pas les mêmes capacités d’appréhension
des choses et ne réagissant
pas avec la même promptitude ;
-de faciliter leur intégration au sein du (des) groupe(s).
Au niveau des propositions
d’actions, il importe de s’efforcer à un langage
clair et compréhensible
mais aussi de compter sur la contribution d’éléments
de la communauté
mieux informés et ouverts à l’échange.
Enfin, l’identification
et l’analyse des problèmes dans leurs causes et effets
ne saurait être faite.avec empressement
si l’on veut une participation
effec-
tive de la communauté
et surtout une bonne compréhension,
celle-là qui
sert de soutien à l’action.
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