INSTITUT SENEGALAIS DE RECHERCHES AGRICOLES ...
INSTITUT SENEGALAIS DE
RECHERCHES AGRICOLES
ETUDES ET DOCUMENTS
,’
LA RÉFORME
DU SYSTÈME COOPÉRATIF
AU SÉNÉGAL

CARACTÉRISTIQUES
DES NOUVELLES STRUCTURES

Matar GAYE
ISSN 08504933
Vol 4 N”3

ISRA
Institut Shégalais de Recherrhes
Agricoles
Rue Thiong x Valmy
III’. 3120
DAKAR, Shégal
‘$J
2124 25 / 21.19 13
Telex - 61117 SC
TLC 22 34 13
Document réalisb par
la Direction des Recherches sur les Systbmes Agraires et I’Economie Agricole
Route du Front de Terre
B.P. 2057
Dakar - Hann
73 3 2 0 4 4 2
Matar GAYE,
Ingénieur agronome, Economiste
Chercheur à I’ISRA
Kaolack
Cette publication a 8té rdalisée grbce à une subvention
du Cedre de Recherches pour le Développemed
Idernational (CRDI), Ottawa, Canada
0c ISRA 1991
Conccptiw
et rtulisatio~~ UNIVAlìISi<A

IA RÉFORME
DU SYSTÈNIE COOPÉRATIF
AU SÉNÉGAL
CARACTÉRISTIQUES
DES NOUVELLES STRUCTURES

ISRA - ETUDES ET DOCUMENTS -Vol. 4 - W 3 - 1991
LA RÉFORME DU SYSTÈME COOPÉRATIF AU SÉNÉGAL :
CARACtiRISTIQUES DES NOUVELLES STRUCTURES (1’
M. GAYE,
Chercheur de I’ISRA
Direction des Recherches sur les Syslèmes Agraires et 1’Economie Agricole
RJhUMÉ
La rkforme du système coop6ratif s’est traduite par la mise cn place de nouvelles entitbs dont
on cherche TI faire de vbritables entrcpriscs privées. Toutdois, l’autonomie rcquicrt une base rna-
tkielle qui reste encore & construire et ?I consolider. La structure d’ensemble, l’appareil admi-
nistratif et les ressources sont autant de domaines où les organisations coopératives réformées
présentent des caractéristiques susceptibles de limiter leurs performances.
Mots
: Adhkretis - Coopkratives - Membres - Section villageoises.
w Ceac publication a 61-5 r&alisée grâce à une subvention du Ccnlre dc Recherches pour lc D&eloppcmcnl
International, Ottawa, Canada.

2
SuMMAR.Y
Cooperative reform has crcated ncw structures intcndcd to bccome privatc business cnterprises.
However, the kcy idea of autonomy requires a material basis which remains to be created and
strengthened. Some features related to general structure, administration and ressources may hinder
performances of the new cooperative organisations.
Key words Adheretis - Cooperdives - Members - Villager sections

3
INTRODUCTION
Depuis 1983, la politique dc I’Etat sCnCgalais concernant Ics coopératives a pris de
nouvelles orientations. Un bouleversement notoire s’est opCré sur l’organisation génr5ralc
du systEmc. Au plan intcme, le concept de responsübilisation se trouve à la base de toute
la réforme structurellc. Celle-ci prône une autonomie qui ne peut être cffeetive que dans
la limite des rcssourccs humaines, financières et matérielles disponibles. L’objectif global
est de rcndrc Ics coop&ativcs plus pçrformantcs et dc moins CII moins soumises à la tutcIIc
6kl liquc.
Il s’agit ici de mettre en évidence les caractCristiques genérales des organisations
cooptratives. Les enquêtes de base ont éti conduites au niveau de 52 coopératives rurales
et 60 sections villageoises dans Ics régions de Fatick et Kaolack.
VUE D’ENSEMBLE SUR LES ORGANISATIONS COOP&ATiVES
COOPÉRATIVES-MÈRES
LCS 52 coopératives-mères de l’échantillon polarisent 2009 villages regroupés autour
de 923 sections. La notion de village est definie ici comme &ant un ensemble de eon-
cessions qui rclévcnt de l’autorité d’un rcpr~sentant lbgal du pouvoir administratif çom-
munCmcnt appelé chef dc village. Cette definition Ctant rctcnue, on obtient une moycrmc
dc 38 villages et 17 sections par coofirativc-mère. Environ la moiti6 des coopératives
regroupent chacune plus de 30 villages. Si l’on considbe dans chaque cas lc plus éloign6,
la distance moycnnc par rapport au siege social est dc l’ordre dc 14 km. Dans Ics cas
extrêmes lc rayon se situe au voisinage dc 30 km. Par consequcnt, l’éloignement constitue
une contrainte non négligeable à toute centralisation administrative autour des
coopératives-rnbrcs.
SECTIONS VILLAGEOISES
Le nombre de personnes figurant sur les listes varient de 20 à 400 avec une moyenne
de 122. Ces chiffres sont en baisse par rapport à la situation relevée en 1986 (2). Cela
peut résulter dc plusieurs facteurs. Tout d’abord, ccrtaincs populations se dÇtachcnt pour
créer dc nouvelles sections. En second lieu, il est possible que seuls les potcnticls
attributaires de crédit figurent sur les listes d&cnucs par les rcsponsablcs. Les conditions
d’éligibilité devenues plus s6vbres expliqucraicnt la r&iuction même du nombre dc pos-
tulants. Dans tous les cas, rien ne permet d’assimiler la notion d’adhérent encore imprkise
à celle d’inscrit.
Parmi ceux qui figurent sur les listes, seuls 3% n’Ctaicnt pas adh&cnts aux ancicnncs
coopératives. On note que les fcmmcs y reprCscntcnt une proportion égale. Dans la moitié
des sections villageoises, aucun droit d’adhésion n’a étC demandé aux membres. Les
parts sociales apportées dans lc cadre des anciennes coopératives doivent en tenir lieu
selon leur compréhension.

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Sur le plan cthniquc, 10 sections sur Ics GO que compte notre Cchantillon sont consi-
dérecs comme homogenes. Tout~s Ics autres comportent 2 h 6 groupes diffCrents. Da~is
5 cas, Ic presidcnt n’appartient pas a I’cthnic majoritaire
Les villages polarisés se situent sur un rayon allant jusqu’a 5 km du siège social
avec une distance moyenne infericure B 2 km. La proximiti g&ographique des associes
constitue donc un atout pour les sections villageoises.
COMPOSITION DES BUBEAUX
COOPÉMTIVES-MÈRES
Les bureaux sont composes de 5 à 10 membres charges d’administrer la cooperative.
La répartition de ces membres selon leur statut figure dans le tableau 1.
Tableau 1 : Répartition des membres de bureau des coopératives-mères selon le statut
.
SldlUl
%J des mcmbrcs dc bureau
% des cwp6r;ilivcs conccrn&s
Mcmbrcs dc bureau dc scct. vil.
87
96
Kcsponsablcs politiques
24
66
Conseillers ruraux
17
64
Anciens prEsidcnts dc coop5ralivc
17
60
Commerçants et transporteurs
7
36
Dignitaires rcligicux
7
30
Chefs de villages
6
36
Fcmmcs
0
0
Source : ISBA, I’rogrammc dc Iri Production, Kaolack, cnquêtcs.
Les differcnti statuts mentionnés ne sont pas exclusifs les uns des autres. On constate
une assez forte imbrication entre coopératives-mères et sections villageoises au niveau
dc Icurs appareils administratifs. En principe une telle situation est dc nature B favoriser
la communication entre le sommet et la base.
La présence de rcsponsablcs politiques dans la plupart des bureaux constitue un facteur
non négligeable compte tenu des incidences particuliercs que cela peut avoir. En effet,
57% des cooperatives connaissent des problèmes de tendances politiques selon les

5
dirigeants. Neanmoins, une relation avec la pr6scncc dc politiciens parmi [es membres
du bureau n’est pas statistiquement etablie.
L’interfCrence avec l’administration locale par le biais des conseillers ruraux et chefs
de village est Cgalcmcnt assez forte. Par contre, Ics dignitaires religieux ont un p()i(is
numérique relativement faible. Leur présence au sein des bureaux n’est pas toutefois une
condition neccssaire pour bCn&ïcicr des privileges que ccr&ns leur rcprochcnt.
L’absence totale de femmes au niveau des instances dirigeantes n’est qu’un rcflcl de
leur marginalisation dans les structures coopbatives.
SECTIONS VILLAGEOISES
Les sections villageoises ayant déjà fait l’objet d’une première etude (2), nous nous
contenterons simplement de souligner quelques points, On peut noter tout d’abord que
dans 10 cas sur les 60 étudiés, l’effectif du bureau est un nombre pair contrairement aux
dispositions du règlement officiel. Dans un quart des sections, il existe des chefs de
village comme membres de bureau. Pour les conseillers ruraux, la proportion est de un
demi. Les responsables politiques representent 15% des membres de bureau et on les
retrouve dans 60% des cas. La prbence de femmes parmi les dirigeants n’a Cte signal&
que dans une seule section.
CARACTÉRISTIQUES DES COMITÉS DE DIRECTION
COOPÉRATIVES-MkRES
Chaque comité de direction ou de bureau a à sa tête un president dont l’âge varie
entre 38 et 72 ans avec une moyenne de 53 ans. L’ancienneté dans le poste va de 1
a 19 ans, la moyenne étant de 4 ans. Environ 90% des présidents actuels ont et.5 élus
après la réforme de 1983. Pour les autres membres de bureau, la proportion n’est que
de 14%. Cette distorsion peut s’expliquer par le fait que dans la rkalité, la plupart des
autres postes n’ont pas un contenu qui justifie le principe de l’alternance. Dans l’ensemble,
32% des prtsidents n’ont jamais éti membres de bureau avant leur Clection. Par contre,
17% des autres ont dans le passe exerce des fonctions de president. Ces v6t6nns qu’on
retrouve dans 60% des bureaux sont de bons conseillers.
La loi stipule que le nombre d’administrateurs doit être à la fois impair, supérieur
à 2 et inférieur à 10. La Premiere disposition a eté violée dans 9% des coopératives tandis
que la troisiéme n’a pas td respect& dans deux cas. Ces tcarts s’expliquent genérale-
ment par un souci d’équilibre entre les différents groupes associés .(GAYE M., 1987).
Depuis la réforme de 1983, des démissions volontaires ont &é enregistrées dans 17%
des bureaux. Sur la même période, 15 membres dc bureau ont &Le exclus de force au
niveau de 9 coopératives. Cela peut s’interpréter comme une expression de démocratie
interne. N&nmoins, la question reste de savoir si toutes les voix sont entendues et si
celles qui s’expriment ont toujours le même poids.

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Environ 8 coopbratives sur 10 ont dans leur bureau au moins un individu sachant lire
ct Ccrirc cn français. II s’agit g&rCralcmcnl du sccr&aire. La proportion est idcntiquc:
lorsqu’on considere toutes les autres langues reunies. Cependant, si l’on prend l’enscmblc
des membres de bureau, 21% ont un certain niveau d’alphab&isation en français. Le
taux est de 58% lorsqu’on regroupe les autres langues. Le Wolof en alphabet arabe com-
munément appelé « Wolofal » est la langue la plus répandue. Génerakmcnt, tous les
bureaux possèdent au moins une personne sachant lire ct krirc dans une langue quclconquc.
SECTIONS VILLAGEOISES
Sur le plan de I’%ge, les presidcnts des sections villageoises sont comparables a ceux
des coopératives-mères. Environ trois quarts des sections n’ont connu qu’un seul président
depuis leur cr&uion. Le tiers des présidents n’a jamais exercé auparavant des fonctions
de responsable au sein d’une coopérative.
Le nombre de membres dc bureau ayant un niveau d’alphatitisation fonctionnel cn
français représentent 23% des effectifs. Cependant, un quart des sections ne comptent pas
dans leur bureau une personne ayant ces compétences. Pour ce qui concerne les autres
langues, le taux d’alphabkisation est de 54% au niveau des dirigeants. Comme dans le
cas des coopératives-mères, il s’agit surtout du « Wolofal ».
Sur 10 responsables actuellement en fonction, 9 ne faisaient pas partie du prcmicr
bureau élu. Cette rotation assez rapide des dirigeants peut résulter de certains facteurs
qui restent à déterminer. La premiere hypothese est qu’elle serait Ii& au fait que les
sections villageoises sont des structures nouvelles par comparaison aux cooperatives-
meres qui ont simplement éte remembrées., Dans ce cas, le phénomene pourrait s’inter-
préter en quelque sorte comme un dynamisme de jeunesse.
La seconde hypothèse est que cette situation traduirait une instabilité rCsultant d’une
crise dans le fonctionnement de ces structures. En effet, avec les premieres expériences
de gestion du crédit, beaucoup de sections villageoises sont devenues des facteurs de
discorde plutôt que de cohesion sociale.
Dans l’ensemble, 16 démissions volontaires de responsables ont été enregistrées dans
Il sections sur les 60 etudiées. Les exclusions concernent 8 membres de bureau au
niveau de 5 sections.
RESSOURCES ET DÉPENSES
COOPlhtATIVES-tiRES
Sur l’ensemble des 52 coopkativcs-mères, il n’y a que 2 qui disposaient d’une caisse
au moment des enquêtes. Les montants respectifs sont de 6.125 et de 43.500 FCFA.
Cette situation montre que les coopkativcs-mères ne sont pas encore cn mesure de faire
face au rôle de cellule économique qui leur est assigné au niveau de la communauté
rurale. Pour lever cette contrainte financière, les pouvoirs publics ont dkidé que 70%

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des marges dc commercialisation arachidibre soient g&s localement, Pr&isons que cctlc
gestion est à prBscnt assur& par I’UNCAS qui ne devra conserver que les 30%. Dans
cette perspective, des priorités de d@cnse ont tste d6gagÇes par les dirigeants sur la base
de leurs apprkiations des besoins de la collectivité. Si nouS retenons uniquemenl la
premitirc priorité dans chaque cas, on obtient la répartition suivante :
l infrastructures de stockage : 51 %
l facteurs de production
: 26%
0 infrastructures sanitaires : 6 %
0 moulin à mil
: 4%
0 approvisionnement en eau :
2 %
l infrastructures scolaires
: 2 %
l divers
: 3%
l pas d’idCe
: 6%
Les infrastructures de stockage constituent une préoccupation quasi générale au
niveau des coopératives. On constatc que 64% d’cntrc cllcs nc disposent pas dc magasins,
Cela ne facilite pas leur intervention dans la vcntc des intrants agricoles.
Les facteurs de production en vue sont surtout les semences qui pourraient être
achet&s et céd&s aux coop&ateurs a cr&it.
SECTIONS IXLLAGEOISES
Nous avons déj3 mentionné que dans la moitié des sections villageoises, aucun
droit d’adhésion n’a été versé par les membres. Si l’on considère les encaissements
r&lisés depuis la crCation des sections villagcoiscs, la repartition des fonds selon leur
provenance se prCsente comme suit :
l droits d’adhésion
: 88%
l cotisations spéciales :
11%
. champs colleXXifs : 1 %
On note que 45% des sections n’ont jamais eu de caisse depuis leur creation. Au
moment des enquêtes, 8% d’entre elles disposaient de fonds a leur niveau pour un
montant total de 271.400 FCFA. La tradition des champs collectifs que le système
pourrait capitaliser serait actucllemcnt en recul.
S’agissant de l’ulilisa~ion des fonds, les dépenses rMis&es se répartissent comme
suit :

8
l infrastructures dc stockage :
58 %
l sand ct ccuvrcs sociales
: 26%
l approvisionnement cn eau :
9 %
l divers
: 7%
Les sommes dcstinees aux opérations de ctidit dc la CNCAS nc sont pas prises en
compte ici. Par rapport a la situation dc 1986, on obscrvc une ccrtainc reoricntation
dans l’allocation des ressources.
Les dépenses tendent à glisser du social vers l’&zonomiquc.
Environ 46% des sections n’ont pas ouvert de compte Zr la CNCAS, ce qui était une
condition nécessaire pour prétendre au credit. Le capital social depose à cette institution
varie entre 20.000 et 121.000 FCFA avec une moyenne de 5 1.000 FCFA.
Au total, 63% des sections n’ont aucune infrastructure dc stockage et 60% ne di3-
posent pas d’instruments pour peser.
L’existence d’un moyen quelconque de transport n’a été Signal&e dans aucun cas.
CONCLUSION
L’objectif de faire de l’organisation coopérative une cntreprisc privte autonome se
heurte à de multiples contraintes. Celles-ci se situent notamment au niveau des res-
sources humaines, financières et logistiques. Les realités qui servaient dc justificatifs B
la prise en charge du coopérateur par l’encadrement sous l’ancien syst&me ne sont pas
encore dépass&s. La question se pose de savoir si la volante dc rcsponsabilisation que
materialise le desengagement des pouvoirs publics suffit pour impulscr les mutations at-
tendues.
BIBLIOGRAPHIE
1
DIOP A.M., 1971. Le mouvement coopératif stnégalais. Revue Francaise Etudes
Politiques Africaines, Janvier, pp.49-61.
2 GAYE M., 1987. Les sections villageoises et le credit. Dakar, Direction des Re-
cherches sur les Systèmes Agraires et I’Economie Agricole de I’ISRA. Septembre
1987, 27~. (Document de travail).
3 GAYE M., 1988. Les coop&atives agricoles au Senégal et l’experience de la
responsabilisation. Coop&atives et Developpement, Revue du CIRIEC, Vol. 20,
Nol, pp. 121-141.
4 LAFLAMME M., 1986. La formule coopérative, un espoir pour l’Afrique.
L’Action Nationale, 76-l : pp.91-96.
5 REPUBLIQUE DU SENEGAL, DIRECTION DE LA COOPERATION. Loi 83-
07 du 29-01-1983 portant statut général des coopératives au Seriegal.

Dans le cadre de la troisiéme tranche du
projet d’amélioration de l’Information scientifique et
technique du monde rural mené par le Ministère
du Developpement Rural et de I’Hydraulique au
niveau de son centre de documentation et finance
par le Centre de Recherches pour le Developpement
International (CRDI), l’unite d’Information et de
Valorisation (UNIVAL) de l’Institut SAnégalais de
Recherches Agricoles (ISRA), a été chargée de
réaliser, a travers ses propres collections, des pu-
blications destinées au monde rural et à son
encadrement.

Ce document se veut un support d’informa-
tion et de vulgarisation, il a Até rédigé par les
chercheurs de I’ISRA.