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Institut Sénégalais
de
Recherches Agricoles
ÉTUDES ET DOCUMENTS
Le mouvement
associatif
dans le bassin

arachidier
Caractéristiques
des structures de base

Matar Gaye
ISSN 0850-8933
1994

ISRA
Institut S&&galais de Recherches Agricoles
Route des Hydrocarbures
BP 3120
Dakar, WMgal
0 32242813224301322431
TAlex 81117 SG
TLC (221) 22 34 13
Document réalisé par
la Direction des recherches sur les systemes et cultures pluviaux
Secteur Centre-Sud
BP 199
Kaolack
hbtar Gaye, Economiste agricole
Chercheur à I’ISFIA
en poste au secteur Centre-Sud
0 ISRA 1994
Conception et Bdition : Unival

ISRA-ÉTUDESETDOCIJMEIWS
VOL.6 r+P 3
1904
Le mouvement associatif
dans le Bassin arachidier
Caractéristiques
des structures de base
Matar Gm
ISRA, Secteur Centre-Sud, Kaolack
Résumé
L’émergence des petits groupements a marqué d’une manière phénoménale
le cadre d’organisation des producteurs ruraux au cours des armées 80.
A la différence des Sections villageoises, ils ont des profils très variés
et leurs membres proviennent de toutes les couches de la population rurale.
En régie générale, les activités productives menées collectivement ou à titre
individuel par le biais du groupement entrent dans un cadre de diversifïcation.
Même si la vocation naturelle des groupements est d’abord économique,
les preoccupations d’ordre social y occupent une bonne place. Toutefois, le manque
de moyens humains, mat&iels et financiers constitue un facteur étouffant qui limite
les performances d’ensemble. Dans la situation actuelle, les groupements se pr&entent
comme des alternatives ou des complements aux coopératives officielles selon
les categories de personnes associ&s. Les deux types d’organisation n’ont pas de liens
fonctionnels alors que l’esprit initial de la reforme du système coopératif était d’en faire
des structures organiquement intégrees.
Mots-dès : GlE, Groupements, Organisations.
5

tiRA-ÉTUDESETDOCUMENTS

V
O
L
.

6 No3 lfbfb4
Abstract
Small producer groups have rapidly spread during the eightees with the launching
of a farmers’ self-reliance oriented policy. The new associative structures present
remarquably different features and at the opposit of conventionaI cooperatives,
members corne from all strata of rural populations. Despite their predominantly
economic nature, the priority given to social concerns are not insignificant.
The productive activities conducted collectively or individualy through Economie Interest
Groups are in general new to the majority of their members. Limited
avalability of resources have not allowed great achievements. Wether the new groups
and the oftïcial cooperative structures are viewed as substitutes or complements depend
on the categories of fat-mers associated. The two types of organizations operate without
any functional linkage whereas the cooperative reform projected to make them organically
integrated.
Key words : EIG, Groups, Organization

ISEA - ÉTUDES ET DOCUMEIWS
V O L . 5 N"s
1994
Introduction
La faillite de l’economie rurale sénegalaise a étC dans une large mesure
impuuk au système d’organisation des producteurs. Bons nombres d’analystes
estiment que le regroupement de ces derniers dans des structures mises en place
et encadrtces par les pouvoirs publics a CI&? une certaine mentalité d’assisté fort
pmjudiciable à l’esprit d’initiative, d’autonomie et même de solidarité commu-
nautaire. Au debut des annees 80, le nombre de coopératives offkielles dans le
secteur primaire avoisinait 2 300 dont plus de trois quarts pour l’arachide. Face à
l’impératif du dép&issement de l’Etat-providence dans un contexte d’ajustement
structure1 gén&alisé, la responsabilisation accrue des acteurs de base s’est avért4e
incontournable. Le cadre d’organisation d’un système coopdratif rénove a été
défini par le législateur en janvier 1983.
.
Le principe d’une seule cooperative multisectorielle pour chacune des
317 Communautes rurales du pays a’ Cte retenu. Ces nouvelles structures sont
subdivisées en cellules de base appelées Sections villageoises. La reforme en a
CI@ plus de 4400 avec des effectifs n5glementaire.s de 300 à 400 membres liés
par le voisinage. Une vocation multisectorielle leur Ctait assignee puisqu’elles
devaient regrouper cultivateurs, eleveurs, pêcheurs, exploitants forestiers et
artisans. Au sein de chaque section, les membres pouvaient - voire même devaient
- s’associer sur la base d’activités communes et le mot magique de groupement
commença ainsi à faire Ccho partout. Un cadre juridique portant réglementation
des Groupements d’intérêt economique (GIE) a été defini par la loi 84-37 du 11 mai
1984. Tous les organismes d’intervention focalisés sur le mot d’ordre du déve-
loppement à la base veulent faire des groupements leurs partenaires privilegiés.
Cependant, ils constituent une categorie d’institutions dont les caractéristiques sont
encore assez mal connues. Des organisations pilotes de grande envergure - comme
les foyers du Walo - ont fait l’objet de nombreuses études. Ces expériences ris-
quent, selon P. Sahuc et S. Snerech (1986), de «masquer ou frustrer des initiatives
locales modestes, peu considémes et peu soutenues». Dans une note de la Chambre
de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture sur les GIE, il est precisé que «c’est
dans le souci, entre autres de permettre aux initiatives les plus modestes de
s’organiser et d’accéder éventuellement aux organismes de crédit spécialisé
qu’une telle forme sociale a ete instituée». Il s’agit ici de caracteriser ces groupe-
ments de base en vue de pouvoir les comparer aux sections villageoises. Celles-ci
se situent plus ou moins au même niveau et ont dejà fait l’objet d’études simi-
laires. La responsabilisation des producteurs ruraux à travers ces deux types de
structures constituait la tête de liste des programmes d’actions prioritaires (PAP)
7

bRA - É T U D E S ETJXICUMENTB
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1994
du septieme Plan de développement economique et social couvrant la période
19851989. Dans le huitieme Plan d’orientation 1989-1995. le soutien aux initia-
tives d’auto-organisation fait partie des «domaines d’actions prioritaires» (DAP)
avec une attention particuhere aux jeunes et aux femmes.
Le terme «Gm» est utilise ici de maniere quelque peu abusive. Au plan juridique,
le GIE constitue une forme intermédiaire entre la société qui cherche des béné-
fices à partager et l’association qui ne vise pas cette finalité. Sa vocation définie
par le législateur est «de mettre en œuvre tous les moyens propres a faciliter ou à
developper l’activité économique de ses membres, à ameliorer ou à accroître les
tisultats de cette activité».
Nous avons retenu pour cette Ctude toutes les formes de groupements volonta-
ristes qui associent des producteurs ruraux autour d’une ou de plusieurs activités
de développement. L’essentiel des investigations sur le terrain ont eu lieu en
1991 dans les régions de Fatick et Kaolack qui constituent le cœur du Bassin
arachidier. Elles couvrent 12 % du territoire national, abritent 27 % de la popu-
lation rurale sénégalaise et produisent en moyenne plus de la moitié des mcoltes
d’arachide et de mil du pays.
La methode d’échantillonnage systématique a été utilisée pour choisir 60 sections
villageoises à partir des listes officielles organist!es par mgion, département,
arrondissement et communauté rurale, ce qui assure une couverture geographique
homogene de la zone d’étude. Un recensement a eu? effectué dans les 165 villages
polarisés par ces sections et les 82 groupements identifiés sont retenus.
Profil général des groupements
Caractéristiques des membres
Au plan numérique, les effectifs des membres varient de 10 à 150 avec une
moyenne de 47 contre 122 pour les 60 Sections villageoises de mférence.
Ces dernières sont progressivement désertées puisque l’effectif moyen sur le
même échantillon se chiffrait en 1986 a 193 membres inscrits sur les listes. En
regle generale, les associes de chaque groupement résident tous dans le
ressort territorial d’une même Section villageoise - 91,5 % des cas -, sur un
rayon dépassant rarement 1 km autour du siège. Dans la presque totalité
des groupements, tous les membres se connaissent bien avant de s’associer, ce
qui n’etait pas le cas avec les organisations cooperatives officielles.
Etant donne que les femmes et les jeunes ont traditionnellement été marginalis&
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ISRA - &TUDES ET DOCtJMENTS
V O L . 5 N”s
1994
au niveau des coopératives, la première question qui vient a l’esprit est celle
de savoir quelle est leur place dans le mouvement associatif parallele. S’agissant
de la variable sexe, les 82 groupements couverts se repartissent comme suit :
- Hommes seulement :
3 1
- Femmes seulement :
9
- Mixtes à dominante masculine :
2 1
- Mixtes à dominante fëminine :
1 9
- Mixtes sans dominante :
2
Les femmes reprksentent au total 41% des effectifs globaux qui se chiffrent à
3 827 membres. Malgr6 leur forte propension à s’impliquer dans les groupements,
elles ne «s’isolent» des hommes que rarement pour des raisons qu’il faut mieux
cerner. Une hypothese est que les hommes sont considérés comme seuls habilites à
remplir certaines fonctions dont le contact avec l’exterieur n’est pas des moindres.
Les groupements fondés sur le critére de l’âge sont relativement plus rares. A
l’échelle de l’échantillon, 11 GIE ne concernent statutairement que les jeunes,
13 les adultes et 3 les vieux. Pour les autres reprksentant 67 % de l’echantillon,
les effectifs sont mixtes en ce qui concerne les groupes d’âge. Dans l’ensemble,
42% des groupements sont à dominance jeune. Toutefois, il y’a lieu de retenir
que la notion de groupe d’âge ne correspond pas ici à des limites précises en
terme de nombre d’années. Elle repose plutôt sur l’appnkiation genérale des
dirigeants et dans quelques cas, la dénomination fait explicitement reférence
à l’âge.
Un second point d’interrogation concerne la prksence des personnes influentes
taxées d’avoir accapare les coopkratives offkielles. A ce propos, les groupe-
ments où l’on ne trouve ni chefs de village, ni conseillers ruraux, ni responsables
politiques sont au nombre de 15, soit 18 % de l’echantillon. Ces catégories de
personnes et notamment les responsables politiques se rencontrent dans deux
groupements sur trois comme membres de bureau et dans le quart des groupe-
ments comme adhérents simples. Quant aux dirigeants de structures coopératives
officielles, on les retrouve comme membres de bureau dans 11 GIE et comme
simples adhérents dans 8. Les instances dirigeantes de ces deux types d’orga-
nisation sont faiblement imbriquées, ce qui peut être vu comme une condquence
du paraUClisme parfois conflictuel entre GIE et sections villageoises.
Sur le plan ethnique, six groupements sur dix sont homogènes et dans les autres,
deux a six ethnies differentes sont representks.
9

bUtA -ÉTUDESET~UMENll3
V O L .
6 N= 3
lm
CaracUristiques des instances dirigeantes
Les instances dirigeantes constitukes par les bureaux se composent de 1 a
27 membres, la moyenne étant de 8. Comme dans les Sections villageoises,
il arrive que des personnes siégeant au bureau n’aient aucune attribution.
Leur «nomination» ne s’explique que par un souci d’éviter des frustrations.
Dans les 42 GIE mixtes au plan sexuel, 11, soit 26 % n’ont aucune femme comme
membre de bureau. Au sein de ces mêmes groupements mixtes, elles représentent
37,5 % de l’effectif des bureaux et 56 % de celui des adhérents, ce qui est rela-
tivement disproportionné. Même dans les 19 groupements mixtes a dominante
féminine, les femmes constituent 77% des membres et occupent moins de la
moitié des postes dans les instances dirigeantes. Quant aux 21 groupements
mixtes à dominante masculine, 10 n’ont pas de femmes dans leur bureau. Ces
demieres n’ont que 3% des postes alors qu’elles representent 36 % des adherents
de cette categorie de GIE.
A quelques exceptions pr&s, les membres de bureau sont élus par assemblée
générale. La procédure de désignation a été appliquke dans cinq cas dont quatre
par les notables et un par l’encadrement technique. Dans quatre autres cas
d’élection par assemblee génerale, le candidat a Cte propose par le chef du village
ou le président du conseil rural.
Statut juridique
Au total, plus de deux tiers des groupements couverts dans cette étude ne
sont pas juridiquement reconnus. Toutefois, la proportion varie de manière remar-
quable en fonction du genre. C’est ainsi qu’on a les valeurs suivantes :
- Groupements de femmes :
8g%
- Mixtes à dominante féminine :
7 5 %
- Mixtes à dominante masculine :
57%
- Groupements d’hommes :
3 5 %
Ce constat semble appuyer l’hypothese selon Laquelle la presence masculine est
une condition favorable aux contacts avec le monde extérieur. En dehors des
parametres purement culturels, les hommes ont l’avantage d’être moins anal-
phabètes, ce qui les predispose mieux à entreprendre certaines demarches.
10

1SR.A - hUDE8 ET JIOCUMENTS
VOL. 6
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Cependant, au sujet de la reconnaissance juridique, on observe que la presence
de responsables politiques parmi les membres de bureau est plus determinante
que celle de personnes sachant lire et Ccrire en français.
Parall4lisme avec les coopératives officielles
Avec la réforme du système cooperatif intervenue en 1983, les Sections
villageoises ont été officiellement cr&es en vue d’offrir aux producteurs du
monde rural un cadre associatif plus viable. Pour reprendre les termes du document
de la Nouvelle politique agricole, ces structures multisectorielles sont «organisées
en groupements par activité et par produit». Les masses paysannes ont largement
adopte l’idee de groupement mais l’ont transplantée hors des Sections villageoises.
Le parallélisme des deux types d’organisation a été favorisé par plusieurs facteurs.
En premier lieu, on retient le fait qu’au sein des Sections villageoises, les membres
plus nombreux n’ont pas librement decidé de s’associer. Or, c’est à l’échelle de
ces entités que s’applique le principe de responsabilite solidaire pour ce qui
concerne le crklit cooperatif. Ainsi, pour un groupement dont les membres se sont
librement associés sur une base de confiance rkiproque, se mettre sous la tutelle
d’une Section et lier ainsi son sort au comportement d’individus à la limite
étrangers serait une aberration.
Un second facteur de parallelisme decoule de la diversification des partenaires
. n’ayant pas les mêmes approches dans leurs interventions dispersées. Ainsi, si la
Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal (CNCAS) semble plus branchee sur
les organisations coopératives officielles, tous les autres partenaires du monde
rural se tournent plutôt vers les GIE, ce qui contribue au renforcement de la dualite.
Par ailleurs, les Sections villageoises issues du remembrement des coopé-
ratives arachidieres n’ont jamais eu aux yeux des paysans la vocation multi-
sectorielle que l’État a voulu leur conférer par decret. Ainsi, le processus de
diversification des activités rurales - en rapport avec les strategies d’adaptation
aux changements du milieu - ne peut pas s’accommoder d’un tel cadre organi-
sationnel.
Enfin, la forte présence des groupes traditionnellement marginalisés par le
systéme coopératif officiel (femmes, jeunes) n’a pas favorisé l’intégration
des deux types de structures.
Nknmoins, leur sort reste quelque peu lie car pour la CNCAS, la mputation
des coopkatives au niveau d’une zone donnée conditionne le préjugé sur
les GIE de la même zone.
11

b3RA -ÉTUDESETDOCUMENTS

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Mise en place et fonctionnement
Genbe
Dans l’ensemble, seuls 10% ont Cte mis sur pied avant la tiforme du systéme
coopkatif intervenue en 1983. En fait - comme nous l’avons déjà souligné -,
l’idée de groupement s’est surtout développee avec l’avenement des Sections
villageoises et de la politique de responsabilisation des producteurs du monde
rural. L’implantation des Organisations non gouvernementales (ONG) et de la
Caisse nationale de crt?dit agricole du Sénegal dans la zone constitue un facteur
décisif.
La répartition des groupements selon l’origine des initiatives de création
est la suivante :
- Membres actifs :
44,0 %
- Services techniques de l’État :
385 %
-ON~:
4,s %
- Autorités administratives :
4,s %
- Conseillers locaux :
4,s %
- Ressortissants du village :
3,0 %
- Responsables politiques :
l,O%
Les services techniques de l’État sont representés par la SociétC de déve-
loppement et de vulgarisation agricole (SODEVA) qui a initié le quart des
groupements recensés, les Centres d’expansion rurale polyvalents
(CERP), le servi-
ce de l’hevage et le service Semencier. Les groupements ries d’une
initiative des membres ne constituent pas une majorite absolue bien qu’ils repré-
sentent une assez forte proportion.
Motivations des initiateurs
Les raisons avancees comme étant à la base de la création des GIE sont
très variées. Le souci de freiner l’exode en creant des activités lucratives
surtout en saison séche est fréquemment évoqué. Par ailleurs, les popu-
lations rurales se rendent compte que Tes villes offrent de moins en
moins d’opportunites aux migrants saisonniers qui quittent la campagne
apr&s l’hivernage.
1 2

ISRA - Ih’UDES ET DOCUMENTS
VOL. 0
N” 3
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La recherche d’autres voies d’accès aux facteurs de production - suite à la
restriction du cmdit aux cooperatives - constitue aussi une motivation de taille.
Dans 7 cas, les dirigeants n’ont pu évoquer de motif autre que l’imitation
pour se mettre au diapason. Il s’agit pour eux d’avoir un groupement comme tout
le monde et de voir par la suite à quoi il pourra servir.
L’autosuffisance alimentaire qui est au centre des nouvelles orientations de
la politique agricole n’a été évoquée qu’une seule fois.
La «conjoncture» difficile et les aleas de l’agriculture pluviale sont à l’ori-
gine d’une forte tendance a vouloir diversifier les sources de revenu c’est-à-dire
les activités. La question se pose toutefois de savoir pourquoi les démarches
collectives à travers le mouvement associatif gagnent du terrain par rapport aux
stratégies individuelles. Les changements notes dans le contexte institutionnel
d’ensemble constituent à ce propos un facteur décisif. En effet, toutes les stmc-
tures d’intervention en milieu rural - qu’elles soient anciennes ou nouvelles -
s’orientent vers le partenariat avec des groupes organisés a la place des interlo-
cuteurs individuels.
Même si en règle gén6rale les GIE ont une vocation productive, on note que dans
1 cas sur 4, les motivations de base ne sont pas directement liées à la production.
Elles tournent autour de l’approvisionnement en eau potable, l’entraide, l’édu-
cation des enfants, l’alphabétisation des adultes, la sante, l’allegement des travaux
de la femme et le culte. S’agissant de ce dernier point, nous prkisons que la loi
definissant le statut de GIE interdit toute discussion ou activité a caractere reli-
gieux au sein de ces organisations.
Conditions d’adhésion
Les conditions requises pour pouvoir adhérer varient d’un groupement à l’autre.
La plus largement appliquee est le versement d’une cotisation initiale, suivie
d’un engagement moral à respecter les regles établies. En dehors des obligations
financieres, les règles à caractère tacite ont gén&alement trait à l’assiduité, que
ce soit aux travaux collectifs ou aux reunions. Pour les groupements impliqués
dans certains types d’activés, l’aptitude physique est aussi une condition requise.
L’appartenance politique, l’ethnie, le groupe socioptofessionnel, le statut matrimo-
nial et la possession de certains Cquipements agricoles sont des critères d’éligi-
bilit.6 qui ont été 6voqués mais de maniére peu fréquente.
1 3

&ilRA - É’ITIDES ETDOCUMENTS VOL. 6
No 8
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Dynamique des effectifs
Si l’on compare la somme des effectifs de départ au nombre de membres
lors du passage des enquêteurs, on constate une baisse d’environ 4 8 et
22 groupements sont concernes. Tandis que le nombre total d’hommes
a diminue de 5 %, l’effectif de femmes a connu une legere progression
de 0,5 %.
Au total, sept GIE donnent a leur pmsident le pouvoir d’accepter ou de rejeter
toute nouvelle demande d’adhesion. Dans la majorité des cas, l’instance habilitée
est l’assemblée genérale ou le bureau. Au niveau de 15% des GIE, les respon-
sables estiment qu’aucun nouveau membre ne devrait être admis. Cette position
traduit un souci de limiter la taille afin d’tviter certains risques. Si chaque grou-
pement avait le nombre maximum de membres jugé acceptable selon l’apprk
ciation des dirigeants, les effectifs globaux augmenteraient presque de moitié.
Cela peut signifier qu’il existe plus de groupements qu’il n’en faut dans les
zones concernées ou que les producteurs qui voudraient s’engager dans le
mouvement ne seront pas toujours obligés de cn?er d’autres GIE. La question se
pose aussi de savoir dans quelle mesure le caractém jugé sous-optimal des effec-
tifs peut msulter des conditions pour être membre, de l’indifférence d’une partie
des populations ou même de leur scepticisme.
Les démissions enregistrées sur l’ensemble des groupements étudies
concernent 25 membres de bureau et 518 adherents simples. Cela repre-
sente environ 14 % des effectifs initiaux cumulés. Ces départs volontaires
sont enregisttk dans 28 % des GIE et les principales causes sont : les longues
attentes de financement sans suite, les resultats décourageants, le manque
de temps, la contrainte des règlements - cotisations, assiduite, etc. -, les frustra-
tions consécutives à des retraits et rkaffectations de postes au sein des instances
dirigeantes et enfin les déménagements.
Quant aux mesures d’exclusion forde, elles n’ont frappe que 3 adhérents simples
dont 1 pour non remboursement d’une dette et les deux autres pour manque
d’assiduité aux travaux collectifs.
Expressions de solidarit6
L’entraide a Cte explicitement mentionnee comme principal motif d’association
au niveau de 6 groupements. Toutefois, par comparaison aux pratiques tradi-
tionnelles, les solidarités à l’échelle des groupements revêtent une autre forme
1 4

ISRA - Ih’IJLlES ET DOCUMENTS
V O L . 0 w3
1094
d’expression. Elles consistent surtout a mettre en place un système de cnklit
interne pour faire face aux difficultés de la soudure. Ainsi, les recettes provenant
d’activités lucratives sont partagees selon des modalites consensuelles et chaque
bénéficiaire doit rembourser aprés la nkolte. Au lieu de distribuer l’argent,
certains groupements féminins préfèrent acheter des condiments, du pétrole
lampant et du savon qu’ils ddent à cr6dit aux membres pendant l’hivernage. Les
taux d’intérêt peuvent aller jusqu’a 100 % dans un soucis de renflouer la caisse,
ce qui constitue une sorte d’épargne forcée.
L’aspect frappant est qu’au niveau de certains groupements, une bonne
partie des fonds provient de prestations remun&&s et qui étaient autrefois dis-
pens6es «gratuitement» dans le cadre des solidarités communautaires. Il s’agit
entre autres des travaux champêtres, du décorticage des semences d’arachide, de
la r6fection des maisons, de la confection de greniers et de la fabrication de
briques en banco. Même un membre du groupement qui reçoit ces prestations est
tenu de payer et comme dans le cas du crt?dit interne, il y*a toujours le sen-
timent que c’est une expression de solidarité. Cela peut être vu comme une
forme d’adaptation des rapports sociaux traditionnels
à l’économie marchande.
En dehors de ces cas plus ou moins particuliers de mutualité, nous avons
tente d’identifier dans le fonctionnement des groupements d’autres formes d’ex-
pression de solidarité entre les membres. A ce propos, la responsabilité solidaire
en ce qui concerne le ctidit d’origine externe est non seulement acceptee mais le
principe est positivement apprkié dans la majorite des cas. Cela est quelque peu
surprenant si l’on sait que ce même principe denonce jadis par les masses pay-
sannes a contribué dans une large mesure à la décheance des coop&atives
arachidieres dont l’État bloquait des avoirs ristoumables aux vendeurs pour
servir de caution solidaire. La différence fondamentale reside a la fois dans la
taille des structures mais surtout dans le mode de choix des associés. Au niveau
des groupes réduits où les membres ont librement décide de s’unir, la caution
solidaire incite théoriquement tout un chacun à s’acquitter de ses devoirs ne
serait-ce que pour une question d’honneur. Pareille considération a moins de
poids lorsque l’individu bénéficie d’un certain anonymat au sein d’un large
groupe dont il n’a pas de rapports quotidiens avec tous les membres.
Cependant, on peut toujours se demander si l’acceptation du principe de
responsabilite solidaire implique automatiquement une solidarite effective. A ce
sujet, nous notons que pour les crkdits obtenus par le groupement sous condition
du versement d’un apport personnel, aucune demgation n’a été accordée a ceux
qui n’ont pas verse. Ces derniers n’ont eu droit ni à des dotations personnelles
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hA-&IUDESETDOCUMENTB
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-
pour les ctiits recus et partages aux membres, ni a des parts de b6néfice
lorsque ces ctiits ont et6 utilises dans des activit&s collectives.
Pour ce qui concerne le probleme fondamental du remboursement des
dettes, nous nous sommes intéressés à la question de savoir ce qui est envisagé
en’ cas de défaillance individuelle rksultant non pas d’une mauvaise volontk
manifeste mais d’un manque de moyens constaté. Au total, 47 %
des réponses préconisent une sanction a savoir la saisie de biens (22 %),
l’exclusion pure et simple (22 %) et la poursuite judiciaire (3 %). Cette relative
intolérance peut s’expliquer par un souci d’équité et d’objectivité. En effet,
l’appkiation des causes de défaillance est toujours subjective et un traitement
diff&nciC est difficilement applicable. Le remboursement collectif n’est envi-
sagé que dans 40 % des cas, ce qui parait contradictoire avec l’approbation du
principe de responsabilité solidaire. Ce principe semble s’interpreter comme
étant un simple devoir de pression du groupe sur l’individu défaillant.
Difficultds majeures
Pour la mise en place d’un groupement, la majorité des dirigeants s’accordent
sur le fait que le probleme principal est celui de la sensibilisation. Il s’agit moins
de susciter l’intérêt des populations que de gagner leur confiance et surtout de
leur inculquer une nouvelle mentalite de coopérateur si l’on peut parler ainsi.
Le caractere primordial de la confiance découle d’abord du principe des coti-
sations initiales exigkes a une étape où il n’y a encore rien de concret. Par
ailleurs, les initiateurs de groupements tiennent a insister dès le debut sur les
mgles de conduite qui ne sont en géneral pas conformes aux habitudes de la grande
majorité. Le souci de limiter les effectifs et de collecter des fonds substantiels
de depart sans fixer les participations individuelles a des niveaux prohibitifs cons-
titue egalement un dilemme. Si plus de la moitié des GIE se retrouvent avec des
effectifs jugés en deça de l’optimum, c’est surtout a cause de la contrainte des
cotisations et des reglements.
Apres la phase de mise en place, les facteurs de blocage soulignes sont
relatifs au financement des activités, au manque de formation, a la reconnais-
sance juridique, aux suspicions latentes et au marche des produits.
Ressources et relations institutionnelles
Ressources humaines
Lorsqu’on parle de ressources humaines, la premiere chose qui vient a l’esprit est
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ISRA - lkl’UDE8 ET DOCUMENTS
VOL.5 N"s
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le niveau d’alphabétisation dans la langue offkielle qui est ici le français. Sur ce
plan, on note que 44 % des groupements n’ont dans leur bureau aucun membre
sachant lire et Ccrire en français. Le chiffre est de 77 % dans les groupements
féminins et 32 % dans ceux ne comportant que des hommes. Les langues natio-
nales (wolof surtout) en alphabet arabe sont relativement plus répandues. Panni
les membres de bureau, on decompte au total 205 personnes qui les maîtrisent,
soit un peu moins du tiers des effectifs de dirigeants. Ceux ayant un niveau de
connaissance fonctionnel du français sont au nombre de 108 contre 102 pour
l’arabe et 60 pour les langues nationales en alphabet latin promues par les pou-
voirs publics. Les groupements dépourvus de toute compkence en matiére
d’écriture sont au nombre de 6 dont tous sont soit composes de femmes soit à
dominante féminine.
On observe que les groupements qui n’ont aucun membre de bureau sachant lire
et écrire en français sont moins dynamiques en ce qui concerne la recherche de
cmdit et plus géneralement de partenaires extérieurs. Les trois quarts d’entre eux
n’ont jamais effectué de démarche dans ce sens, la fraction étant de 53 % chez
les autres.
Les adherents qui ont reçu une formation relative à l’activité de leur groupement
sont au nombre de 134. Cela donne un rapport de 1 pour 8 si l’on se limite aux
GIE concernés et qui représentent 22 % de l’échantillon.
Ressources mat&ielles
Les GIE disposant d’un patrimoine matériel représentent 41 % de l’échantillon,
tous les autres étant completement démunis. Les principaux Cléments constitutifs
de leur patrimoine sont la terre, les abris, le matériel de jardinage, les infrastruc-
tures hydrauliques les animaux de traction et les charrettes. Les groupements
qui disposent de terres sont au nombre de 4 alors qu’une soixantaine sont impli-
qués dans la production végétale à titre d’activité principale ou secondaire. La
superficie totale correspondante est estimée à 5 hectares attribués par les
Conseils ruraux surtout pour le maraîchage et le reboisement. Dans les cas où
toutes les activités de production agricole sont individualisées, il n’est toutefois
pas évident que l’inexistence de terres appartenant au groupement soit le prin-
cipal facteur qui explique une telle situation.
Le principal caractère distinctif des groupements dotes de ressources
mat&ielles est que dans la plupart des cas, il s’agit de ceux composés d’hommes
ou mixtes à dominante masculine et dont l’initiative de crkation est venue de

kSRA-ÉTUDESETDOCLJhfENTS
VOL. 5
No 3
1994
l’encadrement. Ces particularités favorisent dans une certaine mesure les rapports
avec le monde extérieur et par conséquent l’accès à des appuis divers.
Ressources financibes
Les fonds de caisse disponibles au moment des cnquetcs donnent une
moyenne gkt&alc dc 90.567 FCfa par GIK cl 28 % d’entre eux nc disposaicnt de
rien. Si l’on prend l’cnscmblc des rcntrécs d’argent ou tout au moins ccllcs dont
les responsables SC rappcllcnt, la rdpartition par source est la suivante :
- Crtidit :
70% (11 GIE)
- Cotisations :
18 % (57 Gtri)
- Subventions : 12 % (07 GIE)
En rCalitC, la rcchcrchc d’un appui tïnancicr constitue la principale prdoccu-
pation des Grr; dCs leur mise sur pied ct bon nombre d’entre eux attendent Icur
premier tkanccmcnt pour commencer à fonctionner. Au total, 11 groupcmcnts
de l’khantillon ont pu bdnCtïcicr dc crCdit en espkzc au moins une fois depuis
qu’ils existent. Toutes formes confondues (nature et C~@CC), Ic chiffre est dc 18
dont un seul groupcmcnt fkminin ct 8 composCs exclusivcmcnt d’hommes, les
autres étant mixtes. Nous notons aussi que 8 ne sont pas juridiqucmcnt reconnus
bien que trois d’cntrc eux soient aftïli& à des structures fCdCratives dotCcs d’un
statut de pcrsonnc morale. Sculc la CNCAS a fait dc la rcconnaissancc juridique
une condition nkcssairc.
Puisque l c crCdit est une prdoccupation majcurc des Grr;, o n peut s’Ctonncr
du fait que plus de trois quarts d’cntrc eux n’ont jamais soumis dc dossiers dans
ce sens. Cela peut Ctre dû à un manque d’informations sur Ics procCdurcs ou
de comp&cnccs intcrncs pour mcncr les dkmarchcs.
Les cotisations sont sensiblement plus g&k-alisécs dans les groupcmcnts de
femmes et ceux à dominante feminine. Au niveau dc certains groupe-
ments mixtes, la cotisation d’une fcmmc est fïxk à environ deux tiers de
celle d’un homme. Toutefois, la question reste de savoir si cc traitement
de faveur implique des contrcpartics notamment dans les travaux ct memc dans
la répartition des fruits.
Les subventions provicnncnt d'ONG à hauteur de 60 % avec 3 GIE conccmks, des
Communautés rurales pour 21 % avec 2 GIS, d’organismes publics pour 17 % avec
1 GIE et enfin d’un Parti politique pour 2 % avec 1 GIE.

ISRA-&TLJDESETDOCUlUEIWS
VOL.5 N"3
1394
Les activités lucratives menees ne correspondent pas toujours a celles qui
font l’objet du groupement. Les plus frequentes sont les champs collectifs et les
manifestations recréatives.
Les bénefices cumulés Cquivalent au tiers
des ctiits obtenus par les groupements et concernent 45 d’entre eux.
Utilisation des ressources financiéres
A l’instar des organisations coopératives officielles, la plupart des grou-
pements servent a la recherche collective de moyens pour des activités
individuelles. En cas d’obtention de cl-édit sous forme d’argent liquide, plus
de 60 % des groupements envisagent le partage soit a parts égales, soit en
fonction de la situation familiale des postulants. Ces dispositions sont applicables
lorsqu’il n’y a pas la condition d’apports personnels, auquel cas les parts
seraient determinées par les participations individuelles. Sur les 11 GIE ayant
effectivement eu un crédit en espèce, 5 ont procédé au partage. Dans l’ensemble,
13 % des membres au niveau de ces groupements n’ont rien obtenu parce que
n’ayant pas été en règle par rapport aux conditions d’éligibilité. Il va sans dire
que l’utilisation des bénéfices d’activites individuelles menees avec des
credits octroyés au GIE est a la discretion de chaque membre concerné.
Pour les groupements ayant Cte au moins une fois impliqués dans des
activités collectives à but lucratif et qui repr&entent 58 % de l’échantillon, les
principaux postes d’affectation des bénéfices sont: le reinvestissement dans
le même secteur ou dans d’autres activites, les infrastructures villageoises,
l’épargne pour renflouer la caisse et le crtcdit aux membres. Dans le cas des asso-
ciations dont l’objet principal est l’entraide, toutes les disponibilités en caisse
sont cédées aux adhérents sous forme de credit pendant la soudure.
S’agissant des infrastructures villageoises, les plus citées ont pour noms : maga-
sins de stockage, Ccoles, puits, mosquees, structures sanitaires et socioculturelles,
etc. Parmi les rubriques moins fréquentes, on peut retenir le partage total ou
partiel et les dépenses liees à certaines manifestations populaires.
Relations institutionnelles
Au total, 71 % des groupements entretiennent des rapports avec des organismes
exterieurs jouant plus ou moins un role d’encadreur. On note ainsi
que 54 % des groupements collaborent avec les services techniques de
l’État tandis que le quart n’ont encore aucune forme de relation avec des
partenaires institutionnels. Quant aux groupements féminins, 56 % d’entre
19

bRA - Él7JDESETJ.lOCUMENTS V O L .
5 No 3
1994
eux ne sont pas encadrés et le chiffre est de 19 % chez ceux ne concer-
nant que des hommes ou qui sont a dominante masculine.
A l’exception de quelques ONG, l’encadrement technique et le financement ne
font pas l’objet d’intetventions simultanées d’un même partenaire.
S’agissant des relations au sein du mouvement associatif, 14 groupements
sur les 82 sont affiliés a des structures fedératives d’organisations paysan-
nes. Dans bien des cas, celles-ci donnent accr‘s soit à une certaine formation, soit
a des compétences qui existent au niveau d’autres associations membres. Ainsi,
l’integration peut être considér6e comme étant un facteur de performance pour
les petites organisations.
Quant aux échanges d’exp&iences, on ne denombre que 12 groupements impli-
qués. Ils opèrent soit en organisant des murrions pour discuter soit par l’entremise
d’animateurs qui servent de relais.
Activités, performances et impact des groupements
Secteurs d’interventions
En considérant pour chaque groupement l’activité retenue comme objet
principal, on obtient la répartition suivante :
- Cultures pluviales :
34 %
- Embouche :
28%
- Maraîchage :
15%
- Stockage :
10%
- Foresterie :
6%
- Prestations de services :
5 %
- Commerce :
3 %
- Pêche :
1 %
Pour chacun des quatre premiers secteurs d’intervention, on compte 5 à 7 autres
groupements impliques de façon secondaire. Le nombre d’activités lucratives
menées ou visées varie de 1 à 3 par Gm. Les groupements à une seule activité repré-
sentent 77 % de l’échantillon, ce qui reflète un caractère plutôt monosectoriel.
L’embouche est une activité nouvelle assez prisée et pour les organismes de
cmdit,
20

hEA - JhWDES ET -
VOL5
N”s
1994
elle semble comporter moins de risque par comparaison aux cultures pluviales.
Ainsi, 54.5 % des GIE ayant b&&cié de cr&lit en esp&ce font de l’embouche.
Quant au maraîchage, il a toujours eu? vu comme une activite essentiellement
feminine au niveau de la zone. Avec les groupements, les hommes s’y int&essent
de plus en plus et le contrôle du secteur est devenu pratiquement equilibti
c’est-à-dire sans dominante marquee d’un sexe sur l’autre. S’agissant du
stockage, les magasins dits semenciers ou cén?aliers donnent souvent l’occasion
de mettre sur pied des groupements. Neanmoins, ces derniers n’arrivent pas
toujours a s’investir dans d’autres activités collectives. L’utilisation commune
des infrastructures constitue l’objet principal du groupement au lieu d’être
considCr& comme un facteur favorable a l’organisation des villageois autour
d’autres types d’entreprises.
En ce qui concerne la foresterie, l’essentiel des activites concerne l’eucalyptus et
l’anacardier. Les groupements prestataires de services sont en gén&al des asso-
ciations de jeunes et de femmes cherchant a exploiter des ctineaux qu’offre
leur milieu. Nous avons déja cite les travaux champêtres, le decorticage des
semences d’arachide, la confection de greniers et la fabrication de briques en
banco. Les groupements qui s’adonnent a ces activités se rencontrent surtout
en milieu s&&re.
A la question de savoir si la plupart des associes pratiquaient auparavant
les mêmes activités productives menées avec le groupement, la réponse
est négative dans 61% des cas. C’est dire que la majorité des membres y
trouvent l’opportunite d’élargir leur éventail d’occupations. Selon Laura
Tuck (1987), la concentration des activités autour de l’agriculture pluviale
saisonniere ne permet pas une intermediation effective des organismes de
cr&lit ni une diversifïcation de leur portefeuille. Tout cela implique un risque
éleve mais aussi une forte covariance entre l’offre potentielle et la demande de
financement au niveau des producteurs. C’est dire que la multiplicite des
secteurs d’intervention des GIE améliore les conditions de viabilité des mar-
ches financiers ruraux.
Par rapport aux secteurs d’activites initialement visés, beaucoup de
groupements ont changé d’orientation. Le maraîchage et l’embouche sont
les principaux domaines explorés par les «reconvertis» dont la plupart
étaient impliques dans les cultures pluviales, les productions forestières ou
les prestations de services. Etant donné que tout Gm qui se constitue legalement
est tenu de preciser son activité principale et les eventuels domaines
2 1

k3RA - bTUDES ET DOCUMEN’lB VOL. 5
No 3
1994
de diversifrcation ultérieure, la reconnaissance juridique limite les pos-
sibilités d’un changement radical d’orientation.
Phiodes d’activith
La notion d’activité retenue ici ne se limite pas aux entreprises à caractère pro-
ductif. Elle englobe aussi toutes autres formes d’expression d’une dyna-
mique associative. On peut citer à titre d’exemple l’alphabetisation et
même les manifestations socioculturelles de nature récréative. Celles-ci
peuvent avoir leur importance si l’on sait que la lutte contre l’exode des jeunes,
en rendant plus attractif le cadre général de vie, est une prcoccupation maintes
fois soulevee.
Cette prkcision étant faite, on observe qu’au total 30 % des groupements ne fonc-
tionnent que pendant la campagne hivernale et surtout durant sa phase prépa-
ratoire, c’est-à-dire celle de mise en place des intrants agricoles. Les groupements
qui ne sont actifs qu’en saison sèche représentent 28 % alors qu’un quart
déclarent être en activité toute l’annee durant. Les autres qui constituent 17 %
de l’échantillon sont pratiquement inertes et ne continuent à exister de nom que
par l’espoir hypothetique de trouver des partenaires financiers. Pour les GIE
qui vivent par intermittence, la durée d’hibernation varie de 3 à 10 mois par an
avec une moyenne située entre 7 et 8 mois.
Activith collectives à but lucratif
Dans l’ensemble, 42 % des GIE n’ont jamais entrepris d’activité collective à
but lucratif. Sur un total de 159 opérations, 36, soit 22,6 % se sont soldées
par des pertes. Des précisions chiffrées n’ont cependant été obtenues que pour
65 cas concernant 37 et les details se presentent dans le tableau no 1.
La culture du mil en champs collectifs occupe une place prépondérante
par rapport à celle de l’arachide plus exigeante en terme d’investissement
(semences). Par ailleurs, elle semble moins sensible aux aleas si l’on en juge par
la fréquence relative du nombre d’opérations avec pertes. Dans le cas de l’em-
bouche, les causes de pertes mentionnées sont la mortalité, le vol et les fluc-
tuations imprkvisibles du marché alors que pour le maraîchage, il s’agit surtout
de défaillances techniques au niveau des équipements de pompage.
2 2

ISRA-kl'tJDESETDOCUMENTI3
VOL.6 N"s
1394
ROalisations communautaires
Les réalisations communautaires a l’actif des groupements restent encore
assez limitées bien que 15 % d’entre eux mentionnent cela comme première prio-
rité de minvestissement d’éventuels b&refices. Au niveau de l’echantillon, on
dénombre 19 GIE qui ont effectivement investi dans ce domaine pour une enve-
loppe globale estimee a 2.660.000 FCfa dont la moitié a été consacme aux infra-
structures de stockage. Les autres grandes rubriques sont la construction de
classes pour l’ecole élémentaire française ou pour l’enseignement arabo-
coranique, les installations d’énergie solaire, les mosquees, les infrastructures
sanitaires et l’aménagement de places publiques tenant lieu d’arbres a palabres.
Les groupements de maraîchage participent de façon plus marquée à ce genre
d’opérations. On peut identifier quelques traits distinctifs susceptibles d’ex-
pliquer leur engagement dans les r&lisations communautaires. Le premier est qu’en
r&gle generale, les p&im&res maraîchers ne sont pas divisés en parcelles indivi-
duelles mais ils sont exploités de maniére collective par les membres du groupe-
ment. Cela msulterait de certains facteurs dont le caract&e indivisible des
équipements de pompage quand ils existent. L’exploitation collective est aussi
favorisée par la concentration des terres appropriees au niveau des bas-fonds
qui relèvent gCn&alement du domaine public. Par ailleurs, le maraîchage est le
seul secteur où les hommes, les femmes, les jeunes et les adultes sont prati-
quement impliqués au même niveau. Cette universalite autorise le réinves-
tissement d’une partie des bt?néfices dans des infrastructures à usage public.
Enfin, on note que la proportion de groupements issus d’initiatives locales y est
nettement plus élevee puisqu’elle est de 62,5 % contre 42 % au niveau global
de l’échantillon.
Remboursement des dettes
Dans le contexte actuel de restructuration du systeme de cmdit agricole, le rem-
boursement des dettes constitue pour les pouvoirs publics le principal
critere de performance des organisations paysannes, qu’il s’agisse des coop&
ratives ou des GIE. Rappelons qu’à l’échelle de l’échantillon, les groupements
ayant au moins une fois b&réfïcie de cr&lit en espèce ou en nature sont au nombre
de 18. Ce chiffre relativement faible ne permet pas des analyses statistiques
fiables pour appmhender les facteurs qui jouent sur le remboursement des dettes.
Nous notons tout de même que parmi les 18 GIE en question, 11 traînaient
encore des arrieres et les membres qui n’étaient pas en règle représentaient le
tiers de leurs effectifs. Le remboursement intégral à temps n’a pu se faire que
2 3

k3RA - ÉTUDES ET DOCUMENTE
VOL. 6
r+P 3
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Tableau 1 : Activités collectives ZI but lucratif
Type
Nombre de
Nombre op6rations
Résultats
d’activités
CIE
cumulés
conceds
Total
Avec gain
Avec perte
Champs
1 7
1 8
1 7
1
832.120
de mil
Embouche

1 2
1 7
1 3
4
3.897.000
Champs
d’arachide

8
11
8
3
1.069.810
Maraichage
4
5
3
2
1.586.000
Stockage
3
4
4
0
132.600
Manif.
récréatives

Champs
2
2
1
1
62.000
de manioc
COrnmer~
2
2
2
0
80.000
Aviculture
1
1
1
0
35o.ooo
Arboricultue
1
1
1
0
75.000
Total
37
6 5
54
11
8.240.805
Source : Enquêtes ISRA, Kaolack, 1991.
pour 21 ophations sur 36, ce qui correspond à 58 % des cas. Il s’avère que les
groupements mis en place sur initiative de l’encadrement enregistrent de meilleures
performances en ce qui concerne le remboursement des dettes. Ils constituent
71 % des GIE sans ani&& et la moitié de ceux ayant Mnéficié de ckdit. Les
encadreurs qui fournissent un appui technique constituent aussi un trait d’union
entre les producteurs associh et leurs partenaires financiers. Nous remarquons
également que les dt?failIances sont plus accentuées avec le ctidit en espèce
compati au ctidit en nature, le détournement d’usage étant très facile dans le
premier cas sans être très difficile dans le second. Par contre, aucune incidence
apparente des variables sexe et groupe d’âge n’est décelée. La catégori-
sation des cas sur la base de ces deux critères ne donne toutefois pas des classes
statistiquement op&-ationnelles.
2 4

ISRA - ÉTUDES ET DOCCJMJUWS
VOL.5
Xe
3
1994
Changements induits par les GIE
Les changements majeurs r&sultant de l’émergence des GIE ont surtout trait a la
@versification des activitt% en milieu rural. Un des plus remarquables aspects
est le developpement de l’embouche qui traduit une mutation qualitative dans le
systeme d’élevage traditionnel. La tendance a l’intensification s’accompagne
d’une rupture progressive des barrieres socio-culturelles qui confinaient l’es-
sentiel du secteur à des groupes spécifiques notamment dans le cas des bovins.
Au plan communautaire, cela est de nature à attknuer le dualisme conflictuel qui a
toujours opposé cultivateurs et éleveurs, les deux se confondant de plus en plus.
Quant aux pkoccupations relatives à l’exode des jeunes, les GIE qui fonctionnent
en dehors de l’hivernage offrent une certaine alternative aux migrations saison-
niéres en direction des villes. Toutefois, leur impact nZe1 à ce niveau mérite d’être
mieux cerne.
Le renforcement de l’entente et de la paix sociale troublee par la conjonc-
ture politique mouvementée des années 80 a été maintes fois souligné
parmi les principaux changements perçus. C’est dans la même foulée que s’inscri-
vent les systèmes de crédit mutuel institues au sein de quelques
groupements. Dans le contexte du dCp&issement de l’Etat-providence et des
formes traditionnelles de solidarité communautaires, ces systèmes offrent une
certaine sécurite sociale aux associes.
Conclusion
L’émergence des petits groupements de producteurs dans le monde rural
sénégalais r6sulte d’une conjugaison de plusieurs facteurs. La définition d’un
cadre organisationnel plus liberal, les opportunites espérées avec l’arrivee
des Organisations non gouvernementales sur le terrain et l’implantation de
projets ciblant des groupes volontaristes ont joue un nS1e decisif. En regle gené-
rate, les groupements ont suscite plus de mobilisation chez les producteurs si on
les compare aux sections villages. Les deux types de structures qui Cvoluent côte
a cote pmsentent des differences majeures dont la plus importante a trait aux
modes de creation. Les groupements se distinguent par le principe de choix
mutuel des associés qui n’est pas en vigueur au niveau des structures coopkratives
officielles. La seconde différence à noter concerne les catégories de personnes
composant les effectifs de membres. Tandis que les femmes et les jeunes n’ont
pratiquement pas de place au sein des sections villageoises, ils sont fortement
impliqués dans les Gm, ce qui induit une certaine bipolarité.
2 5

ISRA-drTvDEeET-
V O L . 0 No3
1934
Les groupements sont de taille plus r6duite et constituent theoriquement
un cadre plus propice a l’expression des solidarites communautaires. Toutefois,
contrairement à la philosophie que les pouvoirs publics ont toujours voulu
instituer au sein des organisations paysannes, la solidarite ne joue ni dans le
partage des crédits obtenus par la collectivité mais destinés à des usages indivi-
duels, ni dans le remboursement des dettes au cas où des bénéficiaires seraient
defaillants. De ce point de vue, les groupements ne se distinguent pas des coo-
pkatives officielles malgr6 leur taille assez modeste et le choix mutuel des
associCs. Il ne suffit d’ailleurs pas que les membres acceptent la responsabilité
sohdaire si l’organisation ne peut fournir qu’une caution morale faute de moyens,
ce qui est encore le cas de la presque totalité des petits groupements comme des
sections villageoises. Ces demiéres sont dot& d’un statut juridique de per-
sonnes morales placées sous la tutelle des coop&atives-meres organisées en
unions jusqu’à l’échelle nationale. Par contre, la reconnaissance juridique et
l’intégration en structures f6dCratives sont des situations encore exceptionnelles
au niveau des groupements bien qu’il existe un cadre d’accueil avec les grandes
organisations paysannes sur place.
Tandis que les sections villageoises fonctionnent uniquement comme des
instances de centralisation des demandes de credit pour les facteurs de
production destinés a l’agriculture pluviale, les GE interviennent dans
divers domaines d’activite couvrant pratiquement tous les volets du secteur pri-
maire, les prestations de services, le développement social et la mobi-
lisation de l’épargne. Cependant, les diffïcultts d’actes au financement
extérieur liées à la r6duction de l’offre officielle, a des criteres d’eligibilité
plus contraignants, a la prudence des nouveaux intervenants ou à leur
vocation parfois non conforme aux attentes ont sensiblement entamé l’enthou-
siasme des masses paysannes au sein des deux types d’organisation.
Les systémes de mutualité qui fonctionnent dans quelques groupements
expriment de la part des associés une certaine volonté de prendre soli-
dairement en charge leur propre destin. Il s’agit surtout des femmes et des jeunes
pour qui le GIE se pnknte comme une alternative au mouvement coopératif
officiel qui les a toujours matginalises. Quant aux autres catégories de pro-
ducteurs, ils sont gén&alement à cheval sur les deux types d’organisation. Pour
eux, le probleme ne se pose pas en terme d’alternative mais plutôt d’élargis-
sement de leur champ d’opportunités. Dans la perspective de mise en place
d’un programme de cn5dit agricole n5novC qui est actuellement a l’ordre du jour,
le choix d’une entn?e pouvant être la coopérative officielle, le groupement, un
2 6

ISRA-&KJDESET-
VOL.5 N"s
1994
autre type d’organisation ou même le producteur individuel est une question
cruciale. La r@onse attendue des pouvoirs publics sera determinante quant à
la configuration tütute du mouvement associatif rural.
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