NOTE D INFORMATION : Une autre lecture de l’impact de...
NOTE D INFORMATION : Une autre lecture de l’impact de la dévaluation sur la filière bétail Sénégal.
Par
CHEIKH MBACKE NDIONE
INTRODUCTION
La pésente note passe en revue l’impact de la dévaluation sur les producteurs et sur les stratégies de
gestion des ressources pastorales. Comme les souhaitent les tenants de la dévaluation, il y a eu un
transfert de richesse des urbains (consommateurs de viande) vers les ruraux (producteurs de viande). Ce
transfert positifinquiète par les problèmes de gestion des ressources pastorales qui se profilent à l’horizon
(accumulation de bétail, surcharge animale,détérioration des ouvrages hydrauliques etc. .). C’est pourquoi,
il ne faut pas occulter les problèmes de gestion de 1’ espace et des infrastructures qui constituent une
faiblesse du système pastoral. Renforcer et améliorer la qualité de cette gestion est une condition de
durabilité des acquis engrangés par les pasteurs.
LES SYSTEMES D’ELEVAGE
Deux systèmes d’élevage coexistent au Sénégal :
- le système pastoral de type extensif confiné dans une zone caractérisée par des niveaux de
pluviométrie relativement faibles et rendant l’agriculture aléatoire. Ce système concerne la partie nord du
Sénégal que se partage les régions de Saint-Louis, Louga, Diourbel Et Tambacounda. On appèlle cette
région écologique abusivement Ferlo; d’autres préfèrent la dénomination (en connotation avec les
systèmes de production) de Zone Sylvo-pastorale. En dehors des terroirs sédentaires, on rapporte une
faible densité démographique, des occupations gravitant autour de l’élevage extensif, la cueillette et
l’agriculture des variètés exigeant peu d’eau. C’est l’élevage l’activité de prédilection des peul, des Maures
sénégalais et des Sérères pour qui, le Bassin, est devenu trop étroit pour un élevage de type extyensif.
La contribution de ce type d’élevage à l’offre de viande s’évalue à 90%;
- le système agro-pastoral localisée dans les zones à vocation mixte ( dans un passé récent) où
l’agriculture extensive ( sous la poussée démographique et la demande croissante en terres), a évincé
l’élevage extensif Le récent cycle de sécheresse a introduit des stratrégies de diversification parmi
lesquelles l’élevage intensif en embouche. La production de viande tend à s’y intensifier (utilisation plus
intensive d’ intrants pour le raccourcissement du cycle de production et pour l’augmentation de la
productivité pondérale).
Cette intensification vise la génération de liquidités à temps opportun pour faire face au désengagement
de l’état en matière d’approvisionnement en intrants agricoles. On confond cette région, malgré sa
tendance à s’élargir, au centre nord du Bassin arachidier. Elle est la plus importante pourvoyeuse de
viande de qualité supérieure qui représente jusqu’à 10°/o de I’ot3i-e globale de viande. Dans cette stratégie,
sont impliquées les groupement d’intérêt économoque, les paysans disposant de moyens ou de troupeaux
et divers privés.
CARACTERISTIQUE PRINCIPALE DU SOUS-SECTEUR

Signalons que, pour ce sous-secteur qui n’a jamais été exportateur net, la répartition de 1’ impact de la
dévaluation, s’analyse à l’échelle nationale. La portion de la filière intéressée par cette note,‘concerne
essentiellement les producteurs de viande bovine et ovine.
La dévaluation a été ressentie du côté des producteurs différemment selon le type de producteurs. Les
pasteurs semblent s’être tirés mieux d’affaire que les autres à cause de leur faible consommation en
intrants, et de l’utilisation de la main d’oeuvre familiale qui n entraîne pas de sortie d’ argent. A l’opposé,
les agro-pasteurs du système mixte éprouvent des difkultés à concilier les objectifs multiples qu’ils fixent
en pratiquant l’embouche
IMPACT SUR LES PRODUCTEURS DU SYSTEME EXTENSIF
Ce système de production possède la particularité de consommer peu d’intrants achetés sur le marché.
Par conséquent pour en évaluer les coûts de production, nous avons émis quelques hypothèses en
travaillant sur un troupeau type de bovins et de petits ruminants. Les enquêtes du PAPEL (Projet d’Appui
à l’ Elevage) ont révélé, qu’en moyenne, le troupeau bovin par famille est de 50 têtes et celui des petits
ruminants de 100 têtes.
L’analyse des charges journalières variables montre que le coût du gardiennage n’a pas été influencé par
la dévaluation pour une raison relevant de l’ofTi-e et de la demande locale. A l’opposé, les soins vétérinaires
sont passés de 171 FCFA/j à 294 FCFA/j. En même temps, les charges alimentaires ,consentis pour
réduire l’impact de la disette en fin de saison sèche, sont passées de 68 à 78 FCFA/j
La famille de type pastoral choisie est aussi caractérisée par des taux d’exploitation de son troupeau de
petits ruminants de 25 % et de 10 % pour celui des bovins. Du relevé de prix effectué au foirai1 de Dahra,
il ressort un prix moyen par tête de 12.500 FCFA (contre 9.500 FCFA avant dévaluation) pour les ovins
et de 80.000 FCFA (65.000 FCFA avant) pour les bovins. En moyenne, le prélèvement de lait mesuré
s’élève à 8 l/j pour une durée de la lactation (240 j). Chaque litre étant échangeable sur place contre 100
FCFA, le lait procure un revenu journalier de 526 FCFA. Globalement le revenu tiré quotidiennement de
l’élevage par la famille type est passé de 1.935 FCFA à 2.478 FCFA soit une hausse de 28 %.
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Avant d’évaluation
Après d’évaluation
variation
%
Revenus journaliers
montant
Revenus journaliers
montant
bruts:
bruts:
ovins
650
ovins
856
bovins
890
bovins
1096
lait
395
lait
526
total
1935
total
2478
28,06
dépenses journaliè-
dépenses journaliè-
res en argent liquide:
res en argent liquide:
* alimentation
68
* alimentation
78
*
soins véto
1 7 1
* soins véto
294
* droits d’abreuvement 167
* droits d’abreuvement
292
total
406
total
664
63,5
revenus journaliers
1529
Revenus journaliers
1814
19%
liquides nets
liquides nets
Il ressort du tableau ci-dessus que les recettes brutes et les dépenses ont variées dans des proportions
différentes. Quand les dépenses augmentent de 63 %; l’augmentation correspondante des recettes brutes
n’est que de 28 %. D’où les recettes nettes ont baissé de 19 % par rapport à la période avant la
dévaluation.
L’analyse comparative montre que l’augmentation des revenus est inférieure au taux d’ inflation (minimum
de 30 %). Ceci révèle une position, après dévaluation, correspondant à une perte de pouvoir d’ achat.
Cependant, il faut signaler que pour une bonne partie des coûts de production il n y a pas sortie d’argent
de la poche du pasteur sauf pour le tarif d’ abreuvement. Ainsi en terme de disponible monétaire, le
pasteur engrange plus que ne révèle l’analyse comparée des revenus et des coûts. En fait sur les 1,463
FCFA (coût journalier; cf document de référence), pour beaucoup de familles pastorales, l’unique sortie
d’argent correspond aux soins vétérinaires, au tarif payé pour l’abreuvement et à 1’ alimentation : soit 664
FCFA/j. Ainsi 799 FCFA constituent la somme journalière engrangée parce que c’est la main d’oeuvre
familiale qui est utilisée. En apparence la famille pastorale constate une augmentation de ses disponibles
en liquidités supérieure à la période passée et au taux de dévaluation.
En période d’inflation non anticipée, les vrais gagnants sont ce qui ne détiennent pas, par devers eux,
d’avoirs liquides. C’est le cas des pasteurs qui gardent le plus souvent leurs biens sous une forme non
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liquide (stock animal). Ceci fait qu’ils ont capturé, en apparence, les avantages liés à la dévaluation.
En système extensif caractérise par une austérité en matière de consommation d’intrants alimentaires, on
peut s’attendre à ce que le système soit plus stable et moins affecté par l’inflation. Cependant si les
investissements en matière d’infrastructures hydrauliques devaient être renouvelés, la dévaluation
affecterait largement ce système de production.
IMPACT SUR LE SYSTEME AGRO-PASTORAL
La production se fait dans un environnement inflationniste aussi bien en amont qu’en aval. En amont le
facteur déterminant relève du niveau de dépendance sur la consommation d’intrants usinés ou importés
et les besoins en investissement (forage, équipement) ou en renouvellement d’investissements. En aval,
les prix offerts suivent le cours de l’inflation sur une base nomimale.
En système intensif (utilisation plus massive d’intrants), comme c’est le cas de l’embouche paysanne et
industrielle, les coûts de production sont largement influencés par l’inflation. Par ailleurs l’embouche
industrielle a presque disparu au Sénégal du fait, en partie, de la concurrence que se livrent les deux sous-
systèmes pour un segment de marché plutôt étroit. Cependant l’embouche paysanne reste très menacée
car sa rentabilité était largement conditionnée par les charges alimentaires et financières élevées et la
saisonnalité des prix.
Pour une durée d’embouche de 120 jours, toutes les charges et les recettes sont rapportées à la journée
d’embouche sur la base d’un bovin embouché. Remarquons que le format des bovins peut être différent,
ceci nous amené à le standardiser à des fins de comparaison.
La réactualisation de l’étude menée en 1990 à Diourbel et à Bambey a permis la comparaison des deux
périodes (avant et après dévaluation) pour la production intensive de viande et pour la rétribution d’une
journée d’embouche. Les principaux postes de dépenses dans ce type de production sont le prix
d’acquisition du bovin, les charges alimentaires, les frais financiers et les autres coûts (contention,
commercialisation, convoyage et frais vétérinaires).
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Avant d’évaluation
Après d’évaluation
variation
%
montant
montant
Revenus
Diourbel Bambey
Revenus
Diourbel Bambey
journaliers
journaliers
bruts:
bruts:
* vente de
* vente de
bovin
bovin
embouché
1975
1982
embouché
2381
2500
2 0
2 6
dépenses
dépenses
journaliè-
journaliè-
res en argent
res en
liquide:
argent
liquide:
* prix
* prix d’achat
948
948
d’achat
1250
1300
* alimen-
* alimen-
tation
284
325
tation
369
429
* intérêt
* intérêt
502
518
* divers
424
370
* divers
2 6
2 4
25
2 2
total
total
2147
2271
2 8
3 6
1681
1665
Revenus
Revenus
journa-liers
journa-liers
liquides nets
liquides nets
294
317
234
229
-21 - 28
Globalement, les charges alimentaires journalières ont augmenté dans les deux localités suite à la
dévaluation. Les charges financières dépendant des charges globales et surtout du prix d’acquisition du
bovin ont aussi subi une augmentation sensible. Cette escalade des augmentations n’a pas épargné les prix
de vente qui sont passés de 23 7.000 FCFA par bovin à 285.750 FCFA dans le foirai1 de Diourbel et de
237.840 à 300.000 FCFA pour un bovin de même format. Par contre, les marges bénéficiaires ont baissé
pour un bovin standard de 350 kg à l’entrée de l’atelier d’embouche et de 450 kg à la sortie du même
atelier.

. l
f
RECOMMANDATIONS
Malgré Les signaux très expressifs et suggestifs venant du marché, l’offre de viande ne progresse pas
dans le sens voulu par les autorités gouvernementales. A tel point qu’un conseil interministériel s’est tenu
sur le “cas de la viande” pour en réduire les prix ou éviter de futures hausses. A l’opposé des propositions
des conseillers du ministère, nous préférons utiliser le levier des coûts de production pour améliorer l’offre
de bétail.
En effet, il nous semble que la situation actuelle, très favorable pour faire des économies sur leurs coûts
de production et le taux de rentabilité positive et supérieure à celui des banques, qui fait que le pasteurs
ne cherchent même pas à déchiffrer les signaux du marché. En même temps, la tarification de l’eau est
largement subventionnée entraînant des distorsions qui se traduisent par une non réponse à une situation
de prix assez incitative.
L’État demeure le propriétaire du principal facteur de production en milieu pastoral, à savoir l’eau des
forages. Une tarification de l’eau se rapprochant plus de son coût d opportunité pousserait les pasteurs
à déstocker plus pour faire face à leur charges et ne pas garder des animaux ayant dépassé le seuil de
rentabilité. En effet en comparant deux périodes pour décider de garder ou de déstocker un animal,
l’éleveur se rend compte que cela lui coûte très peu de garder un animal pendant une période
supplémentaire. On peut inciter l’éleveur comme on peut le pousser au déstockage.
Ceci montre que sans faire intervenir la perte de pouvoir d’achat (liée à l’inflation), 1’ embaucheur a subi
déjà des réductions de marges bénéficiaires. Cependant ces embaucheurs continuent à accorder une place
encore importante à l’embouche dans leur stratégie de gestion et de génération de liquidités au temps
opportun.
II faut bien insister sur la priorité donnée à l’embouche parce qu il y a réellement des possibilités
d’amélioration de la position de l’embaucheur. En effet, à considérer les charges financières élevées
causées par l’approvisionnement en crédit sur le marché traditionnel, une disponibilité accrue du crédit
formel et son accessibilité aux vrais embaucheurs amélioreraient bien cette position. Ceci tend aussi à
améliorer l’offre de bétail, à l’opposé du pastoralisme, car les embaucheurs, à l’opposé des pasteurs,
inscrivent plus leur activité dans la courte période . L’objectif des embaucheurs étant de maximiser les
liquidités sous la condition d’un taux de rentabilité positif même s’il est faible.
Les agro-pasteurs se trouvent dans une position plus difficile d’ un point de vue de 1’ analyse financière
pure. Cependant l’une des sources de charge les plus élevées est représentée par les taux d’intérêt du
crédit informel. Leur réduction, en renforçant le système institutionnel de crédit et en identifiant plus
correctement ses cibles, ouvre des perspectives plus heureuses pour l’embouche paysanne. Cette
stratégie ayant des objectifs multiples de géneration de revenus, de transfert de fertilité et de réduction
de 1’ exode rural, mérite plus d’ attention sur le plan plus tactique .
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