Revue StMgalaise des Recherches Agricoles et...
Revue StMgalaise des Recherches Agricoles et Halieutiques - Vol. 2 - no 34 - 1989
LE DESENGAGEMENT DE L’ETAT
ET LA PROBLEMATIQUE
DES INTRANTS AGRICOLES
AU SENEGAL
M. GAYE
Chercheur à I%RA
Direction des Recherches sur les Systèmes Agraires
et I’Economie Agricole
RESUME
Depuis 1985,l’Etat Sénégalais met en œuvre une nouvelle politique agricole. Elle repose
sur le principe fondamental de désengagement de la puissance publique impliquant une
recherche d’alternatives à l’état-providence. L’intervention des pouvoirs publics a été par-
ticulibrement marquée au niveau des facteurs de production cédés à crédit aux agriculteurs.
En “sevrant” les masses paysannes “biberonnées” depuis l’indépendance, 1’Etat les invite
à prendre en charge leur propre destin. Elles doivent devenir véritablement indépendantes
ou tout au moins convertir leur “mentalité d’assistées”. Le cadre institutionnel a été réamé-
nagé dans le but de faciliter la réalisation des objectifs globaux déclarés dans la Nouvelle
Politique Agricole. Il s’agit de “redynamiser” l’économie rurale avec comme toile de fond
l’autosuffisance alimentaire. Un certain nombre de mesures ont été prises sur la base d’hypo-
thèses qui sont à vérifier. Les points les plus controversés portent sur l’approvisionnement
du monde rural en facteurs de production et nous retiendrons le cas des semences et de
l’engrais. Pour ces deux types d’intrants, le désengagement de l’Etat suscite quelques inquié-
tudes et les commerçants privés ne s’engagent que de façon très timide.
Mots clés : Intrants agricoles - Engrais - Désengagement de 1’Etat.

ABSTRACT
Since 1985, the Senegalese Govemment has put under way a new agricultural policy.
It’s oriented toward finding alternatives to state providence in the rural economy. Public
sector intervention was particularly significant in the area of agricultural inputs supplied
on credit. With the new policy, farmers are now deprived of facilites from state institutions.
The officia1 stand point is that rural people have been “bottle-fed” since independance and
now they must be “weaned”. Some institutional adjustments are undertaken in order to
achieve desired changes. The overall objective is to revitalize rural economy with focus
on food self-sufficiency. Policy steps are taken on the basis of hypotheses that remain to
be verified. The most sensitive points of controversy are about input provision. For seeds
and fertilizer, state withdrawal raises axiety among farmers while private traders are still
reluctant to get involved.
Key words : Agricultural inputs/ Fertilizer/ State withdrawal

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INTRODUCTION
Depuis l’indépendance en 1960, le Sénégal a opte pour une politique de développement
axée sur l’agriculture. L’arachide constituait le moteur de l’économie de traite héritée du
système colonial. L’Etat assurait la fourniture de semences, d’engrais et d’équipement à crédit
aux paysans.
L’importance de l’arachide dans l’économie nationale expliquait la volonté des pouvoirs
publics de contrôler la production aussi bien en amont qu’en aval. Par ailleurs, l’Etat estimait
que l’intervention des opérateurs prives dans la collecte arachidière favorisait l’usure qu’il
fallait éradiquer. Les orientations socialistes justifiaient ce souci d’assister et de protéger
les masses paysannes relativement pauvres. Elles regroupaient environ les trois quarts de
la population sénégalaise. Après deux decennies d’intervention officielle en milieu rural,
le bilan qui a été dresse comporte des aspects négatifs. On peut citer l’existence dune certaine
mentalité d’assisté que 1Etat reproche de nos jours au paysanat. Le système de crédit
agricole a été paralyse par le non remboursement des dettes. Les coopératives rurales
étaient considérées soit comme des entités de l’Etat providence, soit comme des institutions
maintenues en vie aux dépens des vrais agriculteurs.
Les performances de l’agriculture n’ont pas été à la mesure des efforts consentis. C’est
ainsi que sur la période 1973-83, le taux de croissance de la production agricole n’a été
que de 0,3 % contre 2,8 % pour la population. Cela s’est traduit par une aggravation du
déficit céréalier que doivent combler les importations. Le taux d’autosuffisance est passé
de 67,2 % en 1974-76 a 46,6 % en 1983-85. Avec la conjugaison d’éléments conjonc-
turels et structurels, même la filière arachidière était devenue pour 1’Etat un passif financier,
Devant cette situation insupportable sur le plan budgétaire, une politique de réajustement
a été initiée. Dès 1980, l’office national chargé de la commercialisation et qui assurait
aussi l’encadrement des coopératives arachidières a été dissout. Parallèlement, le program-
me agricole donnant accès au crédit pour l’équipement et l’engrais a été suspendu.
Par ailleurs, l’idée que les paysans aspirent à l’autonomie est devenue largement partagée.
A partir de 1984, la volonté de responsabiliser les paysans a été réaffirmée dans la défini-
tion dune Nouvelle Politique Agricole (N.P.A). Pour les intrants, une politique de cession
au comptant a été préconisée. Les agents économiques privés sont conviés à jouer un grand
rôle dans l’approvisionnement du monde rural et la commercialisation des produits. Le prin-
cipe de désengagement de 1’Etat repose sur des hypothèses plus ou moins explicites qui
vont dans le sens d’une justification des mesures mises en œuvre.
S’agissant de l’objectif d’autosuffisance alimentaire, on pense que la restriction du crédit
favorise une substitution des céréales à l’arachide dont la sécurisation quantitative des se-
mences posent plus de problèmes aux paysans.
Pour ce qui concerne l’engrais, l’hypothèse à la base des nouvelles orientations est que
l’augmentation des revenus agricoles par le biais des prix aux producteurs est plus efficace
qu’une subvention.
Enfin, la réadmission des commerçants privés dans la collecte des arachides est consi-
dérée comme une mesure qui stimule leur intervention dans l’approvisionnement du monde
rural en facteurs de production et qui favorise le développement du crédit informel.
En somme, les conditions d’accès aux intrants se trouvent profondément modifiées avec
le désengagement de la puissance publique. Nous examinerons le cas des semences dara-
chide et de l’engrais.

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Approvisionnement en semences d’arachide
La s&urisation quantitative et qualitative d’un capital semencier de cent milles tonnes
constitue toujours un objectif officiel. Si l’on reste dans le cadre des principes de la Nou-
velle Politique Agricole, la conservation personnelle et les achats au comptant devront
constituer les principales sources d’approvisionnement. En outre, la rt?apparition des O.P.S.
(Organismes Privés Stockeurs) suscite quelques espoirs pour le crédit informel.
Conservation personnelle
La constitution de r&erves semencières est une vieille pratique en milieu paysan dans
le domaine des cultures traditionnelles. Par contre, la gestion des semences d’arachide a
été pour l’essentiel prise en charge par les pouvoirs publics depuis l’époque des Sociétés
Indigènes de prévoyance cr&es en 1910. Cela résulte du caractère stratégique de l’ara-
chide dans l’économie sénégalaise, mais aussi des spécificités agro-biologiques de I’ara-
chide qui accentuent les contraintes à l’auto-approvisionnement systématique.
C o n t r a i n t e 8 mujeures
La semence d’arachide a un pouvoir multiplicateur assez faible comparé à celui
d’autres cultures. Son coefficient de multiplication est de l’ordre de 10 (10 kg récoltés pour
1 kg seme) lorsque les conditions sont satisfaisantes, alors qu’il se situe au voisinage de
50 pour le mil et 45 pour le maïs.
En outre, l’arachide se caract&ise par une valeur culturale élevée, c’est-Mire que la
quantité de semences nécessaire pour une unité de superficie est relativement importante.
Pour les espèces cultiv&s au Séntgal, cette valeur se situe théoriquement entre 80 et
115 kg de gousses ou 58 et 90 kg de graines par hectare selon les varietés. Ces chiffres
sont très grands compares au 4 kg/hectare pour le mil souna, 8 pour le sorgho et 16 pour
le maïs.
Tout cela signifie que la satisfaction des besoins par la conservation personnelle im-
plique une propension moyenne à tpargner très élevée si l’on se place dans le cadre géneral
de l’épargne en milieu rural.
Par ailleurs, la constitution de réserves personnelles s’est révelee très fluctuante. Elle
dépend fortement du volume de la production et de sa qualité. Ainsi, toute mesure incitative
ne pourrait avoir d’incidence qu’en fonction des possibilités reelles qui varient à la fois
dans l’espace, dans le temps, et selon les caractéristiques individuelles des producteurs.
Mesures incitatives
Avec la nouvelle politique semencière initiée en 1985, le paysan est invité à garder
ses propres semences. A ce sujet, on peut retenir deux principales mesures incitatives. La
première est l’augmentation du prix de l’arachide au producteur. La seconde consiste à
développer les infrastructures de stockage à l’échelle villageoise.
Concernant le prix, il est passe de 80 francs/kg en 1984-85 à 90 fiancs/kg en 1985-
86. Il convient cependant de remarquer que les producteurs recevaient 60 franwkg car
les 20 francs faisaient l’objet d’une retenue à la source destin&, à financer les semences
et l’engrais. L’augmentation du prix à 90 franwkg est intervenue en même temps que la
suppression du système de retenue. Pour certains paysans, tout se passait comme si le prix
variait brusquement de 60 à 90 francs/kg. Cela correspond a 50 % d’augmentation au lieu
de 12.5 % comme l’établissent les chiffres officiels. Chez la plupart des producteurs dépen-

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dams, le taux de 50 % est loin d’être une simple illusion. En effet, ils fmancaient les semen-
ces par le biais de la retenue et les recevaient des chefs d’exploitation souvent a crédit.
L’avancée de l’arachide enregistree au cours de ces dernières années est en liaison avec
le prix devenu nettement plus attractif, du moins pour une catégorie de producteurs.
Dans le même temps, la conservation de semences personnelles a connu une importante
progression sur le plan qualitatif.
Concernant le stockage, la grande majorité des paysans souhaiteraient disposer d’in-
frastructures plus adéquates. Cependant, les contraintes à ce niveau ne suscitent pas beaucoup
d’inquiétude chez eux. De meilleures infrastructures auraient joue plus sur la qualité de
la conservation que sur les quanti& conservées. Dans tous les cas, la situation actuelle
ne favorise pas une pleine utilisation d’infrastructures collectives de stockage. En effet, on
note chez les paysans une forte tendance a vouloir justifier la nécessite de r6instaurer
l’ancien système de crédit. Certains pensent également que l’obligation morale de prêter
des se-mentes aux moins fortunés est un facteur dissuasif pour les épargnants potentiels.
Tout cela favorise le stockage en secret c’est-à-dire dans les concessions, ce qui hypo-
thèque la s6curisation qualitative du capital semencier.
Achats au comptant
Les achats au comptant constituent la seconde modalité d’approvisionnement des pro-
ducteurs responsabilisés. Un marché officiel est organisé à cette fin avec deux objectifs :
0
Donner aux paysans une alternative à la conservation personnelle de semences.
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Injecter en milieu rural des semences de bonne qualité pour permettre le re-
nouvellement du capital.
Sur le plan des principes, peu de paysans manifestent une preférence pour les achats
à la place de la conservation personnelle. En outre, la capacité potentielle de constituer
des réserves est en étroite corrélation positive avec le pouvoir d’achat par le biais du volume
des récoltes. Cela veut dire qu’en regle générale, plus les achats au comptant s’imposent
comme alternative, moins les paysans en ont les moyens. La multiplicite des choix en ma-
tière d’approvisionnement est donc plus apparente que réelle.
Par ailleurs, la nécessité d’un renouvellement périodique du capital semencier n’est pas
une évidence pour le commun des paysans. En dehors des considerations variCtales, leurs
criteres de qualité sont de nature physique et observable alors que certaines formes de
dégradation restent invisibles.
A propos de marché officiel, on peut aussi signaler que la semence est pratiquement
le seul produit que les pouvoirs publics achètent aux paysans et le leur revend sans aucune
transformation, c’est-a-dire sans valeur ajoutée supplémentaire apparente. De ce fait,
certains paysans ne comprennent pas pourquoi 1’Etat exige d’eux un prix sup&ieur à celui
qu’il impose quand il achète. Cela leur fait penser que l’Etat abandonne la cause paysanne
pour se comporter comme les commerçants prives qu’ils qualifiaient de véreux. En somme,
la mentalite de “nourrisson” ne saurait brusquement quitter l’esprit de l’enfant “sevre”.

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PROBLEME DE L’ENGRAIS
Rappel historique
La vulgarisation de l’engrais au Sénégal a débuté en 1949. Cependant, la fabrication
locale n’a démarre qu’en 1%7 avec l’implantation de la S.I.E.S. (Société Industrielle d’En-
grais du Sénégal). Cette industrie naissante était confrontée à une demande intérieure rela-
tivement faible et à une vive concurrence sur le marché de l’exportation. Le soutien de
1’Etat se traduisait par une garantie d’achat annuel de 60.000 tonnes représentant la moitié
de la capacité de production. Ces engrais faisaient partie intégrante du Programme Agricole.
Les paysans pouvaient l’obtenir à crédit par le biais des coopératives rurales. Les prix de
cession fortement subventionnés ont éte maintenus à 25 francs/kg sur la pkode 1976-1982.
Avec la suspension du crédit en 1980, la garantie d’écoulement par l’Etat est réduite
de moitié. Pour la campagne 1981-82, les quantités achetées aux industriels ont été gracieu-
sement mises à la disposition des coopérateurs en attendant la mise en place d’un nou-
veau système.
A partir de 1982-83, la formule de retenue à la source a été instaurée. Il s’agissait d’une
ponction forfaitaire de 5 francs/kg d’arachide vendue dans les circuits officiels de com-
mercialisation. Pour chaque coopérateur, cela donnait droit à une certaine quantité d’en-
grais au prorata du poids commercialise. Les quantités d’engrais officiellement mises en
place dépendaient donc du volume global des retenues collectées.
Les subventions par le trésor public devaient être levées en 1983. Cela s’est traduit
par une multiplication par quatre des prix aux consommateurs entre les campagnes 1982-
83 et 1984-85. A partir de 1985-86, le système de la retenue avait été aboli et l’engrais
devait être vendu au comptant. Pour limiter les effets négatifs sur la consommation de
cet intrant, I’USAID a accepte de financer une subvention dégressive sur quatre années.
Situation actuelle et perspectives
Dans le contexte actuel, l’engrais est un facteur de production tout à fait marginalisé.
A titre d’illustration, des enquêtes que nous avons menées dans le bassin arachidier montrent
qu’en 1986, 63,5 % des exploitations n’ont pas utilise la moindre quantité d’engrais chi-
mique. Pour 1987, le chiffre a été de 73,5 % sur le même échantillon de 240 unités. Même
dans les quelques cas d’utilisation non nulle, les doses épandues ont été souvent insigni-
fiantes par rapport aux recommandations.
Contrairement aux semences que les paysans produisent eux mêmes, l’auto-approvi-
sionnement n’est pas une alternative avec les engrais chimiques. En l’absence de crédit,
seul l’achat au comptant ou le renoncement s’offre comme possibilid. A cet égard il
y a lieu de faire un certain nombre de remarques.
0 Beaucoup de paysans n’envisagent pas d’investir dans les engrais avant d’avoir
vu pousser ce qu’ils ont semé. Il en résulte que les besoins se font sentir en
hivernage, c’est-à-dire à un moment où les disponibilités financières sont en
générale très réduites. Cela implique que la relance de l’engrais ne pourrait être
effective sans un système de crédit.
Avec le procédé transitoire dc la retenue que certains assimilaient à une vente forcée,
les paysans n’avaient aucune idée du prix réel des engrais. La faiblesse des quantités reçues
qui découlait surtout de la levée des subventions était plutôt attribuée à des irrégularités

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dans le système. Par conséquent la nouvelle subvention venue avec l’instauration de la
vente au comptant n’a pas été ressentie par rapport au coût des engrais de la retenue
puisque, ce dernier, qui avoisinait 100 francs/kg Ctait ignoré. Le prix au comptant après
la suppression de la retenue (environ 65 francskg) était compare à celui de 25 francs/kg
à crt5dit. La brusquerie du changement perçu s’est negativement répercutée sur l’attitude
des paysans à l’égard de l’engrais. Cette attitude semble se renforcer avec la hausse progres-
sive des prix qui résulte de la dégressivité des subventions de I’USAID. La nouvelle baisse
des prix de l’arachide risque d’aggraver encore la situation.
l
Pour une bonne partie des paysans, l’idée de cherté de l’engrais découle non pas
d’un calcul de rentabilité mais plutôt de la faiblesse de leur pouvoir d’achat. Quand
on a rien, disent-ils, seul ce qui est gratuit n’est pas cher. Cette situation renvoie
au fameux cercle vicieux de la pauvreté qu’il s’agira donc de briser. Les deux
grands maillons sont la productivité qui depcnd en partie de l’utilisation de l’en-
grais et les revenus disponibles liés directement au système des prix, à la pro-
duction et donc a la productivite.
Avec la restriction du crédit pour les intrants en général, la plupart des paysans accordent
la priorité aux semences d’arachide dans l’allocation de leurs ressources limitées. Compa-
rant l’engrais aux semences, ils ont une logique qui consiste à dire qu’on ne pense pas
au sel avant d’avoir assuré la substance du plat. Ce raisonnement confirme une tendance
à préférer les méthodes extensives.
0
Au plan des nouvelles orientations, la relance de l’engrais figure parmi les actions
dites prioritaires du septième Plan de Développement Economique et Social
(1985-89). Elle entre dans la stratégie globale de redynamisation de l’agriculture.
Pour cela, il s’agira de jouer sur deux paramètres : la disponibilité du produit
en milieu rural et son accessibiliti sur le plan financier. Le cadre propose en
liaison avec le désengagement de 1’Etat est sous-tendu par deux considérations
majeures, à savoir :
.
assurer une marge suffisamment incitative pour attirer les intermédiaires
commerciaux privés ;
.
veiller à ce que les coûts ne soient pas prohibitifs pour les paysans.
Le moins qu’on puisse dire est que ces deux préoccupations seront difficiles à conci-
lier d’autant plus que la tendance générale est d’instaurer progressivement la verité des prix.
CONCLUSION
L’approvisionnement du monde rural en facteurs de production constitue un aspect sen-
sible de la politique agricole sénégalaise. Au bout de quatre années marquées par une nette
volonté de désengagement de l’Etat, un dSfi de taille consiste à résoudre la crise de l’engrais.
Sa marginalité chez les paysans s’explique par plusieurs facteurs dont les plus décisifs sont
liés aux conditions d’approvisionnement. Il s’agit des prix prohibitifs pour la plupart des
utilisateurs potentiels et de la restriction du crédit officiel. Les orientations actuelles visent
à promouvoir la participation du secteur privé dans le commerce des engrais. Pour cela,
des marges théoriquement incitatives ne suffisent pas. Il faut qu’elles soient aussi concrè-
tement réalisables. Cela suppose l’existence d’une demande effective qui ne s’identifie pas
à une simple expression de besoin.

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Le problème des semences qui polarisait toutes les attentions au départ semble mainte-
nant relégué au second plan. La raison est qu’au cours de c,es dernières années, les paysans
ont “prouvé” leur capacité à s’auto-approvisionner. Cependant, il faut garder à l’esprit que
les récoltes ont été bonnes pour permettre la constitution de réserves semencières quan-
titativement adéquates. Par contre, la préservation qualitative du capital semencier qui
implique une bonne protection des stocks et un renouvellement périodique du matériel vé-
gétal restent des problèmes en suspens.
Avec la réinsertion de nouveaux traitants dans la collecte arachidière, la question se
pose de savoir s’ils participeront dune manière significative à la fourniture de semences
aux paysans. A ce sujet il existe un certains nombre de limitations structurelles. On peut
noter dans ce sens que le paysan a besoin de semence à un moment où l’incertitude reste
totale au sujet de la campagne, ce qui n’encourage pas les créanciers potentiels. En outre,
l’arachide n’a pratiquement jamais été une marchandise encombrante pour le commerçant.
L’aisance de l’écoulement au comptant ne favorise pas l’octroi de crédit aux paysans dont
la solvabilité est aléatoire.
Une question de fond est celle de savoir dans quelle mesure le secteur privé est dispose
à assumer le risque inhérent au cr&lit destiné à l’agriculture pluviale. Il s’y ajoute que ce
risque est encore plus grand lorsqu’il s’agit de satisfaire les plus nécessiteux. Au niveau
des producteurs, le ddsengagement de 1’Etat en matière d’intrants agricoles jette les bases
d’une sélection à la Darwin. Le sort r&servé à ceux qui ne pourront pas tenir est une ques-
tion d’éthique sociale.