LE MARCHE SENEGALAIS DE LA VIANDE APRES LA DEVALUATION ...
LE MARCHE SENEGALAIS DE LA VIANDE APRES LA DEVALUATION
INTRODUCTION
La période après dévaluation a été caratérisée par d’irnportantes hausses des prix des denrées de
première nécessité, en particulier de la viande. Cette hausse s’est étalée dans le temps, n’épargnant
aucune partie du Sénégal. A Dahra, principal centre de production, le prix du kg de viande est passé
de 750f a 12OOf tandis qu’à Dakar, de 1200 f le kg avant dévaluation, le même produit voit son prix
varier entre 150Of (kiosque de HANN en face de I’ISRA) 1300f (DADIS) et 1600 f (relevé
hebdomadaire de prix dans le journal Walfadri): deux points éloignés l’un de l’autre de moins d’un
kilomètre. A Thiès la viande est vendue entre 1200 et 1300f le kg comparée à 1000f avant la
dévaluation. A Dakar, on note une différence de prix que n’expliquent ni la dimension, ni celle de
l’espace, ni celle de la forme de présentation du produit. On devrait plutôt enregistrer des prix plus
élevés à DADIS qu’au niveau de Hann, quartier plus populaire, si on tient compte des coûts de
production.
Durant le mois de juillet 1995, le prix de la viande atteignit le record de 1700f le kg déclenchant
l’alarme du côté des pouvoirs publics qui élaborèrent un plan d’action (pour lutter contre la hausse
du prix de la viande) rapporté dans le numéro 989 de Walfadri, quotidien Dakarois sous le titre “la
viande sur la table du conseil de ministres”. De nombreuses incohérences se sont glissées dans le
diagnostic fait par techniciens du ministère de l’agriculture.
Incohérences dans le diagnostic des causes des hausses de prix de la viande
Ce plan d’action pour arrêter la hausse des prix de la viande énumère un certain nombre de causes
de hausse sans faire la distinction entre celles découlant de la dévaluation et celles dûes à la
saisonnalité. Il y a des hausses dues à la dévaluation et d’autres dites naturelles car se produisant
depuis toujours aux mêmes périodes sans intervention d’eléments extérieurs. Les hausses situées entre
les mois de juin et juillet sont principalement dues à la saisonnalité de l’offre de bétail. On ne peut pas
les imputer à la dévaluation: en effet le faire consiste simplement à postuler que l’effet choc de la
dévaluation se poursuit toujours; les réajustements ne prennent jamais fin.
La “période de soudure” correspond au début d’hivernage; en effet, durant cette période, les bovins
sont si affaiblis (par le manque de nourriture) qu’ils ne peuvent pas faire le trajet séparant les zones
e
de production des principaux centres de consommation. Cette période est caratéri&, par conséquent,
par une ofi?e de bétail, provenant des zones pastorales, très réduite pour des raisons liées à la valeur
bouchère des bovins et à leur capacité de survie durant le transfert. Comme produit de substitution
sur le marché apparaissent les bovins embouchés (zone agro-pastorale) dont les coûts de production
sont plus élevés et la qualité viande meilleure. Il n’est donc pas surprenant que cette viande de
meilleure qualité issue d’un système de production différent coûte plus cher; d’où la hausse des prix
constatée. En relisant les tendances historiques de l’offre depuis 1968, on note,immanquablement, que
les augmentations de prix de la viande, en début d’hivernage, ne relèvent pas seulement de la
dévaluation mais aussi du caractère saisonnier de I’offre (voir document du séminaire sur “la
politique agricole au Sénégal ++ publié par I’ISRA et édité par Bingen et Crawford).
1

Les problèmes liés au stockage de la viande sont aussi mentionnés (” défaillance des installations
frigorifiques “) pour expliquer la hausse des prix : c’est assez surprenant qu’une panne de ” frigo ”
entraîne une hausse des prix. On devrait s’attendre au contraire car on a recours au stockage soit pour
éviter une baisse générale de prix découlant d’une offre trop importante soit pour conserver la
qualité et la fraîcheur du produit dans le cas de la viande. Nous ne disons pas que le stockage ne
permet pas de réguler un marché mais c’est fait à dessein et sur une base inter-temporelle. Ce serait
même une attitude surprenante de la part des chevillards, de stocker pour faire baisser les prix.
On évoque, aussi dans le journal, le “ paradoxe ” de I’éIevage pastoral qui consiste en une
stagnation voire une baisse de l’offre de viande face à une augmentation des prix. Il est supposé alors
que les agents économiques concernés ne réagissent pas aux signaux du marché. On peut trouver une
justification à un tel comportement (absence de réaction) dans les stratégies de reconstitution du
troupeau pastoral décimé par la dernnière sécheresse. Ceci s’explique surtout parce que durant la
sécheresse précédente le pasteur a perdu beaucoup d’animaux. Par conséquent il adopte
automatiquement une stratégie de reconstitution du troupeau pour retrouver la taille souhaitée du
troupeau pouvant assurer la survie à long terme du noyau familial. Cette explication nous évite donc
de tirer des conclusions hâtives allant dans le sens d’une n-rationalité des pasteurs.
Les créances dues aux intermédiaires constituent une autre explication des hausses de prix. Si
récupérées, ces créances augmentent considérablement la masse des liquidités circulantes dans la
filière bétail-viande. Cela correspond à une augmentation de la demande solvable de bétail du côté
des dioula: il m’est difficile d’attendre d’une telle augmentation une baisse des prix.
A la limite, ce qu’on peut attendre de ce renforcement des liquidités en circulation est la baisse du taux
d’intérêt pratiqué en cas de vente du bétail à crédit. Devant cette réduction du prix du bétail, les
économistes prédisent une augmentation des quantités demandées (dioula) et/ou une baisse des prix
aux consommateurs, si les mécanismes de régulation sont automatiques. Les deux effets:
augmentation de la demande solvable et baisse des taux d’intérêt (prix d’acquisition plus bas du bétail)
agissent en sens contraire. La résultante de leur action représente une question empirique. L’on
devrait s’attendre, en réalité, à ce que les créances recouvertes, créent une atmosphère plus optimiste
dans le marché du bétail et plus propice aux échanges et aux investissements.
Remarquez que le plan d’action privilégie surtout les efforts situés en aval de la filière (les
intermédiaires qui n’ont pas une influence directe sur 1’oBe de bétail. Les intermédiaires achètent ce
que les pasteurs décident de vendre. On peut dès lors dire que, le plan d’action susceptible de porter
des fiits devra décider les pasteurs à destocker plus, donc donner beaucoup plus de considération
à l’élevage pastoral et à l’analyse du comportement économique des pasteurs.
Toujours reste posée, sans réponse satisfaisante, la question de savoir comment parvenir à une baisse
des prix de la viande? La réponse semble très évidente mais difficile à mettre en oeuvre. Nous vous
proposons, ci-dessous, d’explorer notre hypothèse de sortie des hausses en spirale basée sur une
stratégie directe d’augmentation de l’offre. Il demeure bien possible d’atténuer la hausse des prix de
la viande voire de l’arrêter mais il faut frapper à la bonne porte.

Deux hypothèses: celle des intrants et celle des coûts de production
Certains pensent que, pour stimuler l’offre, il suffit simplement de baisser le prix des intrants ou de
les subventionner. cette hypothèse a fait école au niveau de la SODESP qui l’utilisa en même temps
que l’incitation par des prix attratifs pour ftire monter l’ofl?e de viande. De 1978 à aujourd’hui les taux
d’exploitation ont stagné autour de 10 %, donnant peu de crédit à cette hypothèse.
D’autres pensent que le facteur le plus déterminant, pour augmenter l’offre de viande, est représenté
par les coûts de production en élevage pastoral. Cette hypothèse est basée sur le fait que les pasteurs
sont sensibles à leurs coûts de production qui affectent largement leur prise de décision et leurs
stratégies de capitalisation ou de destockage. Pour les tenants de cette hypothèse, la réduction du
coût de facteurs tel que l’eau ou lalimentation, ne se traduit pas directement en une augmentation de
l’offre, mais au contraire, les gains de productivité peuvent être retenus sous forme de capital-bétail.
Ceci découle des interférences entre les fonctions du bétail en milieu pastoral. C’est pourquoi, le cadre
conceptuel, choisi pour analyser les problèmes de l’offre de bétail, doit être essentiellement du type
économique et souple pour tenir compte de ces interférences. Posé dans un cadre approprié, des
outils deviennent immédiatement disponibles pour approcher le problème de l’ofie de bétail.
Importance du bétail dans les stratégies des pasteurs
La difficulté pour résoudre ces problèmes d’oflYre, quand il s’agit du bétail, réside dans la complexité
et la multiplicité des fonctions du bétail dans nos sociétés traditionnelles, Les fonctions économiques
sont très présentes (compte courant, ou d’épargne, valeurs refuges et investissement) à côté des
fonctions culturelles ou anthropologiques. La dimension inter-temporelle (héritage et mariage) affecte
souvent la prise de décision des pasteurs. En effet, ici, on peut reporter une décision de vendre du
bétail comme un agent économique fait, assez souvent, un choix entre consommer et épargner.
Le plus souvent chez le pasteur la décision d’épargner l’emporte sur celle de consommer ou d’acheter
des biens durables. L’austérité de leur vie épargne aux pasteurs les choses qui nous tracassent et qui
engloutissent nos économies. De telle sorte qu’en élevage pastoral les subventions peuvent aggraver
les pénuries à cause des fonctions économiques du bétail. Les gains de productivité obtenues grâce
aux subventions sont souvent capitalisés et ne se traduisent pas en augmentation de l’of??e.
En effet, le pasteur comme tout autre agent économique se demande souvent, mais pas à haute voix,
s’il est rentable de garder ou de se débarrasser d’un bovin pour une période de production donnée.
Le critère de prise de décision, dans ce cas là, est inéluctablement: “si cela rapporte plus que cela ne
coûte, gardez le bien économique pour une période supplémentaire”. N’oublions pas qu’une des
fonctions essentielles du bétail est que le cheptel est aussi bien le compte d’épargne que le compte
courant de l’éleveur.
Le taux d’intérêt de ce placement est souvent supérieur à celui des banques qui ont, en plus, le
désavantage d’être éloignées de la zone sylvo-pastorale. Ce qui fait que la compensation qu’apporte
le risque quasi nulle qui caractérise les comptes courants des banques devient, dès lors, très peu
attratiJ Ceci est d’autant plus vrai que cette compensation est atténuée par le fait que l’argent liquide
est dévalorisé par l’inflation; ce qui n’est pas le cas pour l’élevage qui représente un parapluie contre
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l’inflation.
Nous venons de constater qu’en introduisant une entrée socio-économique particulière, on arrive à
mieux à saisir les motivations des comportements rapportés. En effet, une lecture du comportement
des pasteurs vis à vis du bétail, ignorant les fonctions multiples et complexes du cheptel, conduit à
de fausses conclusions déroutantes quand il s’agit de concevoir des politiques exigeant une forte
implication et adhésion de populations ayant leurs objectifs propres..
Particularités, subventions et coûts de production du système pastoral
Le système (de production) pastoral possède la particularité de consommer peu d’intrants achetés
sur le marché. Par conséquent pour en évaluer les coûts de production, nous avons émis quelques
hypothèses en travaillant sur un troupeau type de bovins et de petits ruminants. Les enquêtes du
P.AP.EL ont révélé qu’en moyenne le troupeau bovin par famille est de 50 têtes et celui des petits
ruminants de 100 têtes. Les opérations journalières effectuées pour ce troupeau sont:
- l’abreuvement au forage qui mobilise 3 personnes par jour et pendant 3 heures,
- le gardiennage qui utilise une personne par troupeau pour une journée de 8 heures(dans la
plupart des cas les bovins ne sont pas gardés), quand la main d’oeuvre non familiale est utilisée, le
gardien est payé 100000f à la fin de I’année. Ceci correspond à un salaire journalier de 274f pour 8
heures de travail: c’est un salaire horaire de 35f Toutes les formes de main d’oeuvre sont alignées sur
cette grille.
- la traite et les soins faits par 3 personnes pour une période évaluée 240 jours pour une durée
journalière de 2 heures.
La tarification de l’eau en zone sylvopastorale est de 75 f par tête et par mois pour les bovins et de
50 f par tête et par mois pour les petits ruminants. Pour notre famille type, le coût journalier de l’eau
(pour 10 mois d’abreuvement au forage) est de 292f.
Principaux coûts journaliers de production en élevage pastoral: main d’oeuvre locale (traite,
gardiennage , abreuvement), tarif payé pour l’abreuvement, alimentation et soins vétérinaires.
Tableau 1 .- Principaux coûts variables de production en élevage pastoral (FCFAkg)

coûts
Après
%
Avant
%
dévaluation
dévaluation
Alimentation
78 12
68 17
Soins véto
294 44
171 42
Tarif eau
292 44
167 41
Total
664 100
406 100
Le coût de la main d’oeuvre locale, en général, n’a pas été influencé par la dévaluation pour une raison
relevant de l’offre et de la demande locale. A l’opposé, les soins vétérinaires, selon le suivi, sont passés
de 171F/j à 294 F/j. En même temps, les charges alimentaires pour réduire l’impact de la disette en
fin de saison sèche sont passées de 68 à 78 f/j.
Pour les observateurs avertis, le système pastoral est largement subventionné à travers une
tarification’ de l’eau en deçà de son coût d’opportunité. L’abreuvement y représente un poste de
dépenses important (44% du total). Cette subvention occasionne des distorsions (coût apparent de
production bas mais important dans la prise de décision) qui s’ajoutent aux fonctions économiques
pour aggraver la situation de pénurie et de hausse des prix. 75 à 85f par bovin et par mois quand on
sait qu’il y a des fraudes de toutes sortes et des dispenses injustifiées, font que cela paie d’attendre
une période supplémemtaire pour destocker du bétail. L’augmentation de l’offre, donc l’éventuelle
baisse des prix, passe par une élimination des distorsions économiques. En effet, on paie le prix de
l’eau en vendant, par exemple des animaux.
La dévaluation est supposé ;Voir un impact variable suivant les difientes composantes des systèmes
de production et des filières.
Deux systèmes d’élevage
Deux systèmes d’élevage coexistent au Sénégal :
- le système pastoral de type extensif confiné dans une zone caractérisée par des niveaux de
pluviométrie relativement faibles qui rendent l’agriculture aléatoire. Ce système concerne la partie
nord du Sénégal que se partagent les régions de Saint-Louis, Louga, Diourbel et Tambacounda. On
appelle cette région écologique abusivement Ferlo; d’autres préfèrent la dénomination de Zone Sylvo-
pastorale (en connotation avec les systèmes de production). En dehors des terroirs sédentaires, on
Il est important ici de ne considérer que la valeur d’usage des forages car ces derniers ont une valeur financière nulle
mais une valeur économique élevée (coût d’opportunité de l’eau).
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rapporte une faible densité démographique, desactivités économiques gravitant autour de l’élevage
extensif, la cueillette et l’agriculture des variétés exigeant peu d’eau. C’est l’élevage l’activité de
prédilection des peul, des Maures sénégalais et des Sérères pour qui, le Bassin arachidier, est devenu
trop étroit pour un élevage de type extensif. La contribution de ce type d’élevage à I’otTi-e de viande
s’évalue à 90%;
- le système agro-pastoral localisée dans les zones à vocation mixte (dans un passé récent)
où l’agriculture extensive (sous la poussée démographique et la demande croissante en terres), a
évincé l’élevage extensif Le récent cycle de sécheresse y a introduit des stratégies de diversification,
parmi lesquelles, l’élevage intensif en embouche. La production de viande tend à s’y intensifier
(utilisation plus intensive d’intrants pour le raccourcissement du cycle de production et pour
l’augmentation de la productivité pondérale).
Cette intensification vise la génération de liquidités à temps opportun pour faire face au
désengagement de l’état en matière d’approvisionnement en intrants agricoles. On confond cette
région, malgré sa tendance à s’élargir, au centre nord du Bassin arachidier. Elle est la plus importante
pourvoyeuse de Dakar en viande de qualité supérieure qui représente jusqu’à 10% de l’offre globale
de viande. Dans cette stratégie, sont impliquées les groupements d’intérêt économique, les paysans
disposant de moyens ou de troupeaux et divers privés.
La production se fait dans un environnement inflationniste aussi bien en amont qu’en aval. En amont
le facteur déterminant relève du niveau de dépendance sur la consommation d’intrants usinés ou
importés et les besoins en investissement (forage, équipement) ou en renouvellement
d’investissements. En aval, les prix offerts suivent le cours de l’inflation sur une base nominale.
Impact sur les producteurs du systeme extensif
Ce système de production possède la particularité de consommer peu d’intrants achetés sur le marché.
Par conséquent, pour en évaluer les coûts de production, nous avons émis quelques hypothèses en
travaillant sur un troupeau type de bovins et de petits ruminants. Les enquêtes du PAPEL (Projet
d’Appui à 1’ Elevage) ont révélé, qu’en moyenne, le troupeau bovin par famille est de 50 têtes et celui
des petits ruminants de 100 têtes.
L’analyse des charges journalières variables montre que le coût du gardiennage n’a pas été influencé
par la dévaluation pour une raison relevant de l’off?e et de la demande locales. A l’opposé, les soins
vétérinaires sont passés de 171 FCFA/j à 294 FCFAIj. En même temps, les charges alimentaires,
consenties pour réduire l’impact de la disette en fin de saison sèche, sont passées de 68 à 78 FCFA/j
La famille de type pastoral choisie est aussi caractérisée par des taux d’exploitation de son troupeau
de petits ruminants de 25 % et de 10 % pour celui des bovins. Du relevé de prix effectué au foirai1
de Dahra, il ressort un prix moyen par tête de 12.500 FCFA (contre 9.500 FCFA avant dévaluation)
pour les ovins et de 80.000 FCFA (65.000 FCFA avant) pour les bovins. En moyenne, le prélèvement
de lait mesuré s’élève à 8 l/j pour une durée de lactation (240 j). Chaque litre étant échangeable sur
place contre 100 FCFA, le lait procure un revenu journalier de 526 FCFA. Globalement le revenu tiré
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quotidiennement de l’élevage par la famille type est passé de 1.935 FCFA à 2.478 FCFA soit une
hausse de 28 %.
Il ressort du tableau 2 que les recettes brutes et les dépenses ont variées dans des proportions
différentes. Quand les dépenses augmentent de 63 %; la hausse correspondante des recettes brutes
n’est que de 28 %. Il en résulte une baisse des recettes nettes de 19 % par rapport à la période avant
la dévaluation.
L’analyse comparative montre que l’augmentation des revenus est inférieure au taux d’inflation
(minimum de 30 %). Ceci révèle une position, après dévaluation, correspondant à une perte de
pouvoir d’achat. Cependant, il faut signaler que pour une bonne partie des coûts de production il n’y
a pas sortie effective d’argent de la poche du pasteur sauf pour le tarif d’abreuvement. Ainsi en terme
de disponible monétaire, le pasteur engrange plus que ne révèle l’analyse comparée des revenus et des
coûts. En fait sur les 1.463 FCFA, pour beaucoup de familles pastorales, l’unique sortie d’argent
correspond aux soins vétérinaires, au tarif payé pour l’abreuvement et à l’alimentation : soit 664
FCFA/j. Ainsi 799 FCFA constituent la somme journalière engrangée parce que c’est la main d’oeuvre
familiale qui est utilisée. En apparence la famille pastorale constate une augmentation de ses
disponibles en liquidités supérieure à la période passée et au taux de dévaluation.
En période d’inflation non anticipée, les gagnants sont ce qui ne détiennent pas, par devers eux,
d’avoirs liquides. C’est le cas des pasteurs qui gardent le plus souvent leurs biens sous une forme non
liquide (stock animal). Ceci fait qu’ils ont capturé, en apparence, les avantages liés à la dévaluation.
En système extensif, caractérisé par une austérité en matière de consommation d’intrants alimentaires,
on peut s’attendre à ce que le système soit plus stable et moins affecté par l’inflation. Cependant si les
investissements en matière d’infrastructures hydrauliques devaient être renouvelés, la dévaluation
affecterait largement ce système de production.
Tableau 2 : évolution des touts et recettes entre les deux périodes
Rubrique
avant dévaluation
après
variation
dévaluation
W>
revenus jourmaliers bruts :
* ovins
650
856
* bovins
890
1096
* lait
395
526
* total
1935
2473
2 8

dépenses journalières
* alimentation
68
78
* soins veto
171
294
*droits d’abreuvement
167
292
* total
406
664
63
revenbus jourmaliers nets
1529
1814
19
Impact sur le sysreme agro-pastoral
En système intensif (utilisation plus massive d’intrants), comme c’est le cas de l’embouche paysanne
et industrielle, les coûts de production sont largement influencés par l’inflation. Par ailleurs l’embouche
industrielle a presque disparu au Sénégal du fait, en partie, de la concurrence que se livrent les deux
sous-systèmes pour un segment de marché plutôt étroit. Cependant l’embouche paysanne reste très
menacée car sa rentabilité était largement conditionnée par les charges alimentaires et financières
élevées et la saisonnalité des prix.
Pour une durée d’embouche de 120 jours, toutes les charges et les recettes sont rapportées à la
journée d’embouche sur la base d’un bovin embouché. Remarquons que le format des bovins peut être
différent, ceci nous amené à le standardiser à des fins de comparaison.
La réactualisation de l’étude menée en 1990 à Diourbel et à Bambey a permis la comparaison des
deux périodes (avant et après dévaluation) pour la production intensive de viande et pour la
rétribution d’une journée d’embouche. Les principaux postes de dépenses dans ce type de production
sont le touts d’acquisition du bovin, les charges alimentaires, les frais financiers et les autres coûts
(contention, commercialisation, convoyage et frais vétérinaires).
Globalement, les charges alimentaires journalières ont augmenté dans les deux localités suite à la
dévaluation (tableau 3). Les frais financiers dépendant des charges globales et surtout du coût
d’acquisition du bovin ont aussi subi une augmentation sensible. Ces augmentations n’ont pas épargné
les prix de vente qui sont passés de 237.000 FCFA par bovin à 285.750 FCFA dans le foirai1 de
Diourbel et de 237.840 à 300.000 FCFA pour un bovin de même format. Par contre, les marges
bénéficiaires ont baissé pour un bovin standard de 3 50 kg à l’entrée de l’atelier d’embouche et de 450
kg à la sortie du même atelier.
Tableau 3 : évolution des touts et recettes entre les deux périodes
Rubriques
Avant dévaluation
Après dévaluation
Variation (%)
Diourbel
Bambey
Diourbel
Bambey
Diourbel Bambey
8

Revenus journaliers
bruts:
1975
1982
2381
2500
20
26
* vente de bovins
embouchés
dépenses journalières:
* tout d’acquisition
948
948
1250
1300
* alimentation
284
325
369
429
* intérêt
424
370
502
518
* divers
25
22
26
24
total
1681
1665
2147
2271
28
36
revenus journaliers nets:
294
317
234
229
-21
- 28
, 1.
Malgré les signaux très expressifs et suggestifs venant du marché, l’offre de viande ne progresse pas
dans le sens voulu par les autorités gouvernementales. A tel point qu’un conseil interministériel s’est
tenu sur le “cas de la viande” pour en réduire les prix ou éviter de futures hausses. A l’opposé du
discours officiel, nous préférons utiliser le levier des coûts de production pour améliorer l’offre de
bétail.
En effet, la situation actuelle en zone sylvo-pastorale, très favorable en terme des coûts de production
et le taux de rentabilité positif et supérieur au taux d’intérêt bancaire, font que les pasteurs recoivent
des signaux globaux recommandant la capitalisation à la place du destockage. Restaurer une situation
de vérité des charges de production peut inverser ces choix alternatifs.
L’État demeure le propriétaire du principal facteur de production en milieu pastoral, à savoir l’eau des
forages, Une tarification de l’eau se rapprochant plus de son coût d’opportunité pousserait les pasteurs
à déstocker plus pour faire face à leur charges et ne pas garder des animaux ayant dépassé le seuil de
rentabilité. En effet en comparant deux périodes pour décider de garder ou de déstocker un animal,
l’éleveur se rend compte que cela lui coûte très peu de garder un animal pendant une période
supplémentaire. Ceci est vrai parce que les subventions ont changer le seuil naturel de rentabilité en
réduisant les charges de production.
Du côté de l’embaucheur, il est montré que, sans faire intervenir la perte de pouvoir d’achat (liée à
l’inflation), ce dernier subit déjà des réductions de marges bénéficiaires. Paradoxalement, ces
embaucheurs continuent à accorder une place encore importante à l’embouche dans leur stratégie de
gestion et de génération de liquidités en temps opportun.
Les agro-pasteurs se trouvent dans une position plus difficile d’un point de vue de l’analyse financière
pure. Cependant, l’une des sources de charges les plus élevées est représentée par les taux d’intérêt
du crédit informel. Leur réduction, en renforçant le système institutionnel de crédit et en identifiant
plus correctement ses cibles, ouvre des perspectives plus heureuses pour l’embouche paysanne. Cette
stratégie ayant des objectifs multiples de génération de revenus, de transfert de fertilité et de réduction
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de l’exode rural, mérite plus d’attention sur le plan plus tactique. E 11 e tend aussi à améliorer l’offre
de bétail destinée à l’abattage, car les embaucheurs, à l’opposé des pasteurs, inscrivent plus leurs
activités dans la courte période. L’objectif des embaucheurs étant de maximiser les liquidités sous la
condition d’un taux de rentabilité positif même s’il est faible.
Le recensement des créances dûes aux intermédiaires et leur recouvrement sont indispensables
pour accompagner et soutenir la stratégie d’augmentation de l’offre en bétail. En effet une
augmentation de l’offre non accompagnée d’une demande effective solvable débouche sur une
détérioration de la position des producteurs qui sont les acteurs réels du développement de
l’élevage. C’est dire que le système de commercialisation et surtout son environnement financier et
institutionnel ont un rôle important à jouer pour impulser, garantir et créer une atmosphère où
règne l’optimisme économique
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