ESSAI SUR LE TERRAIN DU VACCIN w CONTRE LA...
ESSAI SUR LE TERRAIN DU VACCIN
w CONTRE LA COWDRIOSE
E
A. GUEYE, F. JON%JAN,
Mb. MBENGUE, A. DIOUF
INTRODUCTION
L’une des contraintes pathologiques majeures à l’introduction d’animaux à
haute productivité dans certaines régions tropicales est la cowdriose. Cette
3
maladie causée par une rickettsie Cowdria ruminantium,
Cowdry
192
est
/I
jusqu’à présent controlée, soit par une lutte systématique contre les tiques
vectrices, soit par l’immunisation en faisant recours a la méthode de l’infection
s u i v i e d u t r a i t e m e n t . C e t t e d e r n i é r e méthod’e b i e n q u ’ e f f i c a c e c o m p o r t e l e s
risques d’un traitement tardif très souvent fatal (GUEYE et al., 1985) ; elle est
par ailleurs assez astreignante, car nécessitant un suivi quotidien des animaux
jusqu’à leur traitement par des antibiotiques appropriés en l’occurrence les
tétracyclines (GUEYE et al., 1985, 1989).
f
La mise au point d’un vaccin atténué (JONG AN,
1991) à partir d’un
i
If
scstteke d e Cowdria ruminantium : de la région des Niayes (GUEYE et al.
1 9 8 2 ) o u v r e d e n o u v e l l e s p e r s p e c t i v e s d e p r o p h y l a x i e d e c t t e a f f e c t i o n .
L’efficacité démot$rée du vaccin &n-&&&+
contre
l& &ZZ+ sauvage
homologue (JON JAN
et ai. 1993)
st a confirmer cependant sur le terrain
cx
avant d’envisager son utilisation
grande échelle. Ce contrôle fait l’objet de
la présente étude. Le site expéri enta1 choisi est localisé dans la région des
Niayes où sévit l’infection
/
sous, forme hyperenzootique (GUEYE et al., 1982,
1984, 1989) à cause de la présbnce d’une population importante de la tique
vectrice en l’occurrence Amblydmma variegatum (FABRICIUS, 1794) et d’un taux
de transmission élevé de l’infection (GUEYE et al. 1993). L’essai est réalisé
durant la saison sèche à la période d’intense activité des nymphes qui débute
au mois de décembre (GUEYE et al. 1986).

-2
MATERIEL ET METHODE
/
Le test est mené successivement en station et sur le terrain. Au niveau
de la station, les moutons reçoivent une inoculation;- vaccinai
e t
4
font l’objet d’un suivi sérologique pour l’évaluation de la réponse immunitaire.
Un prélévement de sang est effectue sur tous les moutons avant l’inoculation,
p u i s a u x 15* e t 21*
jours après la vaccination, afin de contrôler leur état
immunitaire par la méthode de I’immunofluorescence indirecte. Au bout d’un
mois, ces animaux sont transférés dans la zone des Niayes et exposés &
l’infection naturelle en compagnie d’un lot de moutons témoins. Ils vont au
pâturage durant la journée et une
supplémentation alimentaire
l e u r e s t
distribuee à l e u r r e t o u r a l’enclos.
Ils sont examinés quotidiennement. La
température rectale est prise le matin.
En cas d’hyperthermie, un frottis de sang est realisé pour observation au
laboratoire. Sur les individus morts, un frottis de cortex cérébral est effectué
a f i n d e r e c h e r c h e r Cowdria ruminantium dans I’endothélium des vaisseaux.
Matériel animal
Les moutons Waralé (Touabir x Peulh) utilisés proviennent de la zone
sahélienne où la tique A.
v a r i e g a t u m e s t t r è s r a r e e t tres l o c a l i s é e . C e s
animaux tous adultes et des deux sexes sont en principe
indemnes de
cowdriose. Deux lots d’une trentaine de bêtes sont constitués.
- Lot 1 : lot témoin
- Lot 2 : moutons vaccin&
atténué@ p a r passag-e$sur
culture de cellules endothelialesc/l ml de surnageant de culture%st dilué dans
29 ml de tampon de sucrose
osphate glutamate pH 7,0. Chaq
par voie intraveineuse 1 ml 4 e la suspension ainsi constituée
1993).
. ./. .

-3
e Cowdria ruminan tium))
w entretenue sur cultures cellulaires est Utilisé# comme antigèn
/
antigène est conservé sous forme de corps élémentaires et de
en aliquots de 200 yl.
Immunofluorescence indirecte
Après décongélation, la suspension d’antigène est diluée au l/lOO dans du
PBS (pH = 7,4) et déposée sur des lames à immunofluorescence à raison de 10
ul par spot. Les lames sont séchées puis fixées avec du méthanol et utilisées
immédiatement. Sur chaque spot, on dépose 10 ul de serum dilué au 1/80 et on
incube en atmosphère humide à la température du laboratoire pendant 30
mn. Chacune des lames porte un sérum négatif et un serum positif, dilués au
1/80, servant de témoins de spécificité. Les lames sont ensuite lavées une fois
avec du PBS puis trempées dans cette solution durant 10 mn. Du sérum anti-
IgG bovines conjugué à la fluoresceine
et dilué au I/l00 dans du PBS
contenant 0,Oi p. 100 de bleu Evans à 1 p. 100 est ajouté. Les lames sont
remises en atmosphère humide pendant 30 mn puis lavées et trempées comme
précédemment dans du PBS.
Les lames sont montees avec du glycérol et examinées au microscope a
immunofluorescence.
RESULTATS
m
cination en station
L’analyse des sérums recueillis sur les moutons avant l’injection de la
souche atténuée et aux 1V et 219 jours aprés cette inoculation donne par la
technique de I’immunofluorescence indirecte les resultats suivants :
- pour le prélèvement prévaccinal, les 30 animaux sont tous négatifs
- q u a n t a u x prélévements d e s 15e e t 21e j o u r s , i l s s e s o n t r é v é l é s
positifs pour l’ensemble des moutons.
.a. /. . .

-4
Aucune mortalité n’est enregistree au bout d’un mois de maintien de ces
animaux en station.
Exposition a l’infection naturelle
Les tableaux 1 et 2 illustrent en détail le comportement des deux lots sur
le terrain.
- Lot témoin (Tableau 1)
Sur 30 moutons, seuls 8 ont survecu après leur introduction dans la zone
d’enzootie. Les 22 autres individus sont morts de cowdriose. Tous ces cas de
mortalité sont survenus dans un délai de moins de 3 mois.
- Lot des moutons vaccinés (Tableau 2)
Sur les 30 animaux, 13 ont succombé a la suite de leur introduction dans
la zone des Niayes. Au diagnostic, ii est noté : 2 cas d’infection à Cowdria
ruminantium, associés à Ehrlichia ovina (LESTOQUARD et DONATIEN, 1936) et a
Anaplasma ovis
3 cas d’ehrlichiose +rkL ainsi que 2
w
7
les 6 autres moutons, aucun hémoparasite
n’est décelé sur es frottis de sang, ni aucune Cowdria au niveau du cortex,
DISCUSSIONS
Malgré la pression pathologique endémique due à la cowdriose dans la
région des Niayes,
les animaux qui ont reçu la souche at énuée s u p p o r t e n t
dY-
bien
l’exposition à l’infection naturelle
individus non
x
vaccinés. L’issue fatale des deux cas d’infection à Cowdria observé F
résu Itert
‘J(
de l’interaction avec d’autres rickettsioses en l’occurence I’ehrlichiose e t
I’anaplasmose qui ont
A
1
rédu??& la capacité de résistance des
moutons et favoris&la multiplication des Cowdria. Le même phénomène a été
o b s e r v é s u r l e s i t e a c t u e l l o r s d e t r a v a u x anterieurs relatifs B des essais
d’immunisation d’un lot de moutons en pratiquant la methode de l’infection
suivie de traitement (GUEYE et al., 1989) ; sur 17 animaux inocules avec une
souche v i r u l e n t e puis Waités,
2 individus ayant contracté I’ehriichiose ou
I’anaplasmose ont en effet présenté à leur mort des Cowdria dans le cortex
cérébral.

TABLEAU 1 : LOT TEMOIN (Introduction dans la ,ségion des Niayes, 3 décembre 1992)
DUREE DE VIE APRES INTRODUCTION (jours)
0
0
F:
m
z
5:
z
0
oin
DIAGNOSTIC
No
l-l
b
z
m
/
I
l
I
I
I
I
I
I
I
/
M 841
'+
C
M 842
M 843
4
M 844
4
C
M 845
4
C
M 846
4
C
M 847
4
c
M 848
-4
C
M 849
4
M 850
-L
M 8 5 1
4
C
M 852
4
c
M 853
M 854
4,
C
M 855
M 856
M 857
4
c
M 858
4
C
M 859
4
c
M 860
C
M 8 6 1
4
C
M 862
-4
C
M 863
-4.
C
M 8 6 4
C
M 865
C + A
M 866
M 8 6 7
4
C
M 868
C
M 869
C
M 870
4
C
v
l-
C = cowdriose
A - anaplasmose
+ :'début de l'hyperthermie

TABLEAU 2 : LOT 2 - MOUTONS VACCINES (Introduction dans la région des Niayes, 3 décembre 1992)
DUREE DE VIE APRES 1,NTRODUCTION (Jours)
No
0
0
4
i-2
0
r-3
s
0
0
0i.n
I
vi
s
h
00
m
DIAGNOSTIC
I
I
l
I
I
I
I
I
1
I
I
I
I
1
I
I
I
I
I
I
M 761
M 762
J.
A
M 763
+
EAC
M 764
+
E
M 7 6 5
+
M 7 6 6
-4,
M 7 6 7
+
M 768
A
M 769
E
M 770
M 7 7 1
A
M 7 7 2
M 7 7 3
E
M 774
+
M 775
A
M 776
J-
E C
M 777
+
E
M 778
+
M 7 7 9
M 780
-
M 7 8 1
M 7 8 2
E
M 783
+
E
M 7 8 4
M 7 8 5
M 786
M 7 8 7
M 788
+
E
M 789
+
E
M 790
A = anaplasmose
E = ,&hrlichiose
C -.dowdriose
+= .début hyperthermie

-5
L e s r é s u l t a t s d e c e s d e u x e x p é r i e n c e s
d ’ i m m u n i s a t i o n m o n t r e n t par
ailleurs qu’une infection à
E h r l i c h i a ovina o u à A n a p l a s m a ovis b i e n que
pathogène n’entraîne pas forcément la prolifération de Cowdria chez un animal
immunisé soumis à la transmission
n a t u r e l l e , e l a
rickettsie.
L’infection à
G@
/
C o w d r i a
.I G@f. #@f-t’ I *
e s t p a r c o n t r e b e a u c o u p p l u s
,
e s t b i e n
illustrée dans le cas particulier du mouton M 776. Ce mouton présentant une
hyperthermie pendant 4 jours et des Ehrlichia dans le sang est ramené à la
station à des fins d’isolement de souche.
II meurt au bout de 3 jours. A
l’autopsie, on note un hydrothorax important, une hydropéricardite, une Iégere
ascite, des lésions hémorragiques tres marquées, notamment au niveau des
reins ;
l e f r o t t i s d u c o r t e x c é r é b r a l r é v è l e d e n o m b r e u x a m a s d e C o w d r i a
ruminantium. Le sang de cet animal est inoculé au mouton M 754 qui fait une
hyperthermie au lZe jour et meurt au l!P jour sans que l’on puisse retrouver
les Ehrlichia identifiés précédemment. Tout s’est passé chez le mouton M 776
comme si I’ehrlichiose a préparé le lit d’une nouvelle infection à Cowdria qui
s’est imposée alors comme affection majeure, fatale pour l’hôte.
D e s c a s d e m o r t a l i t é d o n t I ’ é t i o l o g i e
r e s t e i m p r é c i s e s o n t e n o u t r e
e n r e g i s t r é s l o r s d ’ i n t r o d u c t i o n d e m o u t o n s d e l a z o n e s a h é l i e n n e d a n s l a
région des Niayes plus humide et plus froide (GUEYE et a/., 1989). S’agit-il
d’un probléme d’adaptation au milieu ?
CONCLUSIONS
La souche atténuée de Cowdria ruminantium confère une
immunité aux
moutons. Cette protection est cependant à elle seule insuffisante pour assurer
la survie des animaux dans des zones écologiques comparables à la zone des
Niayes, où prolifèrent de nombreux vecteurs capables de transmettre diverses
rickettsioses. La vaccination combinée à une réduction stratégique des tiques
peut contribuer à consolider la stabilité enzootique vis-à-vis de la cowdriose
e n
m ê m e t e m p s q u e
s e r o n t m i n i m i s é e s l e s p e r t e s d i r e c t e m e n t l i é e s à
I’infestation.
v%=t?c, @#$%5+F-
,Q#&yt&~
1

-6
B I B L I O G R A P H I E
L/
l- GUEYE (A.), MBENGUE (Mb.), KEBE (B.), DIOUF (A.)
Note épizootiologique sur la cowdriose bovine dans les Niayes du
Sénégal.
Rev. Elev. Méd. V&. Pays trop., 1982, 35 (3) : 217-219.
- GUEYE (A.), MBENGUE (Mb.), DIOUF (A.)
Situation Bpizootiologique actuelle de la cowdriose des petits ruminants
dans les Niayes du Senegal.
Rev. ELev. Mad. V&. Pays trop., 1984, 37 (3) : 268-271.
r/.
3 - GUEYE (A.), VASSILIADES (G.)
Traitement et perspectives de chimioprophylaxie de la cowdriose ovine
par une oxytetracycline ZI longue durée.
Rev. Elev. Méd. V&. Pays trop., 1985, 38 (4) : 428-432.
GUEYE (A.), MBENGUE (Mb.), DIOUF (A.), SEYE (M.)
Tiques et hémoparasitoses du bétail au Senégal.
i - La région des Niayes.
Rev. Eh. Med. V&. Pays tron, 1986, 39 (3-4) : 381-393.
v 5- GUEYE (A.), MBENGUE (Mb.), DIOUF (A.), VASSILIADES (G.)
Prophylaxie de la cowdriose et observation de la pathologie ovine dans
la région des Niayes.
Rev. Elev. Med. V&. Pays troc)., 1989, 42 (4) : 497-503.
6-
d
GUEYE (A.), MBENGUE (Mb.), DIOUF (A.)
Epidemiologie de la cowdriose au Sénégal.
l - Etude de la transmission et des taux d’infection
d’Amb/yoma variegatum (Fabricius, 1794) dans la
region des Niayes.
Rev. Elev. Méd. VBt. Pays trop., 1993 (a paraître)
7- JONG;AN (F.)
v
Protective immunity to heartwater (Cowdria ruminantium infection) is
acquired after vaccination with in vitro attenuated rickettsiae, Infect.
Immun., 1991, 59 : 729-731.
c
8- JONGAN (F.), VOGEL (S.W.), GUEYE (A ) $& UILENBERG (G.)
Vaccination against heartwater using ;r? vitro attenuated Cowdria
ruminan tium organ i sms.
Rev. Elev. Méd. V&. Pays trop., 1993 (a paraître)
v”

R E S U M E
Les auteurs rapportent les résultats d’un essai sur le terrain d’une
souche sénégalaise
d e Cowdria ruminantium atténuée par passage sur
culture cellulaire. 30 moutons vaccinés et 30 moutons témoins sont introduits
dans la région des Niayes et font l’objet d’un suivi quotidien. Dans le lot
témoin, 22 cas de mortalité dûs à la cowdriose sont observés dont seul 1 cas
est associé à I’anaplasmose.
Dans le lot vacciné,
13 animaux sont morts et
des Cowdria n’ont été decelés que sur 2 moutons qui souffraient auparavant
d’ehrlichiose ou d’anaplasmose ; 3 cas d’ehrlichiose et 2 cas d’anaplasmose
-sont également enregistrés. Le probléme de l’interaction pathologique
semble être a l’origine de la baisse de la résistance chez les deux individus
vaccinés
qui présentent des Cowdria dans le cortex cérébral. Les autres
animaux du lot n’ont pas presenté une infection à Cowdria