A N N A L E S DJ3 PARASITOLOGIE HUMAINE ET ...
A N N A L E S
DJ3
PARASITOLOGIE
HUMAINE ET
COMPARE&3
Coexistence de Nématodes Trichostrongyloides
chez des Marsupiaux de Guyane
par
O.-T. DIAW
Tome Lt, no 3, 1976
M A S S O N , E D I T E U R
120, BOULEVARD ST-GERMAIN - PARIS

Annules de Parasitologie (Paris), 1976, t. 51, no 3, pp. 355 à 363
Coexistence de Nématodes Trichostrongyloides
chez des Marsupiaux de Guyane
par O.-T. DIAW
Z.nboratoire
de %oologie (Vers), associé au C.N.R.S.,
Muséuw national d’Histoire naturelle, 43, rue Cuvier, ti 75231 Paris Cedex 05
Résum,
Analyse de l’helminthofaune de deux Didelplzis mursupialis comparée à celle faite par
Durette-Desset, 1974, chez un Metachircps opossum ‘de la même région.
Rien que l’équilibre général soit assez comparable, les différences entre les deux Marsu-
piaux sont sensibles, l’espèce dominante, en particulier, n’est pas la même. La localisation
des espèces communes ou des espèces vicariantes est stable. (Contrairement aux premières
notions acquises à ce sujet, il apparaît que la faune est constituée d’une seule et même
lignée, à l’exception des Moennigia, qui seraient des captures provenant des Xenarthes).
Coexistence of Nematodes Trichostrongyloidca in Marsupials from French Guyana.
Analysis of the helminthofauna of two Didelphis marsupialis, compared to that of a
Metuchirops opossum from the same area, studied by Durette-DesseNt, 1974. Except for their
similarities in the general repartition of the species, the two Marsupials are easily diffe-
rentiated: the dominant species is not the same.
The location of common or « vicariant »
species is stable. In opposition to former notions, the fauna appears to be composed of
but one lineage, except for Moenrzi,Tia, which would appear as captures from Xenearthes.

356
O.-T. DIAW
Les problèmes posés par la coexistence de plusieurs espèces dans l’intestin d’un
hôte ont été abordés à plusieurs reprises, chez divers groupes de Nématodes, en parti-
culier chez les Oxyures (voir A. Petter, 1966) et chez les Trichostrongyloidea (voir
Durette-Desset, 1971).
Ayant eu l’occasion dans un article précédent (cf. Diaw, 1976) d’étudier du point
de vue morphologique la faune intestinale de deux Marsupiaux originaires de Guyane,
il nous a paru intéressant de compléter ce travail en abordant les problèmes écologiques
et phylétiques posés par la présence de telles faunes.
Après avoir comparé nos résultats avec ceux trouvés chez un Metachirops opossunz
(cf. Durette-Desset, 1974), nous émettrons quelques hypothèses sur la formation de
l’helminthofaune (Trichostrongyloidea) chez les Marsupiaux néo-tropicaux.
1. Étude des Trichostrongyloidea
parasites de deux Didelphir marsupialis
1. Exposé des résultats :
Lors de l’autopsie, l’intestin du Didelphis no 327 BA a été divisé en huit parties
sensiblement égales, de l’estomac au cæcum, celui du Diddphis no 57 HA en quatre
parties, du duodénum au cæcum.
a) NOMBRE D'ESPÈCES TROUVÉES:
Chez le 327 BA, les espèces suivantes ont été trouvées : Travassostrongylus cdis
(Travassos, 1914) ; T. orloffi Travassos, 193 5 ; Vianmia vimnai Travassos, 19 14 ;
Moennigia dessetae Diaw, 1976. Chez le 57 BA, outre les quatre espèces précédentes,
on trouve également Travassostrongylus tourei Diaw, 1976 et Hoineffia cayennensis
Diaw, 1976. La faune du 327 BA se compose de 175 spécimens et celle du 57 HA de
1 542 spécimens.
TABLEAU 1. - Didelphis mursupialis
327 BA
TraVaSSO-
Espèces
Moennigia
Vimnaia
strongylus
T. callis
Totnl
N” Portion
dessetae
viannai
orloffi
1 ................
3
60
18
11
92
II ...............
17
27
22
66
III . . . . . . . . . . . . . .
6
6
3
15
IV ..............
2
2
Total ............
3
8.5
51
36
175
Pourcentages
. . . . .
48,7
29
20,7

NEMATODES TRICHOSTRONGYLOIDES EN GUYANE
357
liiliijii(l MOENNIGIA DESSETAE
39
m VIANNAIA VIANNAI
35
m TRAVASSO5TRONGYLU5 O R L O F F I
u T . CALLIS
3c
25
2c
1 5
1c
5

LJij:::,:::::
t--1--e-Y3+4-jt5-+--6-+--7~8-~
FIG. 1. - Répartition des différentes espèces de Trichostrongyloidea dans l’intestin d’un
Didelphis marsupialis (327 BA) originaire de Guyane française. L’intestin est divisé en huit
segments. Les chiffres en abscisse indiquent le numéro du segment depuis l’estomac jusqu’au
caecum. La totalité des individus de chaque espèce trouvée dans chaque segment est portée
en ordonnée.
b) FRÉQUENCE RELATIVE DES ESPÈCES:
Localisation dans l’intestin. Chez le Didelphis 327 BA, Viannaia viannai est l’espèce
la plus abondante (85 spécimens) ; elle est présente dans toutes les parties de l’intestin
et pour les 9/10 dans le quart antérieur. T. orloffi et T. callis, moins abondants que
V. viannai (51 spécimens pour la première espèce, 36 pour la seconde), sont répartis
-

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dans tout l’intestin, sauf dans le quart postérieur, et sont plus abondants dans la partie
antérieure. M. dessetae est une espèce très rare (3 spécimens) localisée dans la partie
antérieure. Chez le 57 HA, V. viannai est l’espèce la plus abondante (1 410 spécimens)
et se trouve dans toutes les parties de l’intestin, ‘dont les 9/ 10 dans la moitié antérieure.
T. orloffi, T. callis et T. tourei sont nettement moins abondants que V. viannai, repré-
TABLEAU II. - Didclphis
nmrsupialis
57 HA
Estomac
. .
5
108
3
12
1 2 8
1 . . . . . . . . . . . . . . .
5 5 9
16
5
9
589
II . . . .
‘_’
6 2 4
2 8
17
1 9
6 8 8
III
. . . .
1 1 2
123
IV .
7
7
II
1 4
Total . . . . . . .
5
1410
7
4-l
3 4
3 9
1 542
P o u r c e n t a g e s .
91,4
3
22
2,5
sentés sensiblement par le même nombre de spécimens (respectivement 47, 34 et 39).
Les deux premières espèces se trouvent dans l’estomac et la moitié antérieure de l’intes-
tin ; T. tourei, absent de l’estomac, existe aussi dans la moitié antérieure de l’intes-
tin, mais se trouve en outre dans la partie III. H. cayennemis
est peu représenté (7)
et n’existe que dans le quart postérieur. M. dessetae est très rare (5 spécimens) et
n’existe que dans la partie antérieure (fig. 1, 2 et tableaux I, II).
2. Comparaison des deux faunes :
a) DIFFÉRENCES
La faune du 57 HA est plus abondante (1 542 spécimens) que celle du 327 BA
(175 spécimens) ; elle possède également plus d’espèces (6) alors que le 327 BA n’en
possède que 4.
b) RESSEMBLANCES :
Quatre espèces sont communes aux deux Didelphis : T. callis, T. orloffi, V. viannai
et M. dessetae. Leur localisation dans l’intestin est identique pour chacun des deux
individus-hôtes.

NEMATODES TRICHOSTRONGYLOIDES EN GUYANE
359
f
HOINEFFIA CAYENNfNSIS
.
.
:

L
C.-Elt.-+x- 1 - *- 2 .-* - 3 --. .

//r;.%-,
:I
II
il
:: 4 .-+

FIG. 2. - Répartition des différentes espèces de Trichostrongyloidea dans l’intestin d’un
Didelphis mnrsupialis (57 HA) originaire de Guyane française. L’intestin est divisé en
quatre segments. Les chiffres en abscisse indiquent le numéro du segment depuis l’estomac
inclus jusqu’au cæcum. La totalité des individus de chaque espèce trouvée dans chaque
segment est portée en ordonnée.
Annales de Parasitologie
humaine et comparée (Paris), t. 51, na 3
24

3 6 0
O.-T. DIAW
II. Comparaison avec l’helminthofaune
d’un autre Marsupial de la même famille
et de la même région :
Metiachàrops opossum
1. Rappel des résultats.
L’intestin du Metachirops a été divisé en trois parties sub-égales du duodénum au
caecum. La faune comprend 67 spécimens répartis en quatre espèces : T. paraquintus
Durette-Desset, 1974, V. viannai, V. rnetachirops Durette-Desset, 1974 et M. dessetae
Diaw, 19786. T. paraquintus est l’espèce la plus abondante (50 spécimens) et se trouve
dans tout l’intestin, répartie de façon équivalente dans les trois parties. V. viunnai
(21 spécimens) se trouve également dans tout l’intestin avec une répartition homogène.
V. metachirops peu abondante (3 spécimens) n’est présente que dans la partie moyenne.
Enfin, M. dessetae est représentée par trois spécimens et ne se trouve que dans la
partie antérieure (fig. 3 et tableau 111).
TABLEAU III. - Metachirops opos,wm
Travasso-
Espèces
Viunnaia
Vionnaia
Moennigia
N”
strongylus
Portion
paraquintus
viannai
metuchirops
dessetae
Total
1 . . . . . . . . . . . . . . . .
1 7
3
3
2 3
II . . . . .
2 0
5
3
2 8
III . . . , <
1 3
3
1 6
Total . . . . . . . . .
5 0
1 1
3
3
6 7
Pourcentages
. . . . .
33,5
7,37
2,Ol
2,0 1
-
-~-_
2. Comparaison entre les faunes des Didelphis et du Metachirops :
A l’analyse, la composition des deux faunes apparaît comme étant très proche. Sur
les quatre genres connus à la fois chez Didelphis et Metachirops, trois sont communs ;
Viannaia, Travassostrongylus,
Moennigia et sur les huit espèces décrites, deux sont
communes : V. viannai et M. dessetae. Chez les deux hôtes, V. viannai a la même loca-
lisation et est répartie de façon homogène ; M. dessetae est peu abondante et à locali-
sation antérieure.
Morphologiquement nous avons vu (cf. Diaw, 1976) que T. paraquintus, parasite
du Metachirops, était l’espèce la plus proche de T. tourei (parasite d’un des deux

NEMATODES TRICHOSTRONGYLOIDES EN GUYANE
361
Didelphis). Les deux espèces, réparties dans tout l’intestin (sauf le quart postérieur pour
T. tourei) pourraient donc être considérées comme des vicariantes.
Enfin V. metachirops et H. cayennensis, bien qu’appartenant à deux genres diffé-
rents, sont deux espèces morphologiquement très atypiques, rares et à localisation bien
précise : V. metachirops dans la partie moyenne et H. cayennensis dans la partie posté-
a TRAVASSOSTRONGYLUS
PARAQUINTUS
m V I A N N A I A VIANNAI ;
MOENNIGIA DESSETAE
m VIANNAIA METACHIROPS
.
-’
x
a-----+
.
FIG. 3. - Répartition des différentes espèces de Trichostrongyloidea dans l’intestin d’un
Metachirops op~ssurn originaire de Guyane française (d’après Durette-Desset, 1974). L’intestin
est divisé en trois segments. Les chiffres en abscisse indiquent le numéro du segment depuis
L’estomac jusqu’au cæcum. La totalité des individus de chaque espèce trouvée dans chaque
segment est portée en ordonnée.
rieure de l’intestin. Seules, T. callis et T. orloffi, présentes chez les deux Didelphis,
n’ont pas leur équivalent chez le Metachirops.
Nous constatons donc que les deux faunes ont un équilibre général assez compara-
ble. Il existe chez les deux faunes une espèce dominante, mais différente pour chaque
hôte : T. paraquintus chez le Metachirops et V. vianrzai chez les deux Didelphis. De
plus, alors que chez le Metachirops le nombre global de spécimens dans chaque partie
de l’intestin est équivalent, il décroît d’avant en arrière chez les deux Didelphis. NOUS
pensons cependant qu’il ne faut attribuer qu’une valeur relative à ce résultat, car il
porte seulement sur l’autopsie de trois animaux.

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O.-T. DIAW
III. Hypothèse sur la formation de l’helminthofaune
(Trichostrongyloidea)
chez les Marsupiaux néotropicaux
Cette faune est composée de quatre genres : Travussostrongylus,
Moennigia, Hoi-
neffiu et Viunnaia. D’après Durette-Desset, 1971, les genres Moennigia, Viannuia et
Travassostrongylus se répartissent en trois lignées : « Moennigia », « Viannaia », « Vexil-
Zuta » et en deux familles différentes : Heligmosomidae et Trichostrongylidae. Alors
que Viannaia et Travassostrongylus sont des genres qui ont évolué chez les Marsupiaux,
le genre Moennigia n’a réussi sa poussée évolutive que chez les Edentés chez lequels
il existe un très grand nombre d’espèces. De plus, aussi bien chez Didelphis que chez
Metachirops, c’est la même espèce (M. dessetae) qui a été trouvée et en petit nombre.
Nous considérons ‘donc que la présence de Moennigia n’est pas primitive chez les Mar-
supiaux et nous pensons qu’il s’agit d’un parasite de capture. En ce qui concerne les
autres genres, deux éléments semblent indiquer qu’on est en présence, en fait, d’une
seule et même lignée évolutive :
1. Le synlophe du genre Viannaia est constitué de trois arêtes cuticulaires ventrales,
Or, le synlope de la L4 de Travassostrongylus est très proche de celui du genre
Viannaia avec 6 arêtes ventrales dont 3 fortes.
2. Le genre Hoineffia possède une bourse caudale typique d’un Travassostrongylus
primitif (côte 4 plus courte que la côte 5) et un synlophe typique du genre Viannaia.
L’hypothèse la plus vraisemblable est de considérer que les genres Travassostron-
gylus et Viannaia ont un ancêtre commun proche du genre Hoineffia (synlophe avec
3 arêtes ventrales, bourse caudale de Travassostrongwvlus primitif), et dont la femelle
serait encore didelphe.
L’évolution se serait effectuée par la perte d’un utérus pour les genres Hoineffia
et Viannuia, et par l’apparition d’arêtes dorsales pour le genre Travassostrongylus.
Contrairement aux apparences, nous pouvons donc considérer que les trois genres
constituant l’helminthofaune de ces Marsupiaux appartiennent en fait à la même lignée
évolutive.
IV. Conclusions
D’après ce qui précède, l’helminthofaune des Marsupiaux est caractérisée par les
éléments suivants :
1) L’abondance relative de chaque espèce est très variable d’un individu hôte à
un autre, mais, cependant, dans les trois cas, nous avons trouvé une espèce dominante
(Viannaia chez les Didelphis, Travassostrongylus chez les Metuchirops).

NEMATODES TRICHOSTRONGYLOIDES EN GUYANE
363
2) Du point de vue phylétique, excepté le genre Moennigia que nous interprétons
comme un parasite de capture à partir des Xénarthres, il nous paraît possible de consi-
dérer que les genres Travassostrongylus,
Hoineffia et Viannaia appartiennent à la
même lignée évolutive. Ce sont les mêmes résultats qui ont été mis en évidence chez
les Hystricidés. Ainsi, les parasites de I’Arthérure (Hystricidé africain) et du Trichys
(Hystricidé asiatique) appartiennent à trois genres de la même lignée évolutive (cf.
Durette-Desset,
Diaw et Krishnasamy, 1975).
Bibliographie
DIAW (O.-T.), 1976. - Contribution à l’étude de Trichostrongyloidea parasites de Xenarthre,
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DZ:RETTE-‘DESSET
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rélations avec la paléobiogéographie
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sér., sér. A, ZOO~., 49, 126 p.
DURETTE-DESSET (M.-C.), 1974. - Nématodes (Trichostrongyloidea) parasites d’un Marsupial
de Guyane. Ann. Parasif. hum. camp., 49, 555-566.
DURETTE-DESSET (M.-C.), DIAW (O.-T.) et KRISRNASAMY (M.), 1975. - Quatre nouvelles
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Günther malais; comparaison avec la faute d’Athérures congolais. Ann. Para&.
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TIZAVASSOS (L..), 1914. - Trichostrongylinae brazileiros (Nota previa). Brazil Medico, 28,
163-164.
TRAVASSOS (L.), 1935. - Alguns novos generos e especies de Trichostrongylidae. Rev. Med.
cirurzica do Bruzil, 43, 345-361.