2VmsLjq Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1979, 32...
2VmsLjq
Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1979, 32 (2) : 131-13h
Un foyer de botulisme de type D,
lié à des modifications du milieu naturel,
observé chez des pélicans (Pelecanus rufescens)
du Sénégal (Petite Côte)
par M. P. DOUTRE
R É S U M É
Un foyer de botulisme de type D survenu chez des pélicans bruns estak’
cri&‘-‘
L’isolement de la souche responsable a permis de déterminer son pouvoir foxi-
nogène (DMM/souris : 10-7 ml). Le rejet d’eaux usées dans un marigot et la
construction d’un barrage expliquent la création d’un environnement parti-
culièrement favorable au développement de Clostridium botulinum. Ce tbyer de
botulisme survenu chez des oiseaux d’eau est le premier rapporté en Afrique de
l’Ouest et Centrale. La mise en évidence du type D chez I’avifaune aquatique
*
apparaît également comme un fait nouveau.
Le botulisme des oiseaux d’eau (Anatidés,
de ses zones humides (delta du Sénégal, Borgou
limicoles, etc...) a fait l’objet d’études nom-
boucle du Niger, bassin Logone-Chari-Tchad,
breuses aux Etats-Unis et au Canada où pério-
lacs de la vallée du Rift), un lieu d’hivernage
diquement des hécatombes d’espèces variées (18)
pour de nombreuses espèces paléarctiques.
sont notées le long des voies de migrations
L’avifaune résidente est elle-même abondante et
(flyways) du continent nord-américain (5, 14, 16).
les rassemblements d’oiseaux souvent rencon-
La maladie, connue sous les appellations de
trés sont comparables à ceux d’outre-Atlan-
« limberneck » et de « duck-disease », a revêtu
tique’
une importance considérable pendant la première
Le présent article se propose de décrire un
moitié du xxe siècle, époque durant laquelle des
foyer de botulisme survenu chez des pélicans
efforts considérables furent entrepris pour limi-
bruns (Pelecanus rufescey1s) demeurant sur un
ter les pertes.
marigot aménagé, dans la concession d’un
Si l’on s’en tient aux années récentes, l’affection
complexe hôtelier de la Petite Côte du Sénégal.
a été également signalée en Nouvelle-Zélande (15)
mais aussi en Europe, tout particulièrement en
Grande-Bretagne (2, 3, 13) et au Pays-Bas (8).
TECHNIQUE D’ÉTUDE
En Afrique, si l’on excepte un foyer rapporté
en Afrique du Sud (9), aucune information
Un pélican brun est amené au Laboratoire à
n’existe à notre connaissance. Ce fait peut
la mi-janvier 1.979. L’animal est paralysé, mais
paraître surprenant, car la zone éthiopienne cons-
encore en vie. Il appartient à une colonie de
titue, par ses réserves alimentaires et l’étendue
plusieurs dizaines d’individus où déjà des mor-
talités importantes ont été observées depuis
(*) Chef du service de Bactériologie au Laboratoire
plusieurs semaines. Les commémoratifs sont
national de IlElevage et de Recherches vétérinaires
(1. S. R. A:), B. P. 2057 Dakar-Hann, République du
imprécis. Une analyse d’eau classique, effectuée
Sénégal.
par l’Institut Pasteur de Dakar, n’apporte pas
- 131 -

d’éléments pouvant expliquer les accidents
300 sujets, actuellement on en dénombre une
rencontrés.
cinquantaine. Certaines semaines, 7 à 8 cadavres
L’autopsie n’offre qu’un parasitisme vermi-
sont notés ou ramassés et ceci dès le début de la
neux intestinal intense et un foie présentant à
saison des pluies 1978,
la section un suintement biliaire marqué.
- depuis la création du complexe hôtelier
Des ensemencements aérobies (sang du cœur,
(6 ans), des aménagements ont été réalisés au
foie, contenu intestinal après enrichissement)
niveau du marigot appelé improprement « Ia-
et anaérobies (foie, contenu intestinal) sont effec-
gune ». Un barrage a été édifié qui supprime
tués sur milieux ordinaires.
désormais toute communication avec la mer.
Une communication précaire est rétablie dans
RÉSULTATS
le sens marigot-océan en saison des pluies seule-
ment (fig. 1),
Aucune des cultures en milieux aérobies ne
- les eaux usées des cuisines, de l’eau à
permet d’isoler un germe pathogène quelconque
100 “C en provenance d’une buanderie, les
(Pasteurella, Sulmonellu, etc...).
lisiers d’une porcherie et les déchets d’un abat-
Par contre, les surnageants, dilués au IjlOO,
toir privé (porcs) sont déversés dans le marigot.
des cultures de foie et de contenu intestinal en
Aucune station d’épuration n’existe actuelle-
milieu viande-foie, glucosé à 10 p. 100, après
ment et cette situation est fortement ressentie
4 jours d’incubation à 37 “C provoquent la
par la direction et le personnel très conscients
mort de souris, en moins de 4 h (0,20 ml).
du problème,
La culture mixte de foie, contaminée par un
- la nappe liquide à proximité immédiate
microcoque gram f, est seule conservée pour
du barrage et de la route sur buses est de couleur
les manipulations ultérieures. Chauffée 10 mn à
vert sombre, chargée d’un phytoplancton abon-
80 “C et repiquée, elle fournit une subculture
dant... A proximité du lieu de déversement des
pure d’un
eaux usées, des bancs de plantes aquatiques pros-
Clostridium dont le surnageant,
après 5 jours de culture, tue la souris à la dilu-
pèrent sur des hauts-fonds.
tion de 10p7 ml.
Des précisions sont recueillies sur l’évolution
La toxinotypie botulique classique (100 DMM
du niveau des eaux. Au cours des années pas-
souris mélangées à une unité antitoxique de
sées, en raison des conditions climatiques excep-
chacun des sérums antibotuliques A, B, C, D,
tionnelles, le marigot s’assèchait très rapidement
E ; chaque mélange est inoculé à 5 souris SOUS
dans la zone de débouché des produits de déchets,
un volume de 0,20 ml) montre que l’on se trouve
lesquels stagnaient par flaques, entourées d’une
en présence d’un foyer de botulisme aviaire
boue sableuse durcie qui permettait même le
de type D.
passage de chevaux. Pour la première fois, en
La souche isolée présente les caractères bio-
1978, les pluies d’hivernage normales, accrues
chimiques habituels des souches de ce type pré-
par les précipitations inhabituelles de la petite
cédemment rencontrées au Sénégal (4, 6). La
saison des pluies, ont considérablement augmenté
toxine produite en milieu VF glucosé ne contient
le volume des eaux qui en janvier demeurent
pas, ou renferme une quantité trop faible, de
encore à un niveau élevé, plus que suffisant pour
substance toxique convulsivante, soluble, non
assurer une communication permanente directe
antigénique,
insuffisante pour empêcher la
entre les points fréquentés par les pélicans et
sérotypie. Ce fait avait déjà été remarqué dans un
l’arrivée des détritus divers.
cas récent (6), il en allait tout autrement de la
Ces modifications apportées au milieu natu-
première souche isolée (4).
rel suffisent pour expliquer l’apparition de ce
foyer de botulisme aviaire, phénomène jusqu’à
DISCUSSION
ce jour inconnu au Sénégal. L’échauffement
d’eaux stagnantes, chargées en matières orga-
Enquête sur le terrain
niques, provoque un développement excessif
de la flore algaire et microbienne où Clostridium
A la suite des résultats obtenus en laboratoire,
botulinum trouve des conditions de croissance
un déplacement est accompli sur les lieux de
particulièrement favorables. Il est intéressant de
résidence de la colonie de pélicans en cause. Les
souligner que le genre responsable a été mis en
renseignements suivants sont recueillis :
évidence dans le foie et l’intestin et que l’on se
- la colonie comptait dans le passé environ
trouve, tout au moins pour l’oiseau reçu au
- 132 -

L'EXPLOITATION DES PATURAGES DE SAVAT?E
A S S E C H E MENI
4
_-- L
Fig. I.-Schéma du marigot (longueur à la mi-janvier:200 m,
en fin de saison des pluies :2 km) ,
Laboratoire, en présence d’un cas de toxi-infec-
Sur le plan bactériologique, les études passées
tion et non d’intoxination (la littérature rap-
nous montrent que le botulisme des oiseaux
porte le plus souvent des cas d’intoxination chez
d’eau est principalement occasionné par le
les oiseaux d’eau) (1, 5, 8, 9, 10, 11).
type C de Clostridium botdinum. Le sous-type
Les mesures préconisées, pour prévenir le
alpha du type C, dont l’existence est désormais
retour d’une telle situation, découlent de I’ana-
contestée par JANSEN (12), avait été découvert
lyse des causes. En premier lieu. il est indis-
en Amérique du Nord lors des enzooties de
pensable d’assurer le libre accès du marigot à
« limberneck ». Le type pisciaire E est souvent
la mer, ensuite le rejet dans ses eaux de tout
cause de mortalités chez les mouettes et les
élément organique polluant est formellement à sternes. Mais à notre connaissance, aucun cas
proscrire. La construction d’une station d’épu-
de botulisme de type D n’avait encore été rap-
ration s’avère ainsi impérative.
porté chez l’avifaune aquatique.
S U M M A R Y
An outbreak of botulism type D, caused by changes in natural environ-
ment, in pink-backed pelicans (Pelecanus rufescens) (Petite Côte, Sénégal).
An outbreak of botulism type D which occurred in pink-backed pelicans
is described. The isolation of the strain involved has allowed to determine its
toxinogenic property (DMM : 10-7 ml). The running of waste waters in a
marigot and the building of a dam explain the development of an environment
particularly favourable to the growing of Clostridium botulinum. This water-
fowl outbreak of botulism is the first reported in Western and Central Africa.
The demonstration of type D in waterfowl appears also as a new fact.
RESUMEN
Un foco de botulismo de tipo D, ligado con modificaciones del medio natural,
observado en pelicanos (Pelecanus rufescens) de Senegal (Pequena Costa)
Se describe un foco de botulismo de tipo B ocurrido en 10s pelicanos pardos.
El aislamiento de la cepa responsable permit3 determinar su po&r toxine-
geno (DMM/rat& : 10-7 ml).
-. 133 -

El echamiento de aguas residuales en un brazo de rio y la construction
de un embalse explican la creacion de un medio ambiente particularmente favo-
rable a1 desarrollo de Clostridium botulinum. Este foco de botulismo ocurrido
en las aves de agua es el primer notado en Africa del oeste y del Centro. El
evidenciar del tipo D en las aves acuaticas parece también nuevo.
BIBLIOGRAPHIE
1. BELL (J. F.), SCIPLE (G. W.), HUBERT (A. A.).
num type C from an outbreak of botulism in wild
A micro-environment concept of the epizoology of
geese..j. S. Afr. vet. A~S., 1973,4l : 53-56.
avian botulism. J. Wildl. Mgmt., 1955, 19 : 352-357.
10. HUNTER (B. F.). Ecoloav of waterfowl botulism
2. BLANDFORD (T. B.), ROBERTS (T. A.), ASH-
toxin production. Trans. N.-Amer. Wildl. Nat. Resour-
TON (W. L. G.). Losses from botulism in mallard
ces CO~I~., 1970 : 64-72.
duck and other waterfowl. Vet. Rec., 1969, 85 (20) :
11. HUNTER (B. F.), CLARK (W. E.), PERKINS (P.
541-543.
J.), COLEMAN (P. R.). Applied botulism research
3. BORLAND (E. D.), MORYSON (C. J.), SMITH (G.
including management recommendations. Sacra-
R.). Avian botulism and the hiah orevalence of
mento, California, Calif. Dept. Fish & Game, 1970.
Ciostridium botulinum in the NoFfolk Broads. Vet.
12. JANSEN (B. C.), KNOETZE (P. C.). The taxonomie
Rec., 1977, 100 (6) : 106-109.
position of Clostridium botulinum type C. Onderste-
4. CHAMBRON (J.), MARTEL (J. L.), DOUTRE (M.
poort J. vet. Res., 1977, 44 (2) : 53-54.
P.). Le botulisme équin au Sénégal. Premier isolement
13. KEYMER (1. F.), SMITH (G. R.), ROBERTS (T.
de Clostridium botulinum type D. Rev. Elev. Méd. vét.
A.), HEANEY (S. I.), HIBBERD (D. J.). Botulism
Puys trop., 1971, 24 (1) : 1-17.
5. DAVIS (J. W.), ANDERSON (R. C.), KARS-
as a factor in waterfowl mortality at St. James Park,
London. Vet. Rec., 1972, 90 : 111-114.
STAD (L:), TRAINER (D. 0.). Infectiousand para-
sitic diseases of wild birds. Ames, Iowa. U. S. A.. The
14. LEWIS (K. H.), CASSEL (K. Jr.). Botulism. Proc. qf
Iowa State Univ. Press, 1971.’ ’

a Svmo.. ian. 13-15. 1964. U. S. Cincinatti. Ohio.
6. DOUTRE (M. P.), TOURE (B.). A propos d’un
Dept. of’Hlth Education & ‘Welfare, Public Hlth Serv.;
nouveau cas de botulisme hydrique de type D sur-
dec. 1964.
venu au Sénégal. Considérations étiopathogéniques.
15. MARTINOVICH (D.), CARTER (M. E.), WOOD-
Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1978,31 (4) : 411-415.
HOUSE (D. A.), McCAUSLAND
(1. P.). An out-
7. GRETILLAT (S.), MOREL (P.). Nématodes et tré-
break of botulism in wild waterfowl in New Zealand.
matodes trouvés chez un pélican (Pelecanus ono-
N. Z. vet. J., 1972,20 : 61-65.
crotalus L.) au Sénégal. Bull. Inst. Fr. Afr. Noire, 1961,
16. MIERZEJEWSKI (J.). Botulism zwierzat domowych
23(2):423-437.
i dzikich. Varsovie, Panstwowe Wydawnictwo rol-
8. HAAGSMA (J.), OVER (H. J.), SMITH (T.),
nicze i lesne, 1969.
HOEKSTRA (J.). Botulism in waterfowl in the
17. SCHWARTZ (L.), SMART (G.), Control of botulism
Netherlands in 1970. Nether. J. vet. Sei., 1972, 5 : 12-
in wildfowl. J. Am. vet. Med. A~S., 1963, 143 : 163.
34.
18. SMITH (L.). Botulism. The organism, its toxins, the
9. HAY (C. M. E.), VAN DER MADE (H. N.),
disease. Springfield, Il 1~ U. S. A. Charles C. Thomas
KNOETZE (P. C.). Isolation of Clostridium botuli-
éd., 1977.
- 134 -