Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1972, 25 (2): ...
Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1972, 25 (2): 191-194
De l’étiologie du farcin de zébus tchadiens
Nocardiose ou mycobactériose ?
III. Activité amidasique
par G. CHAMOISEAU (*)
RESUME
L’activité amidasique de cinq souches «lentes » et trois souches
« rapides » de mycobactéries atypiques isolées de lésions de farcin a été
étudiée à l’égard de neuf amides. Cette étude permet de conclure que
ces deux types de souches ont un équipement en amidases semblable ne
différant que du point de vue quantitatif.
Il a déjà été établi (1, 2, 5) que les
leur étude biochimique, dans le dessein d’appro-
Actinomycétales responsables du farcin des
fondir leurs points de ressemblance et de
zébus du Tchad ne sont pas des Nocardia,
dissemblance, et de préciser leur position
comme le laisseraient croire leur morphologie
taxonomique.
filamenteuse et ramifiée ainsi que leur pouvoir
C’est le but de ce travail qui vise à l’étude
pathogène. Ce sont des mycobactéries atypi-
de leur activité amidasique.
ques vraies comme le prouve leur constitution
lipidique. Les Actinomycétales isolées de lésions
de farcin de bovins sénégalais appartiennent
MATERIEL ET METHODE
également au genre mycobacterium (4, 5). Ces
souches ne renferment en effet aucun acide
A. Souches
nocardomycolique, mais bien les acides myco-
liques des mycobactéries. Les souches sénéga-
Huit souches de mycobactéries atypiques
laises se distinguent cependant de celles du
firent l’objet de cette étude.; cinq provenant
Tchad par quelques particularités d’ordre bac-
de lésions de farcin de zébus du Tchad, et
tériologique et biochimique, la rapidité de la
présentant la particularité d’une croissance
croissance et l’équipement en uréase notam-
lente (2 à 3 semaines d’incubation); trois
ment (5).
provenant de lésions de farcin de bovins séné-
galais, et présentant la particularité d’une
Ces deux types de germes, tchadiens à
croissance rapide (48 heures d’incubation). Les
croissance lente, sénégalais à croissance rapide,
souches tchadiennes N lentes N sont désignées
passent donc, du fait de leur constitution
par les lettres A, B, C, D, E. Les souches
chimique, du genre Nocardia dans le genre
sénégalaises (( rapides N sont numérotées 378,
Mycobacterium. 11 importe alors de compléter
397, 781.
Elles ont toutes été cultivées sur gélose
(“) Laboratoire de Recherches vétérinaires de
tryptose-sérum. Le temps d’incubation à 37” C
Farcha, Fort-Lamy, Tchad. Adresse actuelle : Imperial
Veterinary Tnstitute, P.O. Box 19, Debre Zeit, Ethiopie.
pour obtenir un culot de germes, suffisant à
- 191 -

l’étude projetée, étant fonction des particula-
10 mcg, 5 mcg, 3 mcg, 2 mcg, 1 mcg, et dont
rités culturales signalées.
la coloration est révélée à l’aide des réactifs
et du traitement thermique utilisés ci-dessus.
B. Technique d’étude
La technique mise en œuvre a été celle de
RESULTATS
Boenicke, telle qu’elle a été rapportée et
modifiée par Ingmar JUHLIN (3) et dont sont
Les résultats ont été appréciés en fonction
reprises ici succinctement les grandes lignes.
de l’échelle de référence et exposés dans le
tableau 1. Ne sont rapportés que ceux qui
Neuf amides ont été soumises au test enzy-
sont lus sur la série de tubes incubés pendant
matique : l’Acétamide, l’Allantoïne, la Benza-
22 heures. Après 6 heures d’incubation, en
mide, la Formamide, Hsonicotinamide, la
effet, les résultats sont déjà acquis à la diffé-
Malonamide, la Salicylamide, la Nicotinamide,
rence d’intensité près. Les chiffres du tableau
la Carbamide ou urée.
représentent la quantité, en mcg, d’ammoniaque
Dix mg environ de germes de telle souche,
dégagée du fait de l’action enzymatique bacté-
en suspension dans un tampon phosphate
rienne sur l’amide.
M/l5 Ph 7,2, sont portés dans 1 ml d’amide
L’échelle de référence, telle qu’elle est con-
en solution 0,00164 M. Au mélange incubé
çue, ne permettant pas de chiffrer le taux de
à 37” C, pour moitié pendant 6 heures, pour
dégagement d’ammoniaque compris entre 10
moitié pendant 22 heures, sont ajoutés les
et 5 mcg, 5 et 3 mcg, ou supérieur à 10 mcg/
réactifs révélateurs du dégagement d’ammonia-
ml, des signes conventionnels permettent d’in-
que : 0,l ml d’une solution 0,003 M de sulfate
terpréter les intensités intermédiaires de colo-
de manganèse, 1 ml de réactif phénolique,
ration.
0,5 ml d’une solution d’hypochlorite. Ce mélan-
> 10 : dégagement d’ammoniaque supé-
ge est alors chauffé à 1000 C pendant 15 mn
rieur à 10 mcg/ml;
en atmosphère sèche. Après refroidissement,
l’intensité de sa coloration, engendrée par
10 + 5 : dégagement compris entre 10 et
l’éventuel dégagement d’ammoniaque, est com-
5 mcg, mais se rapprochant du tube
parée à celle des tubes d’une échelle de
étalon 5 mcg;
référence. Cette dernière est préparée à partir
10+---+5:
valeur jugée moyenne entre
d’une solution d’ammoniaque à 2,5 p. 100
10 et 5 mcg;
diluée avec le tampon phosphate Ph 7,2, de
5 -f 3 : dégagement compris entre 5 et
manière à obtenir des solutions étalons dont la
3 mcg, mais plus proche du tube étalon
teneur en ammoniaque est respectivement de
3 mcg.
TABLEAU No
Allanmine
Salicylamide
10 -+5
5 +3
5 +3
5 +3
5 +3
10 +5
1&5
10 +5
Carbamide (urée)
5 +3
5 +3
5 +3
5 +3
0
> 10
z 10
> 10
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Dans ce système de référence, les résultats
Benzamide
++++ ++
de 0 à 1 sont tenus pour négatifs, de 2 à 3 pour
Isonicotinamide
++++
++
des valeurs limites, de 5 à 10 pour positifs.
%?d%amide
++++
++
?
A l’examen de ce tableau on fait les consta-
Nicotinamide
++++
++
tations suivantes :
Salicylamide
+
-+
1. Toutes les souches, quel que soit leur type
et conclure à une différence) d’ordre quantitatif
de croissance, attaquent la plupart des amides
seulement de leur équipement amidasique.
qui leur sont proposées, et avec des taux de
dégagement d’ammoniaque dépassant parfois
10 mcg/ml ou ne sortant pas des limites de
COMMENTAIRES
la positivité. Seule la souche E n’attaque pas
l’urée.
Il n’a pas été possible de suivre rigoureuse-
ment la technique de JUHLIN en ce qui con-
2. Les souches à croissance rapide ont une
cerne, en particulier, la mesure des densités
activité amidasique généralement plus puissante
que celle des souches (( lentes )). Cependant,
optiques. Il n’eût pas été sans intérêt, en effet,
quel que soit leur type de croissance, les deux
d’apprécier les intensités de coloration inter-
types de souches n’ont pour la salicylamide
médiaires entre 5 et 10 mcg, 5 et 3 mcg, et
qu’une affinité relativement restreinte.
au-delà de 10 mcg. L’homogénéité du com-
portement des souches (( lentes 1) eut pu être
3. Les souches de l’un et l’autre type
jugé plus finement. Cependant, les résultats,
s’apparentent par une activité amidasique puis-
sante à l’égard de l’acétamide et de la forma-
tels qu’ils ont été rapportés, demeurent suffi-
mide. C’est à l’égard de l’urée que leur compor-
samment significatifs et permettent de situer
tement les différencie nettement : les souches
l’un par rapport à l’autre ces deux variétés de
(( lentes )) n’attaquent que faiblement ou pas
mycobactéries.
du tout cette amide; les souches (( rapides )),
par contre, l’attaquent de manière aussi intense
La technique d’étude mise en œuvre ici reste
que la formamide et l’acétamide.
valable. Les données qu’elle a fournies n’ont,
certes pas été comparées à celles d’une autre.
4. Les souches (( rapides )) ont une activité
Selon la méthode de travail utilisée (6) on a
régulière et très homogène à l’égard des amides
pu enregistrer la différence de comportement
étudiées. Les souches (( lentes )) ne montrent
pas pareille homogénéité. La souche A se
de telle mycobactérie à l’égard da telle amide.
comporte comme une souche (( rapide 1) sauf
Mais il est permis de penser que la technique
à l’égard de l’urée qu’elle attaque faiblement
de JUHLIN a fourni dans la conjoncture
comme les autres souches (( lentes )). La sou-
présente - en ce qui concerne, tout au moins,
che E se montre nettement indifférente à l’égard
acétamide, formamide, urée, trois amides qui
de l’urée.
caractérisent suffisamment souches K rapides ))
5. Toutes les souches (( rapides )) ont un
et souches (( lentes )) - des résultats à ce
comportement identique vis-à-vis de telle ou
point tranchés qu’ils pourraient être acquis
telle amide. Mis à part les cas de A et E, on
par une autre technique moins sensible. Celle
peut dire de même des souches (( lentes 1).
qui a été utilisée ici est, en fait, très sensible
puisqu’elle réussit à extérioriser une certaine
6. On peut résumer, dans le tableau II, les
activité uréasique des souches (< Ientes )), ce
spectres amidasiques différentiels des deux
types de souches :
qu’il n’est pas possible d’obtenir en milieu
uréerindole par exemple.
Souches
Souches
« rapides »
« lentes 2
***
Acétamide
+++++
+++++
Formamide
+ + + + +
+ + + + +
Nous remercions le Dr P. PERREAU de
Allantoïne
+ + + + + ++
l’I.E.M.V.T. qui nous a fourni les souches 378,
Carbamide (urée) + + + + f
f ou 0
397 et 781.
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SUMMARY
About the etiology of streptothricosis of the Chad zebu cattle:
Nocardiosis or mycobacteriosis ? III. Amidasic activity
The amidase production of five “slow” strains and three ” fast”
strains of atypical mycobacteria isolated from bovine farcy lesions has
been studied in regard to nine amides. This study allows to conclude that
these two kinds of strains have an identical enzymatic system with some
only quantitative differences.
RESUMEN
En cuanto a la etiologia de la estreptotricosis de 10s cebues de Chad :
i nocardiosis o micobacteriosis ? Actividad amidasica
Se estudio la actividad amidasica de cinco cepas « lentas » y tres cepas
« rapidas » de micobacterias atipicas aisladas de lesiones de estreptotricosis
para con nueve amidas.
Este estudio permite concluir que dichos dos tipos de cepas tienen
un sistema de amidases idéntico con solo algunas diferencias cuantitativas.
BIBLIOGRAPHIE
ASSELINEAU (J.), LANEELLE (M. A.), CHA- 4. LANEELLE (G.), ASSELINEAU (J.), CHAMOI-
MOISEAU (G.), De I’étiologie du farcin de zébus
SEAU (G.), Présence de mycosides C’ (formes
tchadiens : Nocardiose ou mycobactériose ?
simplifiées de mycoside C) dans les bactéries isolées
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CHAMOISEAU (G.), De l’étiologie du farcin de
5. Rannorts annuels du laboratoire de Recherches
zébus tchadiens : Nocardiose ou mycobactériose ?
vé&inaires de Farcha. 1967-1968-1969-1970.
1. Etude bactériologique et biochimique, Ru. Elev.
6. TACOUET IA.). TISON CF.). ROOS (P.), DE-
Méd. vét. Pays trop., 1969, 22 (2) : 195-204.
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Mycobacteria and Nocardia. Acta Park microhiol.
en milieu de culture Solide, Ann. Inst. Pasteur,
Stand., 1967, 70 (suppl. 189): 12-15.
1967, 112 : 378-83.
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