COLLOQUE SUR L'EVALUATION DES PROJETS DE LUTTE CONTRE...
COLLOQUE SUR L'EVALUATION DES PROJETS
DE LUTTE CONTRE LES CLOSSINES ET
LES
TKYPANOSOMThSES
ANIMALES
( KORHOGO,
6-9 NOVEMBRE 1979)
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RAPPORT
SUR LA
PREMIERE
SESSION
-m--e-
Rapporteur
: Dr Saydil M. TOURE, Directeur
du Département de Recherches

Zootechniques et vëtérinaires -
ISRA/LNERV - B.P.2057 - DAKAR.
INTRODUCTION
A l'initiative de la GTZ d'Allemagne fédérale (Deutsche Gesellschaft
für Technische Zusammenarbeit) et du FAC (Fonds d'Aide et de Cooperation
de la République franlaise), s'est tenu 3 Korhogo (Côte d'ivoire), du
4 au 10 novembre 1979, un colloque sur l'évaluation des projets de lutte
contre les Glossines et les Trypanosomiases animales.
La première session de travail,tenue le mardi 4 novembre, dans
l'après-midi,
a été consacrée à une revue des campagnes de lutte déjà
réalisées dans certains pays : République Centrafricaine, Tchad, Cameroun,
Sénégal, Niger et Nigeria. Les résultats en sont rapportés ci-dessous.
I - PRESENTATION DE CAMPAGNES DE LUTTE
Au cours des vingt dernières années, plusieurs campagnes de lutte
contre les Glossines ont ëtë menées en Afrique occidentale et centrale,
mais la plupart revêtent un caractère expérimental et ont surtout visé à
démontrer des techniques de lutte qui, appliquees à une échelle plus vaste,
devraient permettre de maîtriser les Trypanosomiases animales et de dévelop-
per l'élevage.
i.. /. . .

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A cette premitire session de la réunion d’évaluation des projets
de lutte contre les Glossines, plusieurs situations ont été décrites par
MM. P.FINELLE, J. ITARD, J.GRUVEL, S.M. TOURE, R.TIBAYRENC et U.SPIELBER-
GER.
I-l-En 1961 fut menée, en Kepublique Centrafricaine, une campagne expéri-
mentale contre GZos::l:~Lcr fU:;CiL cw~go1m:;~ir;
et C. fuscipIeutis, colonisant
les galeries forestier-es de la riviere Nié. L’utilisation des dieldrine
à 2 p. 100, en pulvérisation terrestre, apres isolement de la zone à
t r a i t e r , a permis d’éliminer les Glossines. Cette operation n’a pas
été suivie assez longtemps pour en tirer toutes les leçons,et la zone
traitée est vraisemblablement réinfestée.
l-2-1Jne autre campagne de lutte a été ment&,
de février à mai 1961, contre
G. t«chhm&~~ , le long des rives du fleuve Logone, à cheval sur le
Tchad et le Cameroun, entre les localités de Logone-Birni et Zymado,
à environ 40 km de Ndjamena (Fort Lamy) . Le traitement, par pluvérisa-
tion terrestre de dieldrine a 1,8 1’. 100, a éte precéde par la création,
au nord de la zone (Logone-Uirni),
d’une barriere de debroussaillement
sur 15 km. Des contrôles, pratiqués 70 jours après le traitement,
n’avaient pas permis de deceler des Glossines. Cependant, un an après,
des Glossines furent à nouveau capturées et la reinvasion devint totale,
sans doute du fait que les barrières de protection étaient insuffisantes.
l-3-Toujours en Kepubliyue CentralIricaine, la vallée de la Topia, située
en zone humide (1500 mm
de pluies) , c o l o n i s é e p a r G.fuscipes, f u t
ensuite traitee en 1962, et 1963, par pulvérisation terrestre de diel-
drine a 2 p. 100. La campagne a intéressé 250 km de galeries dont
1 ‘assainissement devait permettre l’elevagsur une surface utile de
45.000 ha. Après une première operation, menée en 1962, la constata-
tion d’une zone de reinfestation au confluent Topia-Tembé, devait
conduire i une pulvérisation de consolidation, en janvier et février
IYh3, s u r Ih k m d e g;iI~*rics. I,es b o n s rt!sult;lts ubtenûs o n t e n s u i t e é t é
compromis par une absence de surveillance et de mesures conservatoires.
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Apres quatre années, la réinfestation était limitee à quelques zones.
En 1969 cependant, la réinfestation était générale.
Il y a lieu de souligner que la région traitée était,antérieure-
ment, sans élevage, mais elle hébergeait quelques années après les
campagnes prEs de 12.000 têtes de bétail Bororo. Actuellement il y en
aurait 25.000. Sans doute est-il paradoxal de trouver ce bétail, réputé
sensible à la Trypanosomiase, dans une région demeurée infestée en Glossi,nes.
Toutefois cela pourrait s’expliquer par le fait que ~.fuscipes
n’est pas un bon vecteur de Trypanosomiases animales et, surtout, par
les traitements trypanocides.
I-4-A partir de 1968 ont eu lieu au Nord Cameroun des campagnes de lutte
dirigées contre G. tachinoides : sur la rivière Mayo-Kebbi (de la
frontière tchadienne au confluent avec la Bénoué) et sur la portion
est-ouest de la Bénoué, depuis ce confluent jusqu’à la frontière ni-
gériane.
La méthode choisie fut la pulvérisation terrestre de DDT à
2,5 p. 100, réalisée par des équipes spécialisées de la Direction de
1’Elevage. Les résultats ont été irréguliers : bons à l’ouest, mais
réinfestation à l’Est de Garoua. Actuellement la lutte se poursuit
mais la progression des travaux est lente, du fait de difficultés en
matériel et en personnel. Il faut souligner qu’il s’agit d’une action
continue de lutte,menée par un service de 1’Elevage. La réinfestation
résulterait ,en partie,d’unc colonisation anarchique des périmètres
traités par des troupeaux venant du sud et accompagnés de Tse-tsés.
I-~-AU Tchad, une campagne de lutte,entreprise de septembre 1971 à septem-
bre 1974 par le Laboratoire de Farcha, sous l’égide de la Commission
du Bassin du Lac Tchad, a permis d’éliminer C. tachinoides des rives
du Bas-Chari et de ses defluents (Serbewel, Taf-Taf) en aval de Ndja-
méua jusqu’au Lac Tchad (1~s 2/3 se déroulant en territoire camerounais).
On a utilise comme technique la pluvérisation au sol de DDT à 2,5 p.100.
Maigre des difficultés liées à la présence de réserves de faune, la
campagne a éte un succès, favorisé aussi par la sécheresse qui sévissait
à l’époque du traitement et par le déboisement. Les données remontent
à 5 ans et il y a lieu de les actualiser et de poursuivre d’autres ac-
tions conjointement avec le Service anti-Tsé-tsé du Nord Cameroun,
notamment dans la zone tchadienne du Mayo-Kebbi.

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L-6-& 1970 a 1972 ont eu l.ieu au Senégal trois campagnes annuelles de
lutte, dirigées contre C’.pcr/,pwïis <‘w$iensis. La région traitée cor-
respond aux Niaycs du Scncgal , vostigcs de vcgétation guinéenne com-
posée principalement de palmeraies a sous-bois buissonneux. La pulvé-
risation terrestre de dieldrine à 2 p. 100 a porté sur 151 km de gale-
ries de palmiers a huile et 200 ha de végétation diverse (plantations
de manguiers, buissons et haies vives d’Euphorbiacées). Par ces trois
campagnes,
la région était devenue apparemment sans Glossines, pendant
cinq ans. En 1977 fut malheureusement constatée la réinfestation de
certains gîtes. Les enquêtes les plus récentes (juillet 1979) montrent
que cette réinfestation, dans la quasi totalité des cas, est faible et
n’intéresse que la partie sud de la zone traitée. L’insucces semble
avoir résulte d’un défaut de traitement lié à la méconnaissance de
certaines particularités dans l’écologie péridomestique de la sous-
espece. Néanmoins ces campagnes ont permis l’élevage, dans le périmètre
d’un ancien gîte, de vaches montbéliardes et pakistanaises donnant une
production laitière élevée. Actuellement il est envisagé une campagne
de consolidation pour mettre fin à la réinfestation constatée. D’ores
et dejti un périmi>trcs urbain (Parc forestier de Hann) a été traité,
avec un succès apparent, par l’endosulfan à 3 p-100.
I-7- Au Niger furent menees, entre 1968 et 1970, plusieurs expériences de
lutte contre C. tuchinvides colonisant la vallée du fleuve Niger et
ses affluents. En 1968 et 1969 les opérations ont eu lieu dans la
partie nord de la région (arrondissement de Say). La zone à traiter
avait eté isolée par une barrière de débroussaillement, au nord du
Parc du W, réalisée sur 4,5 km de chaque rive. Des essais ont porté
sur la nébulisation de DDT, la pulvérisation d’un mélange de DDT-
Dieldrine-HCH et I’epandage aérien du même mélange par hélicoptère.
11 est à noter que ce fut la première opération de lutte menée par
hé1 icoptère : deux applications à intervalles de trois semaipes. Après
ces essais, les zones traitées furent recolonisées par des Glossines,
véhiculées par des pirogues.
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une autre campagne a et6 menee au Niger, en 1977 et 1978, le long
du fleuve Niger, depuis le sud de Say jusqu’à la frontière avec le
Nigeria, y inclus les
effluents de la rive droite bordant ou traver-
sant le parc du W. Les opérations ont visé G.tachinoides, mais aussi
G.m.;zbmorsitans dans le l’arc du W, sur une superficie de 3440 km2. La
zone traitée est en continuité avec des régions infestées, en Haute-
Volta et au Bénin. Le traitement par pulverisation aérienne d’endosul-
fan a 25 p.100 en ULV, à raison de 800 g m.a. par ha, réalisé en
février 1977, par un hélicoptère volant à 3 m au-dessus des arbres,
n’a pas permis d’obtenir l’éradication puisque des mouches ont été
capturées 5 à 6 semaines après la pulvérisation. L’echec tiendrait
à plusieurs causes : insuffisance de l’enquête entomologique, barrières
d’isolement sous-estimees, recouvrement des feuilles traitées par des
poussières déposées par l’Harmattan, , passage de l’hélicoptère une
seule fois, absence de contrôle du mouvement des animaux et des per-
sonnes, réserve de faune non traitée.
I-9- C’est au Nigeria qu’ont eu lieu les plus grandes campagnes de lutte
contre les Glossines, tant au sol qu’en epandage afri=A ce jour plus
de 200.000 km2 ont été traites. Les espèces combattues sont diverses :
G.morsitans submorsitans, G.ZongipaZpis, G.paZpaZis gambiensis,
G. tachinoides.
La lutte se poursuit toujours par épandage aérien et
pulvérisation au sol. Divers insecticides,ayant une bonne efficacité
mais un impact réduit sur la faune non visée, sont à l’essai. De même
sont étudiés les effets secondaires des traitements sur l’environnement
et les modalités d’utilisation optimale des terres assainies. Il est
envisagé des campagnes conjointes avec les pays voisins, notamment le
Cameroun.
Il - SYNTHESE DES DISCUSSIONS
II-l- Il a été souligné qu’à l’exception des campagnes menées au Nigeria,
tous les rapports ont fait état de campagnes expérimentales mais en
vraie grandeur, menées avec des budgets modestes et un personnel
réduit et peu spécialisé. La plupart des campagnes ont été suivies
à brève ou longue échéance (de quelques semaines à 5 ans) de réinfes-
tation.
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Les causes de réinfestation ont été longuement discutées, notamment
les suivantes :
- méconnaissance des distances que peuvent franchir les Glossines et qui
sont certainement plus élevées que celles habituellement retenues pour
créer des barrières.
En particulier il est fort probable qu’un transport passif par les
vents permette aux Glossines de
franchir plusieurs dizaines de kilomètres,
alors que les barrieres sont généralement de quelques kilomètres ;
- méconnaissance de petits gîtes qui ne sont pas inclus dans les zones
traitees : gîtes péridomestiques par exemple ;
- insuffisance dans les actions : réalisation d’un seul traitement, alors
qu’un second aurait pu permettre d’obtenir de meilleurs résultats, et
surtout absence de planification d’une lutte intégrée continue ;
- limitations dans la conception et dans les moyens de surveillance :
la détection de faibles populations de Glossines grâce aux pièges
aurait dû pousser à l’urilisation de mâles stériles pour achever
l’extinction des populations de Glossines;
- absence de mesures connexes dans les zones traitées et libre circulation
de bétail, d’animaux sauvages, de personnes, de véhicules, de pirogues,
etc, qui transportent les Clossines d’une zone infestée à la zone traitée;
- discontinuité entre les opérations de lutte et l’occupat ion rationnel l e
des terres assainies;
- absence de traitement de réserves de faune.
LL-2- Les discussions ont aussi porté sur les objectifs des campagnes me-
nées. Les buts étaient surtout de combattre les Trypanosomiases animales.
Cependant il y a eu peu de donnees sur l’incidence des Trypanosomiases
après les campagnes. Certains participants ont insisté sur la nécessité
de lutte continue contre les Glossines et de surveillance continue des
Trypanosomiases avec, chaque
L‘ois que c’est nt!ressaire, administration au
bétail de trypanocides. Il aurait fallu, dans une même région, employer
plusieurs techniques et plusieurs méthodes.Seuls quelques rapporteurs
ont mentionné une lutte contre les Glossines, accompagnée de traitement
trypanocide du bétail, sans indications précises sur la situation finale
en matière de Trypanosomiases.
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II-+ Les conséquences des trai ternents
insecticides sur l’environnement
ont été abordées, mais plus longuement discutées à une autre session
(rapporteur : M. ITARD).
II-4- Les questions relatives a la participation des populations concernées
n’ont pas reçu de réponses claires. Certaines campagnes de lutte ont
été menées en employant du personne1 recruté localement dans les vil-
lages situés dans les périmètres à assainir. Cependant, ce qu’il
importait de savoir, c’est l’accueil réservé aux projets par les
populations et les activités de mise en valeur après les opérations.
II-5- Les coûts des campagnes sont très variables d’un projet à l’autre.
Certains participants ont demandé de faire :figurer en annexe du
présent rapport les coûts compares. Au lieu de cela, il a été recom-
mandé de renvoyer a des références bibliographiques et à une étude
de la FAO à ce sujet. Les communications individuelles comportent
une telle bibliographie.
II-6- La rentabilité des projets n’a
pas toujours été abordée et cette
lacune a Cté soulignée. De même on ne sait pas grand chose sur les
législations fonciéres dans les differents états et les bénéfices
que les éleveurs ont pu
tirer de l‘assainissement temporaire des
pâturages assainis. I<n beaucoup de circonstances les exploitations
agricoles”%ont développées au détriment des pratiques pastorales.
II-7- 11 est reconnu la necessite,
pour les campagnes à venir, de standar-
diser les données sur le materiel. et les méthodes, les coûts des
opérations, la fac;on d’en projeter la rentabilité, etc.
De l’avis général les prochaines campagnes devraient être faites
sous une forme intégrée et continue, sur une assez longue période, de 25
à 40 ans, avec une évaluation économique à l’appui, et en associant plu-
sieurs pays d’une même région.