REFLEXIONS SUR LES CAUSES DE MORTALITE JUVENILE ...
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REFLEXIONS SUR LES CAUSES DE MORTALITE JUVENILE
i\\ \\
OBSERVEE CHEZ UN LARIDE (Larus cirrocephaius)
1.
i,,
DANS LE PBRC NATIONAL DE LA LANGUE DE BARBARIE
(SENEGAL)
Par M.P. DGUTRE (1)
A.K. DUPUY
(2)
Lvtlot de MBoumbay dont la s uperficie varie de 3,5 à 5 hec-
tares s e l on la hauteur de tc? marée, of fre un in t&rêt tout particuiier
dans I e P arc national de la Langue de Barbarie (Delta du S4négal) par
I'impo r-ta nce de sa population avienne nicheuse. Essentiellement sableuse,
fertil rsé e par les déjections d"olseau X? cette terre gmergée prgsente
un tap is végétal dense compos& d'espèc es haloph yles. Un inventaire
rapide 9 d es plus élémentaires, permet de reteni r : Sporobolus spicatus
(Grami née 1, Ipomaea Pes-Caprae (Convoi vulacée), Al-ternanthera maritima
(Amara nté e), SesuvIum portulacastrum ( Ficoid43e) , Phyla nodiflora (Verbe-
nacee) # 9 uelques Tamarix senegatensis de taille réduite etc... Dans ce
milieu 9 8 t suivant différents nlveaux. se repro duisent cinq à six
espbce s d 'oiseaux marins (Laridés et s ternidés) ..
- La Mouette 2 tête grise (Larus clrrocephalus) représentée
par environ 1.000 couples qui nichent dans l'herbe en partie moyenne
de I'tlot, dans des ntds bien construits,
- le Goëland railleur (Larus genel)avec 1,500 couples qui
édifletit leurs nlds plus ou mcins maçonnés, avec des matériaux secs
sur le sable, dans les points
hauts (photographies 1 & 21,
- I,a Sterne hansel (Gelochidon nilotIca1 100 couples utili-
sent l'herbe des parties basses ou le tapls gramlnéen est ras et couché,
- la Sterne royale (Sterna maxima), environ t50 couples qui
/
nichent dans les excavations sableuses au fait des dunes,
- la Si-et-ne caspienne (Sterna tschegrava) mieux représent0e
a,vec 5 à 600 ctiuples, entre en compétition avec l'espèce précsdente
pour le choix du lieu de ponte,
- enfin, en 1975, la reproduction de la Sterne fuligineuse
(Sterna fuscata) a donne Ileu à une observation.
<
.*. /
,..
(1) - Chef du service de Bactériologie du Laboratoire national de
lsElevage et de Recherches vétérinaires (I.S.R.A.1 Dakar, B.P.
2057.
42) - Directeur des Parcs nationaux du Sénégal - Dakar, B.P. 5175.

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RU cows du deuxieme trimestre de lVannee 1976, ier responsa-
bles du parc observent une mortalft6,
relativement importante et inha-
bituelle,
frappant uniquement les jeunes mouettes 2 tête grise d'envi-
ron cinq semaines. A ce moment, i'oisfllon
se prépare 2 un envol pro-
chain,
qu'il n'a pas encore tentB,
et demeure totalement dependant pour
son allmentatlon de SE.S parents,
Pour essayer de d5terminer les causes de ces accidents et de
dégager des moyens pour en assurer la prévention,
une enquêtti est menée
sur le terrain début juillet. La presente publication se propose de
rapporter les constatations effectuees,
le resultat des examens accom-
plis et les conclusions auxquelles les auteurs sont parvenus.
Avant d'aborder la description dos sympi$:,;vs, il Lonvient de
sfgnaler deux faits. Tout d'abord quel que soft le bien fond? de sa
presence,

tout visiteur ou groupe de visiteurs troubie
f?ncrm&ment la
colonie. L'approche de la pirogue est salué par les cris d7tiffroi des
adultes et ce comportement va en sPampiiflant apres le d&bar(:uement et
pendant la pénétration dan- I'Ilot. Les oise:~ux, on vol dsnsi; survolent

les intrus à quelques metres ci ICS Sternes hansel, plus audacieuses,
vont jusqu'à frapper 10 tête des perturbateurs IndGsirables,.. Ensuite,
on se dol-t de remarquer que la mortalité des poussins de quelques jours
n'est pas négligeable {GoGland railleur).
Pour tout habitue des lieux
de ponte d'esp&ces marines,
il nvy a pas In mati&re à svétonner...
La rencontre de jeunes Mouettes 5 tête grise bcauccup pIuS
âg&s, mais encore incapables de voler, permet de préciser 12s symptômes
de l'affectlon,
toute nouvelle pour les responsables du parc. Ces oisli-
Ions montrent un renversement total de la te-l-e sur le L~OS, le cou est
fortement contract&,
les ailes pendantes (photographie 31, la démarche
est ataxlque, déséquflibrec,
le plumage souvent ébouriffe. Aucun sujet
adulte n'est touché et seuls les juv@nfles dF; la rlouette 3 t-6-î-e grise,
presentent les signes décrits.
EXAMENS
Deux sujets encore vivants sont rapportés au poste administra-
tif. LPun succombe pendant la demt-heure necessaire au d6placemen-h.
Lv intensité du rayonnement solaire ne peut en effet qui? précipiter I'évo-
lution.
Sans être gras, ces oiseaux sont loin d'êtt-63 cachectiques.
L'autopsie détaill6e
ne revèle aucune lésion macroscopique
si
ce nsest une forte congestion du fa.le avec une véstcule biliaire disten-
due et de la diarrhée verte chez IYindividu mort pendant son transport.
Aucun parasl-te externe ou interne visible à l'oeil nu nsest rencontré
qui puisse explfquer la maladie.
Des ensemencements aérobies et anaérobies sont effectugs avec
le matériel approprié apporté sur las lieux. En plus des ensemencements
/
l -. . . .

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aérobies classiques, du sang du coeur et des excrements sont placés en
bouillons sélenite pour enrlchissement (recherche de Salmonella).
Les
cultures en bouillon anaerobie (V-F glucose 2 10 p.1.000) Interessent
les prelèvements suivants pour chacun des deux oiseaux :
- fofe,
- anse intestinalo avec son contenu sans action prcalable de
la chaleur,
- anse intestinale avec son contenu après action pr6alable
de la chaleur (10 mlnutcs 21 8OOC.I.
On sait que Ciostridlum botullnum type C resiste à ces conditions ther-
miques mais que le type E est plus sensible (G minutes à BO'C).
RESULTATS :
Germes aérobies :
Aucun germe aérobie pathogène ntest mis en évidence. Aucune
Salmonella n'est isolée des coprocultures(après enrichissement, essai
dtisolement sur gelose désoxycholate-lactose).
Germes anaérobies :
Des deux foies est isolé Welchia perfrlngens. Ce germe se
retrouve dans les cultures d9anses-intestlnales chauffées dix minutes
à 8O'C.
Les cultures dlanses intestinales,ensemencées apres traite-
mnt thermique, révèlent,pour un prélèvement We.lch pour
t’mddga, ce même germe ai deux ou trofs Clostridium sp. à sporessubter-
minales, deformantes (polymorphfsme : existence de formes l-t-es courtes
à spores cewtrales tr5s déformantes).
Tous les surnageants de ces cultures de quatre jours à 37OC
se montrent atoxiqug pour des lots de 5 souris à la dilution du l/lO
(OP20 ml en Injection intra-p?.ritoneale).
L'isolement de Welchia perfrfngens à partir des foies, s'ex-
plfque facllemcnt par le passage dans la circulation sanguine d?un
germe présent dans I'fntestIn au cours de l'agonie d'animaux soumis à
des conditions de température extérieure très sévères.
Cette série d7analyses parart suffisante pour éliminer I*hypo-
these de botulisme (en tant que toxi-infection). En tant qufintoxina-
tion, on ne peut concavotr quo les adultes transmettent à leurs jeunes
une toxine présente dans la nourriture régurgitée et qu'eux putssent
échapper à l'action de cette m6me toxine. Or, aucun adulte ne présente
de symptômes de la maladie. Enfin, les signes memes de l'affection
(tête renversée, contractures du cou etc... 1 prêtent difficilement à
confusion avec les paralysies flasques du "limberneck" qui amenen?&
noyade des oiseaux d'eau (anaSid6s).
A noter ~~18 bo+&&cnre aviaire
de type C beta a déjô &té d6crI-t au 56négal Zors de I'enzootle de botu-
lisme des herbivores des années 60 (1,3,4).
.., /. . .

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DIAGNOSTIC :
LPâge des animaux aitalnts,
la symptomatologie orientent le
diagnostic vers des troubles d90rdre nutritionnel et tout particulière-
ment vers une polyavitaminose B si fréquente chez las espèces domosti-.
ques et également chez les oiseaux de cage (2,Ç). Le port renverse de
la tête,
la contracture du cou sont à rapporter au syndrome "star?azing"
des auteurs américains (7).
DISCUSSION
ii reste 5 concevoir pourquoi seuls les jeunes de Larus zirrow-
cephalus prêts à i7envoi,
sont victimes de troubles nutrttlonnels alors
que les autres espèces y echappent... On entre là, ofest certain, dans
le domaine des hypothèses. Néanmoins, si l'on tient compte des regimes
alimentaires et des conditions de reproduction, ii est possible dc? pro-
p o s e r u n e explfcatlon.
Tout d'abord,
ii convient de souligner que i9ensemble des
Sternes présentes sur Iillôt pêche soit au large (S-terne royale et
S-terne caspienne),
soit le long de la côte du Sénégal ou de ses bras,
le terrain continental étant même visité (S-terne hanself. Dans tous les
cas, pour ces espècesp
un vaste champs est exploité lors de la recher-
che de la nourriture. Le Gogland rali leur ne pêche pas mais prospecte
également un domaine étendu, ne craignant pas de pénètror profondement
vers I'intérleur pour assurer son alimentation, La Mouette E i-g-te grise
procéde tout autrement : elle explore les vasières, les grèves voistnes
de son lieu de ponte, glanant â proximit6, là des déchets, ailleurs des
Invertèbrés marins etc...
Si l'on examine les conditions de reproduction on constate que
Larus cirrocephalus ne s'accomode que de deux sites, les seuls sans dout,--
suffisamment calmes,
l'un situé dans le parc national de la Langue de
Barbarie, l'autre:
I'Tie aux Oiseaux à l'embouchure du Saloum, dans le
nouveau parc.
II en résulte que sur I?'îlot de Mboumbay, la période! de
ponte est anormalement allongée pendant 7 à 8 mots. De janvier 2 la
fin daofi-t, i es couples se succèdent sans arrêt pour occuper le terrain
le plus favorable mais relativement restreint. Larus genel offre une
période de ponte surtout concentrée en juillet 0-t en août et les cuupfgr
sont beaucoup plus nombreux durant cette même pet-Iode, CO qui peut
,'
ajouter au déficit alimentaire.
Ainsi la Mouette à t$ts gris3 rencontrerolt des dif)iCultés
dans la recherche de ses aliments, difficultes qui retentirafent a la
fois quantltatlvement et qualitativement sur le rcgime du Jeune. Chez
celui-ci sVinstaiierait
un état do iabiiité,. un stress quelconque décien-
cherait l'apparition des symptômes,
Dans ce domalne,
ii es-t bon dfinsjster suy le fat? qu5 ies
ileux de reproduction des oiseaux marins
requfirent un calme, absolu et
que peut-être les simples visites de contrôle, de'surveilianco
des ef-
fectifs,
les opet-ations
de baguage e-te...
pourralent constitut+r d::s
facteurs déclenchants (frayeurs, cris émis par te6 adultes) agiS~~~~ni’
sur un dBséquIllbre latent au moment où, chez l'oIseau les ;>ror::?ssus

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anaboliques sont partlculièrement intenses. Pareillement, on peut sup-
poser qu'un manque de quiétude peut amener les parents
à abandonner
trop précocement les
jEunes et qu'ainsi explosent ies troubles. Mais
nous devons dire 6galsment que depuis trois ans,
les mêmes opérations
de contrôle ont é-I-6 effectuées et qufil n'y avait pas eu de mortalité
constatée.
En un lieu du parc national des Oiseaux du Ojoudj, le "sanc-
tuaire" OC niche une colonie importante de cormorans, une forte morta-
Ilté de jeunes au nld avait é-i-6 enregistrée en début d?annee, cet en-
droit est un des points où les visiteurs, photographes et camer:jmzn
animaliers amateurs, se Ilvrent en grand nombre à des approches dc:: plus
en plus osées, approches rendues possibles par la complicité dos piro-
guiers désireux dvohtenlr une recompense à Ivéchelle de leur bonne
volonté...
En conclusion, s'il apparait bien difficile dPaglr sur les
facteurs trophiques qui président au bon équilibre des populations
nicheuses, il est par contre beaucoup plus aisé et même indispensable
de garantir dans les parcs et réserves, une tranquilité absolue aux
ofseaux pendant toute la durée de leur période de reproductfon, c'est
cs 44.2 &é décFd&c
L.!ac*enfr nous dira SI le facteur 'ftranquillitétt
était fondamental dans le déclenchement de la carence.

RESUME
Une mortaiit6 inhabituelle de jeunes Mouettes à tête grise
Larus cirrocephalus) âgiies dvsnviron 5 semaines est constat6o dans un
Clôt du Parc national dz la Langue de Barbarie. La symp-tomatologie de
l'affection est caractérls6e paF un rejet de la tête.sur le dos-avec
contracture du cou. Lt,diagnostic de troubles nutritionnels de type po-
lyavitaminose B est PCS~. Les auteurs estiment qulr 1~: regime alim~ntairt
et les conditions de reproduction de Igesp&ce contribuent à cr6cr un
état de d&sGquilibre latent. Le stress dû aux visi-tes inopln6es consti-
tuerait le facteur d6clvnchan-t des signt?s apparc;nts do la maiadi:> chez
las jeunes oiseaux, 5 un moment où les processus anaboliques sont par-
ticulièrement Intenses. Le respect de la trunquilit6 IX plus absolue
sur les lieux de poni-o est imp&rütivemant recornmand;?.
SUMMARY
Considérations on thc causes of juvenile mcrtality
observed in a sea-gull (Larus cirrocephalus)in
the
Langue de Barbarie Reserie (SGnégal).
An unusual mortality of Young grey-headed gulls (Larus clrro-
cephalus) five weeks old is reportod in an islet of thc Langue d6 Barba-
rie Reserve. The disease is characterized by the contracture of thé
neck with the reversa1 of the head on the back. The diagnosls of nutri-
tional deficiency with poiyavitaminosis il is se-t. Au-l-hors balieve that
the alimentary diet and the reproduction conditions contrtbute i-o deve-
fop an unbalanced latent state.
Stress caused by unexpected vlsits will
act as a reieasing fac-t-or of con$picuous signs of the diseasc in young
blrds at a time when anaboiic processes are particularly high. Respect
of an absolut-e quietness on laylng grounds 1s imperatively enjoined.

.
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