Bull. Off. ht. Epiz., 1977, 88, 281-290. ...
Bull. Off. ht. Epiz., 1977, 88, 281-290.
XLVe Session Générale, Rapport no 1863.
Une nouvelle affection aviaire au Sénégal :
La Maladie de Gumboro
Par
F. SAGNA (*)
INTRODUCTION
I
A partir de 1971-1972, semble-t-il, une nzdudie cuntu&mse (9)
mais d’étiolugie inconnue, a fait son apparitiofl au sein d%levages
avicoles importants, en y décimant poussins ‘ét poulets, par cen-
taines et par milliers selon les cas.
Dans la majorité de ces cas, elle a évolué d’emblée sous la
forme aiguë, en provoquant chez la plupart des sujets atteints les
lésions inflammatoires suivantes :
- pétéchies et/ou suffusions sanguines siégeant sur divers
organes ;
- hémorragies en nappes au sein des masses musculaires.
Partant de ces observations, nous avons été amenés à classer
cette affection dans le groupe des maladies de nature infectieuse.
Nous avons été d’autant plus convaincus de la justesse de ce point
de vue que l’agent responsable de cette maladie s’est montré réfrac-
taire à l’action des antibiotiques connus (1) ce qui nous a permis
de le ranger, a priori, dans la catégorie des virus sensu stricto.
Je dois signaler cependant que cette maladie a été, jusqu’en
1973-1974, régulièrement confondue dans notre pays et dans les
autres Etats de l’ex-Fédération d’Afrique Occidentale Française,
avec la Pseudo-peste aviaire ou Maladie de Newcastle. Ce fait est
dû probablement à :
- son extension rapide (forte contagiosité) (9) ;
(*) Laboratoire National de I’Elevage et de Recherches V&érinaires,
Dakar-Hann, Sénégal.

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- son pouvoir pathogène inquiétant, lequel se traduit par des
taux assez élevés de mortalité (10) ;
- surtout aux lésions décrites ci-dessus et dont certaines loca-
lisations sont identiques à celles qui sont observées dans les cas de
Maladie de Newcastle (9).
On s’eslt aperçu, toutefois, que les vaccins anti-Newcastle pro-
duits par notre Laboratoire se sont tous révélés inefficaces contre
ce nouveau fléau, partout où ce dernier a eu à se manifester. Ces
faits nous ont ainsi permis d’expliquer, a posteriori, les échecs appu-
rents de vaccination qui ont été enregistres dans les centres avicoles
des Etats suivants : République de Côte d’ivoire, République de
Haute-Volta, République du Mali, République Islamique de Mauri-
tanie, République du Togo et République du Sénégal.
En effet, ces échecs ne sont pas imputables aux vaccins eux-
mêmes, mais au seul fait que, destinés normalement a lutter contre
la Pseudo-peste aviaire, ces mêmes vaccins avaient été utilisés dans
des élevages où sévissait la Maladie de Gumboro.
En ce qui concerne le cas particulier du Sénégal, des épi-
zooties sévères de cette dernière maladie, localisées principalement
dans la Région du Cap Vert (autour de la capitale : Dakar), ont
fourni au Laboratoire National de 1’Elevage et de Recherches Vété-
rinaires l’occasion d’opérer les contrôles concernant la pureté puis
la stabilité des propriétés physiques, chimiques et biologiques de
toutes les souches de virus anti-Newcastle modifiées, qui constituent
la c< banque » que nous utilisons dans la fabrication des virus-
vaccins destinés à lutter contre la Maladie de Newcastle.
Ce sont précisément les résultats de ces travaux (4, 5) qui
nous ont confirmé dans l’idée que nous n’avions nullement affaire à
la Pseudo-peste aviaire.
Nos arguments, pour étayer cette affirmation, sont bases :
.- d’une part, sur les diagnostics nécropsiques ;
- d’autre part, sur une expérience de prophylaxie médicale.
1. - LES DIAGNOSTICS NECROPSIQUES (2, 3, 6, 7, 8, 9)
Les autopsies ont été retenues à la fois pour leur commodité
et leur facilité d’exécution (tout au moins chez les volailles) mais
surtout pour la rapidité de leurs résultats. Elles ont été effectuées sur

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des sujets provenant des 3 régions administratives suivantes : Fleuve,
Cap-Vert et Thiès.
A) Rt!gion du Fleuve (19 février 1975)
Les sujets appartenaient à la ferme de Mbakhana qui dépend
elle-même du Service de 1’Elevage de Saint-Louis.
Les autopsies nous ont permis de déceler les lésions suivantes :
- présence de liquide d’ascite dans l’abdomen ;
- pétéchies localisées sur les papilles de la muqueuse du
proventricule et susceptibles de faire penser a la Pseudo-peste
aviaire ;
- hémorragies en nappes, siégeant sur les muscles de la
poitrine, des cuisses et des jambes, exactement comme s’il s’agissait
d’un syndrome hémorragique hé ?I l’avitaminose K ou bien à des
intoxications d’origine alimentaire et/ou médicamenteuse.
33) RJgion du Cap-Vert
1) Rufisque (21 février 1975) :
Sur 3, cadavres examinés, 1 seul montrait les lésions suivantes :
- &Fusions sanguines sur le myocarde ;
- inflammation aiguë (couleur rouge-cerise) doublée d’une
nette hypertrophie de la bourse de Fabricius : cet organe lym-
phoïde qui joue un grand r6le dans les processus immunitaires et
qui, dans les conditions normales, est appelé à subir une involution
conduisant à sa disparition complète chez les sujets adultes.
2) Dakar (24 fbvrier 1975) :
Sur 11 poussins malades qui nous ont été présentés : 4 ont été
gardés en observation et 7 immédiatement sacrifiés. Parmi ces
derniers, 3 présentaient comme lésions :
- des hémorragies en nappes dans les muscles des cuisses ;
- des sufisions sanguines à l’union du proventricule et du
gesier ;
- une forte hypertrophie de la bourse de Fabricius.
3) Mbuo (1” mars 1975):
Sur 30 cadavres ramassés et portés 81 notre Laboratoire,

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4 sujets ont montré comme lésions :
- une hypertrophie de la bourse de Fabricius ;
- des suffusions sanguines à l’union gésier-proventricule ;
- une hypertrophie des reins.
4) Hann-Equipe :
Les autopsies ont été faites selon ce calendrier :
- le 28 mars 1975 . . . . . . . . . . 3 cadavres de poussins ;
- le 29 mars 1975 . . . . . . . . . . 5 cadavres de poussins ;
- le
3 avril 1975 . . . . . . . . . . 4 cadavres de poussins ;
- le 12 avril 1975 . . . . . . . . . . 2 cadavres de poussins ;
- le 16 avril 1975 . . . . . . . . . . 3 cadavres de poulettes ;
- le 23 avril 1975 . . . . . . . . . . 2 cadavres de poussins ;
- le 30 avril 1975 . . . . . . . . . . 4 cadavres de poulettes.
Parmi ces 23 sujets, seuls 3 d’entre eux, exatinés respecti-
vement les 29 mars, 16 avril et 30 avril 1975, ont présenté les
lésions ci-dessous :
- hypertrophie et inflammation aiguë des bourses de Fabri-
cius ;
- hémorragies musculaires en nappes ;
- suffusions sanguines à la jonction proventricule-gésier.
Quant aux 20 autres sujets, ils ont présenté à leur tour et à
des degrés divers les mêmes Iésions que ci-dessus, mais diverse-
ment associées. Par contre, l’inflammation aiguë et l’hypertrophie
de leurs bourses de Fabricius sont demeurées une constante chez
tous.
5) Ham-Plage (8 avril 1975) :
2 cadavres de poulettes, ayant fait partie d’un lot de 300
sujets âgés de 2 mois et demi, ont révélé à l’autopsie :
- des hémorragies au niveau des muscles des cuisses et des
jambes ;
- de l’hypertrophie des reins, ainsi que celle de leurs bourses
de Fabricius.

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C) Région de Thiès (26 avril 1975)
2 cadavres en provenance de Méckhe, faisnt partie d’un lot
de 15 sujets morts ayant appartenu à leur tour à une bande de
500 sujets âgés de 3 à 4 semaines, nous ont et6 présentes pour
autopsies. Nous avons noté chez eux les lésions suivantes :
- hémorragies en nappes sur les muscles de la poitrine, des
cuisses et des jambes ;
- hypertrophie de la bourse de Fabricius chez tous.
11 nous a donc été donné de constater, à l’issue de toutes ces
observations anatomo-pathologiques, des lésions inflammatoires de
caractère aigu très marqué. Aussi, cette situation nous a-t-elle
imposé de faire, dans tous ces cas, le diagnostic différentiel d’avec
les principales maladies suivantes :
- d’abord et surtout : la Pseudo-peste aviaire ;
- ensuite, les formes aiguës de la Coccidiose ;
- enfin, les avitaminoses K ainsi que les autres formes de
syndrome hémorragique.
II. - LES EXPERIENCES DE VACBZINATIONS
ANTI-GUh4ÏBORO
( 10)
Assaillis par les aviculteurs, notamment par ceux de la Région
du Cap-Vert, tout proches de notre Laboratoire, nous avons dû
faire importer d’urgence des échantillons d’un vaccin anti-Gumboro
d’origine américaine (*), ce type de vaccin étant réputé efficace
aussi bien en milieu indemne de maladie qu’en milieu infecté ou
contaminé.
Le vaccin expérimental a donc été utilisé dans 3 types d’éle-
vages avicoles, pour des vaccinations préventives (milieux indemnes
de toute maladie) ou de nécessité (milieux infectés ou contaminés).
Nous avons pu, de cette manière, tester ce vaccin d’impor-
tation (10). Le bilan succinct des résultats expérimentaux obtenus,
sur le terrain, du 26 juin au 19 août 1975, s’établit comme suit :
(*) Nom de code : Bwsa-Vac.

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a) Nombre d’exploitations visitées par notre équipe itinérante :
Au total, 21 élevages avicoles ont été touchés.
b) Répartition territoriale des élevages concernés :
- Région du Cap-Vert : 20
- Région du meuve : 1
c) Situation sanitaire des élevages au moment de notre inter-
vention :
- Elevages infectés et contaminés : 16
- Elevages indemnes : 5
d) Quantité de vaccin utilisée au cours de cette campagne :
1, Région du Cap-Vert :
a) Elevages infectés et contaminés : 26.200 doses ;
b) Elevages indemnes : 5.700 doses.
2. Autre région : 14.700 doses.
Soit, au total : 46.640 doses, chiffre voisin de 50.000 doses.
e) Réactions post-vaccinales et efficacité du vaccin :
Les principaux facteurs à considérer sont les suivants :
1. L’dge des sujets vaccinés :
Plus les sujets vaccinés sont jeunes, plus vite s’établit et se
consolide l’immunité. C’est pourquai les auteurs américains ont
préconisé l’âge de 12 jours pour obtenir une bonne vaccination des
poussins. Cependant, nos expériences nous ont permis de constater
que cet âge peut être abaissé à 8 jours, sans risque majeur pour
nos élèves. Cela Sign%e que, dans la pratique, la 1” semaine d’âge
devrait convenir pour cette opération, surtout lorsqu’on opère en
milieu indemne de toute maladie.
2. L’état sanitaire des troupeaux :
a) Milieu indemne (pas de maladie apparente ni de mortalités
au moment de la vaccination) :
- l’immunité devient solide 2 à 4 jours après l’administration
du vaccin ;

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- les pourcentages de pertes par mortalités vont de 0 a 23 %
de l’effectif initial (peuvent exceptionnellement atteindre 4,8 %).
b) Milieu contaminé (pas de mortalité, mais présence de virus
pathogène dans l’exploitation) :
- l’immunité apparaît 7 à 8 jours après la vaccination et
devient solide à ce moment-là ;
- les pourcentages de pertes par mortalités vont de 5 à 10 %
de l’effectif initial.
c) Milieu infecté (maladie déclarée, avec des mortalités plus ou
moins importantes au moment de la vaccination) :
- arrêt des mortalités dans un délai qui varie de 8 à 10 jours
après la vaccination (1 seule exception : apparition de réactions
défavorables qui ont porté ce délai à 15 jours dans l’expérimentation
no 10) ;
- pourcentage des mortalités enregistrées : varie de 2,26 à
45,29 % par rapport à l’effectif initial.
3. Les races de poulets :
Les races dites u légères )B (destination : ponte) paraissent
plus sensibles et accusent, après vaccination, des taux de mortalité
plus élevés que ceux des races dites K lourdes B (destination : chair).
N.B. : Il nous reste à signaler une particularité que nous avons
observée chez tous les poulets rescapés, après vaccination, de la
forme naturelle de la Maladie de Gumboro : la guérison dans ces
cas a été totale et a abouti à une restitution « ad integrum B ; cela
signifie qu’il n’a été relevé aucune séquelle (torticolis, déviations des
aplombs, boiteries, paralysies ou incoordinations motrices), tel
qu’on peut le noter couramment chez des sujets également rescapés
de maladie naturelle, mais qui n’ont reçu aucune vaccination anti-
Gumboro. Autrement dit, il est impossible de faire la différence
entre ces rescapés vaccinés et les sujets indemnes de cette maladie.
C’est là une constatation qui n’a cessé de nous frapper, à l’occasion
de nos 21 expérimentations.
f) Innocuité du vaccin :
Ce type de vaccin n’est pas du tout inoffensif, parce qu’il a
conservé un pouvoir pathogkne résiduel que l’on met facilement en
-

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évidence en vaccinant des élevages indemnes de toute maladie (10).
Ce reliquat de pouvoir pathogène nous semble assez important,
compte tenu des résultats que nous avons obtenus sur près de
50.000 vaccinations individuelles (10).
Malgré cet inconvénient qui ne devrait pas être minimisé, nous
avons pu calmer les appréhensions des aviculteurs sénégalais et
délivrer ces derniers de la hantise d’une redoutable maladie exo-
tique (*), contre laquelle ils se trouvaient pratiquement désarmés :
- en montrant d’abord qu’elle n’avait rien de commun avec
la Maladie de Newcastle et constituait, pour notre pays, une nou-
velle entité nosologique qu’il faut savoir identifier rapidement (9) ;
- en essayant ensuite de lui appliquer une méthode de pro-
phylaxie médicale qui soit à la fois simple et correcte (10).
CONCLUSION
Caractères particuliers de la Maladie de Gumboro au Sénégal
A la suite de son identification, cette maladie nous est apparue
sous deux traits particuliers :
- Le premier concerne son caractère d’affection évoluant
d’emblée sous la forme aiguë, avec pour conséquence pratique l’exis-
tence de nombreuses lésions à caractère septicémique. 11 semble
qu’elle n’ait pas présenté, ailleurs, le même aspect qu’au Sénégal
(1, 2, 3, 6, 7, 0
- Le deuxième, qui paraît être une conséquence directe du
premier, concerne les taux relativement élevés de mortalité enre-
gistrés au cours de nos travaux réalisés sur le terrain (lO), lorsqu’on
les compare à ceux qui sont communément admis dans les autres
pays (1, 2, 6, 7, 8).
Nous tentons d’apporter ici des explications à ces phéno-
mènes, en proposant à vos critiques les deux hypothèses suivantes :
1. Les conditions d’hygiène étant très souvent défectueuses
dans nos élevages locaux, les organismes s’aff aibhssent et deviennent
des proies faciles, même pour des agents infectieux de virulence
moyenne, et parfois faible au départ.
(*) Comme son nom l’indique, elle est originaire, faut-il le rappeler,
des alentours de la ville de Gumboro (2), située aux Etats-Unis d’Amérique.

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2. Le virus de la Maladie de Gumboro, qui vient de faire
son apparition au Sénégal, n’est-il pas différent des autres virus de
cette même maladie pouvant exister ailleurs, en ce qui concerne
notamment sa virulence et son pouvoir antigénique ?
Nous pensons que seules des études complètes du comporte-
ment de ce virus, faites tant sur le terrain qu’au laboratoire, per-
mettront de répondre à cette importante question et devront cons&
tuer, par conséquent, la suite normale des travaux que nous venons
de vous présenter.
***
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