COLLOQUE SUR L'ELEVAGE ORGANISE PAR L'0.C.A.M. ...
COLLOQUE SUR L'ELEVAGE ORGANISE PAR L'0.C.A.M.
FORT-LAMY - DEC!EMBRE 1969
ELEVAGE EN ZONE D'ENDEMICITE DES TRYPANOSOMIASES
SITUATIOR EN REPUBLIQUE DU SENEGAL
PAR S.M. TOURE
RESUME SUCCINCT
Au Senégal, toutes les régions d'&evage peuvent être considér6es,
à des degr&s variables, comme des zones d'endémicit6 des trypanosomiases. Les
différences dans l'importance des trypanosomiases selon les régions tiennent
principalement aux facteurs écologiques locaux, Ces facteurs sont à Iforigine
de la répartition des espèces pathogènes de trypanosomes et de leurs vecteurs,
et partant, de la fréquence relative des cas de morbidité dans les troupeaux.
Les espèces de glossines présentes sont Glossina palpalis gambiensis
et G.morsitans submorsitans. Elles se trouvent principalement dans le sud du
Sénégal. Le reste du territoire est infest6 par d'autres diptères hématophages
(notamment stomoxes, taons et hippobosques).
Les trypanosomiases à Trypanosoma congolense et à T.brucei sont
rencontrées au sud. Celle à T.vikx, de loin la plus fréquente, couvre prati-
quement tout le Sénégal, cependant que la trypanosomiase à T.evansi est confi-
née dans quelques localit6s sur la boucle du fleuve SénÉgal.
Les trois régions situées au sud représentent près de 50 ~~100 du
territoire mais n'hébergent que 38 p.100 environ du cheptel bovin alors
quselles ont des pâturages assez riches, Par contre, le nord a un climat
sahélien plus sévère avec des pâturages de moindre valeur et l'abreuvement
des animaux y est plus difficile. Les bovins sont malgré tout plus nombreux
dans ces régions, Cette inégalité dans la répartition tient, en partie, au
fait que le sud a surtout une vocation agricole cependant que l'écologie
intervient pour expliquer la localisation des différentes espèces animales
élevées.
*. /. .

COLLOQUE SUR L’ELEVAGE ORGANISE PAR L’0.C.A.M. - FORT-LAMY - DECEMBRE 1969
ELEVAGE EN ZONE D’ENDEMICITE DES TRYPANOSOMIASES
SITUATION EN REPUBLIQUE DU SENEGAL
par S.M. TOURE
Au Sénégal toutes les régions d’élevage peuvent être considérées
c o m m e d e s z o n e s d ’ e n d é m i c i t é d e .
trypanosomiases animales. Il y a cependant
d e s d i f f é r e n c e s d a n s l ’ i m p o r t a n c e d e s t r y p a n o s o m i a s e s selon les régions.
E l l e s t i e n n e n t à d e s i n f l u e n c e s é c o l o g i q u e s l o c a l e s q u i s o n t à l ’ o r i g i n e :
- de la répartition des espèces pathogènes de trypanosomes et de
leurs
vecteurs,
- de la fréquence relative des cas de morbidité dans les troupeaux,
1 - REPARTITION DES ESPECES PATHOGENES DE TRYPANOSOMES ET DE LEURS VECTEURS
Les espèces pathogènes de trypanosomes d'importance vétérinaire
sont représentées au Sénégal surtout par :
Trvpanosoma vivax ZIEMANN, 1905
T.conqolense BRODEN, 1904
T.brucei PLIMMER & BRADFORD, 1899
T.evansi STEEL, 1885
La transmission de ces trypanosomes est assuree différemment sui-
vant les régions. Au Sénégal les glossinos n’occupent que la partie sud qui
renferme les savanes arborées et les forêts de grande étendue. Leur limite
d e d i s t r i b u t i o n n e d é p a s s e p a s a u Rord le 150 parallèle.
Du point de vue écologique on peut distinguer t
I/ des étendues de forêts claires et de savanes arbustives qui prédominent
entre les 130 et 150 parallèles; Elles h é b e r g e n t e n p a r t i e G l o s s i n a
morsitans submorsitans NEWSTEAD, 1910.
2/ des forêts denses de type guinéen , parcourues dc rivières et demarigots.
E l l e s s o n t s i t u é e s a u s u d - o u e s t ( B a s s e C a s a m a n c e ) e t s o n t p e u p l é e s
surtout par G.palpa1i.s oambiensis VANDERPLANK, 1949. A luur limite de
jonction avec les forêts claires, o n t r o u v e a u s s i G.morsitans submorsi-
tans.

./.

2
Le zébu ne peut pas vivre dans les rggions du sud du Sdnégal mais
s'accomode des terres sahéliennes,
Or, les éleveurs traditionnels sont sur-
tout au nord où les bêtes sont des zébus. En Casamance et au Sénégal oriental
vivent dans des conditions assez bonnes des troupeaux de N'Dama, race trypano-
tolérante, mais le cheptel y est numériquement moins important.
Les possibilités alimentaires dPunc région sont très importantes
dans le problème de l'endémicité des trypanosomiases.
Les seuls moyens de lutte actuels sont la chimiothéra$e
médica'x-
teuse. L'antrycide et le B&éni1 sont encore les plus utilisés par les infir-
miers. Le traitement est à la charge des éleveurs. Les statistiques les plus
récentes indiquent que 13.836 bCtes ont 6té traitées en 1967.
D'autres moyens de lutte contre 1' cndémicité des trypanosomiases
sont envisagés. Un projet qui sera bien-t& réalisii a prévu l'assainissement
d'une région importante qui permettra une association harmonieuse de leagri-
culture et de lsélevage. D'autres traitements et d‘autres méthodes font
l'objet d'études.
La prgsente communication est illustrée par une carte sur lvendé-
naicité des trypanosomiases.
Laboratoire national de 1'Elevage et de
Recherches véterinaires du Sénégal - Dakar
(1.E.M.V.T.)
: .

31 la végétation riveraine de cours d'eau (Casamncc, Gambie et leurs
affluents)* Cette végétation est le plus souvent infestée de
Gipalpalis.
4/ des îlots de palmeraies à huile situées autour de marigots permanents
ou temporaires. Les plus importants en 6tendue se trouvent en Casamence.
Sur la Grande-C?%e atlantique, à quelques dizaines de kilomètres de
Dakar, s'étend une chaîne de galeries de palmiers à huile alimentées
par un réseau de lacs. Il s'agit de la région des Niayes du Sénégal.
Toutes ces palmeraies hébergent généralement Glossina palpalis
Gambiensis.

Partout où elles sont présentes les glossines assurent la trans-
mission cyclique de trypanosomiases. S'il est établi que la limite de
distribution des glossines ne dépasse pas le 150 parallèle nord, en réa-
lité l'aire des trypanosomiases animales recouvre toute l'étendue du
territoire.
Ce fait est expliqué par la présence, au nord de la limite de
distribution des glossines, de Diptères hématophoges qui assurent une
transmission mécanique de la maladie. Les principaux d'entre eux sont :
- Tabanus taanio?a- Palisot de Beauvois, 11307
- Tabanus biquttatus Wiedemann, 1830
- Tabanus par Walker, 1854
- Stom0x.w calcitrans L., 1756
- Stomoxvs niqra Macquart, 1850
- Siphona (L,voeroria) Minuta Bezzi, 1892
- Hippobosca varieqata
Megerle, 1803
Ces différences dans la répartition des espèces vectrices (le nord
par opposition au sud) sont en rapport avec des diffhcnces dans la dis-
tribution géographique et la fréquence relative des espèces pathogènes de
trypanosomes.
Trvpanosoma brucei parasite surtout les bovins, chevaux, &es et chiens
dans les
régions situées au sud du Sénégal. La plus grande fréquence de
l'espèce est constatée à l'ouest
près de la c8te entre les 130 et 140
parallèles.
T,vivax est de loin l'espèce la plus fréquente et qui cause le pius de cas
de morbidité. Sa présence est effective aussi bien dans les régions à
glossines que dans celles qui n'en ont pas. En effet, outre sa transmission
par des diptères assez divers, llépizootologie est entretenue par la
transhumance phiodique lorsque les animaux passent d'une région où l'in-
fection est fréquente à une autre où elle l'est moins.
T.conqolense n'est présente que dons les régions du sud. Quant a sa frér
quence
relative, l'espèce vient eprès T,vivax,
./.
,

-3-
T.evansi occupe une aire définie située aux abords immédiats du fleuve
Sénégal
où l'élevage du dromadaire est encore pratique, On note cependant
quelques rares incursions dans le territoire, L e s c h e v a u x e t l e s b o v i n s s o n t
aussi
parasités par ce trypanosome dans llairc qu’il occupefi
A ces cspeces,
il convient d'ajouter T,qambiense, agent de la
maladie du sommeil de 19hommc qui persiste encore dans quelques foyers
r é s i d u e l s , notamment dans lo region des Niayes et autour du périmètre
Somone-Bandia s u r la .'etite C ü t e a t l a n t i q u e , Ces foyers résiduels mani-
festent actuellement une
recrudescence dangereuse.
La fréquence relative des espèces de trypanosomes est représentée
sur une carte au 2/1.000.000.
L’endémicité des trypanosomiases et la repartition particulière
des vecteurs sont des facteurs très importants quant à la distribution et
la fréquence numerique des espèces animales dans les differentes regions
d ’ é l e v a g e .

II - ELEVAGE ET ENDEFIICITE DES TRYPANOSOMIASES AU SENEGAL
-
-
D’après les statistiques les plus récentes des Services de l’Ele-
vage, le chaptel bovin est estimé à 2.477.000 tetes. La répartition en est
inégale. Les
régions situbes au nord ont plus de bétail que celles au sud.
Trois régions méridionales (le Sine-Saloum, le Sénbgal Oriental et la
Casamance) qui totalisent une superficie légèrement sup&rieure à la moitié
du
territoire n'hébergent que 30 p,IOO du cheptel bovin. Il s'agit préci-
sément des
rbgions infestbes de glossines et où plusieurs espèces de
trypanosomes pathog"ènes sont en présence, Cette situation est d’autant plus
dommage que l’alimentation du bétail
trouvo facilement solution dans ces
r é g i o n s . En effet, de nombreux marigots des réseaux de rivières Gambie et
Casamance permettent l?abreuvemcnt et les psturages sont de plus en plus
abondants
à mesure qu’on descend vers le sud,
Par contre, une partie importante dus régions plus su nord ne
permet la survie des bêtes que grâce à des techniques ancestrales d’elcvage
a m b u l a t o i r e . C’est le cas de la réserve sub-désertique du Ferlo avec ses
vallées mortes où il n"y a d’eau que dans quelques centres (forages notam-
ment) et
d'herbe que pendant quelques mois,
Cette inégalite dans la r&partition tient en partie au fait que le
sud a surtout une vocation agricole, cependant que l’écologie intervient
pour expliquer la localisation des différentes espèces animales élevées,
u
./.

.
-4-m
La limite nord de distribution des glossines correspond sensible-
m e n t à l a l i m i t e s u d d e l'aire d’Glevage d u zebu. L ’ a n i m a l , t r è s s e n s i b l e
aux trypanosomiases, resiste mal dons les savanes infestées de glossines.
Par contre, p lus au sud (Casamance, SEnégal oriental), les bovins sont de
race NDama et vivant dans des prairies assez riches. Les cas cliniques
de
trypanosomiases (et les analyses à parasitemie lisible) sont relative-
ment
rares. Les animaux tolèrent les trypanosomes quoique les glossines
soient en très grand nombre dans ces régions.
Entre l'aire de peuplement du NDama et celle occupée par le zébu
s’étend une bande où la plupart des animaux sont interm&diaires entre les
deuxlraces mois sont susceptibles de contracter la maladie.
La différence entre le nord et le sud, eu égard B la répartition
des glossines, est encore plus marquée quand on considère l'élevage du
cheval. L’absence totale du cheval en Casamance a été pendant longtemps
un
fait notaire. Par les progrès de la thérapie, un trouve actuellement
pres de 200 chevaux utilises dans les
trnnsports intra-urbains,
L’endémicité des trypanosomiases dans les régions sans glossines
cst,causde principalement par T.vivax.
Il s ’ a g i t l e p l u s s o u v e n t dfenzoo-
ties chroniques, de gravité snisonnière. La maladie se monifeste avec plus
de virulence en1 fin de saison sèche quand
l'herbe est de plus en plus
rare et les parcours pour atteindre les points d’eau de plus eh plus longs.
L’enzootie e s t m o b i l e ,
largement propagée par le mode d’élevage transhu-
mant.
En plus de considerations écologiques, il faut souligner que la
persistance et la propagation des trypanosomiases est en rapport avec cer-
taines pratiques traditionnelles : parcs à bestiaux à la lisière de
furi%s infestEes de glossines et élevage ambulatoire. Les facteurs qui
conditionnent l’endémicité sont donc assez nombreux et variables d’une
région à l'autre. Les moyens de lutte doivent n&cessoircment en dépendre,
III - LUTTE CONTRE LES TRYPANOSOMIASES ANIMALES DU SENEGAL
1/ - Situûtion actuelle : Les seuls moyens de lutte appliqués
jusqu’à présent sont le traitement par médicaments chimiques. Ces médica-
ments, à la différence des vaccins
contre les maladies boctgriennes, sont
à la charge des éleveurs et leur prix est comparativement plus élevé.
Malgré cela beaucoup d’&leveurs sollicitent l'intervention sur leurs b&tes.
Les statistiques,officielles indiquent pour 1967, 13.836 traitements par
trypanocides. Le nombre réel d’animaux ainsi soig&s est proboblemcnt
superieur cor beaucoup d'éleveurs se procurent les trypanocides dans les
pharmacies et confient le
traitement aux infirmiers de leurs villages.
La
neccssite de soigner et de protCger le cheptel contre les trypanosomiases
est désormais retenue. Parmi les médicaments utilisbs 1'Antrycide sous ses
deux formes et le Bbrénil sont les plus courants. Le vulgarisation de
trypanocides plus &Cents dbrives de la phénanthridine.est en cours.
./.

C'est grbce à 13 chimiothérapie qu'il a BtE possible de mainte-
nir pendant trois nnn&es un Glcvage de bovins importes (race Red Sindhi)
dons la ferme
exp6rimentnlt: du Laboratoire de lIElevage située dans une
région fortement infestée de glossincs. Les gains de poids ont ét6 remar-
quables.
Toutefois,
ces interventions par traitement chimique ne devraient
Qtre que complémentaires d'outres moyens de lutte tels que la prophylaxie
agronomique dans les rt?gions de forte densite forestière, l'emploi d'in-
secticides contre les vecteurs et l'éducation des Eleveurs,sans oublier
l'importance capitale de ltnlimentation des animaux.
2/ - Pro.iets d'avenir f lutte contre les vecteurs
Une zone importante sur le plan économique (possibilit; d'une
associetion harmonieuse de l'agriculture et de l'élevage) est malheureu-
sement infestée,de glossines qui
transmettent localement 10 trypanosomiase
à T*vivax et la maladie du
sommeil de l'homme. Il s'agit des Nicyes,
présentées ci-dessus.
Il est possible d'assainir celles-ci par un traite-
ment insecticide car elles sont par îlots sBparés et ciconscrits et la
probabilitu d'une rGinfcstation presque nulle. Une telle opbrotion est
pr&ue pour 1970 avec comme technique de base la pulvérisation par la
Dieldrine.
D'autres étendues occup&es par les tsk-tsé telles que la vallée
de la Somone et ses ramifications en forêt de Bandia pourraient aussi
être traitées par insecticides.
Ailleurs la lutte contre les vecteurs ne saurait être menée que
sur la base de plan précis en raison du coQt élevé de telles interven-
tions oar les superficies à assainir sont très grandes.
L'action contre les trypanosomiases devrait connaître prochaine-
ment des progsès encore plus marqués avec 1'arrivGe dans ce domaine de
techniques nouvelles comme le 13cher
de glossines mâles str?rilisEes,
Mnis cette lutte n'est pas Sur un seul front et tout autre moyen doit
&tre retenu quand il peut conduire à un résultat satisfaisant pour un
prix raisonnable. Immense est l'étendue des trypanosomiases qui occupent
encore '"plus des deux tiers de la partie habitable du continent africain",
.

B 1 B L 1 CI G H.A P HI E
ANONYME (196?).- Rapport annuel du Service de 1tElevage et des Industries
animales du Sénegal. Statistiques.
EVENS (F.) (1964).- Importance des trypanosomiases. Lutte contre les trypa-
nosomiases.
Cours O.M.S. de formation professionnelle sur
les trypanosomiases africaines. Bobo-Dioulasso (Haute-Volta)
2 navembre .. 12 décembre 1964.
FORD (J.) (1963).- The distribution of the vectors of african pethogenic
trypanosomes. Bull. Org. Mond. Santé Vol. 28, no-5-6,
ppo 653-669.
FORD (J.) (1964).- The geographical distribution of trypanosome infections
in african ccttle populations. Bull. Epiz. Dis.Afr. vol 12,
pp. 307-321.
MOREL (P.C.) 8, TOURE (S.M.) (I967).- Glossina poloalis sambiensis Vanderplank,
1949 dans la région des Niayes et sur la Petite C8te
(République du SEnEgal). Rev. Elev. Med. v&t. Pays
Trop.
tome 20, nO4, pp. 571-578,
TOURE (S.M.) (1960).- Répartition géugraphique et ecologie specinle des
glossines (Diutera, Muscidae) au Sénegal. Pane1 on control
of Livestock Insect pests by the sterile mals technique,
Vienna A.I.E.A., 89 - 93.

TOURE (S.M.) (I968).- Epidemiologie des trypanosomiases et bilan de la situa-
tion en République du SEnégal. 120 rbunion du Conseil
scientifique international pour la Recherche sur 1~7 trypano-
somiase, Bangui, novembre 1968.