VII' JOURNEES MEDICALJXS DE DAKAR &j (jo-(-j...
VII' JOURNEES MEDICALJXS DE DAKAR
&j (jo-(-j yt'f,()
11 - 16 JANVIER 1971
.a.----
Kl3DECXN.E WIERINAIRE
---w-
LES MALADIES NUTRITIONNELLES DU BETAIL
EN AFRIQUE NOIRE
w-m--
par H. CALVET '
m-...vw
GENEG%LITFS
Pour assurer son fonctionnement normal, l'organisme animal doit
pouvoir puiser dans le milieu extérieur un certain nombre de substances
chimiquement définies, apportées par les aliments.
La nature de meme que les proportions de chacune de ces substances
ne sont pas indéterminées et il résulte, pour chaque espèce, une notion de
c
besoins alimentaires qui doivent être satisfaits régulièrement.
C'est ainsi que l'alimentation doit nécessairement apporter des
hydrates de carbone, des protéines avec les acides aminés indispensables,
des sels minéraux etoligo-éléments et enfin des vitamines.
Chacun de ces principes joue un rôle spécifique, certains sont
destinés à fournir l'énergie, d'autres entrent dans la constitution des
tissus d'autres enfin sont indispensables au fonctionnement des systèmes
enzymatiques grâce auxquels s'effectuent toutes les réactions biochimiques.
Lorsque la satisfaction des besoins est incomplkte, ou s'effectue
de façon anarchique, des troubles apparaissent, qui se groupent sous le nom
de maladies nutritionnelles ou, de façon plus restreinte, mais mieux appli-
quée aux problèmes africains, <de maladies par carence.
Chaque jour, la littérature s'enrichit par la description de nou-
veaux syndromes dont les causes alimentaires sont indubitables. L'élément
ou les éléments responsables dtant identifiés la plupart du temps par le
fait que leur adjonction au régime entrake la disparition des troubles.
La symptomatologie des principales maladies nutritionnelles trop
vastes et désormais classiques, n'entre pas dans les propos de cette courte
note. On se limitera aux particularités nutritionnelles propres à la zone
tropicale sahélienne et rencontrées chez les ruminants qui constituent l'es-
sentiel du cheptel à vocation économique, de ces régions et à la description
des troubles observés chez ces espéces. Les résultats des recherches, encore
/
. . . .
- - M - w - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - I _ _
-1-----v
+ Laboratoire national de lIElevage et de Recherches vétérinaires du Sénégal
I.E.M.V.T. - DAKAR -
--
-
.-
_-.-

2
partielles, effectuées dans ce domaine par les diverses sections de
1'I.E.M.V.T. seront enfin rapportés.
Auparavant, deux remarques générales s'imposent :
La première correspond au fait que le caractère d'indispensabilité
de certains éléments est fonction de l'espèce animale.
C'est ainsi que les ruminants, grâce à. la symbiose microbienne
qu'ils entretiennent dans leur rumen ont une situation à part dans la série
animale.
Ils utilisent, en effet, beaucoup mieux que les autres espèces
la cellulose abondante dans le milieu naturel et constituant pour eux le
nutriement énergétique essentiel. Ils sont capables de transformer dans la
panse l'azote minéral alimentaire en azote bactérien de haute valeur biolo-
gique ce qui leur confère une moins grande dépendance vis-à-vis de la plu-
part des acides amines indispensables. Ils effectuent enfin la synthèse
des principales vitamines lipo-solubles et extériorisent de ce fait rarement
des avitaminoses. Leurs exigences en sels minéraux et oligo-éléments restent,
par contre, intactes et leur pathologie nutritionnelle est donc essentielle-
ment fonction des carences minérales.
Un autre fait important est que si le tableau clinique observé
dans chacune des carences présente une très grande diversité (troubles loco-
moteurs, troubles nerveux, troubles des épithéliums et des phanères) leurs
conséquences sont, par contre, presque toujours univoques et se traduisent
quel que soit l'élément en cause par : un arr% de la croissance, une dimi-
nution de la fécondité, une baisse sensible de toutes les productions.
PARTICULARITES
NUTFXTIONMZLES
DES ELIWAGES SAHELLENS
La plus grande partie du cheptel animal de l'Afrique noire se trouve
concentré dans les zones sahéliennes et est constitué par de grands troupeaux
entretenus suivant des techniques traditionnelles. Leur nourriture exclusive
est la végétation herbacée des savanes à laquelle s'ajoute occasionnellement
le feuillage de certains arbustes,
Il existe donc une étroite dépendance entre l'animal et le milieu
naturel avec ses trois composants 0 le végétal, le sol et le climat.
L'animal ne reçoit donc que ce que le végétal a édifié lui-même
grâce à la synthèse chlorophylienne et les sels minéraux puisés dans le sol.
Or, si l'on compare la liste des éléments reconnus nécessaires aux plantes
vertes et aux animaux, on constate que la physiologie animale et végétale
diffkent quelque peu. C'est ainsi par exemple que le sodium, le chlore,
l'iode, le brome et le fluor jugés indispensables à l'animal ne le sont
plus pour les plantes. L'aliment herbacé semble done déjà impropre à couvrir
3.a~ totalité des besoins animaux.
La composition du végétal lui-m^eme dépend de nombreux facteurs,
le premier étant la nature du sol qui le porte. Pour que les sels minéraux
passent dans l'herbe, il est évident qu'il est nécessaire qu'ils existent
dans le sol et qu'Ilssoient à portée du vegétal.
/
. . . .

3
Or, une des grandes caractéristiques des sols, des régions sahe-
liennes réside dans l'absence d'une couche imperméable proche de la surface
susceptible d'empêcher l'entraînement des métaux et métalloPdes par les eaux
d'infiltrations. Il en résulte que, les sols tropicaux sont plus ou moins
lessivés suivant l'intensité des précipitations et présentent en général une
grande pauvreté en éléments nutritifs et en particulier en substances miné-
rales.
Des recherches déjà anciennes ont souligné en outre les rapports
existant entre la nature géologique des sols et la faculté qu'ont les végé-
taux d'absorber les éléments qui s'y trouvent. Le manganèse des roches érup-
tives, par exemple, n'est pas absorbable par la plante alors que celui des
roches sédimentaires l'est, Les graminées des sols argile-calcaires sont
plus riches en protéines que celles produites sur les sols granitiques. La
teneur des sols n'est donc pas le seul facteur qui conditionne la richesse
des plantes, des conditions physico-chimiques favorables sont indispensables.
Le dernier facteur du milieu agissant à la fois sur le végétal et
l'animal est le climat. Une importante caractéristique des zones sahéliennes
réside dans l'existence d'une longue saison sèche suivie d'une courte saison
des pluies, Le cycle végétatif des plantes annuelles est donc très court.
Dès octobre, les plantes à maturité, commencent à se dessécher et à s'ap-
pauvrir progressivement en protéines et en phosphore. Les foins de la saison
des pluies se transforment rapidement en pailles peu digestibles et pauvres
en éléments nutritifs. Les animaux sont donc soumis au cours de l'année à
des nourritures de composition et de valeur radicalement différentes,
En définitive, alimentation exclusivement herbacée, pauvreté des
sols induisant une faible valeur des fourrages, rigueur climatique, consti-
tuent le cadre habituel des élevages extensifs des zones sahéliennes, Devant
des conditions aussi généralement défavorables, on est alors surpris par
l'importance relativement modérée qu'y prennent les désordres nutritionnels.
Ce fait est do essentiellement à l'étonnante adaptation au milieu
dont est capable le zébu qui peuple ces régions. Alors qu'en région tempérée,
les insuffisances de l'alimentation sont rapidement corrigées par l'interven-
tion de l'homme, les troupeaux sahéliens doivent s'accomoder de leur carence,
vivre avec elles en quelque sorte.
Cette adaptation se fait suivant le mécanisme général déjà souligné
comme conséquent à toutes les carences, c'est-à-dire en diminuant la pro-
ductivité. Tout se passe comme si l'organisme qui ne reçoit pas la totalité
des éléments nécessaires réduisait progressivement son activité au maintien
des mécanismes indispensables à sa survie en éliminant les "exportations de
luxe" qui représentent les productions.
Cette adaptation de l'animal sahélien à un état de sub-carence a
deux conséquences essentielles.
L'une explique la difficulté de l'identification des éléments
responsables. En effet, l'interaction des modifications métaboliques sous
l'effet des carences en jeu et le fait que les animaux les compensent par
une méthode peu spécifique, la diminution des productions,conduit à des
tableaux cliniques peu précis.
/
. . . .

4
La biochimie au milieu de ce dédale de polycarences dissimulkes apporte,
certes, des éléments importants. Mais un éclaircissement définitif ne pourra
résulter que d'une supplémentation minérale de base qui, provoquant un re-
nouveau de production, mettraAit en lumière les carences surajoutées,
L'autre conséquence est de nature économique. Les carences miné-
rales semblent constituer, en effet, un frein général appliqué à la pro-
ductivité des troupeaux et à ce titre, contribuent avec les autres facteurs
défavorables i maintenir à un faible taux le croit et le rendement des élé-
vages de ces régions.
Description des troubles nutritionnels observés
Nous étudierons d'abord les insuffisances quantitatives globales
de la ration et ensuite les phénomènes en rapport avec des insuffisances
qualitatives alimentaires.
1°/ - Insuffisances quantitatives globales de la ration
Les disettes annuelles sévissant périodiquement sur les troupeaux
ne constituent pas des maladies nutritionnelles au sens propre du mot, Ce-
pendant, étant donné la fatalité de leur apparition et l'importance qu'elles
rev$tent pour l'évolution gén&rale du troupeau, il a paru nécessaire de les
placer en tete des problèmes nutritionnels dont la difficile solution con-
ditionne le développement de ce type d'élevage.
L'animal s'y trouve, en effet, soumis à un rythme nutritionnel,
lié aux conditions climatiques. Pendant une courte période de l'année, la
nourriture est abondante et de composition favorable, ensuite durant les
5 à 6 mois de saison sèche, l'aliment ingéré se compose essentiellement de
paille sèche lignifiée et peu digestible, réduite de surplus en quantité
lors du passage de larges feux de brousse.
Les problBmes nutritifs au niveau des élévages extensifs des zones
tropicales africaines ont fait l'objet ces dernières années d'une étude syn-
thétique réalisée par les agrostologues et nutritionnistes de 1'I.E.M.V.T.
Le démarche générale de ces recherches mérite d'être citée car elle apporte
une compréhension nouvelle de ces problèmes. Elle comporte les étapes sui-
vantes :
- Définition des besoins d'entretien et de production de l'unité bétail
tropical (U.B.T.).
L'U.B.T. pèse Z!5G kg et exige journellement 2,7 à 3,l UF et 180 g
de matières azotées digestibles suivant l'importance des déplacements aux-
quels il est soumis.
La consommation journalière de l'U.B.T. est évaluée à 6,25 kg de
matière sèche.
Ses besoins sont alors rapportés au kg de matière sèche ingérée
et constituent "l'équivalent ration" exprimé en unités fourragères et en
matières protéiques digestibles, La lecture directe des tables hollandaises
fournit, en fonction du taux de cellulose et de cendres des fourrages l'é-
quivalent ration d'un kg de matiere sèche de l'aliment,
/
. . . .

5
Cette valeur peut être comparée aux besoins théoriques de 1'UFYT
et servir à une classification immédiate des fourrages.
Certains s’avèrent alors capables de fournir largement les be-
soins d'entretien et d'assurer une production.
D'autres permettent seulement l'entretien des animaux, et les
derniers enfin, sont nettement insuffisants et l'animal, pour survivre,
doit faire appel à ses réserves et s'amaigrir,
Il est ainsi possible d'affecter à chaque plante une note de va-
leur pour la saison des pluies et une autre pour la saison sèche.
En reliant cette note à un inventaire pondéré des strates herba-
cées et ligneuses et en utilisant la cartographie, les divers p^aturages
individualisés peuvent être classés suivant leur valeur saisonnière. Ces
études qui reposent sur plus de 500 analyses bromatologiques, montrent que
d'une façon générale, la plupart des pâturages sahéliens de saison sèche
n'ont pas une équivalent ration suffisant pour assurer l'entretien des
troupeaux.
Chaque année, en saison sèche, s'installe donc une période de
disette au retentissement général important.
La perte de poids constitue le phénoméne le plus sensible. Elle
commence à partir de février ou mars pour atteindre son maximum en juillet,
qui peut se situer entre 15 et 30 p.100 du poids de décembre. De ce fait,
la croissance des troupeaux subit chaque année une période négative laissant
en fin de l'an, un gain résiduel faible et le poids maximal de l'animal,
terme pour son exploitation rationnelle, n'est atteint, dans le milieu na-
turel, qu'à l'*age de 5 à 8 ans.
Chez les femelles, ces irrégularités nutritionnelles contribuent
à la tardivité généralement observée. La première gestation ne se produit
guère avant 4 ou 5 ans et les suivantes prennent un rythme irrégulier.
Les conséquences sont encore plus graves chez les jeunes car
les lactations diminuees entra$nent un état de malnutrition qui les rend
vulnérables à toutes les infections ou infestations.
2O/ - Irrégularités de l'abreuvement
En saison sèche, les zones p^aturables s'éloignent de plus en plus
des points d'eaux. Ce phénomene est particulièrement net dans le Ferlo séné-
galais qui a été quadrillé sur toute sa surface par de grands travaux d'hy-
draulique. La distance à parcourir pour atteindre l'abreuvoir est parfois
de 12 à 15 km et les troupeaux ne peuvent alors s'y rendre tous les jours,
Un jour est réservé au pâturage et le lendemain au déplacement vers le
point d'eau.
L'incidence de cette forme d'abreuvement, à jour sauté, paraft,
de prime abord, défavorable.
Pour BOUDET et RIVIERE les pertes de poids importantes observées
parfois et alors que les p^aturages semblent parfaitement à même d'assurer
l'entretien des animaux, tiendraient à une insuffisance de l'abreuvement.
/
. . . .

6
Pour d'autres auteurs (LEYINGTCN, PAYNE, FRBND) un abreuvement
réduit, chez des troupeaux soumis à une alimentation pauvre constituerait
au contraire, un facteur favorable, car il entra?ne une réduction des pertes
en azote par les urines et rend l'individu plus apte à maintenir un équili-
bre énergétique positif.
Il faut encore et une fois de plus, dans ce domaine, souligner
l'adaptation remarquable du zkbu à ce mode de vie aberrant.
Animal des pays chauds et secs, le%w indicus"a développé au
niveau du métabolisme hydrique des mécanismes physiologiques, comparables
en moins perfectionnés
cependant, à ceux que SJXMITH-MIELSON a décrit
chez le chameau, Les zébus semblent, en effet, réaliser des économies d'eau
dont sont incapables les autres especes. Ils concentrent leurs urines au ma-
ximum, émettent des matières fdcales moins humides et surtout ne se compor-
tent plus en stricts homéothermes. La température interne suit chez eux et
dans une certaine mesure celle du milieu extérieur. C'est ainsi qu'on peut
noter, entre la saison froide et la saison chaude des variations de tempé-
rature matinale de l'ordre de 1 à 1'5 pouvant atteindre 2'5 le soir suivant
que l'animal a été plus ou moins expos8 aux radiations solaires. Ces méca-
nismes permettent l'économie de l'eau de vaporisation et de radiation qui
aurait été indispensable au maintien de la température centrale.
3"/ - Insuffisances qualitatives de la ration
Les études sur les carences minérales ont été entreprises au Sénégal
à l'occasion des recherches sur l'affection animale, comparable au Lamsieckte
décrit par THEILER en Afrique du sud, qui, dès les années 1960, causait l'in-
quiétude grandissante des éleveurs du nord Sénégal.
Les recherches ont permis l'établissement de l'étiologie de cette
maladie qui s'est avérée être l'association d'un trouble nutritionnel et du
botulisme. La description clinique de la première partie de cette association
pathologique (le trouble carentiel) fait essentiellement apparattre des
symptômes d'ostéomalacie et des aberrations du g0Ci-t traduisant le pica.
L'ostéomalacie
: C'est une affection des animaux adultes qui est sous
l'angle de l'étiologie et de la pathogénie comparable au rachitisme des
Jeunes. Elle atteint essentiellement les vaches gravides ou les femelles
laitières et prend le plus souvent une allure chronique avec des alternances
d'aggravations et de rémissions.
L'affection se manifeste d'abord par des anomalies de la démarche,
Les animaux atteints traînent en queue du troupeau, la marche est lente,
précautionneuse et douloureuse. Le dos est voussé et la tête portée basse.
A ce stade, on note une plus grande fréquence des fractures ou parfois une
hypertrophie des articulations. Les animaux sont ensuite dans l'impossibilité
de se relever et couchés au sol, évoluent vers la misère physiologique ou
vers une rémission provisoire s'ils sont l'objet de soins particuliers des
bergers.
Les femelles atteintes présentent une frigidité temporaire ou per-
manente.
/
. . . .

7
L'ostéomalacie est provoquée par une carence en phosphore et en
calcium.
Le Pica
Le pica, manifestation de l'appétit dépravé, pousse les animaux
à ingérer avec prédilection des substances non alimentaires. Il est fré-
quemment observé dans les troupeaux sahéliens. Au Sénégal, dans le Ferlo,
cette aberration du goût est tellement commune que les éleveurs la considèrent
comme naturelle chez leurs animaux, Les autopsies pratiquées illustrent
l'existence de ce trouble. On découvre, en effet, dans le rumen des frag-
ments de bois, des débris osseux, des morceaux de peau ou des corps étran-
gers divers, Même dans la caillette, se rencontrent souvent des esquilles
osseuses. Le pica est regardé par la plupart des auteurs comme une manifes-
tation de carence qui vient souvent aggraver un état plus ou moins névrotique.
Il semble bien cependant que la carence ne soit pas univoque et
que de nombreuses déficiences seules ou associées contribuent au développe-
ment de cet état.
A ce jour, de nombreux éléments ont été tour à tour reconnus res-
ponsables :
- Tel est le cas de la carence en sodium soit par une insuffisance d'apport
ou un excès de l'ion antagoniste qu'est le potassium. Il faut remarquer
à ce sujet que dans le Ferlo sénégalais, depuis la &dentarisation
relative
des pasteurs , la coutume des transhumances vers les terres salées semble
avoir disparu.
- Carence en phosphore - L'hypophosphorose est un facteur très fréquent du
pica et tout particulièrement de l'ostéophagie au cours de laquelle les
animaux recherchent dans les ossements de cadavres le phosphore qui leur
fait défaut. Le pica, de plus,se surajoute souvent aux symptômes de l'os-
téomalacie.
- Carence en protéine - Chez les oiseaux, l'insuffisance d'apport protéique
est souvent à l'origine du pica et la guérison peut survenir après la dis-
tribution de protéines surtout lorsqu'elles sont d'origine animale. Par
analogie, on peut penser que chez les bovins, la carence en protéine qui
semble de règle en saison sèche contribue à l'éclosion de ce trouble.
- La carence en fer, en cuivre et en cobalt des sols et des herbages peut
également conduire à des fermes de pica.
Pica et ostéomalacie sont donc les manifestations essentielles
de maladies par carence qui atteignent les élevages sahéliens.
Quelle contribution la biochimie peut-elle apporter à l'étiologie
de ces troubles .
. /
. . .

8
RECHERCHES BICCHIMIQUES
En 1963, une première série de recherches a été entreprise à pro-
ximité du forage de Lagbar, situé, à l'kpoque, dans la zone de plus grande
endémicité de botulisme.
107 prélèvements et 84 d'urines ont été effectués sur des troupeaux
vivant dans quatre campements proches de ce forage.
Des pr&èvements comparables ont eu lieu parallèlement sur des
animaux du C.R.Z. de Dara, indemnes de maladie.
Les analyses ont comporté le dosage de l'hématocrite, de la phos-
phorémie, de la calcémie, des protéines totales et du phospate des urines
exprimé par le rapport phosphate urinaire (mg/l) sur créatinine urinaire (g/l).
La comparaison des moyennes des déterminations effectuées à Lagbar
et à Dara est traduite dans le tableau suivant :
Comparaison de déterminations au Ferlo et à Dara
Dara
RQgion
I
+
Lagbar
Significatio
Phosphorémie
@,6 + 333
53,4 + 2,4
7,24
oui
Calcémie
103,l -+ 0,9
102,3 + 1,2
039
non
Protéines
totales
84,5 + 2,17
8635 + 1,72
1,35
1
non
I-
1Phosphaturie ) 19,'ï' $ 2,3 hk)j 16,g + 2,3 1 1,44 1
non
1
i
I
I
,
4
A Premiere vue, seule la phosphorémie est significativement plus
basse au Ferlo qu'à Dara. Cependant, si du groupe des prélèvements du Ferlo
on soustrait le campement de Loumbol Kélédi qui paraZît jouir de conditions
particulières,
on voit que les animaux restant excrètent moins de phosphore
par les urines au Ferlo qu'à Dara, comme en témoime le tableau suivant :
Taux moyen d'excrétion du phosphore
Loumbol
d
Loumbol
Zagbm
Kélédi
Kélédi
Dara
Dara
Lagbar
Moyennes
22,5
15,2
22,5
19,7
19,7
15323
t
2,43
0,84
233
I
1
Signifi-
cation
oui
non
j
oui

9
Une deuxième prospection dans la même région se situe en juillet
1964.
Elle porte sur quatre points, intéresse une population de 145 ani-
maux et fournit les résultats suivants :
Résultats de juillet 1964
Lagbar
Tilel
Khadar
Yaré Lao
Phosphorémie
37
15
52
54
mg/1
49,5 + 3,9
45,2 + 8,5
47,O +- 3,4
35,2 z 4,05
Calcémie
S-/1
ioi,g + 1,8
lCO,3 + 2,3
93,6 + 139
%',8 2 l,3
Protéines
totales
69,5 $ 291
7l,l $ 3,9
63,4 + 2,3
7x,1. 2 250
R/l
On remarque que le taux de phosphore inorganique sérique s'est
encore abaissé entre la tournée de décembre 63 (saison favorable) et celle
de juillet 64 (fin de saison sèche).
Le taux moyen est passé, en effet, de 53,3 + 2,4 à 43,7 + 2,5.
Les protéines totales ont également subi une variation alors que
le calcium reste inchangé.
Ces deux séries de résultats montrent que parmi les éléments étu-
diés, la phosphorémie présente le déséquilibre le plus constant. Les taux de
phosphore sont, en effet, bas d'une façon absolue et si on se réfère aux
moyennes europeennes se situant aux alentours de 80 mg/l. Ils sont encore
bas si on les compare aux taux obtenus à la station de Dara pour laquelle
les valeurs moyennes étaient de 60,6 mg/l,
On peut donc conclure que cette enquête portant sur un échantillon
suffisamment important pour être représentatif a mis en évidence un trouble
d'hypophosphorose caractérisée jouant certainement un rôle dans la génke
des désordres nutritionnels observés. Cependant, d'autres éléments que le
phosphore, protéines et oligo-éléments peuvent également intervenir.
Cette hypophosphorose plasmatique trouve certainement sa raison
d'être essentielle dans la composition des fourrages que consomment les
troupeaux (pauvreté en phosphore et déséquilibre phospho-cnlcique).
Un certain nombre d'échantillons de ces pailles récoltées au
cours des deux prospections, ont donné à l'analyse et du point de vue miné-
ral les résultats suivants :
. /
. . .
-

10
Analyse minérale des fourrages (en p.100 de M.S.)
Fourrages de
Fourrages de saison
décembre
sèche
J:
Echantillons
1
2
1
2
3
Matières minérales
totales
6,@ï’
6~3
11,o
5,o
3,5
Phosphore
0,076
0,105
0,025
0,04
0,019
I
Calcium
0,608
0,460
0,24
~56
0,29
Ca/P
830
4938
936
14,o
1532
h
Une nouvelle mission de prospection, constituant un élargissement
des recherches antérieures est entreprise en 1968.
Elle porte désormais sur six forages répartis dans toute la région
du Ferlo (Yaré Lao, Tatki, Yang-Yang, Linguère, Berkédji, Yonoféré) et compor-
te le dosage sérique de 8 éléments par spectre-photométrie d'absorption ato-
mique auquel s'ajoute le dosage du phosphore par la méthode calorimétrique
classique. Le protocole présidant à ces nouvelles recherches comporte des
prélèvements de saison sèche et des prélèvements de saison humide dans les
mÉZmes points. D'autres,et en saison sèche,sont pratiqués en Casamance qui,
indemnes de maladie, constituent une région de référence.
Etant donné que les troubles nutritionnels sont plus fréquents
en saison sèche qu'en saison humide, une suspicion de carence pour un ou
plusieurs éléments pourra résulter d'une différence significative observée
entre les teneurs des deux saisons. Cette suspicion sera encore affirmée si
pour le m@me élément, une différence existe entre le Ferlo et la Casamance.
Les dosages au Ferlo ont porté sur 290 sérums de saison sèche,
216 sérums de saison humide, et 164 sérums de Casamance. Il en est résulté
un total de plus de 6 000 analyses.
Les résultats généraux comportant les moyennes des déterminations
pour chaque saison et chaque région font l'objet du tableau suivant.
.* / . .
.
*

1 1
Résultats généraux Fer10 et Casnmance (mg/l)
Ferlo
Ferlo
Casamance
saison sèche
saison humide
saison sèche
Phosphore
49,4 ‘r 1293
64,3 + 5,6
7195 2 4,7
Calcium
88,4 + 8,6
102,2 f 5,5
92,5 2 1,7
Magnésium
22,8 + 1,84
23,i + 2,0
25,7 + 3,9
Sodium
3257 : 151
3131 + 54
3326 - 95
Potassium
180,1 + 17,2
173,4 + 10,8
lg8,3 + 10,4
Manganèse
0,086 + 0,022
0,091 + 0,023
0,094 + 0,og
Fer
1,24 + 0,16
1,20 + 0,62
1,42 -l- 0,25
Cuivre
0,51 2 0,13
0,62 + 0,07
0,50 + 0,05
Zinc
2,20 e 0,5
L27 + 0,32
2,21 + 0,36
I
Les calculs statistiques montrent :
Pour le phosphore une différence significative au Ferlo entre
les saisons et également entre les deux régions (Fer10 et Casamance).
La carence en phosphore se trouve donc confirmée par deux fois.
Pour le calcium, on note une différence significative entre les
taux Ferlo saison sèche et saison des pluies, mais pas de différence entre
Ferlo et Casamance. La carence en calcium semble donc exister en saison
sèche,
Dans aucun cas, n'existe de différence pour les taux de magné-
sium.
Les taux de cuivre sont significativement plus bas au Ferlo en
saison sèche qu'en saison des pluies. De plus, quelle que eoit la saison
ils s'avèrent plus bas que ceux rencontrés dans la littérature et dans
d'autres pays (0,75 en Australie).
Pour le zinc et le fer, les taux de saison humide sont inférieurs
à ceux de la saison sèche,
Cette constatation peut Gtre importante en ce qui concerne le
zinc. On sait que cette carence entratne un certain nombre de troubles
où dominent les désordres au niveau de la peau, donnant des lésions assez
comparables à celles que l'on observe, en hivernage, dans nombre de régions
africaines,
sous le nom de streptothricoses. On peut donc envisager l'hypo-
thèse qu'un certain degré de carence en zinc observé en saison des pluies
n'ait pas étranger à la genèse de ces manifestations cutanées.
. . / *.

1 2
En définitive, cette deuxième étude a confirmé en ce qui concerne
le phosphore, les conclusions obtenues précedemment, mais mis en lumière
le r6le de deux éléments nouveaux 2 le calcium et le cuivre.
11 est donc possible de dire que les troubles nutritionnels obser-
vés au Ferlo sénégalais,représentatifs
des régions sahéliennes d'élevage
sont dûs à une polycarence faisant intervenir et peut-être encore provisoi;
rement trois facteurs essentiels : le phosphore, le calcium et le cuivre.
Cependant, la confirmation définitive d'une pareille polycarence
et surtout la responsabilité qu'elle encourt dans la faible productivité
des troupeaux de ces régions ne pourra résulter que de l'amélioration ob-
tenue par une supplémentation minérale des troupeaux rationnellement con-
duite et suffisamment prolongée.
Ceci constitue l'objectif essentiel d'un programme de pré-vulga-
risation qui va être entrepris grâce à un financement particulier du Fonds
d'Aide et de Coopération français, dans la région du Ferlo sous l'égide
du Service de l'Elevage, de 1'I.E.M.V.T..
CONCLUSIONS
Tout au long de cette étude, nous nous sommes efforcés de montrer
les conditions nutritionnelles très particulières qui régissent l'alimenta-
tion des troupeaux dans les zones sahéliennes d'élevage (disettes,périodi-
ques, abreuvement insuffisant, pauvreté minérale des sols et des herbages).
Ceci nous a permis de souligner l'adaptation remarquable du zébu
aux conditions du milieu, faculté qui lui permet de dissimuler plus ou moins
les carences par des mécanismes d'économie se faisant, malheureusement, au
dépend des principales productions. Dans cette optique, les troubles nutri-
tionnels qui se manifestent à l'heure actuelle, l'ostéomalacie et le pica
revêtent une importance économique essentielle. Les carences sont, en effet,
le 'frein" appliqué de façon presque continue 8. toutes les productions
C'est à des conclusions comparables que sont parvenus les congres-
sistes du colloque d'Abidjan (avril 1968) tenu pour dégager les priorités
de la recherche agronomique en vue d'un développement économique de l'Afrique.
Les termes de la résolution établie pour ce domaine sont, en effet,
les suivants.
"La commission note avec inquiétude que les maladies nutritionnelles
et carentielles constituent un problème qui ne fait que croître parallèlement
à une meilleure conduite du troupeau, à l'introduction de races améliorées et
à la sédentarisation des animaux notamment en Afrique de l'Ouest. Elle recom-
mande que les travaux en cours dans certains laboratoires soient poursuivis
et intensifiés dans ce domaine".
En définitive, les charges nouvelles imposées par la lutte contre
les maladies nutritionnelles semblent constituer "un des premiers péages"
dont il convient de s'acquitter pour emprunter cc qu'on est convenu d'ap-
peler la voie du progrès.
/
. . . .

Au Sénégal, en effet, les troubles nutritionnels se sont arn@li-
fiés lorsque, dans le Ferlo, grâce à d'importants travaux d'hydraulique,
me sédentarisation relative des troupeaux a pu être réalisée. Les grandes
transhumances, forme anachronique de la vie sociale des pasteurs, ont été
réduites mais en contre partie, les troupeaux ne sont plus parvenus à com-
pléter la gamme des éléments indispensables qu'ils trouvaient, autrefois,
dans leurs périgrinations à travers des régions aux sols de composition
variée.
La marche vers le progrès semble, en effet, se faire par paliers,
chaque étage correspondant à une perturbation des équilibres biologiques
antérieurs que, par de nouvelles mesures, il faut compenser,
On peut très bien imaginer,de ce fait, qu'une fois instituées
les supplémentations minérales, on obtienne une relance de la production,
génératrice à son tour de nouveaux déséquilibres du milieu et de nouvelles
pathologies jusqu'à ce que l'intensification zootechnique aboutisse à
cette sorte de 'coup d'arrêt" auquel semblent être parvenus certains types
d'élevages perfectionnés avec les "maladies de la civilisation".
f

14
(1 )-BOUDET (G), RIVIERE (R).- Emploi pratique des analyses fourragères
pour l'appréciation des psturages tropicaux - Ouvrage
broché I.E.M.V.T. (Maisons Alfort - 94), juin 1967
n08/AGR0.
(2) - BRISON (A), PAGOT (J).- Les carences alimentaires du bétail dans leurs
rapports avec la pathologie animale. Rev. Elev. Méd. vét.
Pays trop., 1955, 8, (223-276).
(3) - CALVET (H), PICART (P), DCUTRE (M.P), CHAMBRON (J).- Aphosphorose
et botulisme au Sénégal. Rev.Elev.Méd.vét.pays
trop.,
1965, 18, (24g-282).
(4) - BIENFET et coll.- Nutrition et infécondité des bovins. Ann.Méd.vét.
196% 7, 46%
(5) - HEQJNING (M.W).- Les maladies animales en Afrique du sud (Animal
diseases in South Africa) 2 nd edit. Central news Agency
South Africa, 1949.
(6) - IAMAND (M).- Carences en oligo-éléments chez les ruminants - Cahiers
de médecine vétérinaire, 1970 , 39 (60-75).
(7) PAYNE (W.J.A) .- Nutrition des ruminants sous les tropiques. Nutrition
abstracts, 1966, 36, 3.
(8) ROGERSON (A) .- Utilisation de l'énergie des fourrages de faibles va-
leurs par de jeunes boeufs dont l'abreuvement est diminué
(Energy utilisation of poor quality roughages by water -
deprived steers) Nature March 23 - 1963 - 197 - 1222.
(9) - SCHMIDI - NIELSEN .- Métabolisme de l'eau chez les mammifères du désert,
(Water metabolism in desert mammals). Physiol. Rev. 1952 -
32, (13-j-166).
(10) - TEILER (H), VIWOEN (Pr) GREEN (H.H), DU TOIT (P.J), MEIER (H) et
ROBINSON (EM).- Le Lamsiekte (parabotulisme) des bovins
en Afrique du sud (Lamsiekte (parabotulism) in cattle
in South Africa - 12 th - Ann. Rep, Director vet. Res.
South Afr. 1927, 12, 821-1361.