INSTITUT D’ELEVAGE ET DE MEDECINE VETERINAIRE DES...
INSTITUT D’ELEVAGE ET DE MEDECINE
VETERINAIRE DES PAYS TROPICAUX
REVUE D’ÉLEVAGE
ET DE
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
DES PAYS TROPICAUX
Les trypanocides
et leur utilisation en médecine vétérinaire
par S. M. TOURE
I Tome XXVI (nouvelle série)
No 4 - 1973
VIGOT FRERES, EDITEURS
23, rue de I’Ecole-de-Médecine, Paris-VI’

Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1973, 26 (4) : 113 a - 122 a
Les trypanocides
et leur utilisation en médecine vétérinaire
par S. M. TOURE (*)
RESUME
De nombreuses espèces de trypanosomes peuvent parasiter les ani-
maux domestiques et le traitement ou la protection de ces animaux fait
appel à des médicaments divers dont les indications respectives sont
mentionnées pour les courants. L’utilisation de ces médicaments peut
entraîner à la longue la chimiorésistance de souches de trypanosomes et
cette possibilité doit particulièrement retenir l’attention du thérapeute.
Enfin, pour tout traitement d’animaux, il conviendra de tenir compte des
espèces de trypanosomes à combattre, des drogues à préférer compte
tenu de l’état physiologique des animaux. Le présent rapport ne renferme
à dessein, qu’un nombre très limité de références bibliographiques traitant
de généralités sur la question.
INTRODUCTION
Les trypanosomoses des animaux domestiques sont causées par des espèces de trypanosomes
assez nombreuses qui appartiennent, du point de vue systématique, à plusieurs groupes bidogi-
ques correspondant à des sous-genres différents. Les espèces pathogènes le plus fréquemment
rencontrées chez les animaux sont les suivantes :
1. dans le groupe de Trypanosoma vivax ou sous-genre Duttonella :
a) T. vivax ZIEMANN, 1905 ; parasite les Ruminants et les Equidés.
b) T. uniforme BRUCE et al., 1911 ; signalée chez les Ruminants.
2. dans le groupe de Trypanosoma congolense ou sous-genre Nannomonas :
a) T. congolense BRODEN, 1904 ; parasite des Ruminants, des Carnivores et des Equidés.
b) T. simiae BRUCE et al., 1912; le Porc est le plus sensible à cette espèce.
3. dans le groupe de Trypanosoma brucei ou sous-genre Trypanozoon :
a) T. brucei PLIMMER et BRADFORD, 1899; très pathogène pour les Equidés et les
Carnivores, moins pour les Ruminants.
b) T. evansi STEEL, 1885; pathogène pour le Chameau, mais les Bovins, le Cheval et le
Chien sont aussi sensibles à l’espèce.
c) T. equiperdum DOFLEIN, 1901; transmise par contagion, seulement chez le Cheval.
4 . une espèce monotypique du sous-genre Pycnomonas : T. suis OCHMANN, 1905 qui parasite
exclusivement le Porc et les Suidés sauvages.
(*) Institut dElevage et de Médecine vétérinaire des Pays tropicaux, Laboratoire national de I’Elevage
et de Recherches vétérinaires, B.P. 2057, Dakar, Sénégal.
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La diversité des espèces pathogènes de trypanosomes et les différences constatées dans leur
virulence suivant les espèces animales parasitées se traduisent, en matière de traitement, par des
différences de sensibilité à l’égard des trypanocides. En outre, les animaux ont une susceptibilité
variable selon leur espèce et selon les trypanocides qu’on leur administre. Et enfin suivant le
médicament employé, son mode d’administration et la fréquence de son utilisation sur le terrain,
il y a assez souvent création de souches de trypanosomes qui résistent à un ou plusieurs trypa-
nocides. Tout cela est pour rendre assez complexes les problèmes de thérapeutique dans les
trypanosomoses animales. Toutefois, la médecine vétérinaire dispose d’un arsenal thérapeutique
sensiblement plus varié qu’en médecine humaine, ce qui permet le plus souvent de trouver une
médication appropriée dans les différents cas que le vétérinaire est amené à rencontrer.
Les trypanocides utilisés en médecine vétérinaire peuvent être classés suivant des groupes
chimiques divers :
- dérivés de l’urée;
- dérivés de la quinoléine;
- dérivés diamidines;
- dérivés phénanthridinium.
Depuis les travaux du chimiste allemand Paul EHRLICH (1854-1915) (in MULLIGAN,
1970) à qui l’on doit la synthèse des premiers médicaments trypanocides, obtenus à partir de
colorants synthétiques, dont la Suramine (1916-1920) et les expériences pratiquées à l’Institut
Pasteur de Paris par l’équipe de LAVERAN et MESNIL, à qui l’on doit l’utilisation de la Try-
parsamide (1919-1925) jusqu’à nos jours, plusieurs dizaines de composés chimiques ont été
employés pour lutter contre les trypanosomoses animales, mais seuls quelques-uns ont survécu
et sont utilisables.
1. LES TRYPANOCIDES D’INTERET VETERINAIRE ET LEURS INDICATONS
1. Dérivés de l’urée : la Suramine (synonymes : Moranyl, Naganol, Antrypol)
La Suramine est utilisée chez les animaux domestiques avec des résultats variables selon
l’espèce animale traitée et les parasites en cause. Son efficacité est faible chez les Bovins souf-
frant de trypanosomose à T. vivax ou à T. congolense. Par contre, on obtient souvent de bons
résultats chez le Dromadaire, le Cheval et le Chien lorsqu’ils sont parasités par une des espèces
du groupe de T. brucei.
La Suramine est administrée par voie intraveineuse à raison de 7 à 10 mg par kg de la
solution à 10 p. 100. Deux à trois traitements à intervalle d’une semaine permettent souvent de
guérir les animaux dans les cas de trypanosomose à T. evansi ou T. brucei, chez le Chameau ou
le Cheval. Le médicament, administré une seule fois à la dose indiquée, peut aussi protéger ces
animaux contre ces infections pendant un à trois mois. La chimie-résistance à la Suramine peut
se manifester après administration répétée de suramine à faible dose. Les souches résistantes de
T. evansi sont sensibles sinon à 1’Antrycide du moins au Bérénil.
La tolérance du médicament est assez bonne. Cependant on peut quelquefois noter des
réactions générales après son administration intraveineuse. Par voie sous-cutanée ou intramus-
culaire, on observe inflammation et nécrose locales. L’utilisation prolongée de la Suramine pro-
voque souvent une néphrite chronique avec albuminurie. Chez le Cheval, il y a quelquefois
apparition d’œdème, d’urticaire et de fourbure, consécutive à l’emploi du produit.
La Suramine peut être associée à 1’Anthiomaline ou au Novarsénobenzol et l’on réalise
ainsi une synergie médicamenteuse permettant de guérir plus rapidement et plus sûrement les
animaux; chez l’Homme, on associe volontiers Suramine et Tryparsamide.
La Suramine donne naissance, par combinaison avec d’autres trypanocides, à de nombreux
complexes, actifs contre les trypanosomes, de faible toxicité générale et ayant un pouvoir pro-
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phylactique très élevé mais presque tous sont interdits à l’usage du fait des réactions sévères
provoquées au lieu d’injection (SC. ou I.M.). On peut citer les complexes Suramine-Pentamidine,
Suramine-Quinapyramine, Suramine-Métamidium, Suramine-Ethidium, Suramine-Prothidium.
Seul est utilisé, mais assez exceptionnellement, le complexe Suramine-Quinapyramine qui est un
des rares trypanocides actifs dans les infections du Porc à T. simiae.
2. Dérivés de la Quinoléine
a) La Quinapyramine ou Antrycide
Deux sels de Quinapyramine sont utilisés : le méthylsulfate et le chlorure dont quelques
unes des propriétés sont assez dissemblables.
Le méthylsulfate de Quinapyramine est assez soluble dans l’eau (dans la proportion de
33 p. 100) et forme une solution laiteuse. Injectée par voie sous-cutanée, la solution est rapide-
ment absorbée et une forte concentration du médicament dans l’organisme est atteinte en peu
de temps; des manifestations de toxicité peuvent apparaître très vite chez l’animal traité.
Le chlorure de Quinapyramine est très peu soluble dans l’eau (0,12 p. 100) et forme une
suspension dense. Après injection sous-cutanée de la suspension, il se forme localement un dépôt
qui n’est que très Ientement résorbé. On n’obtient que de faibles concentrations dans le sang
et la toxicité du produit est assez faible.
Les deux sels semblent avoir une égale activité trypanocide une fois qu’ils arrivent en
contact avec les trypanosomes. Les différences dans leurs propriétés pharmacologiques permet-
tent cependant de les utiliser dans des buts différents : le méthylsulfate, parce qu’il se concentre
rapidement dans le sang, est un bon médicament curatif; le chlorure, parce qu’il forme un dépôt
sous la peau, est un bon agent préventif.
On appelle Antrycide-prosalt un mélange des deux sels de Quinapyramine, à raison de 3 g
de méthylsulfate pour 4 g de chlorure, utilisé seulement pour la chimioprophylaxie; l’un des deux
sels établit rapidement dans le sang une concentration optimale dont l’autre assure la persistance.
Sur le plan toxicologique, des accidents peuvent se produire avec le méthylsulfate de Quina-
pyramine à 7 mg/kg chez les Bovins. La quantité maximale de méthylsulfate seul ou de méthyl-
sulfate contenu dans le prosah qui pourra être administrée par voie sous-cutanée ou intra-
musculaire est de 5 mg/kg chez toutes les espèces animales. Même à cette dose, les signes de
souffrance ne sont pas rares : salivation intense, trémor, sudation, inappétence, quelquefois
collapsus transitoire, dus aux propriétés curarisantes de 1’Antrycide. Chez les Bovins, ces symp-
tômes rétrocèdent rapidement en quelques heures à 24 heures. Par contre, le Cheval et le Chien
sont sensibles à la Quinapyramine et il faut prendre soin de fragmenter la dose thérapeutique
et l’administrer en deux ou trois fois à 6 heures d’intervalle.
Chez tous les animaux, il y a possibilité d’inflammation œdémateuse au lieu d’injection qui
se résorbe rapidement pour le méthylsulfate mais se transforme en nodule réactionnel renfermant
le dépôt médicamenteux quand il s’agit du chlorure. Ce nodule peut subir une involution sclé-
reuse et demeurer permanent, sans rapport aucun avec la persistance de l’activité trypanocide.
Les sels de Quinapyramine ont une action marquée sur la plupart des trypanosomes :
T. vivax, T. congolense, T. brucei et T. evansi, et les font disparaître du sang en 24 heures environ.
La dose d’utilisation est de 3 à 5 mg/kg (suivant l’espèce animale) de méthylsulfate en solution
à 10 p. 100, par voie sous-cutanée, à titre curatif et 12 mg/kg de suspension de prosalt à 24 p.
100 par voie sous-cutanée à titre prophylactique. Les infections à T. simiae chez le Porc sont
passibles d’un traitement par le chlorure de Quinapyramine à 50 mg/kg mais souvent la maladie
est très aiguë et foudroie l’animal avant l’action du médicament.
Depuis leur vulgarisation dans les premières années 1950, les sels d’Antrycide ont été très
largement utilisés un peu partout en Afrique et il en est résulté cette conséquence fâcheuse que
dans un grand nombre de pays ils sont devenus inopérants sur les trypanosomes du fait d’une
chimie-résistance tenace.
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Les trypanosomes résistants à la Quinapyramine sont sensibles à 1’Isométamidium sinon au
Bérénil.
b) Le Tozocide
Décrit par AUSTIN et al., 1957, le Tozocide est voisin de 1’Antrycide. Considéré plus actif
que celui-ci expérimentalement, sa toxicité nettement plus grande n’autorise pas cependant son
utilisation.
3. Diamidines trypanocides
a) La Lomidine
Elle est utilisée en médecine vétérinaire uniquement pour soigner les piroplasmoses. Alors
que ce médicament est l’un des plus importants dans le traitement et la prophylaxie des trypa-
nosomoses humaines, par contre son efficacité dans les trypanosomoses animales est très faible.
b) L’Acéturate de Dinamizène ou Bérénil
Ce médicament a des propriétés curatives remarquables. II est très actif contre les infec-
tions à T. vivax ou à T. congolense. Une seule administration à la dose de 3,5 mg/kg entraîne
généralement la guérison des animaux infectés par ces espèces. Les infections à T. brucei peuvent
être vaincues chez le Cheval et chez les Bovins par une dose de 7 mg/kg et celles à T. evansi
chez le Chameau sont passibles d’un traitement à 3,5 mg/kg, sans dépasser cette dose car le
Chameau semble sensible à des doses plus éIevées. Les trypanosomes disparaissent totalement
de la circulation au bout de 12 à 36 heures après son administration. Il est à noter également
que le Bérénil est actif dans les cas de piroplasmoses et sur certains germes microbiens tels que
les Brucella et les streptocoques. A l’actif du produit, d’autres faits intéressants sont à citer :
la rareté d’apparition de chimie-résistance des trypanosomes à son égard et la sensibilité des
souches qui sont devenues résistantes à d’autres trypanocides. C’est en maintes occasions le
médicament de choix pour combattre la chimie-résistance à l’égard de la Quinapyramine et
surtout des dérivés Phénanthridinium.
La toxicité du Bérénil est relativement faible par rapport aux autres trypanocides modernes.
A la dose habituelle de 3,5 mg par kg de la solution à 7 p. 300 et par voie intramusculaire,
le produit est toléré par la plupart des animaux. Des cas d’encéphalopathie œdémateuse ou
hémorragique ont quelquefois été signalés à l’autopsie de chiens ayant reçu le Bérénil à raison
de 3,5 mg/kg (14), cependant la plupart des chiens supportent un traitement à 7 mg/kg et
même au-delà.
Chez les vaches laitières, la médication par le Bérénil n’a pas d’influente sur la production;
le médicament ne passe pas dans le lait, il est éliminé dans les urines. On peut traiter les femelles
gestantes sans crainte de suites fâcheuses.
La chimie-résistance au Bérénil n’est pas courante. Quelques cas de résistance ont été
rapportés de Nigéria (9, 13) et d’Uganda (12). La résistance au Bérénil peut être vaincue par
les dérivés Phénanthridinium.
4. Trypamcides dérivés de la Phénanthridine
a) Le Dimidium
II existe deux sels de Dimidium, le bromure et le chlorure. Dans la pratique, seul le
chlorure est utilisable.
Le Bromure de Dimidium, quoique très actif sur les trypanosomes des animaux et jadis
utilisé, provoque des réactions sévères au point d’injection et présente pour les Herbivores des
propriétés photosensibilisantes inacceptables dans la pratique. De plus, sa toxicité générale est
assez élevée.
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Le Chlorure de Dimidium est, par contre, moins toxique, encore que l’on observe quelque-
fois des manifestations tardives de photosensibilisation avec nécrose hépatique périportale plu-
sieurs semaines après son administration à des animaux de robe claire qui transhument sous un
soleil ardent. Son activité trypanocide et ses propriétés toniques et eutrophiques l’ont cependant
accrédité pendant longtemps auprès de nombreux agents vétérinaires.
Le Chlorure de Dimidium est administré à raison de 0,8 à 1 mg/kg de la solution à 1 ou
2 p. 100, par voie intraveineuse lente. A cette dose, T. vivax et T. cringolense sont généralement
sensibles. Dans les infections chroniques à T. vivax, il y a cependant assez souvent rechute à
1 mg/kg et les doses plus élevées sont dangereuses, surtout chez le Cheval. Le pouvoir pro-
tecteur du médicament est faible : 20 à 30 jours avec une dose de 0,8 à 1 mg/kg.
Des souches résistantes de trypanosomes peuvent être créées à l’usage du Dimidium et il
y a possibilité de résistance croisée avec les autres dérivés Phénanthridinium. Cette résistance
peut être vaincue par le Bérénil.
b) L’Ethidium ou Homidium
L’Ethidium a été réalisé en 1952 par WATKINS et WOOLFE par substitution d’un radical
éthyl au radical méthyl du Dimidium. Deux sels d’Ethidium, le chlorure et le bromure ont été
synthétisés, qui ont une bonne activité trypanocide. Dans la pratique, seul le bromure d’Ethidium
est couramment utilisé.
Le Bromure d’Ethidium ou Bromure d’Homidium est généralement administré aux ani-
maux à raison de 1 mg/kg de la solution à 1 ou 2 p. 100 par voie intramusculaire profonde.
A cette dose, 1’Ethidium est actif contre T. vivax. L’activité est moins bonne contre T. congolense,
car on note des rechutes dans certains cas, même avec une dose de 2 mg/kg.
Les traitements effectués par ce produit montrent cependant une plus grande activité et
une moindre toxicité que les sels de Dimidium à dose égale. L’Ethidium ne provoque pas la
chute de poids, ni la nécrose hépatique périportale que l’on observe avec le Dimidium. De plus,
à la dose thérapeutique et par voie intramusculaire, il n’y a pas d’accident de photosensibilisation.
Cependant, l’injection du médicament par voie sous-cutanée peut être suivie d’une réaction
locale (œdème et nécrose au point d’injection); le lieu d’injection doit être bien massé dans
ce cas pour faciliter la dispersion du produit et atténuer la réaction locale.
Chez certains animaux, l’injection d’Ethidium peut être suivie d’une hyperthermie au bout
de 48 à 96 heures. Le Cheval semble plus sensible que les Bovins. La toxicité du produit
n’est vraiment manifeste qu’à des doses élevées (20).
La principale indication du Bromure d’Ethidium est le traitement curatif de la trypanoso-
mose des Bovins due à T. vivax. Le produit peut conférer quelque protection aux animaux
traités. Certaines souches de trypanosomes résistent à I’Ethidium, mais cette résistance peut
être vaincue par le Bérénil.
c) Le Prothidium ou Pyrithidium
C’est un dérivé de la Phénanthridine mais structuré selon le plan de 1’Antrycide. Il se
présente sous forme d’une poudre cristalline de couleur rouge, en partie soluble dans l’eau
bouillante. La solution n’est pas stable et le médicament peut précipiter au bout de quelques
heures; il convient alors de l’homogénéiser à nouveau par chauffage.
Le Prothidium a une toxicité générale moins grande que les autres dérivés Phénanthridinium.
Beaucoup d’auteurs l’ont employé à des doses comprises entre 1 mg et 6 mg/kg sans observer
de réaction générale. Toutefois, l’injection sous-cutanée est toujours suivie de nécrose locale
sévère. La voie intramusculaire profonde est Ia mieux tolérée mais il y a quand même inflam-
mation in situ.
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Administré à raison de 2 mg/kg, le Prothidium est actif contre T. congolense, et T. vivax
chez les Bovins. Utilisé dans des cas de trypanosomose expérimentale des Equidés à T. vivax,
il a donné de bons résultats (FINELLE, 1965; TOURE, 1968), de même que dans la trypa-
nosomose expérimentale du chien à T. brucei (TOURE, 1970).
Les trypanosomes résistants à 1’Antrycide ont tendance à résister en outre au Prothidium.
La résistance au Prothidium est souvent accompagnée de résistance croisée avec les autres
dérivés Phénanthridinium. Toutes ces résistances sont généralement vaincues par le Bérénil.
d) L’lsométamidium
Il existe plusieurs sels de Métamidium dont un seul est utilisé dans la pratique : le chlorhy-
drate de chlorure d’hsométamidium, communément désigné Isométamidium. Ce dérivé est très
actif contre les trypanosomes du bétail à des doses de 0,25 mg à 0,8 mg/kg. Sa prescription
est courante dans les trypanosomoses des Bovins à T. vivax et T. congolense. Le produit
agit sur T. brucei avec cependant des résultats moins constants selon les auteurs. Essayé sur
le Chien à raison de 1 mg/kg pour combattre T. brucei, il a permis de juguler assez rapidement
la parasitémie tout en étant bien toléré (18).
A des doses comprises entre 0,25 et 0,8 mg/kg, la plupart des animaux supportent la
médication par voie intramusculaire. A partir de 1 mg/kg peuvent apparaître chez les Herbi-
vores des symptômes généraux fugaces. Des doses plus élevées sont certainement toxiques.
Par voie intramusculaire, 1’Isométamidium provoque une réaction locale, généralement
invisible extérieurement mais qui persiste longtemps et rend impropre à la consommation la
viande située autour du point d’injection. Pour pallier cet inconvénient, on peut toutefois
administrer l’lsométamidium par voie intraveineuse à raison de 0,25 mg à 0,50 mg/kg de la
solution à 1 p. 100 (19). A 0,50 mg/kg par voie intraveineuse, l’efficacité est très bonne et il
n’y a pas de réaction générale, ni locale. Mais à 1 mg/kg, la voie intraveineuse est dangereuse
et peut être suivie, en quelques heures, de la mort de l’animal traité. La marge de sécurité est
assez faible et l’on ne saurait recommander cette voie que si les animaux sont pesés avant le
traitement.
L’activité prophylactique du médicament est élevée. C’est au Kenya que les meilleurs
résultats ont été obtenus : à la dose de 0,5 mg/kg, voie intramusculaire, la protection conférée
peut atteindre 14 semaines, soit plus de trois mois. A la dose de 0,8 mg/kg, il semble raisonnable
de compter sur une protection de 3 à 4 mois. Le pouvoir protecteur est conservé par voie
intraveineuse et nous avons pu observer chez des Bovins traités à 0,5 mg/kg une protection
de 34 à 49 jours pour T. brucei et 48 à 62 jours pour T. vivax.
Les trypanosomes peuvent devenir résistants à 1’Isométamidium (21), et il y a possibilité
de résistance croisée avec les autres dérivés Phénanthridinium (8). Ces résistances sont vaincues
par un traitement au Bérénil.
Dans ces séries de composés actifs contre les trypanosomoses des animaux, les divers
médicaments sont appréciés différemment selon les régions, en fonction de la prédominance
des espèces de trypanosomes et des types d’élevage. Mais beaucoup des différences d’appré-
ciation, quant à leur efficacité relative, tient certainement dans l’apparition plus ou moins rapide
de chimie-résistance.
II. DE LA CHIMIO-RESISTANCE AUX TRYPANOCIDES
Bon nombre des trypanocides cités ci-dessus ont un pouvoir curatif immédiat et un pouvoir
préventif de plusieurs semaines. II faut cependant déplorer qu’ils n’offrent pas toujours la
garantie absolue ‘de venir à bout de toute infection trypanosomienne, même en les utilisant avec
rigueur et attention. En effet, après un emploi plus ou moins prolongé, ces trypanocides
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perdent de leur efficacité vis-à-vis de certaines souches de trypanosomes qui sont devenues
chimie-résistantes.
L’apparition de la chimie-résistance tient à une cause essentielle : la concentration du
médicament dont on attend l’effet est (ou est devenue) très faible chez l’animal traité. Cela peut
tenir aux faits suivants :
1. la concentration efficace n’a pas été atteinte au moment du traitement parce que la dose
administrée est plus faible que la dose académique ou bien parce qu’on aura sous-évalué le
poids vif de l’animal;
2. il s’est formé un abcès au point d’injection et une partie du médicament a été rejetée avec
l’exsudat inflammatoire, ou encore une réaction d’enkystement aura emprisonné le médica-
ment in situ et empêché sa diffusion;
3. un intervalle de temps trop long a séparé deux traitements consécutifs : c’est alors par
épuisement du médicament qu’apparaissent des souches chimie-résistantes. Le même phéno-
mène est en cause quand les traitements sont irréguliers ou lorsque les interventions n’ont
plus lieu alors que les animaux restent soumis à un risque permanent d’infection;
4. un médicament d’activité préventive a été administré à un animal trypanosomé à la place
d’un médicament curatif (surtout dans le cas de la Quinapyramine).
En plus de ces facteurs qui tiennent à la concentration du trypanocide, il en intervient
d’autres, liés à l’animal lui-même : la chimie-résistance semble se manifester plus souvent et
plus rapidement chez les sujets les plus aptes à fabriquer des anticorps; ils se défendent bien
contre les souches résistantes mais celles-ci restent pathogènes pour d’autres animaux.
La résistance croisée est la propriété acquise d’une même souche de trypanosomes de
résister à deux ou plusieurs trypanocides. Elle est surtout fréquente avec les trypanocides de
même famille chimique : par exemple dérivés Phénanthridinium. Les trypanosomes résistants au
Prothidium peuvent résister à I’Antrycide qui est construit sur le même plan que lui. On peut
noter aussi une résistance croisée entre deux trypanocides appartenant à deux familles chimiques
plus ou moins voisines : c’est le cas notamment pour le Bérénil et 1’Antrycide d’un côté, de
l’autre 1’Antrycide et les dérivés Phénanthridinium.
Le chimie-résistance peut soulever de graves problèmes de thérapeutique quand elle s’est
manifestée dans un élevage. Il importe donc de la déceler précocement pour établir un plan
d’action rationnel. En tout cas, il est contre-indiqué, lorsqu’une souche résiste à un trypanocide
donné, de « forcer la dose » pour la vaincre : cela n’est pas sans danger du point de vue toxi-
cologique, l’effet sur les trypanosomes est aléatoire et le prix des traitements s’en trouve
augmenté. 11 faut changer de médicament et utiliser celui qui est connu pour être efficace
dans le cas considéré.
La résistance à 1’Antrycide peut être vaincue sinon par I’Isométamidium, du moins par
le Bérénil.
La résistance au Dimidium, à I’Ethidium, au Prothidium ou à 1’Isométamidium peut être
vaincue par le Bérénil.
La résistance au Bérénil est vaincue par I’Ethidium, le Prothidium, 1’Isométamidium et
à un degré moindre, par 1’Antrycide.
III. PRATIQUE DES TRAITEMENTS TRYPANOCIDES
Il est très utile pour le thérapeute sur le terrain de connaître les espèces de trypanosomes
à combattre dans les cheptels des différentes régions. La prévalence de l’une des deux espèces
les plus courantes (T. congulense ou T. vivux) sur l’autre n’a souvent pas d’importance car la
plupart des trypanocides modernes sont également actifs à l’égard des deux. Mais selon les
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médicaments dont on dispose, il faudra penser aux différences de sensibilité des espèces de
trypanosomes et prévoir, le cas échéant, pour les semaines à venir un produit de substitution.
Les infections mixtes par deux espèces de trypanosomes sur un même animal ne sont pas rares
dans les régions à glossines. La trypanosomose à T. brucei est souvent plus difficile à soigner :
il importera de suivre la parasitémie des animaux pour juger des effets de la médication.
Dans les troupeaux à enzootie trypanosomienne, il vaudra mieux dans un premier temps
traiter tous les animaux par une dose d’un médicament curatif : Acéturate de Dinamizène ou
Bromure d’Ethidium. Une fois l’infection jugulée dans le troupeau, appliquer des mesures
prophylactiques dans les deux semaines qui suivent en utilisant un des trypano-préventifs
efficaces : Chlorure d’Isométamidium
ou Prothidium. Dans ce cas, veiller à la périodicité des
traitements prophylactiques, faute de quoi l’on crée des souches résistantes. Si, dans une région
fortement infestée de glossines, un éleveur n’est pas à même d’assumer régulièrement les frais
de prophylaxie, on peut recommander de n’utiliser que le Bérénil pour traiter les animaux
malades afin d’éviter la création de souches résistantes.
Lors de la transhumance saisonnière, certains troupeaux quittent les savanes appauvries
pour se diriger vers les pâturages des forêts à glossines; il est alors très indiqué de traiter
préventivement les animaux.
Beaucoup de circonspection est requise quand les interventions portent sur des bêtes en
mauvais état physiologique et c’est souvent le cas pour les bovins en transhumance, surmenés
par la marche. Les injections de trypanocides ne seront pratiquées que sur des bovins reposés
et bien abreuvés.
Ne pas traiter par le Dimidium ou 1’Ethidium ceux dont le foie fonctionne mal : dans les
régions où la fasciolose est fréquente, il faudra une attention particulière. Avec ces deux pro-
duits, les animaux à robe claire sont exposés aux accidents de photosensibilisation.
Lorsqu’un animal est destiné à être livré au boucher à échéance plus ou moins brève, il
est préférable de le traiter par le Bérénil, d’élimination assez rapide.
Il est toujours indiqué, après un traitement trypanocide, d’améliorer l’état des animaux par
un traitement symptomatique. On est tenté, en abordant ce paragraphe, de citer encore, et il
y en a beaucoup, des médicaments propres à favoriser le rétablissement des animaux. Mais
c’est le régime alimentaire qui doit retenir primordialement l’attention. En certaines régions,
fortement infestées de glossines, où plusieurs espèces de trypanosomes pathogènes sont effec-
tivement présentes, mais qui ont des pâturages abondants toute l’année, on constate que la
trypanosomose clinique est rare chez les bœufs. En zone de savane, la fréquence des cas cli-
niques de la maladie est plus grande en saison sèche qu’à la période d’abondance qui suit les
pluies, alors même que les populations de Diptères vulnérants sont maximales.
Pour une moindre nocivité des trypanosomoses, il faut donc une bonne alimentation. De
même pour rétablir un animal guéri d’une infection, c’est à l’alimentation qu’il faut accorder
une attention particulière. Il serait à craindre que cette indication ne fût vaine théorie, tant sont
difficiles à résoudre les problèmes d’alimentation du bétail en beaucoup de nos régions. C’est en
tout cas, l’occasion de souligner qu’en matière d’élevage, dans les conditions actuelles, c’est
la nutrition du bétail qui doit nous préoccuper le plus.
En dehors du régime alimentaire, on peut prescrire certains médicaments pour rétablir
les malades après le traitement de l’infection. Il est évident que dans les troupeaux d’élevage
traditionnel, Ia médication symptomatique peut alourdir les frais de l’éleveur. Ce traitement
ne sera donc fait que s’il est économiquement justifié par la rentabilité de l’exploitation ou la
valeur des animaux (taureaux géniteurs, bœufs de labour, chevaux) ou encore s’il s’agit de
favoris domestiques (chiens, chats, moutons d’agrément). Le traitement symptomatique vise à
renforcer le cœur déficient, à combattre l’anémie, à rétablir l’équilibre des sels minéraux du
sérum, accessoirement à améliorer l’appétit.
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S U M M A R Y
TrypanocidaI drugs as used in veterinary medicine
Many species of trypanosomes are involved in animal trypanosomiases
whose treatment and chemoprophylaxis are conducted by means of various
drugs which are cited for the major. Repeated use of most of these drugs
cari lead to chemoresistant strains of trypanosomes and this is to be kept
in mind when acting with these drugs. In animal treatment it is also
important to pay attention to the various species of trypanosomes and to
the choice of drugs according to physiological state of animals. This
report includes but a few references dealing with general considerations
on the subject.
RESUMEN
Los tripanocidos y su utikacih en medicina veterinaria
Numerosas especies de tripanosomos causan tripanosomiasis en 10s
animales domésticos. Se utiliza, uara eI tratamiento y la nroteccion de
dichos animales, medicamentos karios de 10s cuales- se iitan 10s mas
corrientes. A la larga, el empleo de estos medicamentos puede provocar
la quimioresistencia de cepas de tripanosomos y el terapeuta tiene que
poner cuidado en esto. Al fin, convendra tomar en cuenta Ias varias
especies de tripanosomos para el tratamiento de 10s animales y escoger
medicamentos con arreglo a1 estado fisiologico de 10s animales.
Este informe no incluye mas que un numero muy limitado de
referencias bibliograficas concemiendo a generalidades sobre el asunto.
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