INSTITUT D’ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE VETÉRINAIRE...
INSTITUT D’ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE
VETÉRINAIRE DES PAYS TROPICAUX
REVUE D’ÉLEVAGE
ET DE
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
DES PAYS TROPICAUX
Les pâturages artificiels
en zone de savane à saison sèche marquée
par M. MOSNIER
T o m e XVIII ~nouveik SérleJ
N'z 3 - 1965
vIGoT FRÈRES, ÉDITEURS
23, rue de l’École-de-Médecine, PARIS-VI’

Rev. Elev. Méd. Véf. Pays Trop., 1965, 18, 3 (333-337).
Les pâturages artificiels
en zone de savane à saison sèche marquée (*)
par M . MOSNIER
RÉSUMÉ
.
Après un bref résumé des conditions climatiques de la République du Tchad,
les auteurs exposent les résultats obtenus dans l’introduction de plantes four-
ragères.
Le cactus inerme donne des résultats décevank ; par contre les cultures de
Panicum antidotale, Andropogon gayanus, Stylosanthes gracilis et Pennisetum
purpureum, à col rouge, sont d’un grand intérêt.
Les modalités d’intégration de ces cultures dans l’assolement sont examinées
avec indication, pour certaines d’entre elles, des techniques d’exploitation mises
en oeuvre et des résultats déjà obtenus.
Au Tchad, la zone des savanes à grandes
du cheptel pendant la saison sèche et assurerait
graminées couvre la partie sud du territoire
en saison des pluies une production destinée
et correspond sensiblement à la zone de cul-
tant à I’affouragement qu’au stockage pour la
ture cotonnière, laquelle s’étend de I’isohyète
période de soudure.
800-850 mm jusqu’aux confins de la République
L’assolement préconisé par le service de
Centrafricaine où la pluviosité moyenne est de
l’Agriculture : coton - mil -+ arachide - mil +
l’ordre de 1150 à 1.300 mm.
arachide -jachère -jachère, laisse libre deux
L’agriculture est fondée sur la culture du coton,
soles qui pourraient peut-être être remplacées
de l’arachide, du mil et un gros effort devulgari-
par une prairie artificielle à base de plantes
sation est entrepris, qui vise à l’amélioration des
locales ou d’introduction, dont l’intérêt pastoral
techniques et des moyens de travail, grâce sur-
aurait été démontré. C’est pourquoi, ont été
tout à l’adoption de la culture attelée.
entrepris, sur les fermes du service de I’Agricul-
Celle-ci implique donc l’entretien d’un mini-
ture du Tchad, des essais de comportement de
mum de cheptel qui peut s’élever à deux paires
plantes fourragères, destinés à mettre en évi-
de boeufs parfamille. Chacune d’elles étantsensée
dence les espèces intéressantes, ainsi que des
vivre sur cinq ha dont deux de jachère. II y a
essais d’exploitation par fauchage.
donc un problème d’alimentation à résoudre,
p a r t i c u l i è r e m e n t e n s a i s o n s è c h e o ù la v a i n e
pâture ne suffit pas à assurer la nourriture du
A) ESSAIS DE COMPORTEMENT
bétail.
Aussi serait-il souhaitable de pouvoir adopter
Les critères retenus étaient les suivants :
une culture fourragère qui faciliterait l’entretien
- résistance à la sécheresse,
3
- caractères pérennants,
(*) Communication présentée au IXe Congrès interna-
- persistance de l’état vert, et aptitude à la
tional des pâturages. Sao-Paulo (Brésil). 7-20janvier1965.
repousse en saison sèche.
333

C’est ainsi qu’ont été remarquées les espèces
10 à 100 p. 100 en faveur de la ferme la plus
s u i v a n t e s :
arrosée.
De plus, les essais de comportement entrepris
Graminées :
sur des stations où les précipitations moyennes
- Andropogon gayanus
sont de l’ordre de 900 mm, ont abouti à un échec
- Panicum antidotale
dès la deuxième année, la plante n’ayant jamais
- Pennisetum, à collet rouge
atteint un grand développement, sans cependant
- Sorgum almum
avoir jamais été fauchée.
Légumineuses :
- Stylosanthes gracilis, vivace
B. II) Technique culturale.
- Dolichos lablab
- Vigna sinensis
B. 111) Semis.
- Dolichos biflorus
II peut s’opérer en poquets distants de 50 cm
*
- Pueraria phaseoloïdes, annuelles, persistants
en tous sens. II paraît n’y avoir aucun intérêt
plus ou moins en saison sèche suivant les sols
à l’effectuer de façon précoce. En effet, celui du
et les variétés.
mois de mai, est inférieur à celui du mois d’août.
C’est donc vers le milieu de la saison humide,
t
C a c t a c é e s :
que l’on obtient la meilleure levée et le dévelop-
- Le cactus inerme, Opuntia Ficus indica,
pement le plus rapide.
variété inermis, qui donne de bons résultats en
Afrique du Nord et à Madagascar, est ici d’im-
6.112) Exploitation.
plantation difficile.
En effet, son développement est très lent, ce
a) Première année.
qui le rend inintéressant dans cette zone.
Une seule coupe semble possible car il faut
permettre à la plante de s’installer et d’atteindre
un développement suffisant. De plus, il ne faut
B) ESSAIS D’EXPLOITATION
opérer qu’à partir d’octobre, car la flambée de
croissance intervient en septembre.
Parmi les espèces citées plus haut, les plus
Ce sont donc l’aspect de la végétation et les
_
intéressantes d’entre elles ont été mises en exploi-
besoins en fourrage, qui décideront finalement
tation. Les critères retenus pour juger de leur
de cette première coupe qui peut intervenir
valeur, étaient :
d’octobre à décembre.
-
- l’influence de la périodicité des coupes,
La quantité d’herbe oztenue ne semble pas
- le nombre de coupes,
devoir dépasser les cinq t/ha d’un fourrage de
- les époques d’intervention,
bonne qualité, très appétible, car les tiges sont
- le rendement global annuel.
encore assez peu développées, donc tendres.
La valeur fourragère se situant en décembre,
B. 1) Stylosanthes grocilis.
à 0,15 U. F. et 29 g de matières protéiques diges-
tibles/kg, l’on peut donc obtenir, dès la première
C’est une espèce originaire du Brésil et déjà
année, 750 U. F. et 145 kg de matières azotées ha,
très utilisée au Congo et en République Centra-
ce qui assure 160 journées de nourriture, en se
fricaine.
basant sur le facteur le plus limitant, ici les unités
Au Tchad, sa culture est aléatoire au nord de
fourragères.
I’isohyète 1.100-I ,150 mm. L’influence des préci-
pitations ainsi que de leur répartition est très
b) Deuxième année.
sensible, dans cette zone puisque, entre le point
Le nombre de coupes peut être plus élevé,
d’essai le plus méridional où il tombe annuelle-
mais il faut encore respecter la flambée de crois-
ment 1.300 mm de pluie environ, et le point le
sance de la plante qui survient en août.
plus septentrional où la pluviositéest en moyenne
Trois interventions semblent pouvoir être
de 1.150 mm, les différences de rendement enre-
effectuées, l’une en juin, début juillet, c’est-à-dire
gistrées pour un même type d’essai varient de
au moins un mois avant la flambée de croissance,
334

et les autres en septembre-octobre et décembre-
B. 21) Technique culturale.
janvier.
Le rendement global peut atteindre 25 t/ha
13.211)
S e m i s .
d’un fourrage de bonne qualité, puisque fauché
II doit être réalisé de préférence en poquets
trois fois et dont les tiges n’ont pas pris un déve-
distants de 50 cm par 50 cm. La levée de cette
loppement excessif.
plante est en effet très irrégulière, et les semis
La productivité de chaque coupe s’établit
réalisés à la volée, ont toujours donné des résul-
daw l’ordre chronologique à :
tats décevants.
-
3,7 t/ha à 0,16 U. F. et 32 g de M. P. D.
Quant à la date, il semble là encore que l’on
- 15
t/ha à 0,13 U. F. et 24
-
n’ait pas intérêt à semer trop tôt. Le mois de
- 5,75 t/ha à 0,22 U. F. et 30
-
juillet et le début d’août paraissent les plus
favorables à la levée.
.
soit en valeur fourragére :
-
592 U. F. et 118 kg de M. P. D.
8 . 2 1 2 ) E x p l o i t a t i o n .
- 1.950 U. F. et 360 kg de M. P. D.
- 1.265 U. F. et 172 kg de M. P. D.
a) Première année.
Au total, l’on semble pouvoir compter sur
La première coupe ne doit pas être réalisée
3.800 U. F. et 650 kg de M. P. D. représentant, en
trop tôt car la plante effectue sa flambée de
se basant sur le facteur limitant, ici encore les
croissance en septembre. II faut donc attendre le
U. F., 810 journées de nourriture pour un bovin
début du mois d’octobre pour opérer.
zébu de travail.
Le nombre de coupes optimal semble devoir
II faut noter que la troisième coupe peut être
Btre limité à deux ou trois. En effet, la première
retardée, la plante pouvant se conserver verte
ntervention est nécessaire pour éviter une mon-
sur pied. Mais alors, on enregistre une diminution
.aison rapide qui amènerait un développement
du rapport parties appétéesiparties
non appétées,
excessif des chaumes, au détriment des parties
par la chute des feuilles comme par unecertaine
Ippétibles. Elle paraît devoir être réalisée en
lignification des tiges au fur et à mesure que la
octobre.
saison sèche s’avance. Seules, les extrémités
Quant à la deuxième coupe : on peut I’effec-
demeurent alors pourvues de parties vertes
uer fin décembre. Toutefois, cette date peut
utilisables.
Ztre retardée si l’on désire conserver sur pied
L’espacement des coupes ou des pacages
ju fourrage vert.
s’établit donc comme ci-après, dès la deuxième
II faut cependant signaler qu’en février-mars,
a n n é e :
es touffes d’Andropogon
gayanus coupées, émet-
- une coupe en juin,
‘ent un certain nombre de repousses atteignant
- une coupe en septembre,
Jne trentaine de centimètres de hauteur.
- une coupe en décembre, celle-ci pouvant
L’on n’a donc pas intérêt à retarder trop cette
être retardée, pour permettre le maintien sur
jeuxième coupe.
pied, d’une certaine réserve de matières vertes,
La troisième intervention, facultative, peut avoir
utilisables à une période plus tardive donc plus
ieu selon l’importance des repousses et selon les
critique au point de vue alimentaire.
lesoins, en mars.
Un repos de 3 à 5 mois suit le dernier passage
Le rendement global n’excède pas 5 t/ha répar-
et correspond à la période sèche. II faudra
ties comme suit :
attendre le retour des pluies et le mois de juin,
- 3,7 t pour la première coupe,
pour opérer à nouveau.
- 1,3 t pour la deuxième coupe.
Les résultats de la troisième coupe, aléatoires,
B. 2) Andropogon gayanus.
la première année, en raison de l’installation de
C’est une espèce locale vivace dont il existe
la plante sur le terrain, seront négligés.
de nombreux écotypes adaptés à une sécheresse
La valeur fourragère escomptée est de :
plus ou moins grande et pouvantcroître jusqu’en
- 0,15 U. F. et 4,5 g de M. P. D./kg pour la
zone sahélienne.
première coupe,
3 3 5
_
.-

- 0,lO U. F. et 1,5 g de M. P. D. /kg pour la
organiques grâce à l’enfouissement de la der-
deuxième coupe, ce qui correspond pour 1 haà :
nière repousse préalablement pâturée.
- 555 U. F. et 16,5 kg de M. P. D. dans le
Pour fournir l’essentiel de la nourriture indis-
premier cas ;
pensable aux quatre bceufs de travail de notre
- 130 U. F. et 2 kg de M. P. D. dans le second
z
famille type d’agriculteurs, il faut un hectare de
cas.
pâturages artificiels en pleine production, c’est-
Au total, l’on peut compter sur 685 U. F. et
à-dire ayant au moins une année d’âge.
18,5 kg de M. P. D., représentant 69 journées de
Le semis de 0,5 ha de sfylosonthes graolls et de
nourriture, pour un bovin de travail, en tenant
0,5 ha d’Androeogon
goyanus, ou éventuellement
compte du facteur limitant, ici les matières
d’un mélange des deux espèces, peut permettre
protéiques digestibles.
d’obtenir 4.900 U. F. et 415 kg de M. P. D., ce
qui semble suffisant pour assurer la couverture
b) D euxième année.
des besoins de ce cheptel, pendant 9 mois, éva-
Bien que les expériences soient en cours
lués à 5.130 U. F. et 297 kg de M. P. D. II faut
actuellement, il semble que l’on puisse normule-
ajouter à cela273 U. F. et 45 kg de M. P. D. prove-
ment effectuer trois coupes, la plus importante
nant des graines de coton de la production
otant celle de septembre, la flambée de croissance
annuelle et en plus des fanes d’arachides, des
intervenant en août.
tigesetfeuiIlesdemiIséchéessurpied,ainsiquedu
La production pourrait atteindre 30 à 40 tiha,
pâturage de brousse de qualité médiocre. En
d’un fourrage dont la richesse moyenne est de
juillet, août et septembre, la nourriture peut
0,15 U. F. et 4,5 g de M. P. D.ikg.
être fournie par les parcours de brousse ou les
jachères naturelles où les jeunes pousses d’herbe
constituent un aliment idéal.
C) INTÉGRATION
On aura donc seulement à prolonger I’assole-
DES CULTURES FOURRAGÈRES
ment d’une année c’est-à-dire, à augmenter les
DANS L’ASSOLEMENT
surfaces cultivées, de 1 ha, ce qui porterait la
L’assolement préconisé par le service de
surface exploitée à 6 ha. Cette parcelle ne devrait
être remise en culture que tous les 6 ans et rem-
l’Agriculture du Tchad, prévoit trois années de
placée au préalable, l’année avant son retourne-
cultures suivies de deux années de jachère.
ment, par l’ensemencement d’une autre parcelle
II pourrait être tentant de remplacer ces der-
destinée à la jachère.
nières par des cultures fourragères, mais le délai
imparti pour leur installation, semble trop court.
En effet, pour retirer le maximum d’une prairie
D) UTILISATION
artificielle avant que ses rendements ne baissent,
DE LA PRAIRIE ARTIFICIELLE
il faut quatre ou cinq années.
C’est pourquoi plusieurs solutions peuvent
être proposées suivant que l’on voudra ou non,
On peut la concevoir sous plusieurs formes,
intégrer ces pâturages artificiels à l’assolement.
la plus simple étant le pacage. Mais celui-ci peut
L’on pourra ainsi envisager, soit la prolonga-
aboutir, en saison des pluies, à un gaspillage de
tion de la durée de la jachère, soit la mise hors
fourrages, l’herbe étant alors très abondante.
circuit temporaire d’une sole supplémentaire
De plus, les parcours de brousse offrent des
qui ne serait remise en culture que tous les cinq
possibilités non négligeables à cette époque.
ans, soit enfin l’installation sur une parcelle de
C’est pourquoi il faut envisager des techniques
dimensions suffisantes, exclusivement réservée à
permettant le stockage du fourrage artificiel
cet effet.
pour les périodes de soudure.
La deuxième solution paraît la plus normale
C’est ainsi que l’on peut utiliser le fauchage
car elle permet de faire bénéficier les cultures
soit en vue de fanage, soit pour la confection
tous les cinq ans - et en particulier la tête d’asso-
d’ensilages.
lement, c’est-à-dire le coton - d’un sol enrichi
La première méthode est de réalisation diffi-
en azote par la légumineuse et en matières
cile en saison des pluies, alors que la seconde,
_
336

déjà utilisée sur les fermes de l’Agriculture du
sances du pâturage de brousse de saison
ar
Tchad, donne de bons résultats.
sèche.
Nous retiendrons cette dernière qui permet-
E) CONCLUSION
trait de conserver le produit de la première et
.
surtout de la seconde coupe pour la saison sèche.
Les expériences entreprises sont encore trop
Le fauchage en vue de la distribution dans
peu nombreuses pour qu’il soit possible d’en
l’enclos de parcage peut être envisagé pour la
tirer des enseignements définitifs. Ce n’est que
coupe de décembre-janvier, afin de limiter les
d’ici quelques années que l’on pourra disposer
pertes occasionnées par le piétinement du bétail,
de données suffisantes pour tenter la vulgarisa-
lors du pacage, et correspond à une ration de
tion de techniques valables et utilisables par
supplémentation destinée à pallier aux insuffi-
tous les agriculteurs.
.
SUMMARY
The artiticial pasture-lands in Savannah zone
with pronounced dry season
After a brief review on the c!imatic conditions in the Chad republic, the author
explains the results obtained in the introduction offodder plants.
The inermous Cactus gives disnppointing results ; Panicum antidotale, Andro-
pogon gayanus and Stylosanthes gracilis, Pennisetum purpureum with a red
collar, are on the other hand interesting.
The growing technics of integration in the local rotations are indicated and
the author appreciates the productivity and the fodder value expected and the
delay to respect.
RESUME N
Los pastos artificiales en zona de sabana
de estacih seca importante
Después de un breve resumen de las condiciones climaticas de la republica
del Tchad, el autore expone 10s resultados alli obtenidos con la introduction
de plantas forrajeras.
El Cactus inerme da resultados decepcionantes ; por el contrario 10s cultivas
de Panicum antidotale, Andropogon gayanus, Stylosanthes gracilis y Pennisetum
purpureum, con cuello rojo, son altamente interesantes.
Las técnicas de cultiva de integracion en 10s campos locales son indicadas, el
autor evalua las perdidas de productividad y valor forrajero de las plantas,
y marca 10s tiempos de reposo a respectar.
.