Courte Note Le rôle potentiel des rongeurs dans le...
Courte Note
Le rôle potentiel des rongeurs dans le cycle enzootique du virus de La fièvre de la vallée
du Rift au Sénégal.
Diop Gora (l), Thiongane Yaya (2)y Thonnon Jocelyn (3)y
Fontenille Didier (4) ,
Dia110 Maoulouth (4), Sa11 Amadou (I) et Jean Paul Gonzalez (4~5)*
(1) Institut Pasteur, BP 220, Dakar, Sénégal.
(2) Institut Sénégalais de Recherches Agricoles, BP 20.57,
Dakar, Sénégal.
(3) Institut Pasteur, Cayenne, Guyane.
(4) Institut de Recherche pour le Développement
(IRD - Orstom), Paris.
(5) Center for Vaccine Development, Research Center for
Emerging Viral Diseases, Mahidol University.
* Correspondence:
Dr.Jean Paul Gonzalez,
RCEVD, Center for Vaccine Development
ISTD, Mahidol University at Salaya
25/25 Phutthamonthon 4
Nakhonpathom 73170, Thailand
E;mail:frjpg@mnhidol.ac.th
SUMMARY
Title: Rodents as a potential host of the Rift valley
fever virus enzootic cycle in Senegal.
Key words: Rift valley fever, enzootic, Senegal, rodents.
Two hundred and ninety wild rodents of fourteen species trapped in seven sites of
Senegal have been teste.d against Rift Valley fever virus antigen by seroneutralisation
test. Arvicnnthis niloticus and Mmtomys et-ythroleucus were among the most
frequently collected species (77,2% of the whole capture).
Globally antibody prevalence (3.8%) varied regarding species and sites. Four species
had RVF virus antibodies: Rattus mttm (one positive of two tested)
M. huberti (13.5%), A. niloticus (4,3%) and M. erythroleucus (2.4%). Highest
antibody prevalence was recorded at Richard Toll (9.6%), within the enzootic area of
Senegal river delta. A. niloticus and M. erythroleucus experimentally inoculated with
the RVF virus showed a relative resistance of virus infection but _ was infected without
fatality. The role of rodents as a potential host within the natural cycle of RVF virus in
enzootic zone of Senegal is discussed.
INTRODUCTION
Le virus de la fièvre de la vallée du Rift (FVR) est un arbovirus appartenant à la famille
des Bunyaviridene et au genre Phlébovirus. La FVR est une anthropozoonose qui
affecte les animaux domestiques sous folme de foyers
épizootiques en Afrique. Chez
l’homme, elle est à l’origine de graves épidémies (Jouan et a1.,1988, Zeller et a1.,1997,
Laughlin et a1.,1979). Au Sénégal, à la suite de l’épidémie de Rosso en 1987, un
programme de surveillance de la FVR chez les ruminants domestiques, les populations
d’éleveurs, et les moustiques vecteurs
était mis en place (Thiongane et a1.,1991;
Fontenille et a1.,1995). Ce programme démontrait l’existence d’une circulation
enzootique du virus dans la basse vallée du fleuve Sénégal et permettrait de proposer un
cycle inter-
épizootique centré sur les mares temporaires du Ferlo. Le rôle de
transmission dévolu principalement aux moustiques Aedes vexuns et Aedes ochraceus,
celui l’amplificateur serait assuré par les ongulés domestiques concentrés autour des
points d’eau (Thiongane et af., 1996). Le
présent travail avait pour objectif d’étudier

une
éventtielle p;u.ticipation des rongeurs sauvages dans le cycle naturel du virus de
la FVR dans les zones d’enzootie par une évaluation de leur séroprévalence en
anticorps, et la capacitC pour deux espèces de rongeurs des plus répandues au Sénégal
d’être infectées
expérimentalement.
MATÉRIEL & R,ll?TI-IODES
Souches virales
Les deux souches virales utilisées ArD38661 ( 1 0 5s5 DLzO/ml)et AnD100286
(107~7DL50,+~~1)
(Centre Collaborateur O.M.S. de .Référence et de Recherche pour les
Arbovirus et les virus de fièvres hémorragiques, Institut Pasteur de Dakar) ont été
isolées respectivement de moustique Aedes dulzieli (Kédougou 1984), et de mouton
(Barkédji, 1993).
Rongeurs
Les rongeurs sauvages ont été capturés au niveau de sept localités comprises dans les
pricipaux domGnes phytogeographique du Sénégal de la zone Sahelienne au nord, à la
forêts tropicale au Sud (figure 1). La souche (Swiss) de souris blanches en élevage au
laboratoire a &é utilisée pour l’expérimentation.
Tests sérologiclues et virologiques
La séroneutmlisation sur cellules véro utilisait la. souche virale Smithburn comme
précédemment décrit (Thiongane et al., 1991).
Les techniques d’isolement du virus de la FVR et la technique de détection des
antigènes par immL1Ii0-17larquage
étaient celles utilisées $1 l’Institut Pasteur de Dakar (Arborio et al., 1989; Zeller et al.,
1997).
Infections expérimentales
Des rongeurs sauvages et domestiques ont été inoculés par voie intraperitoneale ou
sous-cutanée avec le virus de la FVR, sous un volume de 100~1 j la dilution de 1 :lO
de la suspension vimle. Les tentatives d’isolement du virus, de détection de l’antigènes
et de mise en évidence d’anticorps ont été faites à partir du sang et ou des organes de
roqgeurs pendant une période de 30 jours
après infection.
RESULTATS
Rongeurs
De Juin 1996 et Avril 1998, 290 rongeurs appartenant à quatorze espèces différentes
ont été capturés dans sept localités du Sénégal. Parmi ces espèces, Arvicanthis niloticus
(N= 140) et Mastomys erythroleucus (N=84), étaient les rongeurs sauvages les plus
représentés (77,2% des captures). Les sites, à fort taux de capture
étaient ceux de
Richard Toll, de Kédougou et de Bandia (figure 1).
Sérologie
La prévalence globale en anticorps anti virus de la
FVR était de 3,8% (tableaux 1).
Parmi les quinze espèces Rnttus rattus, Mkuberti,, Axiloticus, et M. erythroleucus,
tous appartenant 2 la famille des Muridae étaient porteur d’anticorps. Les rongeurs
positifs en anticorps anti FVR provenaient de localités situées dans des zones de culture
irriguée de la vallée du fleuve
Sénégal (Richard Toll) et de la zone des Niayes (Dakar-
Niayes et Peut). La séropositivité la plus élevée (9,6%) a été trouvée dans la basse
vallée du fleuve Sénégal (tableau II).
Virologie expérimentale
Les souris d’élevage ont prc/senté une virémie de 24h à 6 jours post infection (p.i.) vis à
vis des deux souches virales. Deux souris, ont survécu à l’infection par la souche
AnD100286 et ont seroconverti (titres de 20 et 80). Aucune souris n’a survécu à
l’infection par la souche ArD38661. Les coupes histologiques du foie ant montré de
façon constante un immunomarquage positif avec nécrose hémorragique.
Arvicanthis rliloticlls : une seule fois une virémie
(105y7 DLSO/ml) a été décelée
(souche ArD38661) h J3 p.i. Un specimen sur quatre présentait une sérologie
positive à partir 58 p.i. vis à vis des deux souches virales (titres de 20 contre
AnD100286 et de 640 contre ArD38661). La détection d’antigène est restée négative.

3
Mastomys erythroleUCllS:
Aucune virémie n’a été constatée, par contre 1/4 des
specimens ont séroconverti avec des titres en anticorps significatifs à J12 p.i. contre la
souche AnD100286 et :I J8 p.i. contre ArD38661. Un seul marquage est apparu
faiblement positif avec la souche ArD38661 associé à une nécrose hépatocytaire limitée.
Discussion
Le site de Rich:~rd ‘1’011, situé en zone enzootique
montre une séropositivité plus
élevée ce qui est en faveur de la participation de A.nilo,ticus et M.erythroleucus au cycle
selvatique du virus et ce sont aussi les rongeurs les plus abondants. Cette
séroprévalence peu paraître élevée en raison du turn over important de ces populations
de rongeurs.
La souris de laboratoire est très sensible à l’infection par le virus de la FVR. Environ
25% des A.nl1oticu.s et M.erythroleucus développent des anticorps contre le virus de la
FVR mais semblent résister B une infection sévère. Ces rongeurs pourraient être plus
sensible à la souche ArD38661, souche moustique, mais cette observation
mériterait
une étude plus pricise.
Mxrythroleucr~s avait déja été trouvé porteur d’anticorps anti Phebovirus à Sénégal
oriental (Saluzzo et al., 1987). Récemment, Prétorius et al., (1997), ont mis en
évidence le 1-61~ possible d’un rongeur Aethomys namaquensis dans le cycle selvatique
de la FVR en Afrique du Sud. A.narnaqllensis présente une séroprévalence (6%) en
période épizoorique, comparable à celle observée pour A.niloticus au Sénégal(lO% à
Richard Toll). nr-vicarztllis.sl). avait aussi été considéré comme hôte sauvage potentiel
du virus de la FVR (Daubney et al., 1933; Mims cité in Pretorius et al.,l997).
Les épizooties ciues au virus de la FVR ont une allure: cyclique et semblent associées à
des modifications bioclimatiques qui favorisent la pullulation des moustiques
(Thiongane et al., 1996) et conduit à une immunité des trenpeaux alors protégés contre
une ré-inflection. A,niloticus et M.erythro1eucu.s pourraient alors intervenir comme hôte
intémedaire amplificateur entre ses phases d’immunité post épizootique. A.niloticus et
M.erythro1etlclc.r pourraient alors jouer un rôle dans le maintien du virus dans un cycle
selvatique en fonction de la dynamique de leurs populations et participer ainsi à une
efficacité accure d’une éventuelle transmission transovarienne chez les vecteurs.
RÉSUMÉ
Cette étude porte sur 290 rongeurs sauvages appartenant à quatorze espèces capturées
dans sept localités du
Sénégal. Les espèces les plus fréquemment capturées
étaient Arvicanrhis niloticus et Mastomys erytroleucus (77,2% des captures). La
prévalence en anticorps anti virus de la fièvre de la vallée du Rift (FVR) (3,8%) montre
des différences selon l’espèce et la z,one de capture des rongeurs. Quatre espèces
avaient des anticorps: Rattus rattus (un specimen sur deux capturés), M. huberti
(13,3%), A. niloticus (4,3%), et M. erythroleucus (2,4%). Les taux de prévalence les
plus forts (9,6%) ont été observés à Richard Toll, dans la zone enzootic du Delta du
fleuve Sénégal.
Les inoculations espkimentales du virus de la FVR ?i A. niloticus et M. erythroleucus
ont montré une
résistance limitée à l’infection e:t un potentiel de
réplication du
virus qui en fait des candidats possible comme hôtes dans le cycle de maintenance du
virus dans la nature.
MOTS CLÉS: Fièvre de la vallée du Rift, enzootie,
Sénégal, rongeurs
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Figure 1. Localisation des sites de capture des rongeurs au Sénégal, 1996-1998.
Tableau 1. Séroprévalence en anticorps vis à vis du virus de la Fièvre de la Vallée du
Rift chez les rongeurs sauvages du Sénégal selon le lieu de capture, 1996-1998.

5
Lieus
Nb.positifs
de capture
/ Nb. Testes (%)
Richard Toll
7/73(9,6)
Pout
1/25(4,0)
Dakar-Niayes
w3(5,5)
M boul
Y61 (33)
Koungheul
0/13(0,0)
B arktkl~j i
0/38(0,0)
K&~ougou
0/62(0,0)
Totnl
11/290(3,8)
Tableau Il. Répartition de la séroprévalence en anticorps antivirus de la FVR selon les
espèces de rongeurs c:lpturées au Sénégal, 1996-l 998.
Familles
Espèces
Nb. de positifs
/total testes(%)
Murideae
Arvicanthis niloticu
6/140(4,3)
Dasymys incomptus
0/3(0,0)
Myomys dflltoni
0/3(0,0)
Mastomys erythroleucus
2/84(2,4)
Mastomys huberti
2/15(13,3)
Mastomys natalensis
O/W,O)
M1i.s mu.sculLLs
wxO,O)
Rattu rattus
I/l (4
Gerbillideae
Gerbillus henleyi
0/2(0,0)
Ta tera gambiana
O/l2(0,0)
T a t e r a guinea
0/5(W)
Taterillus sp.
WI1 (0,O)
Cricetomyideae
Cricetomys gambianus
0/3(-)
Sciurideae
Xetxs erythropus
O/l(-)
Total
11/290(3,8)
Tableau III. Infections expérimentales de rongeurs sauvages du Sénégal et de la souris
de laboratoire par le virus de la fièvre de la Vallée du :Rift.

6
virus (1)
Specinnen (2)
Reisolement
Sérologie
Détection
De virus
d’antigènes
AnD100286
A.nil.
0/22(3)
3122
0/22
ivl.eryth.
2113
0/13
Swiss mice
0/13
40140
212
40/40
ArD38661
A.nil.
1l.5
416
Oh5
M.eryth.
Of6
Y6
3/6
Swiss mice
40/40
40/40
(1) inoculum = 100~~1 par d’une dilution au 1 : 10 de la souche AnD10026 par voie
sous cutanée, et clc I:I souche ArD38661 par voie intra peritanoale.
(2) A.nil. = Arvictr~lriris uilotiurs ; M.eryth. = Mmtomys
eryth-0leiicif.s.
(3) nombre de positif / total testés