CONSIDERATIONS SUR LES ETUDES DE CARTOGRAPHIE DES...
CONSIDERATIONS SUR LES ETUDES DE CARTOGRAPHIE
DES PATURAGES NATURELS EN REPUBLIQUE DU SENEGAL
A. Kader DIALLO *
RESUME
Les études agrostdogiques poursuivies au Sénégal ont débouché sur l’établis-
sement des cartes des pâturages naturels de la presque totalité ,des zones à voca-
tion pastorale.
Cependant les méthodes utilisées pour la cartographie ‘de ces pâturages n’ont
pas permis d’avoir des résultats pouvant servir à l’élaboration des projets de
développement des zones étudiées.
En effet, les modifications de la végétation dues essentiellement à l’action des
différents facteurs écologiques ‘qui elle-même varie ,d’une année à l’autre, Ja diffi-
culté d’estimer la valeur alimentaire des pâturages tropicaux, et d’interpréter
correctement sur le plan botanique les trames photographiques, posent le problème
de la validité des renseignements fournis.
Il importe donc non seulement d’actualiser ces renseignements mais aussi
d’intensifier les études concernant aa physiologie de la nutrition de nos animaux.
Les etudes aarostologiaues poursuivies depuis 1963
Cette échelle va de + à 5 et se présente de la
au Sénégal or% rendu possible l’établissement de
manière suivante :
cartes de pâturages naturels qui couvrent une super-
+ : espèce présente à l’état d’individus isolés et
ficie de plus de 78000 kms, représentant un peu plus
rares
du tiers de celle du territoire national, estimé à
environ 210000 kmz. Les travaux en cours porte-
1. : espèce présente à l’état d’individus isolés mais
ront, à la fin du IV Plan quadriennal de développe-
bien répartis
ment économique et social, en 1977, la superficie des
2. : espèce abondante physionomiquement, mais
pâturages étudiés à 96 000 km2.
couvrant moins de 5 p. 100 du relevé
Ces études constituent certainement un travail
3. : espèce abondante couvrant de 50 à 75 p. 100
remarquable d’observations réalisé par des techni-
du relevé
ciens ayant une parfaite connaissance des problèmes
4. : espèce dominante couvrant de 50 à 75 p. 100
pastoraux en zone tropicale.
du relevé
Cependant, si les renseignements obtenus consti-
5. : espèce dominante couvrant de 75 à 100 p. 100
tuent des documents de portée scientifique certaine,
du relevé.
ils ne peuvent être, dans leur forme actuelle, utilisés
Les cotes +, 1 et 2 précisent l’abondance des
pour l’élaboration de programmes de mise en valeur
espèces minoritaires, les autres indiquent le couvert
des régions étudiées. Par ailleurs, ils ne sont pas
apparent des espèces dominantes.
adaptés aux besoins des praticiens travaillant sur
le terrain.
Cette méthode étant essentiellement caractérisée
par sa subjectivité, on conçoit aisément que les
En effet, les méthodes d’étude des pâturages
résultats qu’elle permet d’obtenir auront une valeur
remployées par les agrostologues ne permettent d’ob-
qui dépendra des conditions de son utilisation par
’ tenir que des données théoriques et souvent incom-
les chercheurs. Autrement dit deux chercheurs ayant
’ plètes du fait de la brièveté (2 ans) des délais
utilisé cette même méthode pour un même type de
L‘exécution des travaux confiés à ces agrostologues.
végétation aboutissent rarement à des relevés phyto-
sociologiques identiques. Ceci peut conduire à l’impos-
L’inventaire de la végétation a toujours été fait
sibilité de reconnaître sur le terrain les différents
selon les méthodes bien connues. Celle qui a été la
types de végétation définis.
plus souvent appliquée au Sénégal, et dans d’autres
pays africains, est basée sur l’utilisation d’une côte
(*) Docteur vétérinaire Agrostologue - Laboratoire Natio-
d’abondance-dominante qui dérive de l’échelle propo-
nal de 1’Elevage et de Recherches vétérinaires (I.S.R.A. ’
sée par le Professeur Emberger en 1955 (2).
Dakar-Hann) . -
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Par ailleurs, la composition qualitative et quanti-
sions que l’observation sur le terrain ne permet pas
tative de la végétation est étroitement liée, surtout
toujours de retenir.
dans les zones sahéliennes et nord-soudaniennes, aux
Cette constatation est surtout valable pour l’éva-
facteurs écologiques que sont : la pluviométrie,
luation de la charge des pâturages naturels de saison
l’homme et les animaux.
sèche. Ces pâturages étant essentiellement consti-
En ce qui concerne la pluviométrie, il a été constaté
tués, à cette époque de l’année, de paille dont la
que la durée de la saison des pluies, ainsi que la
valeur alimentaire, calculée à l’aide des tables hol-
quantité et la répartition dans le temps et dans
landaises, est presque nulle, ne devraient pas per-
l’espace des pluies, ont une influence marquée sur
mettre de couvrir les besoins vitaux des animaux.
la végétation herbacée qui constitue la base de
Or, on constate que, bien que les animaux perdent une
l’alimentation du bétail.
partie importante des gains de poids obtenus pen-
En outre, ces éléments de la pluviométrie varient
dant l’hivernage, ils arrivent à survivre et même
non seulement d’une année à l’autre mais aussi, pour
à se reproduire.
la même année, d’une zone à l’autre. 11 est donc per-
Il est donc permis de penser que nos pâturages
mis de penser comme Mosnier (4) : « que, suivant
n’ont certainement pas les mêmes caractéristiques
les années, et pour un même type de parcours, des
que les parcours des pays tempérés et que nos
abondances-dominantes soient relativement diffé-
animaux ont une faculté d’assimilation différente de
rentes pour les principales espèces ».
celle du bétail européen. Cette différence se situe
L’action de l’homme sur la végétation est également
surtout au niveau de l’utilisation de la cellulose. Il
variable, elle se concrétise non seulement par le défri-
faut également signaler l’impossibilité, dans le stade
chement, mais aussi et surtout par les feux de
actuel de nos connaissances, d’évaluer correctement
brousse. Ces derniers impriment à la végétation des
l’apport quantiîatif des espèces ligneuses qui entrent
modifications dont l’importance varie d’une année à
dans l’alimentation des animaux.
l’autre, et selon l’époque de leur apparition.
L’adaptation des zébus aux sévères conditions cli-
J. Valenza (6) constate, à ‘la suite d’essais effectues
matiques du Sahel correspond sans aucun doute à des
au C.R.Z. de Dara en zone soudano-sahélienne, que,
particularités physiologiques encore mal connues.
« sur les parcours
et
En ce qui concerne la cartographie, il y a lieu de
Zornia diphyla, le feu précoce a une action faible
signaler que, faute d’avoir des photographies aérien-
sur l’ensemble de la végétation, tout au plus favorise-
nes récentes, les cartes ont été établies k partir de
t-il ‘les légumineuses qui sont très sensibles à la
documents anciens qui souvent ne représentent pas
pluviométrie. Le feu tardif, par contre, entraîne dès
l’état de la végétation au moment de l’étude. Ce qui
la première année une augmentation des’ graminées
rend difficile le travail de l’agrostologue
sur le
tardives, une diminution nette des légumineuses dont
terrain.
le taux semble rapidement se stabiliser, et une dimi-
En outre, le choix des clichés étant subjectif, cm
nution progressive des graminées précoces et des
conçoit qu’il y ait des différences selon I’interpréta-
autres espèces ».
teur. Enfin, il arrive que des trames photographiques
La combinaison de l’action des facteurs climatiques
d’aspect identique correspondent à des types diffé-
avec celle des feux de brousse a donc pour consé-
rents de végétation.
quence la variation d’une année à l’autre de la compo-
De tout ce qui précède, il résulte qu’il est néces-
sition floristique, et de la répartition des différentes
saire, lors de l’élaboration des projets de développe-
espèces végétales des pâturages étudiés.
ment des zones étudiées, de vérifier les renseigne-
L’action des animaux influe également sur la
ments obtenus à l’issue des études déjà faites et, au
végétation. C’est ce que l’on observe aux abords des
besoin, de les actualiser.
forages et des campements, ainsi que le long des
De toute façon, des études approfondies doivent
pistes de transhumance où, selon la nature du sol
être entreprises afin de mieux connaître la compo-
et l’importance de la concentration des animaux, on
sition floristique de nos pâturages et l’évolution de
assiste à l’envahissement de la strate herbacée par
ces pâturages sous ‘l’action des différents facteurs
des espèces végétales telles que Cenchrus bifZorus,
écologiques.
Trianthema postulacastrum, Cassia tors, Cassia occi-
Il importe également d’intensifier les travaux de
dentalis, TribuZus terrestris, Zornia diphyla, etc. Les
recherche visant à une meilleure connaissance des
déplacements des campements, entraînant ceux des
particularités physiologiques de nos animaux et à
pistes du bétail, peuvent être à l’origine d’une modifi-
l’établissement de tables d’aliments sans lesquelles il
cation importante de la physionomie végétale d’une
me paraît impossible d’estimer correctement la
zone déjà étudiée.
valeur nutritive de nos fourrages.
Cette constante évolution de la végétation, sous
l’action des facteurs écologiques actuellement diffi-
cilement maîtrisables, rend impossible l’utilisation
BIBLIOGRAPHIE
pratique des cartes de pâturages établies dans les
conditions citées plus haut et concernant la durée
1. BOUDET (G.) et BAEYENS (F.). - Une méthode d’étude
des études agrostologiques limitée jusqu’à présent à
et de cartographie de pâturages tropicaux. Rev. Elev.
deux ans.
Méd. vét. Pays trop., 1963, 16 (2) : 27 pages.
2. DIALLO (A.K.). - Pâturages naturels du Ferlo-sud
Par ailleurs, la détermination de la capacité de
(Rép. du Sénégal), Alfort I.E.M.V.T., minéogr. : 173 p.
charge des pâturages naturels se heurte, comme l’ont
et Agro nu 23, 1968.
souligné bon nombre de chercheurs, au manque de
données concernant l’utilisation par nos bovins des
3. MAINGUY (P.). - Les herbages tropicaux. Revue sy-
fourrages issus de ces pâturages.
noptique des principes des méthodes d’étude. Applica-
tion à l’échantillonnage de la végétation. Rev. Elev.
Le calcul de la valeur fourragère et du taux des
Méd. vét. Pays frop., 1958, 11 (3) : 33 pages.
matières azotées digestibles des espèces végétales,
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effectué à l’aide des tables hollandaises, conduit
de Gallayel (Rép. du Sénégal). Et. agrost. Rev. Efev.
souvent à des résultats aberrants et a des conclu-
Méd. vit. Pays trop., 1967, (18) : 133 pages, 1 carte.
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naturels du nord-Sénégal (Rép. du Sénégal), Alfort
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munication au XF Congrès international des Pâtu-
rages. Surfers Paradise - Queensland (Australia), 13-
25 avril 1970.
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