Revue Sénégalaise des Recherches Agricoles et...
Revue Sénégalaise des Recherches Agricoles et Halieutiques - Vol. 2 - n * 1 -, 1989
RESISTANCE A LA SECHERESSE
DE MOLLUSQUES DU GENRE “BULIïVUS”
VECTEURS DE TREMATODOSES HUMAINES
ET ANIMALES AU SENEGAL
1 - ESSAIS EN LABORATOIRE
Par
O.T. DIAW
Chercheur de USRA
Direction des Recherches
sur les Productions et la Santé Animales
avec la collaboration de M. SEYE et Y. SARR
RESUME
Des expériences au laboratoire ont montré que Bulinus truncatus, B. globosus et B. umbilicatus
vecteurs de trématodoses au Sénégal ont une capacité de résistance à la sécheresse. 10 à 48 % de ces
mollusques,surtoutceuxde taillemoyenne (6à8 mm),ontrésistéàcetassèchementqui aduré àSmois.
Ce phénomène a une grande importance dans l’étude épidémiologique des Trématodoses humaines
et animales surtout dans nos zones du Sahel.
SUMMARY
Laboratory experiments have shown thatBu1inu.s truncatus, B. globosus and B. umbilicatus intenna-
diatehosts oftrematodosisinSenegalhaveapowerresistance
tothedrought. 10 to48 % of thesemolluscs
particularly themedium sized ones (6 to 8 mm) have endured this drought which has lasted 7 to 8 months.
This phenomenon has a great importance in the epidemiological of
human and animal Trematodosis
particularly in our sahelian areas.

27
Mots clés : Mollusques - Bulinus truncatw, 8. globosus, - B. umbilicatus - Résistance -
Sécheresse - Mares temporaires - Trématodoses.
RBSUMO
Experiencias de laboratorio mostraram que Bulinus truncatus, B. globosus e B. umbilicatus, veiculos
de tremato dosis no Senegal, têm umacapacidade deresistir à seca. 10 a48 % destes moluscos, sobretudo
os de tamanho médio ( 6 a 8 mm), resistiram à seca que durou 7 a 8 meses.
Este fenômeno leva grande importância no estudo epidemiol6gico dos trematodosis humanos e
animais, sobretudo nas zonas do Sahel.
Palavras chaves : Molusculos -B. truncatus - B. globosus - B. umbilicatus - resistência à seca
- fântano temporario - trematodes.

2 8
INTRODUCTION
Dans certaines régions du Sénégal, les trématodoses humaines et animales occupent une
place importante dans la pathologie parasitaire : Bilharzioses, Distomatose, Dicrocoeliose et
Paramphistomoses. Ces affections sont transmises par des mollusques hôtes intermédiaires.
Ces derniers sont des gastéropodes basomatophores du genre Bulinus dont les espèces suivan-
tes : Bulinus truncatus, B. globosus, B. umbilicarus (l), B. forskalii et B. senegalensis sont
rencontrées au Sénégal.
Ces bulins vivent dans des mares temporaires alimentées par les pluies qui deviennent de
plus en plus rares avec une saison sèche très longue dans la majeure partie du pays. Ainsi ces
mollusques sont soumis à une période d’assèchement allant de 5 à 7 mois.
Vu de telles conditions écologiques et les observations faites sur le terrain tel que le
renouvellement de ces populations malacologiques après les périodes d’asec, il nous est apparu
nécessaire d’étudier leur résistance à la sécheresse.
Des études sur ce phénomène ont été faites : SMITHERS (6) observe une résistance de 6
à 7 mois de B. senegalensis en Gambie, au Sénégal, A RIVIERE (5) obtient une résistance de
1 mois deB. guernel etBiomphalariapfeifSeri, alors que les lymnaea natalensis de VASSILIA-
DES (7) résistent pendant 3 mois.
Notre étude expérimentale est réalisée au laboratoire SUT les 3 principaux bulins que nous
entretenons en élevage : B. truncatus (Lac de Guiers et Delta), B.globosus (Bakel) et B.
umbilicatus (Tambacounda et Matam).
MATERIEL ET METHODE
Lors des prospections malacologiques au niveau des mares et marigots des différentes
régions du Sénégal, des mollusques sont récoltés et ramenés au laboratoire, ils sont testés pour
étudier leur infestation, et après, seuls les négatifs sont conservés pour réaliser un élevage de
mollusques indemnes.
Les expériences sont réalisées dans des bacs en ciment de215 cm de long sur 79 cm de large
avec un fond de sable de 6Cm d’épaisseur pour B. truncatus et B. globosus, et dans des cuvettes
en plastique de 27 cm de côté avec un fond de boue de 1,5 à 3 cm d’épaisseur pour B.
umbilicatus. Cette boue est celle des différents gîtes de B. umbilicatus, elle a été séchée et
tamisée.
Au début de l’expérience, le bac et les cuvettes sont vidés de leur eau, le fond s’assèche
progressivement (2 a 3 semaines). La température ambiante est de 23 à 29’ C pour les bacs
situés dans un mollusquarium (3) et de 24 à 26” C pour les cuvettes placées dans notre labo-
ratoire.
Les bulins sont comptés et mesurés au début et à la fin de l’expérience.
RESULTATS
L’expérience a duré 10 mois, de décembre à septembre. A la fin, on remet de l’eau dans les
bacs et les cuvettes, et avec des feuilles de salade on récupère les survivants.
Expérience no1 avec B. globosus (cf. tableau n”l)
200 B. globosus de 5 à 9 mm sont en élevage dans un bac en ciment.
Y 15 jours après la mise à sec, on observe beaucoup de mollusques morts à la surface avec
les coquilles vides, d’autres individus ont le corps retracté au fond de la coquille avec l’ouver-

Tableau 1 - Résistance à la sécheresse de B. globosus et B. truncatus
Origine des Mollusques
Date de
Epaisseur Nombre de
Taille des
Date de mise en eau -
Nombre de
% des
Taille des
miseilsec
sable
motlusques
mollusques
Durée a&chement
survivants
survivants
survivants
Bulinus globosus
15/12/1983
60mm
200
5à7mm=138
3/10/1984
79
40
5à7mm
(Bakel)
8à9mm= 62
soit 9 mois + 19 j

3 0
ture tournée vers le sable, et les autres (1.5 %) sont enfouis dans le sable (1 à 3 cm).
l Après 3 mois, tout le sable du fond est complètement à sec.
l Après 8 mois d’assèchement, 15 mollusques apparemment morts (corps retracté au fond
de la coquille) sont récoltés pour contrôle de viabilité. Une heure après avoir été plongés dans
l’eau, 6/15 se sont révélés vivants.
l Après 9 mois et 9 jours d’assèchement, l’expérience est arrêtée et on procède à la remise
en eau du bac. Deux jours après, tous les survivants sont récoltés, comptés et mesurés.
La mortalité est de 60 %. Les 79 survivants ont une taille moyenne de 5 à 7 mm.
Expérience n 2 avec B. truncatus (cf. tableau n 1)
200 B. truncatus de 4 à 8 mm sont en élevage dans un bac en ciment.
0 15 jours après la mise à sec du bac, nous avons les mêmes observations de l’expérience
n 1 avec B. globosus (coquilles vides de mollusques morts, d’autres enfouis dans le sable, et
d’autres le corps retracté).
l L’expérience a duré 8 mois et 15 jours.
0 Après laremise en eau, le taux de mortalité est de 7 1%. Il y a eu 58 survivants d’une taille
moyenne de 4 à 6 mm.
Expérience n 3 avec B. umbilicatus (cf. tableau n 2)
200 B. umbilicatus issus de différents gîtes sont répartis en 6 lots de 30 à 100 individus de
même origine.
l 15 jours après la mise à sec, on constate que les 3/4 des bulins se sont enfouis dans la boue
(1 à 2 cm). Pour le reste des mollusques, certains sont morts (coquilles vides) et les autres ont
le corps retracté au fond de la coquille et l’ouverture collée contre la boue.
l L’assèchement à duré 7 à 8 mois et 10 jours suivant les lots.
* Après la remise en eau, on constate que le taux de mortalité varie de 50 à 90 %. Les B.
umbilicatus survivants ont une taille moyenne de 6 à 9 mm.
DISCUSSION
Les résultats de ces expériences montrent qu’au Sénégal Bulinus truncatus, B. globosus et
B. umbilicatus ont une certaine capacité de résistance à la sécheresse.
Pour un assèchement de 7 à 9 mois, on observe un taux de mortalité de 50 à 90 %. Ce sont
surtout les bulins de taille moyenne (6 à 8 mm) qui résistent le mieux. GRIDLAND (2) obtient
les mêmes résultats avec B. globosus et B. ufricanus pour un assèchement moindre (3 mois).
Chez les lymnées (7), ce sont les plus petites qui résistent plus longtemps (60 à 90 jours) que
les grosses (15 à 30 jours).
Durant cette « diapause », les Mollusques cessent toute activité, s’immobilisent sur la
surface, l’ouverture appliquée contre le sol, ou s’enfoncent dans la terre, comme pour diminuer
le contact avec le milieu extérieur défavorable. Pour faire face à l’assèchement, ces mollusques
ont des comportements différents, et chaque espèce s’adapte à son milieu, à son gîte (2).
B. umbilicatus résiste en s’enfonçant dans la boue, alors que les autres B. truncatus et B.
globosh restent en surface.
Dans la nature, les conditions écologiques sont plus rudes, mais on observe une résistance
de 5 à 8 mois avec B. globosus et B. nasutus (8). HIRA (4) près d’Ibadan observe que les B.
globosus ayant résisté à la sécheresse sont tous de taille moyenne.

Tableau 2 - Résistance à la sécheresse de B. umbilicatus.
Date de
Epaisseur Nombre de
Taille des
Origine de B umbificafus
mise i sef
Date de mise en eau -
Nombre de
%des
Taille des
boue
mollusques
mdlusques
Dur& a.&chement
survivants
survivants survivants
Fetéboké
(11

21/12/1983 1 5 m m
30
7à9mm=14
20/08/1984
3
1 0
6à7mm
(Tambacounda)
4à6mm=16
soit 8 mois + 10 j
Fétéboké
(II)
2811211983 2 5 m m
1 0 0
7àsmm=50
20/08/1984
45
45
5à7mm
(Tambacounda)
4à6mm=50
soit 7 mois + 23 j
Pigna
2711211983 3 0 m m
30
8mm=5
20/08/1984
4
13.3
6mm=2
~ambacounda)
5à6mm=25
soit 7 mois + 24 j
5mm=2
Pigna
(II)

27/12/1983 2 5 m m
40
5à9mm
2oios/1984
1 9
47.5
5à7mm
(Tambacounda)
soit 7 mois + 24 j
Bancouma
28/12/1983 2 8 m m
30
5mm=8
20/08/1984
9
30.20
7à9mm=6
(Tambacounda)
7à9mm=22
soit 7 mois + 23 j
5mm=3
Oumat
28/12/1983 2 8 m m
30
7à9mm=15
20/08/1984
8
26.66
7à9mm=8
(Matam)
3à5mm=15
soit 7 mois t 23 j
Oumat : mare située sur la route Ourossogui - Matam.

32
CONCLUSION
Ces expériences montrent que les Mollusques du genre Bulinus tels que B. fruncatus, B.
globosus et B. umbilicatus sont capables de résister à un assèchement complet de 7 à 8 mois.
Ce sont les bulins de taille moyenne qui ont le plus résisté à la sécheresse.
Cephénomènederésistance àla sécheressedes Mollusques auneconséquenceprimordiale
dans l’étude de l’épidémiologie des trématodoses humaines et animales dans les régions sahé-
liennes.
Des études plus approfondies de ce phénomène sont en cours sur le terrain et permettront
d’adopter une nouvelle approche épidémiologique (répartition, transmission et lutte) de ces
maladies à trématodes.
BIBLIOGRAPHIE
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