INSTITUT D’ELEVAGE ET DE MEDECINE VETERINAIRE DES...
INSTITUT D’ELEVAGE ET DE MEDECINE
VETERINAIRE DES PAYS TROPICAUX
REVUE D’ÉLEVAGE
ET DE
--.
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
4
DES PAYS TROPICAUi
La peste des petits ruminants (PPR)
et sa prophylaxie au Sénégal
et en Afrique de l’ouest
par P. BOURDIN
Tome XXVI (nouvelle série)
No 4 - 1973
-
I
VIGOT FRERES, EDITEURS
23, rue de I’Ecole-de-Médecine, Paris-VI”

Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1973, 26 (4) : 71 a - 74 a
La peste des petits ruminants (PPR)
et sa prophylaxie au Sénégal et en Afrique de l’ouest
par P. BOURDIN (*)
RESUME
La peste des petits ruminants est une maladie bien connue dans les
pays de l’Ouest africain. Elle atteint surtout les caprins; après un rappel
sur les principaux vaccins utilisés pour lutter contre cette affection, il est
fait état des expérimentations sur l’efficacité du vaccin utilisé pour lutter
contre la peste-bovine et préparé sur culture cellulaire; le choix de ce
vaccin étant guidé uar la facilité de sa préparation et son innocuité pour
les chèvres. Si les’ résultats expérimenta& n’ont pas toujours été *con-
cluants, les résultats sur le terrain sont satisfaisants. L’appréciation de
l’état immunitaire acquis ou naturel par le titrage des anticorps neutralisant
le virus de la peste bovine pose des problèmes d’ordre immunologique.
1. GENERALITES ET ANCIENS ESSAIS DE PROPHYLAXIE DE LA PPR
La Peste des Petits Ruminants (PPR) existe à l’état endémique dans l’Afrique de l’Ouest,
principalement dans les régions à climat de type tropical. Elle est bien individualisée au Dahomey,
au Togo, dans le sud du Nigeria et en Côte d’ivoire (4). Dans ces pays vivent des petits rumi-
nants caractérisés par leur format réduit, appartenant à la race dite (( des lagunes )) ou (( gui-
néenne )), particulièrement sensibles à la PPR.
Dans les pays sahéliens, et notamment au Sénégal où vivent des petits ruminants de race
dite (( sahélienne )) (sauf au Sénégal oriental où se trouve un petit noyau d’animaux guinéens),
la PPR sévit de manière épisodique. On la rencontre surtout durant la saison fraîche en zone
arachidière. A cette époque, l’abaissement de la température nocturne et le mouvement des trou-
peaux des zones d’élevage vers les régions agricoles favorisent son extension. Dans ces pays la
maladie est, sauf dans de très rares exceptions, observée uniquement chez des caprins sahéliens.
Le virus responsable de la PPR appartient à la famille des paramyxoviridae, sous-groupe
MRD. Sa morphologie, ses propriétés physico-chimiques, biologiques et antigéniques sont très
étroitement liées à celles du virus de la peste bovine (P.B.). Il provoque surtout chez les caprins
et plus rarement chez les ovins une maladie contagieuse caractérisée par un profond état typhi-
que avec une atteinte du système réticule-endothélial, et des muqueuses digestives et respiratoires.
La contagion est essentiellement directe et la pénétration du virus se fait au niveau des voies res-
piratoires supérieures sous la forme de très fines gouttelettes.
Le virus est dénué de pouvoir pathogène pour les bovins; inoculé chez ceux-ci par la voie
veineuse, il ne provoque aucune réaction clinique visible et n’est pas retrouvé dans le mucus
nasal, contrairement à ce qui se passe pour la chèvre, MORNET, ORUE, GILBERT et collab.
(*) I.E.M.V.T., Laboratoire National de I’Elevage, B.P. no 2057, Dakar-Hann, Sénégal.
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(1956) (lO), GILBERT et MONNIER (1962) (5), BOURDIN et LAURENT (1967) (2), LAU-
RENT (1968) (7) pensent que le virus PPR est un mutant du virus P.B. très pathogène pour
les caprins, devenu avirulent pour les bovins.
Compte tenu de ces propriétés, les chercheurs ont expérimenté, pour la prophylaxie médicale
de la maladie, les vaccins habituellement utilisés pour lutter contre la peste bovine, en attendant
de disposer d’un virus PPR suffisamment atténué.
En 1942, GARGADENNEC et LALANNE (4) essayent en vain le virus P.B. inactivé par le
formol. En 1956, MORNET, ORUE, GILBERT et collab. (10) après une tentative infructueuse
avec le virus PPR inactivé, lui substituent le virus lapinisé qui, du reste, a été utilisé sur le terrain
en Côte d’ivoire. En 1962, GILBERT et MONNIER (5) adaptent le virus PPR aux cellules
épithéliales de rein de fœtus de mouton et l’atténuent par des passages en série (1963-64) (6).
Malheureusement, les essais de vaccination ne sont pas concluants et la production du vaccin
homologue sur cellules de mouton se heurte à des difficultés techniques.
II. RECHERCHES ACTUELLES
Pour ces raisons, BOURDIN, RIOCHE et LAURENT (1969-70) (3) songent à expéri-
menter le virus bovipestique adapté par PLOWRIGHT et FERRIS (1962) (11) aux cellules
rénales de fœtus de veau. Ils utilisent la souche RP KO/BK qui a subi 65 passages. Cette souche
a été jusqu’à présent très largement utilisée en Afrique de l’Ouest pour la prophylaxie de la
peste bovine.
Recherches en laboratoire
Les premières expériences débutent au Dahomey où malheureusement elles ne sont pas
toujours démonstratives en raison, d’une part de la difficulté à trouver sur les marchés des ani-
maux non contaminés et, d’autre part, des mauvaises conditions d’habitat auxquelles les chèvres .
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sont très sensibles.
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Un mois plus tard, des essais parallèles sont faits à Dakar sur des caprins guinéens non
contamines, acquis dans la région du Sénégal Oriental. Le soutien logistique trouvé sur place
permet de maintenir les animaux à des conditions d’hygiène et d’alimentation correctes.
Soixante-quinze chèvres de race guinéenne sont vaccinées avec le virus RP KO/BK 65
passages; chaque animal reçoit environ 5 000 DI 50 CT par la voie sous-cutanée au niveau de
l’encolure. Dans les jours qui suivent, la température est prise quotidiennement et il n’est relevé
aucune réaction locale ou générale.
L’efficacité de cette vaccination est ensuite vérifiée en injectant par voie sous-cutanée à des
intervalles de temps différents 5 000 DI 50 CT d’une souche virulente de PPR ramenée du
Dahomey, immatriculée « 45 G », dont le pouvoir pathogène est en même temps contrôlé sur
animaux témoins.
Dans un premier temps, 5 animaux sont éprouvés 15 jours après la vaccination. Aucune
modification de l’état général ne se manifeste.
Puis quarante chèvres subissent la même épreuve le 21” jour; parmi elles, deux sujets
meurent de PPR et le diagnostic est confirmé par précipita-diffusion et isolement du virus. Les
autres chèvres ne manifestent rien de particulier.
Enfin, les 30 dernières chèvres éprouvées le 60” jour supportent parfaitement l’inoculation
de la souche virulente. Tous les témoins font une maladie typique et il est facile de confirmer le
diagnostic clinique par les examens de laboratoire.
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Essais sur le terrain
Ces travaux expérimentaux sont immédiatement complétés par des essais sur le terrain.
Dès 1969, au Dahomey, avec le concours des agents de TElevage, il est possible de vacciner
des effectifs entiers d’animaux des lagunes dans les régions où, habituellement, la maladie sévit
f
très régulièrement. Une enquête faite en 1970 permet d’apprécier les résultats obtenus. Les
agents de 1’Elevage ont immunisé 20 000 petits ruminants dans des cantons, des villages ou des
villes situés dans des zones traditionnellement touchées par la PPR. Dans ces zones, début 1970,
éclate une nouvelle flambée de PPR. Les agents chargés de la protection sanitaire du cheptel
sont unanimes à reconnaître que les animaux vaccinés et les caprins en particulier, ne sont pas
touchés par la maladie, tandis qu’elle sévit dans les effectifs que les éleveurs avaient, soit par
négligence, soit par méfiance, refusé de vacciner.
L’utilisation au Sénégal du vaccin directement dans plusieurs foyers de PPR, en 1970
et 1971, permet de limiter les pertes à 20 p. 100 tandis qu’elles restent élevées dans un foyer
laissé comme témoin. Début 1971, dans un village près de Thiès bien séparé en deux parties,
les caprins de la partie sud sont tous vaccinés. Quelques mois plus tard, la PPR touche la partie
nord et reste inconnue dans la partie sud. Au cours d’une visite dans ce village en 1972, les
éleveurs ont spontanément demandé la vaccination de tous les jeunes animaux.
III. REMARQUES ET CONCLUSIONS
Les recherches sur la prophylaxie médicale de la PPR faisaient l’objet d’une convention
signée avec le Gouvernement du Dahomey, d’une durée limitée à 1 an. Il était primordial de
prouver sur le terrain la validité et l’utilité de la vaccination pour prendre ensuite en considéra-
tion les problèmes apparus au cours de l’expérimentation, notamment des problèmes d’ordre
immunologique.
Les recherches sur la vaccination ont entraîné de nombreux contrôles sérologiques. Ces
contrôles avaient pour objet la mise en évidence des anticorps neutralisant le virus de la peste
bovine dans le sérum des petits ruminants. Au départ, on admettait qu’en raison des étroites
relations antigéniques existant entre les virus PB et PPR, la présence d’anticorps neutralisant
le virus PB pouvait signifier que l’animal était résistant vis-à-vis de la PPR. Les examens séro-
logiques sont faits par la méthode cinétique (1); les dilutions finales des sérums sont comprises,
pour chaque sérum, entre le l/lO et le 1/80. Le système révélateur est la lignée cellulaire de
rein de bovin adulte mise au point par MADIN et DARBY (1958) (9). Pour la grande majo-
rité, les examens concernent des sérums de caprins guinéens ou sahéliens, prélevés avant et
après vaccination, ou avant l’infection expérimentale réalisée soit par inoculation, soit par mise
en contact avec un individu cliniquement malade.
Pour les chèvres infectées expérimentalement, quelle que soit la race, la présence d’anticorps
neutralisant le virus PB au l/lO et au 1/20 et même dans 50 p. 100 des cas au 1/40 n’est pas
concomitante d’un état de résistance à la PPR. Par la suite, quand le virus PPR a pu être
adapté à la lignée MDBKC (LAURENT, 1971), l’examen des sérums dans des conditions simi-
laires a montré la présence d’anticorps neutralisant le virus PPR à des titres identiques à ceux
trouvés pour le virus P.B. L’origine de ses anticorps est encore inconnue.
SUMMARY
Pseudo rinderpest : Prevention by vaccination
in Senegal and West Africa
Pseudo rinderpest of sheep and goats is a well known viral disease
in countries of Western Africa. The affection concern chiefly caprine.
After a brief review of the principal vaccins utilized to tope with the
disease, the authors report the results of experiments carried out in the
-73a-

laboratory of Dakar on the efficiency of the rinderpest ce11 culture
vaccine. This vaccine was chosed for the following various reasons :
close relationship between PPR and rinderpest viruses, the easy preparation
_
and the harmlessness for the goats.
-
If the results of experimental tria1 cari be discussed, the vaccination
in the field presented a great amount of interest.
The study of natural or artificially developped immunity carried on
by the titration of neutralizing antibodies involved immunological pro-
blems to be solved.
RESUMEN
La peste de 10s pequeiios rumiantes y su profilaxia
en Senegal y en Africa del oeste
La peste de 10s pequeiios rumiantes es una enfermedad muy conocida
en 10s paises de Africa del oeste. Sobretodo ataca 10s cabrunos; Después
de recordar las principales vacunas utilizadas para luchar contra dicho
enfermedad, el autor indica las experimentaciones hechas sobre la eficacia
de la vacuna utilizada contra la peste bovina y preparada sobre cultiva
celular.
Se escoge esta vacuna por causa de la facilidad de su preparacion
y de su inocuidad para las cabras.
Los resultados experimentales no han sido siempre concluyentes sino
10s resultados sobre terreno son satisfactorios. La apreciacion del estado
inmunitario adquirido o natural por el dosaje de 10s anticuerpos neutra-
lizando el virus de la peste bovina plantea problemas de orden
inmunologico.
BIBLIOGRAPHIE
1. BOURDIN (P.) et BERNARD (G.). Application de la méthode de séro-neutralisation cinétique à la
recherche des anticorps neutralisant le virus de la peste bovine chez les bovins, les caprins et les ovins.
Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1967, 20 (4) : 531-535.
2. BOURDIN (PJ et LAURENT (A.). Note sur la structure du virus de Ia peste des petits ruminants. Rev.
Elev. Méd. vét. Pays trop., 1967, 20 (3) : 383-386.
3. BOURDIN (P.), RIOCHE (M.) et LAURENT (A.). Etude de la peste des petits ruminants. Travail exé-
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en Afrique occidentale française. Ses rapports avec la peste bovine. Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop.,
1956, 9 (4) : 313-342.
11. PLOWRIGHT (W.) et FERRIS (R. D.). Studies with rinderpest virus in tissue culture. The use of attenuated
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