Note sur l’histologie du mufle des bovidés de...
Note sur l’histologie du mufle
des bovidés de l’ouest africain
par G. THIÉRY
-.
Le mufle des bovidés n’a que peu retenu
recherche du cheminement de colorants injec-
l’attention des histologistes ; cependant son étude
tés en divers points,
offre un intérêt indéniable, d’une part lorsqu’on
recherche son rôle encore imprécisé, d’autre
ANATOMIE MICROSCOPIQUE
part lorsqu’on l’utilise comme lieu d’inocula-
Par analogie avec la peau, on note successive-
tion (2). Cette dernière proposition nous a amené
ment selon la dénomination habituelle les
à effectuer l’étude histologique du mufle des bovi-
couches suivantes : épiderme, derme et hypo-
dés vivant dans l’ouest africain.
derme reposant sur un muscle. Mais pour éviter
Récemment MACKIE et NISBET (1959) (1) ont
toute erreur d’interprétation, disons dès à pré-
publié une étude histologique du mufle des bovi-
sent qu’une partie de I’hypoderme n’est qu’une
dés, mais leur travail axé sur une investigation
expansion dermique dont elle fait véritablement
de thermorégulation, s’il est très documenté sur
partie. On doit la distinguer du tissu conjonctif
la nature de la glande et de la vascularisation
lâche sous-cutané ou hypodermique qui sert de
sanguine, laisse dans l’ombre un certain nombre
liaison entre le tégument et les tissus sous-
de données importantes concernant le tissu con-
jacents. C’est pourquoi, faisant une entorse à la
jonctif. C’est ce qui nous a incité à rédiger la
terminologie classique et nous appuyant sur
présente note.
r
I’histophysiologie,
nous distinguerons dans le
Nous adopterons le plan d’étude habituel en
derme les couches suivantes :
histologie, c’est-à-dire que seront envisagées
successivement les techniques utilisées, l’anatomie
derme papillaire,
microscopique, la structure, la circulation et
derme planiforme,
l’innervation.
derme tendiniforme,
pannicule,
fascia superficialis.
TECHNIQUES
Ce sont les deux dernières que l’on classe géné-
Nous avons fait appel aux diverses techniques
ralement dans I’hypoderme.
histologiques et histochimiques classiques pour
l’étude du tissu conjonctif. Comme nous en avons
a) Epiderme
antérieurement montré la nécessité (3), les tech-
II offre à considérer comme seules particula-
1
niques histochimiques appliquées au conjonc-
rités, d’une part l’absence de poils sur toute sa
tif l’ont toujours été sur des coupes à congélation
surface, mais la présence de quelques vibrisses
.-
orientées soit longitudinalement, soit transver-
dans les zones latérales sous l’orificedes naseaux,
salement. L’étude de la circulation lymphatique
d’autre part la traversée de toute son épaisseur
a été réalisée selon la méthode classique de
par des canaux glandulaires.
b) Derme
Reçu pour publication : juin 1960.
Si le derme papillaire ne se présente à I’exa-
Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1960, 13, no 2-3.
men à la loupe que légèrement réduit en impor-
155
1 1

.t
tance par rapport à la peau, le derme tendini-
région moyenne, la forme triangulaire et s’in-
forme montre une organisation de trousseaux
sinue à la manière d’un coin dans le pannicule
_
de fibres conjonctives bitendues à 900 en une
qu’il sépare dans la majeure partie de son épais-
véritable aponévrose parallèle à la surface du
seur, Le tendon traverse en plusieurs points le
mufle dont les fibres s’amenuisent latéralement
pannicule pour venir prendre appui sur I’aponé-
un peu en avant de la ligne d’apparition des poils
vrose du derme tendiniforme. Latéralement il
et, vers le haut, un peu au-dessus d’une ligne
s’unit sur une faible distance avec le fascia.
joignant les angles supéro-internes des naseaux,
On doit donc distinguer dans le mufle :
en se perdant entre les fibres conjonctives du
aj une zone moyenne médiane de 2 cm de
derme tendiniforme. Ce derme est travers4 par
large environ, dans laquelle, en dehors de la
des canaux glandulaires issus de la zone sous-
ligne strictement sagittale, le derme est épais,
jacente et par le réseau vasculo-nerveux.
pourvu d’un pannicule et nettement séparé du
A partir de ce derme tendiniforme, partent
muscle sous-jacent par un tissu conjonctif lâche
vers la profondeur des cônes fibreux perpendi-
sous-cutané,
culaires à la surface épidermique. Ils délimitent
p) une zone latérale au-delà de la précédente,
entre eux des logettes remplies d’une glande de
dans laquelle le derme n’est pur que dans la
type salivaire. Cette zone constitue le pannicule
partie superficielle. Sa partie profonde est mixte,
que l’on peutdénommer «pannicule
glandulaire»
car infiltrée par des éléments musculaires striés.
par analogie au pannicule adipeux de structure
m
identique. De part et d’autre de la ligne sagittale
du mufle, à environ 1 cm, en zone moyenne, on
S T R U C T U R E
observe la pénétration entre les logettes glandu-
laires de faisceaux de fibres musculaires striées
a) Epiderme
émanées du muscle incisif sous-jacent. Ces fais-
II présente une structure malpighienne clas-
ceaux traversent en totalité le pannicule et s’at-
sique avec cependant un amincissement Iconsidé-
tachent sur le tissu aponévrotique du derme ten-
rable en regard des longues papilles dermiques.
diniforme. Le pannicule s’amincit peu à peu vers
La couche desquamante n’existe pas, la surface
les bords du mufle, les lobules glandulaires se
du sfrrjiurn corneum est parfaitement lisse. Les
réduisent également en volume et finalement le
cellules pigmentées de Langerhans sont abon-
pannicule se perd dans le muscle un peu au-
dantes comme l’ont signalé MACKIE et NISBET,
delà de la limite du mufle.
mais contrairement à leurs observations, nous
Le fascia superficialis est très mince et ne cons-
les retrouvons dans la peau du reste du corps
titue qu’une limite difficile à définir. En effet, si
des animaux vivant dans l’ouest africain.
dans la zone médiane il est très net et se trouve
au contact du tissu conjonctif lâche sous-cutané
b) Derme
qui sépare la zone dermique du muscle incisif,
dans les régions latérales, les faisceaux muscu-
- le derme popilloire est constitué par un
laires qui pénètrent dans le pannicule glandulaire
tissu conjonctif lâche, pauvre en fibres conjonc-
le traversent en de nombreux points. II n’y a pas
tives et élastiques, mais assez riche en substance
dans ce cas de tissu conjonctif sous-cutané ;
fondamentale et en cellules. II est parcouru par
la structure rappelle celle de la langue dont la
de nombreux capillaires. II est ainsi semblable
sous-muqueuse fait défaut. A ce niveau, le derme
au derme papillaire de la peau. Les vaisseaux
vrai est limité à la zone superficielle jusqu’au
sanguins qui le traversent ont une paroi riche en
derme tendiniforme, le pannicule est mixte
polysaccharides (réaction de Hotchkiss +) et
puisque renfermant des faisceaux de fibres
sont accompagnés de fibroblastes, d’histiocytes
musculaires striées. Bien plus, de petits lobules
(certains chargés de mélanine), de mastocytes
glandulaires peuvent se trouver assez profondé-
et de quelques leucocytes.
ment dans le muscle. L’absence de fascia n’a pas
- Le derme ploniforme est pratiquement
limité leur progression pendant la vie embryon-
virtuel. On peut le considérer comme la partie
naire. Dans la zone sagittale moyenne, le fascia
la plus superficielle du derme tendiniforme.
est repoussé par un tendon aplati qui prend, en
- Le derme fendiniforme diffère nettement de
1.56

épiderme
de,rme
papi lldire
aponévrose
derme
aponévrotiqut3
glande
muscle
pannicule
gla ndu iawe
fasc ia
superficialis
muscle
Coupe transversale du mufle (x 14).

celui de la peau du reste du corps par la présence
se rend avec de grosses artérioles obliques par
dans la plus grande partie de son étendue d’une
les cônes fibreux jusqu’à la couche profonde du
véritable aponévrose. En effet, entre les grosses
derme tendiniforme sous l’aponévrose. Elles
fibres conjonctives obliques mêlées à d’abon-
donnent en ce point un réseau assez dense dit
dantes fibres élastiques, on trouve des faisceaux
« plexus » artériel dermique profond. II en part,
de fibres conjonctives plus épaisses et plus denses
vers le bas, des artérioles qui irriguent la glande
dont le plan superficiel est orienté de haut en
du pannicule et, vers le haut, des artérioles qui
bas et le plan profond, qui lui est perpendiculaire,
traversent l’aponévrose avec les fibres conjonc-
transversalement.Cesfaisceaux
defibres pauvres
tives obliques pour donner naissance à la base
en fibrocytes et en fibres élastiques par leur agen-
du derme papillaire à un nouveau réseau arté-
cement permettent de parler d’aponévrose. Le
riolaire dense dit « plexus » artériel dermique
derme tendiniforme devrait s’appeler ici «derme
superficiel. Ces artérioles ont des parois très
aponévrotique ». En dehors de cette particularité,
épaissies par une accumulation de cellules con-
on retrouve toutes les caractéristiques du derme
jonctives comme dans le reste de la peau. Elles
tendiniforme de la peau. Les trousseaux de fibres
donnent naissance au réseau capillaire du derme
conjonctives sont puissants et orientés oblique-
papillaire. II existe en outre de nombreuses
ment dans tous les sens. La substance fonda-
anastomoses artério-veineuses dont le point de
mentale est très réduite, mais métachromatique.
départ se reconnaît à la formation d’allure
Les canaux glandulaires qui traversent perpen-
sphinctérienne.
diculairement cette zone dermique, en sont isolés
Aux capillaires font suite des veines qui em-
par une gaine conjonctive qu’empruntent sou-
pruntent le chemin inverse de celui des artères,
vent les nerfs.
mais si le plexus veineux superficiel est très net,
- Le pannicule glandulaire présente une struc-
celui de la profondeur est pour le moins discu-
ture analogue à celle du pannicule adipeux,
table.
à la différence près que les logettes situées entre
les cônes fibreux du derme renferment une
glande lobulaire tubulo-acineuse à structure de
b) Circulafion lymphatique
glande salivaire classique. Notons la présence
habituelle de nombreux plasmocytes dans le
Elle diffère légèrement de celle de la peau par
chorion. Cette glande secrète une substance
la structure simplifiée des vaisseaux. Des fentes
mucopolysaccharidiquefaiblement acide(absence
et capillaires lymphatiques constituant un véri-
de métachromasie, mais forte réaction Hotchkiss
table plexus au niveau du derme papillaire
positive). Les cônes fibreux riches en fibres
drainent la lymphe vers des vaisseaux à paroi
élastiques servent de passage aux canaux sali-
simple endothéliforme qui traversent I’aponé-
vaires, aux divers vaisseaux et aux nerfs.
vrose au voisinage des artérioles et forment un
- Le fascia superficiolis est constitué par une
plexus à la partie profonde du derme tendini-
mince bande de tissu conjonctif formé de quel-
forme sous l’aponévrose, homologue du plexus
ques grosses fibres conjonctives superposées,
intradermique de la peau. La lymphe, qui pro-
unies à celles des cônes fibreux et de quelques
vient des lobules glandulaires, se rend à ce plexus
fibresélastiques. Danslarégionsagittale moyenne
par des veines qui longent les canaux excréteurs
et inférieure, le tendon s’insinue dans le fascia,
glandulaires ou bien gagne directement le réseau
ce qui accentue la démarcation entre le derme
du fascia par des vaisseaux qui descendent dans
et le tissu conjonctif lâche sous-cutané.
les cônes fibreux. II part du plexus du dermetendt-
niforme des veines qui traversent le pannicule
glandulaire dans les cônes fibreux au voisinage
VASCULARISATION
des artères ou des nerfs. Elles forment un nou-
veau réseau dans le fascia superficialis
là où il
existe, ou se rendent dans le muscle en emprun-
a) Circulafion sanguine
tant les axes conjonctifs. Nulle part, on ne trouve
Le réseau artériel tire son origine d’artères
de vaisseaux pourvus de muscles et de valvules
du tissu conjonctif sous-cutané ou musculaire et
comme dans le fascia cutané.
158
-NJ-

INNERVATION
nent prendre appui sur le derme tendiniforme
constitue une particularité supplémentaire à cette
Le mufle est très richement innervé par de
zone cutanée.
nombreux nerfs myéliniques qui empruntent
les cônes fibreux pour se rendre dans les dermes
Loboroioire Cenfral
tendiniforme et papillaire. Ils donnent naissance,
de I’Elevuge « G. CURASSON »
dans les cônes fibreux et dans le derme tendini-
Dakar.
forme, à des corpuscules de Golgi-Mazzoni et
Directeur : P. MORNET.
même à des corpuscules de Meissner et, dans le
derme papillaire, à des corpuscules de Meissner.
Nous n’avons pas observé de corpuscules de
BIBLIOGRAPHIE
Pacini classiquement décrits dans le derme. Seuls,
quelques corpuscules de ce type sont rencontrés
Pour la bibliographie complète, nous ren-
contre les vibrisses.
voyons le lecteur à celle de l’article suivant (1) :
1. MACKIE (A. M.) et MYFANWY NISBET (A.).
CONCLUSION
The histology of the bovine muzzle. 1, «gr\\c,
SC;. G. B., 1959, 52, 376-9.
Le mufle apparaît comme un tégument spécial
2. ORUE (1.). - Rapport sur le fonctionnement
renforcé par une aponévrose qui joue un rôle
du Laboratoire Central de I’Elevage « G. CU-
dans sa mobilité. La présence dans le pannicule
RASSON » 1955, pp. 81-83.
d’une glande de type salivaire en fait une région
3. THIERY (G.). - Le Myxome de Sanarelli.
e
sans homologue dans le reste de l’organisme.
Maladie infectieuse du collagène. Etude-chimi-
I ‘existence d’un muscle dont les faisceaux vien-
que. Rev. Path. gén. camp. 1953, 53, 537-54.
SUMMARY
Note on the Histology of the Muzzle of Cattle of West Africa.
This note records studies made by histological and histochemical methods on the muzzle and
describes its structure, the blood circulation and nervous system.
The muzzle appears to be a special integument reinforced with fascia which plays a role in its
mobility. The existence of a gland of salivary type, in the panniculus is a unique feature, without
comparison
in the rest of the body. The existence also of muscle, the fibres of which originate in the
lower layer of the skin is a further peculiarity of this cutaneous area.
RESUMEN
Estudio sobre la histologia del hocico de 10s bovidos del oeste africano.
En este trabajo son consideradas sucesivamente las técnicas histologicas
e histoquimicas utili
zadas ; la anatomia microscopica
del hocico, su estructura, circulation e inervacion.
El hocico aparece como un tegumento especial reforzado por una aponeurosis que juega un
pape1 en su movilidad. La presencia en el paniculo de una grandula de tipo salivar, la hace una region
sin analogia con el resto del organismo.
La existencia de un m&sculo cuyos haces se insertan sobre la dermis tendinosa, constituye una
particularidad suplementaria de esta zona cutanea.
159

INSTITUT D’ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
DES PAYS TROPICAUX
7, rue Jean-Jaurès, ALFORT (Seine)
M. C. CURASSON
Inspecteur général de l’élevage d’outre-mer
Membre correspondant de l’Institut
PATURAGES
ET ALIMENTS DU BÉTAIL
EN RÉGIONS TROPICALES
ET SUBTROPICALES
Un volume 18,5x26 cm. de XIX-344 pages
L’étude très complète sur les aliments des animaux et les paturages tropicaux et
subtropicaux qui a été publiée dans la présente revue depuis le numéro 4 du tome VI
de 1954 au numéro 1 du tome XI de 1958 sous la signature de M.-G. CURASSON, vient
d’être rassemblée en un saul ouvrage. D’ailleurs, c’est à la suite des nombreuses
.
demandes de tirés à part qui ne pouvaient être satisfaites que l’Institut a fait éditer ce
livre, en un nombre limité d’exemplaires, pour tous ceux qui, en régions intertropicales,
s’intéressent au problème de l’alimentation du bétail. Nous rappelons ci-dessous le plan
général de l’ouvrage :
‘1
Chapitre
1. - Généralités.
-
II. - Les pâturages des principales régions.
-
III. - Utilisation des pâturages naturels.
-
IV. - Création de pâturages et de cultures fourragères.
-
V. - Graminées fourragères,
-
VI. - Légumineuses fourragères.
-
VII. - Plantes appartenant à des familles autres que les graminées et les
légumineuses.
-
VIII. - Racines et tubercules.
-
IX. - Fruits, graines et leurs sous-produits.
X. - Grains.
-
XI. - Compléments (mise à jour chapitre par chapitre).
Ce livre est mis en vente directement par l’Institut au prix de 3.500 francs l’exem-
plaire, frais d’envoi y compris.
Toute commande doit être adressée directement au Centre de documentation de l’Ins-
titut d’élevage et de médecine vétérinaire des pays tropicaux, 7, rue Jean-Jaurès, Alfort
(Seine).
Le règlement du montant de l’achat peut être fait soit par chèque bancaire, soit par
chèque postal au no 9068-32 Paris, libellé au nom de «M. le Régisseur de la Caisse de
Recettes de l’Institut d’élevage et de médecine vétérinaire des pays tropicaux», 7, rue
Jean-laurés, Alfort (Seine).
Ce livre n’est pas vendu en librairie.
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