INSTITUT D’ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE...
INSTITUT D’ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE
VÉTÉRINAIRE DES PAYS TROPICAUX
REVUE D’ELEVAGE
ET DE
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
DES PAYS TROPICAUX
Supplémentations minérales, alimentaires
et pertes de poids des zébus sabéliens

en saison sèche
par H. CALVET, D. FRIOT et 1. S. GUEYE
V I G O T F R E R E S , E D I T E U R S
2 3 , r u e d e I’Ecole-de-Médecine,
P a r i s - V I ’

Rev. Elev. Méd. Vét. Pays trop., 1976, 29 (1) : 59-66
Supplémentations minérales, alimentaires
et pertes de poids des zébus sahéliens
en saison sèche
par H. CALVET(*), D. FRIOT et 1. S. GUEYE
RÉSUMÉ
Pour combattre les maladies nutritionnelles existant dans une large région
d’élevage du Sénégal, un projet financé par le Fonds d’Aide et de Coopération
français (F. A. C.) a été établi qui prévoyait, en particulier, l’installation a
proximité du forage de Labgar d’un (( Centre de Prévulgarisation des Supplé-
mentations minérales )).
Après 5 mois de fonctionnement de ce centre, il a été possible de montrer
que l’administration régulière de petites quantités de sels minéraux (apport
journalier de 5 à 8 g de P) ou de suppléments protéiques (150 g de MAD par
UBT) réduisait les pertes de poids que subissent habituellement les troupeaux
au cours de la saison sèche.
Les supplémentations sélectives (celles qui fournissent en quantité mini-
male les suppléments indispensables) constituent donc un premier pas dans la
voie d’une amélioration de la production de l’élevage en zone sahélienne.
1. INTRODUCTION
une tendance à la sédentarisation des populations
pastorales. Aux grandes transhumances qui per-
Plus de la moitié du cheptel bovin national
mettaient à l’animal de trouver, dans ses péré-
est élevé dans la zone sahélienne du Sénégal qui
grinations à travers des milieux différents, les
couvre toute la partie septentrionale du pays,
éléments nutritifs variés indispensables ont
succédé des déplacements de faible amplitude
Composés de zébus de race Gobra, groupés
entraînant une uniformité de l’alimentation et
en troupeaux comptant en moyenne une centaine
de ses déficiences. Une des conséquences de
de têtes, ces animaux sont entretenus suivant un
cette évolution a été l’apparition de polycarences
mode traditionnel très extensif, leur unique
minérales révélées à l’attention des techni-
source alimentaire étant constituée par les gra-
ciens de l’élevage par des enzooties meurtrières
minées et les arbustes de la savane.
de botulisme, semant, autour des années 1960,
Durant les 50 dernières années, cette région,
l’inquiétude chez tous les éleveurs de la région.
l’ancien désert du Ferlo, a subi une transforma-
Les recherches entreprises à cette époque, rela-
tion socio-économique importante du fait de
tées dans plusieurs publications antérieures,
l’implantation de nombreux et importants
ont montré que l’extension du botulisme était
forages.
favorisée par l’existence d’une maladie nutri-
L’abreuvement des troupeaux étant désormais
tionnelle atteignant la plupart des troupeaux,
assuré durant toute l’année, on a pu observer
causée essentiellement par une déficience en
phosphore, calcium et cuivre.
(*) Laboratoire National de I’Elevage et de Médecine
Après l’application de mesures immédiates,
vétérinaire. B. P. 2057, Dakar, République du Sénégal.
vaccination des troupeaux par les anatoxines
- 5 9 -

botuliques C et D, il a été nécessaire d’envisager
sur plusieurs lots d’animaux soumis à la même
des méthodes destinées à combattre les carences
alimentation de base, entraîne un bénéfice
et à vulgariser l’usage des suppléments minéraux.
pondéra1 sensible surtout avec le phosphate
Ces objectifs ont présidé à l’installation du
bicalcique.
« Centre de Prévulgarisation des supplémenta-
tions minérales de Labgar » dont les premiers
Des conclusions comparables vont se dégager
mois de fonctionnement ont fourni les éléments
des essais, sur le terrain, entrepris à Labgar.
de cette note.
L’existence chronique d’une polycarence miné-
II. LE CENTRE DE PRÉVULGARISATION
rale constitue donc une composante essentielle
DES SUPPLÉMENTATIONS MINÉRALES
des élevages extensifs sahéliens qui permet
DE LABGAR
d’expliquer en partie leur comportement et leur
productivité relativement faible. Un autre fait
Pour répondre aux objectifs déjà énoncés
important les concernant est lié à la variabilité
(réforme des troubles nutritionnels compliqués
du milieu naturel dominé par la climatologie
de botulisme, amélioration de l’état général des
tropicale dont la caractéristique bien connue
troupeaux et de leur production) un projet
est l’existence d’une courte saison des pluies
intitulé « Valorisation du Cheptel Bovin en zone
suivie d’une longue saison sèche. A une brève
sylvo-pastorale » a été établi. Ce projet financé
période d’abondance succède donc une longue
par le Fonds d’Aide et de Coopération Français
époque de disette, la succession dans le temps
(F. A. C.) comporte 2 parties :
de ces deux phénomènes induisant chez l’animal
une croissance en « dent de scie » caractéris-
- des enquêtes visant à obtenir une physio-
tique. Le gain de poids réalisé en période
nomie complète des troupeaux et de la vie socio-
favorable (septembre à décembre) est perdu en
économique des pasteurs de cette région ;
grande partie au cours des derniers mois de la
- des essais de prévulgarisation des supplé-
saison sèche, et au bout de l’an le bilan pondéra1
ments minéraux entrepris à proximité du forage
ne se trouve que faiblement positif. Améliorer
de Labgar en vue de démontrer aux propriétaires
la production de ces troupeaux consiste donc,
d’animaux les bénéfices qu’ils sont susceptibles
de façon toute théorique, à accentuer l’anabo-
d’obtenir d’un pareil traitement, et d’étudier,
lisme et la croissance en période favorable et à
sur le terrain, les modalités d’administration les
diminuer l’intensité du catabolisme et des pertes
plus favorables.
de poids en saison sèche. Nous verrons comment
les supplémentations minérales peuvent contri-
A cet effet, un Centre, comprenant un certain
buer à cet objectif.
nombre de bâtiments destinés à loger le per-
sonnel et à entreposer le matériel et les produits,
La liaison entre nutrition minérale et évolution
a été installé à Labgar, suivant une formule de
pondérale ne constitue pas un fait nouveau.
constructions préfabriquées.
Déjà en 1961, BOHMAN et collab. (1) ayant
étudié durant 4 ans la croissance de jeunes
Hereford entretenus, en zone semi-désertique,
sur un ranch du Sud Névada ont montré que si,
III. DÉROULEMENT DES OPÉRATIONS
en hiver, divers compléments alimentaires
(avoine ou farine de coton) augmentent le croît
Un certain nombre de troupeaux sédentaires
de façon significative, en été, (saison chaude et
dans « la zone d’influente » du forage de Labgar
sèche), seule la supplémentation minérale en
sont sélectionnés. Leurs propriétaires s’engagent,
phosphore produit le même effet.
en contrepartie du traitement gratuit de leurs
animaux, à les soumettre à des pesées de
HARRIS (1953) apporte dans les mêmes
contrôle périodiques et à des prélèvements de
conditions des résultats comparables avec 8 g
sang effectués sur certains individus. L’opération
de P distribué journellement dans l’eau de
d’identification et la première pesée ont lieu du
boisson. Nous mêmes, au Laboratoire de
14 janvier au 12 février 1972. Les animaux sont
Dakar en 1972, au cours d’une expérimentation
marqués à l’oreille et un registre est ouvert,
réalisée en étable, avons montré que l’adminis-
portant le poids, le sexe, l’état de reproduction,
tration en excès de divers suppléments minéraux
la date du premier vêlage, le nombre de veaux
- 60 -

produits, le nombre d’avortements, le nombre
V. RÉSULTATS
de veaux morts, la filiation et l’origine.
L’effectif de chaque campement est scindé en
Parmi les nombreux résultats obtenus durant
2 lots personnalisés par une couleur de marque
la période d’observation (février à juin 1972),
différente, introduits chacun, tous les soirs, dans
qui portent sur la composition des troupeaux,
des parcs nettement distincts. L’un de ces lots
le taux de mortalité des jeunes, le taux de vêlage
reçoit des suppléments minéraux et l’autre sert de
des femelles, l’évolution de certains paramètres
témoin. Cette mise en place se poursuit durant
biochimiques, nous ne retiendrons que ceux qui
tout un mois et la distribution journalière des
intéressent directement notre sujet : la liaison
suppléments ne commence guère de façon régu-
entre la supplémentation minérale et l’évolution
lière avant la fin mars. Une 2’ pesée a lieu en
pondérale des animaux.
*
avril 1972. Le court laps de temps entre ces
2 opérations constitue la 1’” période. La 3” pesée
5.1. Evolution des poids durant la saison sèche
se situe en juin 1972 et marque la fin de la 2”
Les observations ne couvrent qu’une partie
période qui couvre ainsi 3 mois.
I
de la saison sèche. En effet, la 3” pesée effectuée
début juin se situe à plus d’un mois de l’installa-
IV. SUPPLÉMENTS DISTRIBUÉS
tion normale des pluies. Or, on sait que c’est
justement ce dernier mois et les premières
Chaque campement est assujetti à un type
3 semaines accompagnant le renouveau de la
particulier de traitement différent par la nature
végétation qui sont les plus éprouvantes pour les
du supplément ou par les modalités de distri-
animaux. Les pertes de poids enregistrées cons-
bution.
tituent donc une large sous-estimation de l’amai-
Pour la supplémentation minérale, trois sortes
grissement subi habituellement sur la totalité
de phosphates ont été utilisées : le phosphate
de la saison sèche.
bicalcique, le polyfos (phosphate alumino-
Les résultats sont présentés en fonction des
calcique d’origine locale) et un phosphate soluble
classes d’âge ainsi délimitées :
monosodique a été incorporé à l’eau de boisson
à raison de 1 g par 1 et distribué journellement à
Classe D comprenant les animaux de 6 mois
l’aide d’une citerne tractée, dans le campement
à 2 ans « faits »
bénéficiaire.
Classe E ceux de 2 à 4 ans
Les suppléments protéiques comprennent :
Classe F ceux de 4 à 6 ans
du tourteau d’arachide (300 g par UBT), du
Classe G ceux de 6 à 10 ans
tourteau d’arachide et des granulés bicalciques,
Classe H qui regroupe les animaux au-delà
de l’urée contenue dans des pierres à lécher
de 10 ans.
importées composées de 10 p. 100 de P,
14,5 p. 100 de Ca, 15 p. 100 de chlorures et
Le tableau no 1 donne l’effectif et les poids
20 p. 100 d’équivalent protéique et de la farine
moyens enregistrés sur les témoins au cours des
de riz.
3 pesées.
J
TABL. No 1-Evolution des poids chez les témoins de février à juin
Classe d'âge
Février/Mars
Avril
Juin
D
N
221
13
J
F
135.0 + 4.1
139,3 ? 13,3
1::,8 + 18,2
N
220
19
19
E
P
240,3 + 5,7
239,l + 23.3
214,9 k 16,6
N
206
26
21
F
P
268,9 + 5,3
225.7 z 20
234,l + 15,l
N
335
20
21
G
F
291,7 2 4,3
273.4 +'19,1
246,l +_ 17
N
102
9
8
H
F
309.3 2 7,2
301,5 'r 30,3
284,5 + 33,3
i
- 61 -

La diminution des effectifs aux pesées d’avril
produit chez les animaux de 6 à 10 ans comptant
et juin est liée au fait que si la totalité des ani-
la majorité des reproducteurs. Ce sont donc ces
maux contrôlés peut être considérée comme
derniers qui paient le plus lourd tribut à la
témoin lors de la première pesée, avant les
disette de saison sèche. Sur l’ensemble de l’effec-
supplémentations, il n’en est plus de même après
tif, la perte est de 11,3 p. 100.
l’institution des traitements. A ce partage entre
témoins et traités, se sont ajoutées un nombre
5.2. Influence des suppIémentations minérales
important de défections dans les divers troupeaux.
sur les pertes de poids de la saison sèche
La signification des différences de poids de
février à juin a été testée par analyse de variante.
Les variations de poids entre les pesées effec-
tuées ont été calculées pour chaque troupeau.
Les valeurs de F pour chaque classe sont pré-
Cependant, certaines perturbations étant surve-
sentées dans le tableau suivant :
nues dans le déroulement du protocole, ce qui
ne saurait surprendre quand on connaît le carac-
TABL. N"II-Valeur de F pour chaque classe
tère indiscipliné des éleveurs, il a paru nécessaire
Classe d'âge Valeur de F Degré de signification
de présenter 3 interprétations successives. L’une
D
0,31
Non significatif
concerne la 1 re période, l’autre la 2’. La 3’ inter-
c
6,28
Significatif
prétation regroupe les 2 premières phases et
F
16.67
Hautement significatif
couvre ainsi la totalité de l’essai.
G
25,05
Hautement significatif
1. Première période
H
3,18
Non significatif
Les comparaisons concernant les pertes de
La perte de poids que subissent normalement
poids dans les troupeaux témoins et dans les
les animaux en saison sèche n’a pu être chiffrée
troupeaux traités sont présentées dans le
que pour la période allant de février à début juin,
tableau no III. Les valeurs de F donnent le
qui, comme nous l’avons déjà souligné, ne com-
niveau de la signification des différences enregis-
prend pas ce mois, le plus critique de tous pour
trées.
les troupeaux. Les différentes classes d’âge sont
S’il n’y a pas de différence significative entre
touchées de façon inégale.
les témoins et l’ensemble des animaux traités, il
Pour la classe D le pourcentage de perte est de
en existe une dans la comparaison témoins
3,3 p. 100. Les classes E, F, G, H perdent respec-
supplémentation minérale. Les animaux trai-
tivement 10,5 p. 100, 14,8 p. 100, 15,6 p. 100,
tés, dans ce lot, perdent plus de poids que les
8 p. 100. L’amaigrissement le plus sensible se
témoins.
TABL. N'III-Comparaison témoins - traités l&!re pcrimk.
:
Supplémentation minérale
171
-
1530
181010
-
a,9
0,08
NS
+ azotée
Supplémentation farine
46
-
141
13451
-
8,9
0,33
NS
de riz
Supplémentation par P04HNa2
dans l'eau de boisson
67
-
1983
76225
- 29,6
41,2
HS
4
- 62 -