Revue Sénégalaise des Recherche Agricoles et...
Revue Sénégalaise des Recherche Agricoles et Halieutiques Vol. 4 - n Q 1,1992
PATURAGE MIXTE
COMPLEMENTARITE DES RUMINANTS DOMESTIQUES
AU PATURAGE *
b) ETUDE DU CHOIX ALIMENTAIRE
DES BOVINS PATURANT SEULS
C. SALL(‘), J. M. GUILLONO), T. NOLAN@,, J. CONNOLyrZ)
Direction des Recherches sur la Santé et les Productions Animales
(‘) DRSPA
a) AFT - Irlande
RESUME
Dans le cadre de l’étude de la complCmentarité des ruminants domestiques au pâtu-
rage, nous avons présenté dans un premier travail les résultats concernant les choix
alimentaires des ovins et caprins. Le présent article traite des preferences alimentaires
des bovins pâturant seuls. Ce paramètre est influencé par la composition botanique du
pâturage. Dans un troisième article, nous étudierons la conduite mixte.
Mots clés : Bovins - Pâturage - Graminées - Légumineuses - Ligneuses - Préférence
alimentaire - Valeur nutritive.
’ Cette étude a été fiancée en partie par la CEE DGXII Science and Technology for development
Subprogram ‘Tropical Agriculture”

SUMMARY
In the hope of the study of mixed animal species in range grazing and preservation,
we set out in a first work results of the sheep and goats dietary choice. In the same
connection with this, we publish there the cattle feeding behaviour. This parameter
depend on the botanical componicnt of pastures. In the next work we’ll study the mixed
grazing.
Key words : Cattle - Pasture - Arasses - Leaumes - Browse - Dietary selec-
tion - Nutritive value.

13
INTRODUCTION
L’élevage traditionnel, dans sa forme actuelle contribue à la pejoration de l’environ-
nement par la détérioration de sa couverture vtgétale.
Trouver un mode d’exploitation qui augmente la productivité globale du pâturage
(performance animale et production fourragère) par rapport à la surface et dans le temps,
est un des soucis majeurs de la recherche agricole. Il est indispensable de pouvoir juger
cette productivité (8).
La littérature (3, 7, 11, 12, 18) montre que la conduite simultanée ou successive de
deux ou plusieurs espi?ces animales sur une même aire de pâture, et de manière ration-
nelle, permettrait d’atteindre cet objectif.
Bomard et Cozic (1) ont souligné que les ovins et les bovins induisent des évolu-
tions de flore differentes au cours des années d’où la nécessité d’envisager une alternance.
Selon Pelimin et Micol (13), il s’impose de faire pâturer un deuxième troupeau ovin ou
bovin, après le passage d’un premier troupeau de chèvres qui ont une propension au
gaspillage.
Dans le cadre du projet Irlando-Franco-Sénégalais de l’étude des “pâturages mixtes”,
nous comparons deux modes d’exploitation des pâturages :
+ la conduite simple où les petits ruminants et les bovins sont menés
séparément dans les aires différentes,
+ la conduite mixte où les ovins, les caprins et les bovins sont mélangés sur
une même aire.
Dans un premier travail (16) où nous avons décrit le protocole adopte, nous avons
présenté les résultats concernant le choix alimentaire des petits ruminants pâturant seuls.
Dans le mCme ordre d’idée, nous publions dans ce présent article les préférences
alimentaires dc deux lots de bovins pâturant dans des conditions de charges différentes.
Ultérieurement, nous étudierons la conduite mixte qui est l’objectif principal du
projet.
LES ANIMAUX
Huit génisses d’un poids moyen de 140 kg au début des essais sont’divis6e.s en
deux groupes égaux. Elles pâturent dans des parcelles à charges inégales : la surface de
l’une est égale au 2t3 de celle dc l’autre.
Les animaux utilisés sont de la race zébu gobra peu1 à grandes cornes à lyre basse
en forme de croissant.
Selon des données bibliographiques recueillies par Simoulin (1965), le zébu ou Bos
indicus tirerait son nom du tibétain “zéba”, portugais “Giba” qui veut dire bosse. Il serait
originaire de l’Orient. Il a été introduit dans l’Occident africain lors de l’invasion sémite.
De part sa conformation et ses aptitudes, le bovin a un contact avec le végétal dif-
férent de celui des petits ruminants..
Il dépenserait beaucoup d’énergie dans ces déplacements (10) : 0,022 UF/km de
parcours pour un animal de 100 kg de poids vif. Le troupeau ‘sahélien peut faire des
dizaines de km.

14
Les lèvres sont moins mobiles, mais il possède une langue qui, grâce à sa musculature
et sa protubktnce, joue un rôle actif dans la prise du végétal (14).
LES VEGETAUX
Les plantes herbacées pérennes sont presque inexistantes dans la zone de Dahra comme
dans la plupart des regions du Sahel.
Le tapis herbacé est temporaire car dominé par les annuelles. Ce qui permet aux
animaux d’avoir quelques trois mois d’herbe verte à valeur nutritive élevée.
La végetation est très fragile et dépend beaucoup du climat surtout de la pluviosité.
La biomasse est passée de 1,5 t/ha en hivernage 1985 à 2,75 t/ha après l’hivernage 1986.
Tableau 1 : Composition botanique du tapis herbace en fin d’hivernage 1985 et 1986
au niveau des parcelles n* 1 et n* 4
Type de végétation
Parcelle NQ 1
Parcelle NQ 4
Fin hivernage 1985
Graminées
30
66
Légumineuses
10
17
Phorbes
6 0
17
Fin hivernage 1986
Graminées
08
0 3
Légumineuses
89
86
Phorbes
03
11
Le tableau ne tient pas compte des micro-dépressions où il y a une forte présence de Cnssiu
obfusifofia et de plantes rampantes (classées dans les phorbes) et aussi de sols nus.

15
Tableau 2 : Espéces ligneuses relevees en janvier 1987 dans les parcelles n* 1 et
n* 4
Espèces
Etat
Parcelle Na 1
Parcelle N* 4
Balanites aegyptiaca
vivantes
125
7 5
mortes
06
11
Acacia sertegal
vivantes
2 2
08
mortes
10
0 7
Autres Acacia’
vivantes
04
0 8
mortes
00
0 0
Combretuni aculatum
vivantes
0 7
14
mortes
0 2
01
Autres espèces
vivantes
06
00
mortes
00
00
TOTAL
vivantes
164
! 105
mortes
18
19
Elle est très heterogène. Des dizaines d’espkes végétales sont déterminées (16). Les
types de végétation varient dans le temps et l’espace ; d’une année à l’autre et dans la
même annee, d’une parcelle à l’autre (tableaux 1 et 2, figures 1 et 2).
Cette complexite de l’environnement rend difficile la comparaison d’essais effectués
sur des parcelles différentes par le choix alimentaire des animaux.
LE CHOIX ALIMENTAIRE DES BOVINS
Comme prCcédemmenl signale dans le premier article, les données recueillies par la
methode des “collectes du berger”, dans la deuxième periode de la première année, sont
à mettre sous réserve. La détermination des espèces en période sèche avancée est sujette
à des erreurs.
Les légumineuses, surtout Zornia glochidiata , se dessèchent rapidement, se fragmen-
tent et tapissent le sol.
C’est la raison pour laquelle nous enregistrons un fort pourcentage de “fragments de
plantes indéterminées” dans le regime des bovins.
Le Zornia dont les jeunes pousses peuvent causer la mort (4) est la plante la plus
consommée. Durant la saison des pluies et la saison post-hivernale, les animaux contrô-
lent la prise de cette espke végétale. Les animaux la remplacent par une autre légumineuse :
SAlysicarpus.

16
En saison sèche, la paille de Zornia est Ues bien consommée. Elle fait même l’objet
d’une commercialisation dans la région.
Contrairement à ce que rapportent plusieurs auteurs dont Dia110 (4), sur des études
réalisées dans d’autres zones du Sahel, la consommation de légumineuses est plus élevée
que celle des graminees. Elle peut atteindre plus de 90 % du régime (tableaux 3 et 4).
Durant la première année des essais, là où la couverture végétaLe en graminée est
plus élevée (66 % contre 30 %), la consommation de cette espèce est de 35 % contre
1,50 % en bonne saison et de 13 % contre 6 % en saison sèche chaude.
Comme d’habitude, la consommation des ligneux est faible soit 0,25 à 3 % du ré-
gime. Elle peut atteindre des proportions élevées (15 %) en saison sèche sans pour autant
avoi-siner les grands pourcentages rencontrés en zone agropastorale à l’approche et au
début des pluies (15).
En dehors des cas d’extrême pénurie et d’une abondance de nourriture, le zébu sélec-
tionne pour satisfaire ses besoins (4). Pour ce système, il ralentit la décroissance de la
teneur en azote de son aliment lorsque le fourrage vieillit mais la valeur nutritive de celui-
ci est entravée par la montée de sa teneur en lignine : de 80 à plus de 120 g par kg de
matière sèche (tableau S).C’est durant les périodes de l’hivernage et post-hivernage que
les teneurs ‘en minéraux (phosphore, calcium) des pâturages de Dahra sont comparables
à celles des pâturages à légumineuses (6, 9) ou à graminées (2) des pays tempérés. Elles
sont environ de 2 g/kg MS pour le phosphore et 16 @kg MS pour le calcium.
La teneur en ces deux éléments a tendance à chuter de plus de moitié de la saison
des pluies à la saison sèche ; d’où la nécessité d’instaurer une stratégie de complémentation
minérale.
Tableau 3 : Composition botanique du rég’ime des bovins dans la parcelle nQ 1
(charge faible) (%)
lère période
2ème période
Espèces végétales
1 ère période
2ème période
1 ère période
2ème période
--~
Ligneux
1,50
1 ,oo
0,25
0,25
Graminées
1,25
6,00
0,50
Légumineuses
53,25
2,00
76,25
96,75
Phorbes
43,50
1,50
23,50
2,50
Fragments indéterminés
0,50
89,50

17
Tableau 4 : Composition botanique du regime des bovins dans la parcelle n* 4
(charge élevée) (%)
lère période
2ème période
Espèces végétdes
lère période
2ème p&iode
lère @iode
2&me p&iode
Ligneux
14,50
2,50
3900
GraminCes
13,OO
050
5,50
Ugumineuses
Phorbes
27,50
2m
15.50
02,50
Fragments indéterminb
21,00
70,OO
-.
-

Tableau 5 : Composition chimique du rbgime des bovins (en g/kg MS)
T Du 17 Du 1 Du 10 Du 24-11 Du 26-01 T Du 09
au 22-02
au 26-04
au 22-11
au 06-12
au 07-02
au 21-02
Faible
941
120.0
129,0
122.8
AZOte
14.27
111,3
93,4
104,6
Elevée
120.1
102,4
97.8
98.9
129,3
121,2
138.8
101,5
Faible
78.9
97.7
121.5
96.1
94.3
110.4
118.4
s15.9
Elevée
95.3
99,7
82.7
84.7
93,4
96.0
124.3
103.5
Phosphore
Faible
1.66
1,42
1,27
1.12
1.75
1900
0966
Elevée
1.40
1,31
0.97
1.08
1.27
1.20
0.87
Calcium
Faible
1355
9.95
11.20
9.00
14.16
14.07
5.62
Elevée
11.99
12,50
10.63
9.74
16.05
14,22
7.47
-

19
CONCLUSION
La comparaison entre les essais menés dans les deux parcelles de charges
différentes montre que les espèces choisies sont les mêmes, mais à des proportions
différentes au niveau du régime. Cette différence de proportions pourrait être imputée à
l’hétérogénéité de la végétation et à la couverture variée des types de végétation au
niveau de chaque parcelle.
Dans ces conditions, un résultat numérique pour ce thème aussi difficile (1, 8) ne
peut être donné que par une moyenne calculée (1) sur plusieurs individus et sur un cycle
bioclimatique donné. Ce dernier peut aller de 5 à 10 ans en zone sahélienne.
Une adoption de loi du comportement pourrait être envisageable si les variations
intra-individuelles et inter-individuelles dues a des modifications spontanées ou
provoquées du comportement des bovins sont Cern&..
Cette remarque est aussi valable si nous voulons comparer les résultats des
traitements 2 et 5 appliqués aux petits ruminants (16) et ceux étudiés pksentement sur
les bovins. Ces animaux n’ont pas pâturé dans les mêmes parcelles.
La 3ème étape de notre étude qui concerne beaucoup plus l’objectif de notre projet
d’étude des pâturages mixtes permettra de mieux voir comment bovins, ovins et caprins
exploitent cnsemhlc les aires de pâturages à des ratios variables.
BIBLIOGRA.PHIE
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