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Revue Sénégalaise des Recherches Agricoles d Halieutiques - Vol. 1 - no1 - 1988
TIQUES ET MALADIES TRANSMISES AU SENEGAL
DONNEES ACTUELLES
Par A. GUEYE *
RESUME
Les maladies transmises par les tiques ont Cte gén&alement sous-estimées ou
même considérées comme négligeables en Afrique de l’Ouest.
Cependant, des observations effectuées sur le cheptel ces dernières années ont
permis de mettre en evidence leur pathogénicité. Les affections qui focalisent le plus
l’int6rêt des pathologistes et des zootechniciens demeurent les Rickettsioses en
l’occcurence la Cowdriose, les Ehrlichioses et 1’Anaplasmose bovine.
La Cowdriose représente une lourde menace surtout pour les bovins importes et
les petits mminants.
En ce qui concerne 1’Bhrlichiose bovine au Sénégal, ce sont les animaux exo-
tiques qui manifestent une tres grande sensibilité.
Des cas aigus d’Anaplasmose ont été décelés aussi sur les zébus @os indices)
dans la région delouga. Les Babesioses et les Theilerioses, par contre, ne presentent
pas jusqu’à présent des manifestations spectaculaires pouvant éveiller l’attention.
Les perturbations climatiques et leurs cons$quences sur les 6cosystèmes vont
imposer une redéfinition de l’épidémiologie de ces hemoparasitoses.
SUMMARY
Diseases transmitted by ticks generally have been under estimated and even
considered to be negligeable in West Africa.
However, observations made on livestock these last few years havedemonstrated
their pathological character. The disease that triggers the most interest amongpatho-
logists and zootechnicians remains rickettsiosis, more specifically cowdriosis,
Ehrlichiosis and Anaplasmosis bovine. Cowdriosis presents a great threat mainly
for imported bovine and small ruminants.
In the case of Ehrlichiosis bovine in Senegal, exotics animals show the greatest
sensitivity.
Acute cases of Anaplasmosis have been discovered on bos indices in Louga
region. On the other hand Babesiosis and Theileriosis, do riot, to date, show spec-
tacular signs.Climatic disturbances and their impact on the ecosystems Will require
a redefinition of the epidemiology of these hemoparasitoseses.
*Chercheur de I’ISRA - Direction des Recherches sur la Santé et les Productions Animales

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RESUMO
Em ifrica do Oest, as doenças transmitidas pelos carrapatos foram geralmente
sub-estimadas e até consideradas como pouce importantes.
Entretanto, observaç8es feitas sobre o gado, nestes hltimos anos, permitiram evi-
denciar a sua patogenicidade. As doenças que mais chamam a atenç?to dos patolo-
gistas e zootécnicos 30 as Rickettsioses, particularmente a Cowdriose, as Ehrli-
chioses e a Anaplasmose bovina.
A cowdriose representa uma grande ameaça sobretudo para os bovinos impor-
tados e os pequenos ruminantes.
Enquanto a Ehrlichiose bovina, no Senegal, $0 animais ex&icos que manifes-
tam uma grande sensibilidade.
Na regiàb de Louga, casos extremos de Anaplasmose foram observados nos
zebus @ indices). As Babesioses e as Theilerioses, ao con&rio, &o tFm retido
a atençao, ati agora, por manifestaç&s importantes. As peiturbaç&s climaticas e as
suas consequências sobre os ecosistemas h% de impor uma redefïniç%o da epide-
miologia de estes hemoparasitoses.
INTRODUCTION
En Afrique de l’Ouest, les maladies transmises par les tiques ont été très souvent occultees
par les grandes épizooties virales ou bactériennes et par des enzooties telles que les Trypa-
nosomiases. Elles ont certainement fait l’objet d’investigations dans le passé, mais beaucoup
de lacunes continuent d’exister dans la compréhension de leur épidémiologie et de leurpatho-
génicité à l’égard du cheptel autochtone. Les Tiques de la région éthiopienne ont également
été étudiées par plusieurs auteurs sous l’angle de la systématique, de la biologie et de l’éco-
logie (HOOGSTRAAL, 1956; ARTHUR, 1965; ELBLet ANASTOS, 1966 a, b, c, d,ELBL,
1977; YBOMAN et WALKER, 1967; ABSCHLI-MANN, 1967; MORBL, 1969;
WALKER, 1974; UILENBERG, 1979). Le rôle vectoriel de chaque espèce est néanmoins
loin d’être circonscrit. Cependant, les modifications écologiques engendrées par la séche-
resse depuis une dizaine d’années sur les grands écosystèmes pastoraux ont entraîné la
disparition de certaines esp2ces dans les régions où elles étaient endémiques, alors qu’elles
y sont remplacées par d’autres dont les exigences écologiques correspondent aux nouvelles
conditions du milieu. Le Sénégal situé en pleine zone sahélo-soudanienne connait ce boule-
versement, et la nécessité a été ressentie d’entreprendre une étude des hémoparasitoses et de
la dynamique des populations de tiques inféodées au cheptel. Diverses zones 6cologiques ont
été ainsi définies et font actuellement l’objet d’opérations de recherches. Les résultats
préliminaires ont miss en évidence la pathogénicité de maladies dont l’importance était géné-
ralement sous-estimée ou était même considérée comme négligeable. Nous en dressons ici
un tableau synoptique.

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LES MALADIES
Les affections qui focalisent le plus l’intérêt des pathologistes et des zootechniciens
demeurent a coup sûr les Rickettsioses en l’occurence la Cowdriose, les Ehslichioses et
1’Anaplasmose bovine. Les Babesioses et les Theilerioses ne pr&entent pas jusqu’a pré-
sent de manifestations spectaculaires pouvant éveiller l’attention, cependant certains in-
dices nous convainquent de plus en plus de l’opportunité d’investigations systématiques
sur ces maladies.
La Cowdriose
Rickettsiose due B Cowdria ruminantium (COWDRY, 1926) a 6ti suspect& au Sert&
gal, cette suspicion n’était généralement basée que sur la symptomatologie ou l’anatomo-
pathologie. Au cours de ces dernières années, lors d’épizooties ayant affecte les bovins
montbéliards et pakistanais élevés dans larégion des Niayes située au nord-ouest du SénC-
gal, nous avons isolé pour la première fois dans ce pays la rickettsie en cause. Cette
rickettsiose représente une lourde menace pour ces animaux importés qui payent un lourd
tribut en cas d’insuffisance des mesures de protection contre lestiques. D’après nos obser-
vations, si les bovins autochtones vivant dans les zones d’enzootie présentent une bonne
immunité vis-à-vis de cette rickettsiose, par contre les zébus vivant en dehors de l’aire de
répartition du vecteur, Amblyomma variegatum FABRICRJS,
1974 succombent rapi-
dement lorsqu’ils sont introduits dans les foyers de l’infection (GUEYE et al, 1982).
Le cheptel petit ruminant est sans doute celui qui souffre le plus de la Cowdriose. Dans
les zones infectées, la croissance des effectifs des caprins est régulièrement annihil6e par
des épizooties p&iodiques qui emportent la presque totalité des chevreaux, tandis que
dans ces mêmes zones, l’élevage extensif ovin demeure très précaire tant les adultes sont
affectes par cette maladie (GUEYE et al., 1984).
Les Ehrlichioses
L’Ehrlichiose bovine est une rickettsiose des monocytes causée parE@ichia bovis. En
. --.
Alii ut, elle sévit sur des animaux autochtones dans plusieurs pays: Centrabique
(Ff4
NELLE, 1958), Côte d’Ivoire (PIERRE, 1983), Nigeria (LEEFLANG et
ILEMOBADE, 1977). Au Sénégal, des zébus de race Sahiwal importés ont été les révb
lateurs de son état d’endémicité (RIOCHE, 1966). Alors que l’expression clinique passe
généralement inaperçue chez nos animaux, par contre la pathogénicité est tres manifeste
chez les bovins exotiques. Actuellement elle entraîne des pertes dvères sur les races
montbéliarde et pakistanaise au niveau des exploitations laitieres, si des traitements ne
sont pas rapidement appliqués ou si les précautions classiques contre les infestations
ixodidiennes adopdes. Les connaissances sur les espèces vectrices sont encore insuf-
fisantes.
L’Ehlichiose ou Rickettsiose génerale ovine à Ehrlichia ovina est une affection éga-
lement présente. Lors d’enquêtes sur les hémoparasitoses ou lors de splenectomies, ces
rickettsies sont visibles parfois dans les mononucléaires. Des mortalités dues à cette
rickettsiose ont déjà été mentionnées au Sénégal (CURASSON, 1941-1942), mais son
incidence, comme celle d’autres infections affectant les petits ruminants, n’est pas connue.

33
-1
i
Y
L’Anaplasmose
L’anaplasmose bovine est une Rickettsiose pantropicale susceptible d’être caus6e par
deux espèces de rickettsie du genre Anaplasma (THBILER,1910): Anaplasma marginale
(THEILER, 19 10) agent de la forme grave de 1’Anaplasmose et Anaplasma centrale (IYEI-
LER, 1911) agent de 1’Anaplasmose bénigne. L’Anaplasmose était considérée jusqu’à pre-
sent en Afrique soudano-sahélienne comme une infection fréquente mais non ou peu patho-
gène, tant ses expressions cliniques semblaient inexistantes et menaient rarement a son
diagnostic. Récemment, des cas aigus de cette maladie ont été décelés au Sennégal ces deux
dernières années dans la région de Louga située en zone sahélo-soudanienne. La maladie
affecte des zébus (Bas indicus) en élevage extensif, à la fin de la saison des pluies au mois
d’octobre. Tous les troupeaux ne sont cependant pas atteints, mais dans ceux où la maladie
sévit, lamortalit.6 varie de 10 à 50 % si un traitement abasede Tétracycline n’est pas institué.
Cette morbidité et cette mortalité sont étal6es dans le temps, cependant les cas sont net-
tement plus fréquents en Octobre et en Novembre. L’épidémiologie de cette rickettsiose
reste à élucider, car les tiques infestant ces bovins sont des Hyalomma impeltatum
SCHULZE et SCHLOTIKE, 1930 dont les adultes seuls se retrouvent sur les mammifères
domestiques. Les Arthropodes hématophages devraient être considérés, a priori, comme les
éléments essentiels de la propagation de l’infection (GUBYE et al., 1984).
Babesioses
Peu de données sont disponibles sur ces maladies. Néanmoins, des enquêtes proto-
zoologiques ont mis en évidence l’existence de Babesia bigemina et d’une espèce qui reste
à préciser. La répartition actuelle des Boophilus vecteurs des Babesia correspond à l’aire
de la Trypanosomiase et de nos jours, des médicaments polyvalents sont utilisés pour trai-
ter ces mêmes parasitoses. Pour toutes ces raisons, les praticiens sur le terrain font peu
d’effort de diagnostic entre ces deux entités morbides. Cependant, à la limite de la zone de
distribution des glossines, le diagnostic épidémiologique serait possible en tenant compte
de la saison, des biotopes et de l’état d’entretien des animaux.
Theilerioses
Au Sénégal, des cas de Theileriose n’ont jamais été signalés, cependant lors de ter-taines
affections chez les zébus, les seuls hémoparasites observés ont été des Theileria sp. La
pathogénicité spécifique des Theileria mériterait d’être précisée.
CONCLUSION
Les maladies transmises par les Tiques se sont révélées ces dernières années comme
étant lune des contraintes majeures au développement de l’élevage. Les efforts entrepris
afin d’accroître la production laitiére en zone péri-urbaine au Sénégal se heurte aux dif-
ficultés que constituent les tiques et les agents pathogbnes dont ils sont vecteurs. Naguère
ces zones étaient considérées comme insalubres à cause des Trypanosomiases. Cette con-
trainte quoique bien fondée empêchait souvent les investigations sur des maladies qui
pouvaient avoir une évolution beaucoup plus fatale, ce qui confirme actuellement la
disparition des glossines dans la région des Niayes. Il est souvent estimé que ce sont les
animaux exotiques qui souffrent de cette pathologie engendree par les tiques, cependant on
se rend compte de plus en plus que le bétail indigène n’est pas épargne. Peu d’études systé-
matiques ont été effectuées sur la sensibilité des races indigènes, des recherches

34
mériteraient d’être menées dans ce sens. Les perturbations climatiques et leurs cons&
quences sur les écosystemes vont imposer des changements dans l’exploitation tradition-
nelle des pâturages. Au systeme de transhumance séculaire en zone sahélienne risque de
succéder une tendance à la sédentarisation dans les zones de savane sèche. Dans ces
biotopes nouveaux pour des races originaires de régions septentrionales, l’epidémiologie
des hemoparasitoses devra être redéfinie.
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