INSTITUT D'ÉLEVAGE ET DE MEDECINE VÉTÉRINAIRE DES...
INSTITUT D'ÉLEVAGE ET DE MEDECINE
VÉTÉRINAIRE DES PAYS TROPICAUX
REVUE D’ÉLEVAGE
ET DE
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
DES PAYS TROPICAUX
La streptothricose cutanée
V. - Note sur le pouvoir pathogène
du microflorganisme
de la streptothricose bovine
par G. MÉMERY et Mme L. MÉMERY
Tome XV (nouvelle série)
NO 1 - 1962
,
VIGOT FRÈRES, EDITEURS
23, rue de l’École-de-Médecine, PARIS-VI’

La streptothricose cutanée
v. - Note sur le pouvoir pathogène
du micro-organisme
de la streptothricose bovine
.
par G. MÉMERY et Mme 1. MÉMERY
Nous avons écrit précédemment (1) que le
Nous avions pensé qu’ainsi toutes les formes
micro-organisme des streptothricoses cutanées
et tous les états du germe dont le cycle est diffi-
i .
animales ne possédait aucun pouvoir pathogène
cile à fixer, pourraient être représentés en quan-
par voie parentérale. Des lapins et des chèvres,
tité appréciable dans I’inoculum.
inoculés avec des suspensions virulentes dans le
- L’inoculum est constitué par le mélange de
but d’étudier les variations de la réceptivité
ces cultures d’âges différents qui sont lavées deux
naturelle, les propriétés des sérums vis-à-vis du
fois puis reprises dans une faible quantité d’eau
germe, et éventuellement le pouvoir pathogène
physiologique avant d’être homogénéisées au
de ce dernier, n’ont présenté en effet aucune
micro-broyeur Griffiths.
lésion interne ni externe, si ce n’est quelques
La suspension ainsi obtenue, très épaisse, est
croûtes caractéristiques au niveau du point
cependant insuffisamment fine pour qu’après
d’inoculation.
dilution sa concentration puisse être valable-
Nous constations d’autre part, que les sérums
ment appréciée au néphélomètre ou à l’échelle
de ces animaux étaient agglutinants, mais non
de Brown. Pour pallier cet inconvénient, et pour
neutralisants ; un mélange de culture et de
avoir une idée des quantités relatives de micro-
sérum hyper-immun, inoculé par scarification
organismes inoculées à chaque animal différent,
après une heure de contact est aussi infectant
la suspension est diluée de façon à ce qu’un mil-.
qu’une culture pure. De plus les animaux ainsi
lilitre corresponde à la culture totale d’un tube.
traités ne sont nullement protégés contre les
Aucun antiseptique n’est ajouté et elle est
inoculations cutanées expérimentales.
immédiatement utilisée en totalité.
Cette expérimentation’ est reprise dans de
Douze lapins, trois chèvres dont un chevreau,.
nouvelles conditions afin d’obtenir éventuelle-
et un veau de 3 mois sont inoculés par voie
ment des sérums plus actifs, et de connaître les
intraveineuse.
conséquences pathogènes de l’inoculation de très
Quatre injections à 8 jours d’intervalle sont
grandes quantités de micro-organismes.
prévues, mais certains lapins n’en recevront que
deux, soit parce qu’ils meurent prématurément,
PROTOCOLE
-
soit parce qu’ils présentent des lésions spéci-
La scuche utilisée, est prise au hasard parmi
fiques dès les premières inoculations.
les souches conservées, lyophilisees, et isolées
-
Les lapins reçoivent, chaque fois,2 ml de lasus-
les années précédentes sur bovins ou sur caprins.
pension.
c
- Les cultures sont effectuées en tubes inclinés
Les chèvres et le chevreau, 7 ml.
afin que la densité en germes soit maximum (1).
Le veau, 20 ml.
Chaque jour de nouveaux tubes sont repiqués de
manière à obtenir le IOe jour, des cultures de
OBSERVATIONS
dl
tous les âges en quantités importantes.
- Sur le veau.
Après chaque intervention on constate un
1
Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop. 1962, 15, no 1.
clocher thermique de lo- à 20de courte durée.
Reçu pour publication : septembre 1961.
2
5

Au point d’inoculation, un nodule entouré
évidence ni sur frottis, ni sur coupe, et les isole-
d’une zone de périphlébite douloureuse qui
ments demeurent négatifs.
régresse d’elle-même, apparaît sur la jugulaire.
Les autres sont porteurs de lésions beaucoup
Aucune lésion cutanée n’est relevée.
plus importantes.
L’animal conserve son appétit et ne perd pas
- Au niveau de la cavifé thorcicique :
de poids.
- Pleurésie caséeuse.
Son sérum est faiblement agglutinant.
- Congestion pulmonaire généralisée, avec
pneumonie nodulaire bilatérale.
- Sur les chèvres.
- Péricardite avec épaississement et opacifi-
Mêmes observations ; les animaux ne pré-
cation du péricarde ; liquide pGricardique
sentent qu’une élévation de température fugace
louche et sanieux.
et un nodule au point d’inoculation.
- Petits foyers purulents de myocardite.
1
r
- Sur les lapins.
- Au nweau de la cavité abdominale :
- Sur les reins, nodules caséeux sous-capsu-
Les résultats sont très variables ; trois types
laires et parenchymateux.
d’évolution différents sont observés :
L
:
-
- Sur le foie, la rate et les intestins, aucune
Soit, absence de lésions importantes et
lésion macroscopique.
bon état général.
-
- Au niveau des membres et des artirulatlons
:
Soit, mort après amaigrissement rapide.
-
- Nombreux petits abcès dans les muscles
Soit, présence des lésions cutanées carac-
des lombes et des membres postérieurs.
téristiques avant mort dans le marasme physiolo-
-
gique le plus complet.
Arthrites purulentes fermées multiples des
membres et de l’articulation coxo-fémorale.
Dans le premier cas : (Six lapins sur douze).
On constate quelques lésions auriculaires déjà
Le micro-organisme est mis en évidence par
signalées (2) ; croûtes coniques autour du point
bactérioscopie, dans le pus des nodules pulmo-
d’inoculation, accompagnées parfois d’un nodule
naires et musculaires ainsi que dans celui des
purulent n’ayant pas tendance à I’abcédation,
arthrites. II apparaît principalement sous formes
le long de la veine auriculaire externe ou dans
mycéliennes et pseudomycéliennes (I-3-6). Les
éléments coccoïdes isolés sont, sur un frottis, plus
l’épaisseur même du pavillon. Deux animaux
*
difficilement discernables.
qui avaient été inoculés précédemment par sca-
Par ensemencements sur gélose-sérum et gelose
rifications dorsales et qui étaient guéris, ont pré-
au sang le germe est isolé de la plupart de ces
senté, au niveau des zones anciennement trai-
lésions internes.
tées, des nodules de même nature.
Dans le deuxième cas : (Quatre lapins sur
Dans le troisième cas : (Deux lapins sur
douze).
douze).
Dès la deuxième inoculation, les lapins sont
Quelques jours après la deuxième inocula-
tristes, abattus, ils ont le « poil piqué », puis
tion, deux lapins sont recouverts de papules,
maigrissent rapidement. La respiration est dys-
facilement visibles au niveau de la tête et des
pnéique avec parfois de la toux et du jetage.
oreilles.
L’animal devient cachectique, bien que l’appétit
Elles se recouvrent rapidement de croûtes,
soit conservé. II meurt en huit à quinze jours.
qui s’épaississent pour prendre la forme de cônes
L’un d’eux a cependant survécu, puis a repris du
ou de troncs de cône de 5 mm à 1 cm de base.
poids lentement et semble actuellement totale-
Le corps est atteint dans toute son étendue,
ment guéri.
extrémités des membres et organes génitaux
A l’autopsie, les lésions diffèrent d’un animal à
compris. Les oreilles alourdies par les lésions
l’autre.
retombent de chaque côté de la tête (,photo no 1).
L’un ne présente, en dehors de sa cachexie
Les poils, agglutinés et hérissés au-dessus de
extrême, qu’une congestion pulmonaire bilaté-
chaque croûte, contribuent à donner à l’animal,
rale. Le micro-organisme, ne peut être mis en
déjà très amaigri, un aspect délabré.

Lorsqu’on veut découvrir les croûtes elles sont
lisation de cultures pures ou de broyats de
entrainées avec les poils arrachés. L’épiderme
croûtes de bovins ou de chèvres (2-3).
sous-jacent est congestionné, sanieux, recouvert
Le lapin, le.plus atteint, meurt un mois envi-
d’un léger enduit pultacé, identique à celui des
ron après la 2e inoculation, l’autre une quinzaine
lésions expérimentales obtenues par scarifica-
de jours plus tard.
tion (2).
A l’autopsie, le premier présente sensiblement
les mêmes lésions internes que les précédents. Le
poumon est cependant moins gravement atteint
et les lésions musculaires et articulaires sont
absentes.
Le second n’est porteur d’aucune
lésion macroscopique interne. Ils sont tous deux
dans un état cachectique très avancé.
DISCUSSION
Lesquantités degermes
vivants utilisées peuvent
* .
paraître considérables, et sans commune mesure
avec celles qui sont généralement nécessaires
avec un germe virulent et vraiment pathogène
pour provoquer une affection expérimentale quel-
conque. De même la disproportion entre la quan-
Photo no 1
Les croûtes se reforment rapidement (photo
no 2) avant que le poil ne repousse.
Sur frottis on retrouve toutes les formes
caractéristiques du micro-organisme des strepto-
thricoses (1-2-3). L’isolement sur gélose au sang
est facile et donne généralement des cultures
x.4
pures.
Photo no 3
tité de germes inoculée par voie parentérale, et
celle qui est suffisante pour faire apparaître des
lésions par scarification est aussi particulièrement
importante. II n’en demeure pas moins qu’un
certain nombre de lapins sont morts, avec des
lésions internes et surtout cutanées caractéris-
tiques après une évolution semblable à celle
Photo no 2
de la maladie naturelle.
Dans certaines conditions, le micro-organisme
des streptothricoses serait donc pathogène par
Avec un broyat de croûtes on obtient, par sca-
voie parentérale et des lapins peuvent mourir
rifications sur des lapins neufs, des lésions carac-
après amaigrissement dans un état cachectique
téristiques identiques à celles dérivant de I’uti-
avancé, identique à celui des animaux succom-

bant à la maladie naturelle, même en l’absenceI bactériémie, si elle existe, serait très précoce et
de toutes lésions macroscopiques,
fugace, et toutes les hémocultures effectuées
On peut se demander une nouvelle fois, si ce
après l’apparition des lésions seraient invaria-
pouvoir pathogène n’est pas dû à une toxine qui
blement vouées à l’échec, les germes ayant dis-
ne serait élaborée que dans certaines conditions
paru depuis longtemps du sang circulant. Lors
et que les cultures in vitro ne permettraient pas
des cas expérimentaux en effet les papules cuta-
. .
d’obtenir (3).
nées n’apparurent que 4 à 5 jours après la2e ino-
Lorsqu’elles existent, les lésions internes les
culation intraveineuse (bactériémie).
plus importantes se situent sur les poumons, la
Dans l’affectlon naturelle cependant la ques-
a
plèvre et le péricarde. Elles semblent être con-
tion de l’origine même de la bactél-iémie
reste
sécutives à des embolies microbiennes, normale-
obscure. Le micro-organisme semble en effet ne
ment plus nombreuses dans le poumon, organe le
pas pouvoir traverser la barrière dermique (13)
5
premier atteint lors d’injections
intraveineuses,
et s’il la traverse, quelques éléments seulement
Mais les localisations musculaires et surtout
doivent pouvoir s’introduire à la faveur de solu-
*
articulaires s’expliquent moins bien par le jeu
tions de continuité du derme. Cette intrusion dis-

des embolies, surtout en l’absence de lésions sur
Crète n’a aucun commun rapport avec I’envahis-
i
t
certains autres réseaux capillaires tels que celui
sement massif de l’inoculation expérimentale.
du foie par exemple.
II faudrait donc admettre :
Ces lésions n’ont aucune spécificité si ce n’est la
présence du micro-organisme qui n’est évidem-
soit que les germes, qui peuvent atteindre la
ment pas classiquement rencontré dans les for-
lymphe ou le sang circulant, sont sous une forme
mations purulentes ordinaires.
particulièrement virulente qui leur permet de se
multiplier très rapidement avant d’être éliminés
Mais l’intérêt principal réside dans la localisa-
par les fonctions de défense non specifiques de
tion spontanée des lésions au niveau de la peau
l’organisme,
sur deux animaux, suivie principalement chez
l’un des deux, d’une évolution clinique en tout
soit qu’à la faveur de certains phénomènes
point identique à celle de l’affection naturelle
non observés, une quantité très importante de
subaiguë des bovins ; mêmes lésions, mêmes
germes franchit en peu de temps la barrière
symptômes, même évolution, même issue. Nous
dermique.
pouvons affirmer avoir reproduit pour la pre-
Cette particularité de la pathogénie des strep-
mière fois la maladie naturelle, et non pas, seule-
tothricoses présente à notre avis un certain inté-
ment, des Iésions localisées.
rêt et nous pensons que ces observations doivent
Cette généralisation, d’origine expérimen-
permettre d’orienter d’autres expérimentations.
tale, avec apparition de papules uniformes et
régulières sur tout le corps, puis de croûtes coni-
CONCLUSION
formes, simule exactement les cas de généralisa-
tion naturelle que nous avons observés et décrits
Aprèsun brefrappel sur les résultatsantérieurs,
chez les veaux (2-4).
e protocole d’une nouvelle expérimentation est
Nous avions pensé à l’existence d’une bacté-
exposé.
riémie (15) qui seule, pouvait expliquer uneappa-
Les effets pathogènes des inoculations intra-
rition aussi rapide, et une répartition aussi régu-
\\veineuses massives du micro-organisme des
lière et aussi totale des lésions bien que les hémo-
I
5 ;treptothricoses
cutanées aux lapins sont décrits.
cultures pratiquées sur des veaux, ayant fait ce
L’étude porte particulièrement sur deux cas
type d’évolution, soient restées, jusqu’à présent,
lui se sont Irévélés semblables en tout point à la
négatives, et aient semblé infirmer cette hypo-
naladie naturelle des bovins.
thèse.
Mais ces résultats montrent au contrairequ’une
Institut d’E/evage et de Médecine vétérinaire
bactériémie peut justement permettre d’obtenir
des Pays tropicaux. Laboratoire central
cette généralisation avec les symptômes cli-
de I’6mlevage “Georges Curasson”
niques qui l’accompagnent normalement. Cette
Dakar.
8

SUMMARY
Cutaneous Streptothricosis. Pathogenicity of the Causal Micro-organism of Bovine Streptothricosis
After a short review of previous results, the authors outline the protocols for future experi-
ments.
The pathogenic effect of mass intravenous inoculation of rabbits, with the causal agent of
2
this disease is described.
Two cases which proved very similar to the disease as observed in natural conditions have
I
been especially described.
RESUMEN
*
La estreptotricosis cutanèa. V. Nota sobre el poder patogeno
c
del micro-organismo de la estreptotricosis bovina
Despues de recordar resultados de experiencias anteriores, se expone el protocole de una
*.
nueva experiencia.
Los efectos patogenos de inoculationes intravenosas masivas, de este microorganismo de las
estreptotricosis cutaneas, son estudiados sobre conejos.
il trabajo parte de dos antecedentes conocidos, cuya similitud con la enfermedad natural
e n 10s bovidos fue sorprendente.
BIBLIOGRAPHIE
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MÉMERY (G.) et THIÉRY (G.). - La strepto-
thricose cutanée. 1. Etude de la maladie natu-
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Pays Trop. 1960, 13, 143-53.
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