INSTITUT D’ELEVAGE ET DE MEDECINE VETERINAIRE DES...
INSTITUT D’ELEVAGE ET DE MEDECINE
VETERINAIRE DES PAYS TROPICAUX
REVUE D’ÉLEVAGE
ET DE
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
DES PAYS TROPICAUX
Note sur le rôle vecteur des rapaces
dans la propagation
de certaines maladies bactériennes
par J. BLANCOU
et J. RAJAONARISON
Tome XXV (nouvelle série)
No 2 - 1972
VIGOT FRERES, EDITEURS
23, rue de I’Ecole-de-Médecine, Paris-VI’

Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1972, 25 (2): 187-189
Note sur le rôle vecteur des rapaces
dans la propagation de certaines maladies bactériennes
par J. BLANCOU (*) et J. RAJAONARISON (*)
RESUME
Des rapaces nourris de cadavres d’animaux morts de charbon
bactéridien, charbon symptomatique ou colibacillose éliminent les bactéries
correspondantes durant 4 jours au moins dans leurs excréments. Ce délai
est suffisant à une espèce migratrice pour parcourir plus de 2.500 km:
l’hypothèse de la possibilité de la propagation de ces maladies par les
migrations aviennes est donc démontrée, spécialement d’Afrique à
Madagascar.
INTRODUCTION
cadavre infectant en Afrique et venant souiller
de ses déjections le cadavre d’un autre animal
Le rôle des animaux sauvages dans la diffu-
de Madagascar.
sion des maladies a été suspecté ou démontré
Plusieurs espèces aviennes migrent en effet
très souvent. Une revue complète de cette
d’Afrique à Madagascar (3) dont au moins un
question a été faite en 1962 par A. Mac
rapace nécrophage Milvus migrans migrans
DIARMID (6), puis M.A. LOBRY (5) en
(BODDAERT). La durée de la traversée du
Afrique.
Canal de Mozambique ne doit pas excéder
Cependant une des inconnues majeures
une matinée, à la vitesse moyenne du vol de ces
signalées dans ces revues est le rôle possible
oiseaux qui est de 50 kilomètres à l’heure.
des oiseaux migrateurs dans le transport
d’agents pathogènes pour l’homme ou l’animal.
Lorsqu’on sait les trajets empruntés par ces
MAmRIEL
oiseaux, trajets qui peuvent atteindre 12.000 ki-
Rapace
lomètres (4), on est tenté d’établir une relation
entre l’apparition des maladies dans un pays
La buse malgache CC Buteo brachypterus 1)
et l’arrivée de ces grands migrateurs. Cette
(HARTLAUB), nécrophage à l’occasion, a été
hypothèse a donc été émise à plusieurs reprises,
choisie pour sa commodité de manipulation.
et en particulier à Madagascar (7, 1, 2) dont
l’insularité n’est pas toujours une garantie
Bactéries
certaine contre les épizooties africaines.
Les souches des germes responsables des
Nous avons tenté, dans la présente étude,
trois maladies épizootiques bovines existant
de contrôler ces suppositions. Pour cela nous
actuellement dans l’Ile (charbon bactéridien,
nous sommes efforcés de vérifier en laboratoire
charbon symptomatique et entérite colibacil-
l’hypothèse d’un rapace se nourrissant d’un
laire) utilisées ont été les suivantes :
Bacillus anthracis : souche K A 43 )) du labo-
ratoire, mortelle pour le cobaye à la dose de
(“) I.E.M.V.T., Laboratoire régional, B.P. no 862,
Tananarive, Madagascar.
0,l ml de culture en bouillon ordinaire;
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Clostridium chauvei : souche « 735 1) de
au l/lO en eau physiologique et inoculées par
laboratoire, mortelle pour le cobaye à la dose
voie intramusculaire au cobaye sous le volume
de 0,125 ml;
de 1 ml. Comme ces fèces contiennent toujours
un nombre élevé de Welchia perfringens (plus
Escherichia coli : souche 111 B 4, mortelle
de 100 par g) l’inoculation doit se faire sous
pour le cobaye à la dose de 0,5 ml.
couvert d’une séro-protection, par 1.350 unités
de sérum anti-Welchia perfringens type A,
assurée 4 à 8 heures auparavant.
METHODES
Lorsque le cobaye meurt avec les lésions
De nombreuses expériences successives ont
caractéristiques du charbon symptomatique,
été réalisées avec ces trois souches. Dans
une hémoculture est réalisée. Le Clostridium
chacune d’elles le régime alimentaire normal
y est recherché et identifié par ses caractères
de l’oiseau (viande crue) était interrompu par
culturaux, biochimiques, pathogènes et séro-
un unique repas infectant constitué d’un
logiques (survie de cobayes séro-protégés par
mélange de viscères sanglants (foie, rate, reins)
3.000 unités de sérum anti-Clostridium chauvei,
d’un cobaye inoculé la veille par la bactérie
et mort des témoins).
étudiée. Cette bactérie était alors recherchée
quotidiennement dans les excréments de l’oi-
Escherichia coli : les fèces sont ensemencées
seau, isolée et identifiée selon les méthodes
directement sur gélose (( S.S. )) et les colonies
suivantes :
fermentant le lactose en sont réisolées. Leur
agglutination est alors recherchée dans le sérum
Bacillus anthracis : la seule méthode satis-
monospécifique 13 1 B 4.
faisante, compte tenu de l’importante contami-
nation des fèces, est l’isolement sur gélose
nutritive d’une suspension de fèces chauffée
RESULTATS
5 minutes à 80”. Les colonies ayant une
morphologie de Bacillus et contenant des
Ils sont rapportés dans le tableau ci-dessous,
bactéries immobiles sont réisolées et identifiées
où ne figurent que les records de persistance
par leurs caractères biochimiques et patho-
des trois espèces bactériennes. Ni avant le repas
gènes.
infectant, ni au-delà des temps indiqués les
Clostridiunz chauvei : les fèces sont diluées
bactéries n’ont pu être réisolées des fèces.
TABLEAU NE 1
I s o l e m e n t d e l a b a c t é r i e d a n s l e s f è c e s a p r è s :
Espèce
b a c t é r i e n n e
24 h
48 h
72 h
9 6 h
1 1 0 h
134 h
Baci Zlus
+
anthracis
ClOStridiU?i
+
+
+
chauvei
Escherichia
+
+
CO li
CONCLUSION - DISCUSSION
La durée de conservation des trois espèces
bactériennes étudiées peut donc atteindre 3 à
Il convient de noter tout d’abord la remar-
5 jours chez l’oiseau vecteur. Cette persistance
quable résistance de Buteo brachypterus aux
de l’agent pathogène permet théoriquement à
trois bactéries étudiées, bactéries ingérées à des
un rapace migrateur de transmettre une maladie
doses le plus souvent mortelles pour des
contagieuse dont le foyer est situé à plus de
mammifères d’un poids correspondant.
2.500 km de distance. Ces infections peuvent
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donc d’une façon très plausible franchir le Remerciements
canal de Mozambique; cette possibilité n’est
réduite que par le jeu du hasard qui doit
Nous remercions vivement la Direction de
entraîner l’oiseau successivement sur deux
I’ORSTOM à Tananarive et le Docteur
cadavres animaux dans les trois jours qui
R. ALBIGNAC qui nous ont aimablement
précèdent ou suivent sa migration saisonnière.
fourni les rapaces utilisés dans ces expériences.
S U M M A R Y
Note about tbe role of birds of prey as vectors in tbe spreading
of some bacterial diseases
Birds of prey fed with animals dead from anthrax, blackleg or
colibacillosis reject correspondent bacteria at least 4 days in their
excrements. This time is enough for migratory species to fly over more
than 2.500 kilometers. SO the possibility of an spreading of these disease
by birds’s migration is proved, particularly from Africa to Madagascar.
RESUMEN
Nota sobre el pape1 vector de 10s rapaces en la propagacih
de ciertas enfermedades bacterhnas
Rapaces alimentados con cadaveres de animales muertos de carbunco
bacteridiano, de carbunco sintom&tico o de colibacilosis eliminan las
bacterias correspondientes durante 4 dias par 10 menos en sus excrementos.
Este duraci& & suficiente para que una- especie de paso recorra mas de
2.500 kilometros : Asi se demostra la hiootesis de la oosibilidad de la
propagation de dichas enfermedades po; las migraciohes de las aves,
particularmente de Africa hacia Madagascar.
BIBLIOGRAPHIE
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