VII' JOURNEES MEDICALES DE DAKAR 11 - 1.6 JANVIER...
VII' JOURNEES MEDICALES DE DAKAR
11 - 1.6 JANVIER 1971
--w-m
PATHOLOGIE VETERINAIRE ET ECONOMIE
ANIMALE EN AFRIQUE NOIRE
LE BOTULISME DES RUMINANTS ET DES EQUIDES AU SENEGAL
ET EN MAURITANIE
CONSEQUENCE PATHOLOGIQUE DES TROUBLES NUTRITIONNELS
M.P. DOUTRE" & J. CHAMBRONS
A partir de 1959, le botulisme, maladie infectieuse nouvelle pour
l'Afrique de l'Ouest, appara?t en zone d'élevage extensif à. côté des domi-
nantes pathologiques anciennement connues : peste bovine, péripneumonie,
charbon symptomatique, septicemie hémorragique, trypanosomiase, etc... C'est
en effet à cette date, que différents rapports font état d'une affection,
jamais rencontrée gusqu'alors,
à allure épizootique qui sévit sur le cheptel
d'une large région d'élevage du Nord du Sénégal, le Ferlo. Les éleveurs peuls
qui fréquentent cette zone la désigne sous le vocable de "gniedo" (maladie
des membres); les agents du Service de l'élevage lui réservent l'appellation
de "maladie des forages". Terme malencontreux, qui semble conférer à l'eau
des forages profonds une action directe dans l'étiologie de l'affection.
Seule la distribution géographique de la maladie, dans cette zone où d'impor-
tants travaux d'hydraulique pastorale ont été menés depuis 1940, justifie
cette dénomination.
Début 1963, H.CALVET et col. (1) remarque que la symptomatologie
de la "maladie des forages" ressemble en tout point à celle du "lamsiekte"
d'Afrique du Sud. L'année suivante, notre confrère vaccine,.à titre expérimen-
tal, 1000 têtes de bovins & l'aide de l'anatoxine botulique bivalente C et D
préparée par l'Institut Pasteur de Paris. En 1965, aucun des animaux ainsi im-
munisés ne développe l'affection, alors que les observations cliniques gagnent
en nombre dans les troupeaux voisins.
A la tnême date, à la suite d'une tournée effectuée dans la zone
dite des "six forages", nous mettons en évidence une toxine botulique dans le
filtrat d'une culture mixte, résultant de l'ensemencement en milieu anaérobie
(bouillon viande -foie glucosé & 10 p.1000) d'un fragment de foie prélevé sur
un bovin sacrifié à l'agonie et ramené sous glace au laboratoire de Dakar.
Cet animal offrait tous les signes du botulisme aigu o paralysie des membres
et de la langue, ptyalisme, etc...
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-m-----I
+ Laboratoire national de 1'Elevage et de Recherches vétérinaires du Sénégal -
I.E.M.V.T.
- DAKAR-HANN - B.P. 2057 -

1
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2
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Dans les jours qui suivent la souche en cause de Clostridium botu-
linum est isolée. Une séroneutralisation classique, effectuée sur souris avec
nxine de culture révèle qu'il s'agit du type C, (3).
En 1968, l'enzootie s'étend - une nouvelle souche est isolée au ranch
de Doli. En 1969, l'affection est observée au cours d'une mission menée dans
le Sud de la Mauritanie (80 km dans le Nord-Ouest de Kaédi). A partir des pré-
lèvements rapportés, 3 nouvelles souches de Clostridium botulinum type C beta
sont obtenues. Leurs caractères biochimiques et toxinogénesse révèlent iden-
tiques à ceux des souches en provenance du Ferlo. L'extension de la maladie
dans le Sud de la Mauritanie peut s'expliquer par le déplacement de troupeaux
venant du Nord du Sénégal et par l'existence, au Nord du fleuve, de conditions
nutritionnelles semblables à celles offertes par les p&turages du Ferlo.
Ce bref historique de l'apparition du botulisme animal dans l'Ouest
Africain étant achevé, nous nous proposons d'examiner dans les lignes qui
suivent :
- dans un premier temps, ce qui a trait à l'affection dans le Nord du Sénégal,
en considérant successivement : l'influence des forages profonds sur le mode
de vie pastorale, le trouble nutritionnel apparu- l'hypophosphorose -, l'im-
portance de la maladie, l'aspect clinique et anatomopathologique de l'affec-
tion et son &io-pcthogdnie.Nous
terminerons ce premier point en fournissant
quelques renseignements d'ordre bactériologique sur les souches isolées et
leur toxine,
- dans un second temps, nous rapporterons des observations plus récentes de
cas de botulisme animal apparus bien en dehors du Ferlo, fnyers d'importance
limitée dont l'origine s'explique par la pollution de l'eau d'abreuvement
par des cadavres de petits mammifères.
- Ces constatations, géographiquement très localisées, nous ont suggéré une
hypothèse que nous résumerons dans un troisième temps, â savoir la possibi-
lité de foyers primaires de botulisme hydrique & l'origine disons
bactériologique, de l'épizootie décrite dans le Nord du Sénégal.
A - LE E3CTULISM.E ANIMAL DANS LE NORD DU SENEGAL
Influence des forages profonds sur le mode de vie pastorale :
Dans le cadre d'un exposé nécessairement limité, il est difficile
de faire une étude détaillée du milieu naturel où sévit l'affection.
Nous nous contenterons de rappeler que le Ferlo constitue une vaste
plaine sahélienne d'environ 40.000 kg, située dans la partie septentrionale
dessinant en gros un quadrilatère irrégulier,
Le climat est de type sahélo -soudanien au Nord et soudano-sahélien
au Sud. Il se caractérise par des températures élevées et une longue saison
sèche. Les précipitations se déroulent généralement du début d'aoGt & la fin
septembre, elles sont parfois interrompues par une période de sécheresse inter-
calaire néfaste à la végétation.
/
. . . .

3
Les peuls, propriétaires de la majorité du troupeau, constituent le
groupement dhnique dominant. Cependant, autour des forages, dans les villages
de création récente, s'installent des communautés de
cultivateurs apparte-
nant à la race ouolof (cultures vivrières z mil) ou des maures dont l'acti-
vité essentielle est le commerce.
Comme dans toutes les zones présahariennes, l'eau constitue le fac-
teur limitant du peuplement. Les faibles possibilités offertes autrefois trans-
formaient le Ferlo en un "désert" pendant une longue période de l'année. Au
cours de la saison sèche, les puits, rares et profonds (40 à 80 m) ne per-
mettaient pas l'abreuvement des troupeaux importants qui se déplaçaient alors
vers des régions plus hospitalières, Les premières pluies
remettaient en eau
les mares abondamment réparties, amenaient le reflux des troupeaux. Une vie
pastorale intense se concentrait sur leurs bords jusqu'à leur tarissement,
survenant généralement début novembre. Le mode d'élevage était alors dominé
par la nécessité de la transhumance.
En 1948, à l'initiative du Service de l'Elevage, une série de forages
profonds est établie, sur la ligne de transhumance Matam - Kaolack. Dans les
années qui suivent ces ouvrages (réalisés sur fonds FIDES) se multiplient pour
apporter l'élément liquide dans une région de riches pâturages. Actuellement,
une vingtaine de stations de pompage, distantes de 40 à 60 km, peuvent &tre
dénombrées. Entre ces différents points, des pares-feux ont été aménagés qui
réalisent ainsi un véritable quadrillage de tout le Ferlo,
Les installations d'une unité-type comprennent : un bassin de ré-
serve cylindrique en béton d'une capacité de 1.000 d, une cabine abritant
la pompe et le moteur d'exhaure et un petit logement pour le mécanicien, l'en-
semble étant entouré par une clôture. A l'intérieur, ont été disposés de longs
abreuvoirs à niveau constant et une fontaine réservée pour la consommation
humaine.
La multiplication des forages profonds a entra?né de grandes modi-
fications du milieu, de la vie sociale et des modes d'élevage, aux conséquences
parfois défavorables.
Désormais,
l'élément liquide indispensable est présent en toute sai-
son. Les grands déplacements du début de saison sèche ne sont plus nécessaires.
Dès l'assèchement des mares, les pasteurs transportent leur campement à pro-
ximité de la station hydraulique voisine. L'activité pastorale a donc mainte-
nant tendance à devenir permanente et à s'enfermer dans les limites du Ferlo
pendant toute l'année.
Cette sédentarisation relative des populations et dss troupeaux a
une répercussion certaine sur l'équilibre du milieu naturel.
L'approche d'un forage se signale, en effet, sur un rayon de plu-
sieurs kilomètres, par la disparition progressive des herbages et la dégrada-
tion de la flore arborée. Le phénomène va en s'accentuant à mesure que l'on
avance dans la saison sèche. La destruction est totale dans la périphérie de
la station. Le sol est littéralement mis à nu à la suite du piétinement des
troupeaux qui, chaque jour, convergent vers le lieu d'abreuvement (actuelle-
ment le troupeau du Ferlo est estimé à 600.000 têtes de race Cobra). De même,
. /
. . .

4
se multiplient les ravagez causés à la végétation par les feux de brousse ou
des pratiques néfastes comme 1' 'ébranchage'.
Enfin, dans certaines régions, on observe une surcharge des p2tura-
ges. On connait la répulsion que manifeste l'eleveur peu1 à commercialiser
son bétail; il s'ensuit une augmentation du nombre de têtes, lesquelles sont
amenées à utiliser un potentiel alimentaire fourrager nécessairement limité.
Ces transformations du milieu naturel jouent un rôle certain dans
l'apparition des troubles nutritionnels.
Le trouble nutritionnel .- L'hypophosphorose
Des travaux effectués sur le milieu naturel ont permis de souligner
l'insuffisance et le déséquilibre phospho-calcique des sols, des eaux et des
pâturages du Ferlo. En particulier des résultats acquis récemment (FRIOT~.D.,
CALVET.H et i30UDERGUES.R.) montrent que la quantité de phosphore contenue dans
les eaux diminue à mesure que l'on s'éloigne de la surface.
Importance du botulisme animal dans le Ferlo
L'importance économique que présente l'affection est considérable.
En 1968, on pouvait affirmer; sans crainte d'être démenti, que le botulisme
provoque, chez les bovins du Ferlo, une mortalité supérieure â celle occasion-
née par toutes les autres maladies infectieuses réunies. La saison des pluies
de 1969 ayant été particulièrement forte, depuis cette date, le nombre des cas
enregistrés a considérablement diminué. La mortalité survenue les années pas-
sées a également cntrazné une diminution relative de l'importance du cheptel.
Ces faits joints aux mesures prophylactiques prises ces dernières années ex-
pliquent dans une certaine mesure que le botulisme en 1970 n'a pas constitué
un problème grave dans le Nord du Sénégal. Il en était tout autrement dans les
annees antérieures. Nous extrayons les lignes qui suivent de prkcédents rap-
ports.
En juillet 1963, lors d'une tournée, H.CALVET recueille des rensei-
gnements portant sur cinq campements, tous situés à proximité du forage de
Lagbar. Chacun des troupeaux comprend à l'origine 200 à 300 têtes. Dans le prc-
mier rassemblement, 100 bovins ont succombé pendant les cinq derniers mois;
dans le second, 21 animaux viennent de disparaîtrcg tandis que le troisième
a. présenté 10 cas à evolution rapide. Au cours de la même période, 30 morts
sont dénombrés dans la quatrième communauté et 50 autres signelés dans un
troupeau stationné à proximité. Enfin, le dernier éleveur rencontré rapporte
des pertes dépassant 80 têtes.
En juin 1967, au cours d'une mission effectuée dans le Ferlo, 250
propridtaires d'animaux étaient interrogés au voisinage des 17 forages; sur
17.400 animaux recensés (vaccination contre la peste bovine), 2.300 avaient
succombé au botulisme, re qui établi un pourcentage supérieur à 13 p.100. La
valeur extrême des pertes était obtenue à Barkédji (60,08 p.lOO), la valeur
la plus faible à Ranerou (l,23 p.100). CE dernier forage se trouve à la limite
septentrionale du Ferlo.
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‘.
I
L
5
A cette date, nous écrivions : "Nous croyons bon d'affirmer qu'ac-
tuellement, nous assistons, au Sénégal, au développement d'une enzootie de
Botulisme animal jamais jusqu'alors rencontrée dnns un pays francophone'. (4)‘
Symptomatologie
Il est utile de distinguer deux groupes de symptomes :
1") ceux dus à l'hypophosphorose présents chez un grand nombre
de bovins.
2") ceux relevant des manifestations de l'intoxication botuli-
que, lesquels sont souvent seuls remarqués par les éleveurs,
Dans le premier groupe se range le pica avec une forme particulière,
l*ostéophagie.~Cette aberration est si commune que de nombreux propriétaires la
considérent comme naturelle chez leurs animaux,
Les autopsies viennent confirmer ce trouble. A l'ouverture du rumen
on découvre de gros débris osseux, des fragments de peau et des corps étran-
gers divers; dans la caillette, on ne trouve plus que des esquilles.
La fragilité du squelette vient compléter ce tableau clinique. Elle
se traduit par de fréquentes fractures, lors des séances de vaccination par
exemple.
Dans les troupeaux où le pica est très accentué, on note, en généra2
un mauvais état d'entretien et surtout un plus grand nombre de pertes consé-
cutives à des évolutions aiguës de Botulisme,
La symptomatologie propre du botulisme est classique. Les observa-
tions faites au Sénégal recoupent celles dues à M.THEILER (11) en Afrique du
Sud ou à M.R.SEL ON en Australie (9).
La durée de l'évolution est le plus souvent de 6 à 12 jours et à
aucun moment, on ne note d'hyperthernie.
Au début, on remarque une irrégularité de l'allure. L'animal offre
une démarche raide, piquée, une rigidité accentuée dans la région lombaire.
Souvent, les éleveurs pratiquent alors l'application de feux en longues raies
de part et d'autre de la colonno vertébrale,
Parfois un seul membre présente les signes d'une première atteinto.
L'extension est difficile et le bout de l'onglon frotte le sol lors de la
translation de 1'extrémJté distale vers l'avant.
Le malade demeure en queue du troupeau puis finit par s'abattre sous
un ombrage. Pendant quelques jours, le relever est encore possible, puis tout
effort devient vain.
La paralysie prend alors une allure ascendante pour atteindre les
muscles du pharynx, de la bouche et de la langue. La préhension des aliments,
très lentg s'accompagne d'une salivation abondante. La déglutition des liqui-
des devient impossible et l'eau absorbée s'écoule par les naseaux. L'extério-
.* / l .

6
risation manuelle de la langue s'affectue avec aisance et l'organe pend inerte
sur le côté de la bouche. Des ulcérations apparaissent au niveau du mufle;
elles se couvrent de cro'ûtes et de souillures consécutives à des régurgitations
du rumen. En phase ultime, l'animal maigrit rapidement, l'oeil s'enfonce, la
tête devient branlante puis finalement se fléchit en position d'auto-auscul-
tation. L'animal épuisé succombe alors en quelques jours,
Sur le plan biochimique, on note en général tous les indices d'une
hémo-concentration avec augmentation de l'hématocrite et du taux des protéines
plasmatiques.
L'urémie souvent élevée révèle un catabolisme intense. En fin d'évo-
lution apparaît fréquemment une hyperphosphorémie liée peut-être à l'état
léthargique qui s'accompagne d'une utilisation moindre des esters phospho-
riques.
La durée habituelle de l'évolution est d'environ une semaine. Par-
fois, s'observe une forme suraiguë qui frappe des bovins le plus souvent en
bon état, L'incubation est alors très courte et la mort survient sans qu'aucun
symptôme ait pu attirer l'attention.
Dans d'autres cas, au contraire, l'atteinte semble circonscrite aux
membres et l'animal repose fréquemment en décubitus sterno-abdominal. Cepen-
dant, il se relève pour s'alimenter et boire. Des rémissions se produisent
et finalement, l'individu reprend sa place au sein du troupeau. Les éleveurs
prétendent que de tels sujets seront victimes presque fatalement d'une rechute
l'année suivante.
Lorsque la paralysie des membres est définitive, il se peut que l’on
assiste à une survie de plusieurs mois si le malade est nourri au sol. La mort
est néanmoins inévitable; elle survient dans une misère physiologique complète,
aggravée par de nombreuses escarres. De tels bovins sont le plus souvent sa-
crifiés par leur propriétaire et livrés à la consommation.
Anatomo-pathologie
Les lésions n'ont aucun caractère spécifique, Les plus constantes
se rencontrent sur l'animal vivant, au niveau des naseaux, du mufle des pau-
pières et de la vulve. Ces orgcanes sont alors le siège d'une inflammation sd-
reuse tendant à l'ulcération. Dans d'autres cas, la muqueuse sèche, craque&,
apparaît comme btilée.
Lors d'évolution aiguë, la peau, surtout au niveau de l'encolure, se
déshydrate et se parchemine rapidement.
Sur le cadavre, on remarque souvent un piqueté hémorragique au ni-
veau du tractus digestif. La muqueuse de la caillette semble plus fréquemment
atteinte. Dans un exemple de forme suraigu%, ces lésions pétéchialesavaient
pris l'allure de placards hémorragiques enveloppant une anse intestinale et
débordant sur le mésentère et les ganglions lymphatiques.
. /
. l ,

7
Presque toujours on observe une très forte réplétion de la vési-
cule biliaire. On constate couramment l'existence d'un oedème pulmonaire
survenu en phase agonique.
Le névraxe présente avec une certaine régularit4 une réduction
de volume du cordon médullaire. Les méninges offrent parfois un aspect
congestif surtout dans la région lombaire, L'examen histopathologiquë n'a
révélé aucune lésion spécifique,
Etio-pathogénie
Le botulisme des herbivores du Fer10 revêt le plus souvent la forme
d'une toxi-infection qui s'inscrit dans une succession que l'on peut schéma-
tiser de la façon suiwnte :
troubles nutritionnels.-4 pica ---?absorption
de -.
> Botulisme
(hypophosphorose)
ostéophagie
spores de
Cl, botulinum
Beaucoup plus rarement, on se trouve en présence d'une intoxi-
cation véritable. CALXET a eu l'occasion d'obsemrer un exemple précis, très
démonstratif : un zébu dérobe dans une case, puis absorbe un fragment de
carcasse d'un animal abattu à la phase extrême de la maladie. Cette viande
devait être consommée après cuisson. Dans les 10 heures qui suivent, ce
bovin succombe d'une forme suraiguë de botulisme.
Caractères des souches isolées et de leur toxine :
Il n'entre pas dans le cadre de cet exposé de décrire les métho-
des d'isolement et les milieux utilisés. Qu'il nous suffise de dire que les
techniques choisies ont été celles couramment employées aux Instituts Pas-
teur de Paris et Lille (service des Anaérobies du Professeur BEEBENS).
Toutes les souches isolées (Yaré-Lao, Doli, Tourterelley(6),
Mauritanie Bl, Mauritanie B2, Mauritanie C) appartiennent au type C de
Clostridium botulinum, de même qu'une souche du même type isolée chez le
porc à Dakar (5).
Les sucres ne sont pas fermentés (étude en milieu sucré, anaéro-
bie, viande - levure) ce qui permet de rattacher ces souches au sous-type
beta - (le sous-type alpha fermente au contraire certains sucres . glucose,
fructose, maltose, glycérol, dextrine, inositol et galactose). Toutes sont
indole f, gélatine (Kohn) +, le lait est coagulé puis digéré.
La toxicité de la première souche
isolée (Yak-Lao) a fait l'objet
d'une étude détaillée. Pour une toxine constituée par un filtrat de culture
de six jours en bouillon viande-foie glucosé à 10 p.100, en Erlenmeyer de
deux litres, la toxicité pour les différentes espècesanimales s'établit com-
me suit D
- Toxicité pour la souris : La DMM/souris est de 0,OOOOl ml, soit 100.000
DMM/souris par ml pour des souris de 18 à 20 g inoculées par voie intrn-
péritonéale.
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-

- Toxicité pour le cobaye : 0,0003 ml/kg par voie intrapéritonéale.
- Toxicité pour le lapin : 0,0002 ml/kg par voie intrapéritonéale.
- Toxicité pour le zébu : 0,OOOl ml/kg par voie sous-cutanée.
Par repiquage, un bouillon V.F. par exemple, toutes ces souches
arrivent à perdre leur pouvoir toxigène. Par dissociation appar& un
mutant atoxigène. Au bout d'un certain nombre de passages en milieu VF pro-
fond, il a été mis en évidence deux types de colonies, des colonies houp-
peuses et des colonies opaques à contours irréguliers. Les caractères bio-
chimiques ont été définis pour les colonies houppeuses et pour le mélange
colonies houppeuses + colonies régulières. Les résultats sont les suivants :
l-
C.houppeuses
Mélange Col.houppeuses plus
Col. à contours définies
M. de Rosenow
verdâtre
verdâtre
Gélatine
liquéfiée
liquéfie%
Lait
coagulé,digéré
coagulé,digéré
H2S
+
f
Indole
+
Glucose
+
Glycérol
Saccharose
Mannitol
Salicine
Amidon
Nitrates
Hémolysc
+
f
‘!Toxine
Absence
Présence
A partir de la souche Yaré-Lao et Doli, une toxine de très haut
titre a été préparée en appliquant la technique des cultures en sac de cel-
lophane mise au point par STlBNE & WENTZEL (10). Dans ces conditions, la
toxine obtenue titre 2,5 x 10° Mvg/i/souris par ml. Cette toxine est couram-
ment utilisée au laboratoire dans la préparation d'une anatoxine, adjuvéc
par le phosphate d'aluminium, utilisee pour l'immunisation des bovins du
Ferlo.
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9
B- AUTRES CAS DE BOTULISME ANIMAL, D'ORIGINE HYDRIQUE, AU SENEGAL -
A partir de 1968, différentes observations effectuées montrent
que des foyers de botulisme peuvent apparaftre sans que l'ostéophagie soit
en cause. Dans ces exemples précis, la pollution de lreau d'abreuvement par
un cadavre de petit mammifère est directement responsable de l'apparition
de l'affection (8).
Observation no1 :
En Juillet 1968, des bovins et des chevaux succombent en offrant
des signes paralytiques, après avoir absorbé l'eau des puits de Taïba -
Thiékène (département de M'Backé). Les commémoratifs précisent que des
chats y ont été noyés - L'ensemencement, en bouillon VF anaérobie, de quel-
ques sédiments présents dans le fond de la bouteille ayant servi au trans-
port d'un prélèvement d'eau, donne une culture primaire mixte dont le sur-
nageant se révèle contenir de la toxine botulique (DMM/souris = 0,00005 ml) -
La séroneutralisation effectuée sur souris montre qu'une souche de Clostri-
dium botulinum de type D (7) est responsable de la mortalité constatée.
Malheureusement, la souche en cause ne peut-être isolée, Le diagnostic fut
confirmé par l'Institut Pasteur de Lille et par 1'Anaerobie Bacteriology
Laboratory, Communicable Disease Center (Atlanta - Georgia). Pour le pro-
fesseur BEERENS, la souche aurait perdu son pouvoir toxigène dès le premier
passage sur milieu solide (x).
Observation no2 :
Elle provient de la région de Podor, en décembre 1968, au village
de Gadde Boffé, 26 moutons, 6 ânes et 2 ahevaux succombent après avoir bu
l'eau d'un puits où un chat a été précipité. De la toxine botulique est
mise en évidence dans le surnageant de la culture, en bouillon VF anaéro-
bie, de fragments desséchés du cadavre du chat (DMM/souris = 0,00005 ml).
La séroneutralisation montre qu'il s'agit du type C de Cl.botulinum.
m.----------------w--
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(x) : Depuis la rédaction du présent texte, deux nouveaux cas de botulisme
de type D ont été rencontrés D
- en Juillet 1970, au village de Faloh (carrondissernent
de M'bour), 2 mou-
tons et 3 chevaux succombent. L'enquête sur l'origine de la contami-
nation n'aboutit à aucune conclusion. Une souche de type D (2) de KJ.
botulinum est isolée du foie d'un cheval sacrifié & la période ago-
nique. En plus de la toxine spécifique, cette souche produit, en bouil-
lon VF, un poison convulsivant, non antigénique, qui rend la toxino-
typie difficile, La toxine, plus pure, produite en sac de cellophane
est par contre aisément typée. Comme les souches de type D, la souche
isolée à M'bour possède une activité saccharolytique (glucose, maltose
et saccharose fermentés).
- en septembre 1970, à pc2l?tir des restes desséchés, vieux de 3 mois,
d'un chat retrouvé dans de la paille d',arachide, dela toxine de type
D est de nouveau mise en évidence. La consommation du fourrage avait
provoqué
la mort de 3 chevaux au village de Thiadia (Birkélane,
Sine-saloum).
-..
-

-.
L
1 0
Observation na3
Elle est effectuée au village de BeyEil-Mcukhaden, situé à 80 km
dans l'Est de Kaffrine, le $9 janvier lÇ@, 118 bovirss 3.0 moutons et 1 cheval
ont succombé apr$s avoir consommé l'eau du puits autour duquel. se rassemble
une communauté familiale de quelques cases, A notre alrivée, le puits avait
été vidé et un cadavre d'écureuil fouisseur (Xerus
-..7-
crythr~~)
-- . ..-.-.w
y avait 6%
découvert après 15 jours d'immersion -. Pr& des restes d6composés d'un bovin
mort depuis une semaine, un 01'.seau se traînait, incapable de voler (Pie-
grièche à bec jaune, Corvinelln corvin-), Les cultures,en milieu VF ana,-
.-p.w-
érobie, d'un broyat de foie et ce!Ue d'un broyat d'anse intestinale d'un
bovin agonique sacrifié permettent d'obtenir un su:~nageant de centrifuga-
tion qui se montre contenir de la toxine botulique (WN/Souris 0,005 ml),
La séroneutralisation sur souris révèle Q:C- .?e type C es-k de nouveau en
cause.
Ces trois observations récentes demontrent, d'une façon difficile-
ment réfutablc, la possibilité d'existence de cas de botulisme anima!. d'ori-
gine hydrique. Dans les trois exemples rapportés, 7-e cadavre d'un petit
mammifère (chat, écureuil) a pu être recueilli et 1.' 0~3 cc trcuve es:actement
dans les conditions de contamination responsables des loyers de botu.lisme
décrits habituellement en Europe.
C - Etiopathogénie complétée du botulisme an:imsl dana le RI~~O -
U--U."‘lllC-l--,-..mi
.. ." l.e*_l- .*-^..#..lm.-...m
La répétition en 1.968 et 1969, d'observations de cas de boWlIsrne
dGs à la contamination de l'eau d'abreuvement, en des points plus ou moins
éloignés du Ferlo, nous a amené à formuler une hypothèse qwnt à l'origLn.e
de l'épizootie qui s'est développée dans cette région depuis une décade,
On peut,en effet, supposer que dans un ou plusieurs forages9 (les bassins-
réservoirs sont entièrement à l'air libre, de m&o lc-s abrewoirs) ou que
dans un des anciens puits, l'eau souillée par un cadavre de chat ou de petit
mammifère quelconque, ait été la cause d'une intoxication botulique limitée,
Ensuite, les restes de ces animaux mc':?ts, disseminds dans un rayon de piu-
sieurs centaines de mètres autour du point d'eau contamine, auraient 6% à
l'origine de la propagation des spores botuliques; leur absorption étant fa-
cilitée par l'ostéophagie présentée par des bovins en état permanent d'ayhos-
phorose. La dissémination des restes, des ossements, des nouvelles vic,tirnes
et leur consommation par des ran.imaux carences auraient permis a la maladie
de faire tache d'huile et de s'étendre pro,gressi.vement & toute, 2.a région
d'élevage - Si l'on retient cette hypothèse, le sch&n étio-pathogénique
pourrait être ainsi complété :
puits contaminé par -2 Foyer primailIe de botulisme
cadre de petit mammifière
"1
troubles nutritionnels pica
Ossements contaminés
Botulisr~:
(hypophosphorose)--+ostéophagie
--$nar spores bo%u:lques +
/
'r
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11
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FEXXJME
Depuis quelques années, sévit dans le Nord du Sénégal (Ferlo)
une épizootie de botulisme qui atteint l'ensemble des herbivores. Les bovins
paient le plus lourd tribut à. la maladie dont l'importance s'est accrue de
1964 à 1969; en 1970, un net recul a été enregistré, Le développement de
l'affection peut être considéré comme une conséquence indirecte de la séden-
tarisntion des éleveurs autour des forages profonds construits au cours
des deux décennies passées. On assiste progressivement à une dégradation
du pâturage avec apparition concomitante de carences chez les animaux, Une
hypophosphorose manifeste a été mise en évidence chez le zébu. Cette défi-
cience minérale est à l'origine de l'ostéophagie observée dans les troupeaux.
Le botulisme se présente le plus souvent comme une toxi-infection, néan-
moins des exemples d'intoxication véritable ont été rapportés. Différentes
souches de Clostridium botulinum de type C beta ont été isolées et étudiées.
La toxicité de la toxine de culture a été évaluée pour différentes espèces
animales.
Indépendamment de cette enzootie de botulisme du Ferlo, avec ex-
tension en Mauritanie (1968-X969), trois observations décrites prouvent,
qu'en dehors de ces zones, des manifestations de botulisme d'origine hy-
drique existent, ces accidents étant dos à la pollution de l'eau d'nbreu-
vement par des cadavres de petits mammiféres (chats, écureuil fouisseur).
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En terminant, l'auteur suggère que des accidents "primaires' de botulisme
.
hydrique, localisés en quelques points, aient pu être responsables de l'ap-
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parition des premières mortalités. Les restes de ces victimes initiales,
riches en spores botuliques, absorbés par des animaux en état d'hypophos-
phorose (ostéophagie) auraient été la cause de nouvelles contaminations,
fatales pour les bovins intéressés. Les ossements porteurs de spores bo-
tuliques, devenant de plus en plus abondants, la maladie se serait étendue
progressivement à l'ensemble de la région par le fait même de leur con-
sommation par un bétail en permanence carencé,

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