INSTITUT D’ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE f ...
INSTITUT D’ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE
f
VÉTÉRINAIRE DES PAYS TROPICAUX
; $Ii‘z’, i
REVUE D’ÉLEVAGE
ET DE
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
DES PAYS TROPICAUX
La streptothricose cutanée
1. lhde de la maladie naturelle
et expérimentale des bovins
par G. MÉMERY et G. THlkRY
r
Tome XIII (nouvelle série)
No 2-3 - 1960
,
t.
.
VIGOT FRÈRES, ÉDITEURS
23, rue de l’École-de-Médecine, PARIS-VI”

La streptothricose cutanée
1. Etude de la maladie naturelle
et expérimentale des bovins
par G. MÉMERY ef G. THIÉRY
INTRODUCTION
Elles peuvent être définies de la façon suivante:
- maladies cutanées à évolution subaiguë,
Les affections cutanées sévissant sur le bétail
:hronique ou latente, saisonnières, apyrétiques,
africain sont nombreuses et diverses ; la fré-
:ommunes à plusieurs espèces animales, prin-
quence et la gravité de certaines d’entre elles
:ipalement
au boeuf et au mouton, sévissant sur
entraînent des pertes économiques importantes
des animaux de tout âge, irrégulièrement con-
qui ne sont pas négligeables, même en regard de
,agieuses, partiellement transmissibles, et dues,
celles dues aux enzooties majeures, trypanoso-
;emble-t-il, à un microorganisme de la famille
miases, peste et péripneumonie bovines.
Jes Actinomycetacae (BUCHANAN) dont la place
Les unes sont communes à plusieurs continents
:axonomique
exacte n’est pas encore établie.
telles les gales ou les teignes. D’autres sont plus
Elles sont caractérisées principalement par des
spéciales à l’Afrique ou aux régions tropicales et
réactions d’hyperkératose au niveau des lésions
subtropicales, telles la Sweoting sickness ou la
qui tendent à l’envahissement progressif de
Lumpy skin diseuse. Presque toutes sont bien con-
toute la surface du corps, et accompagnées d’un
nues et forment des entités nosologiques définies.
amaigrissement notable et parfois rapide, proche
A côté de ces affections existe un groupe appa-
de la cachexie. La guérison n’entraîne aucune
remment hétérogène comprenant un ensemble
immunité.
de dermatoses aux appellations multiples, par-
Nous nous proposons d’étudier plus particu-
fois incomplètement connues, qui possèdent
lièrement cette affection chez les bovins de l’Ouest
néanmoins des similitudes anatomopathologiques
Africain en la comparant aux maladies similaires
et surtout étiologiques telles que, malgré des
décrites en d’autres parties du globe.
différences importantes dans la symptomatolo-
Nous envisagerons ici I’épizootologie, les
gie et la topographie des lésions, elles ne forment
symptômes et les lésions naturelles et expéri-
sans doute qu’une seule et même entité nosolo-
mentales de l’affection, nous réservant de traiter
gique, dont les manifestations variables tiennent
dans d’autres articles la bactériologie, puis son
à l’espèce sur laquelle elles sévissent et, dans une
étiologie, son traitement et sa prophylaxie.
même espèce, à des facteurs raciaux, individuels
et enfin climatiques ou microclimatiques. Ce sont
HISTORIQUE
les streptothricoses cutanées (*) du bétail.
Cette affection, découverte dès 1910 au Congo
Belge, a été décrite pour la première fois d’une
(*) Nous avons retenu le terme de « streptothricose »,
manière concise par VAN SACEGHEM (1915,
le plus fréquemment utilisé en langue française. Cette
appellation ne présume en rien de la nature de l’agent
1916) (l-2) sous le nom de « dermatite contagieuse
causal ni de son rôle pathogène exclusif.
des bovins ». Depuis cette époque elle a été
Reçu pour publication : mai 1960,
l’objet de nombreux travaux que nous retrou-
Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop. 1960, no 13, nO2-3.
verons au long de notre exposé. Un historique
1 2 3
*
9

détaillé et complet a déjà été fait et ii est inutile
maux. Ceux qui sont importés apparaissent
de le reproduire ici (BEATON 1955) (3).
toujours plus sensibles.
Dans l’Ouest Africain les zébus payent le plus
ESPÈCES AFFECTÉES
lourd tribut à l’affection tandis que, selon BUCK
(19), à Madagascar, les zébus sont moins atteints
La streptothricose a été décrite sous les noms
que les métis et ces derniers moins que les
les plus divers, principalement chez le bœuf, le
races européennes importées (limousine, nor-
mouton, la chèvre et le cheval, bien que moins
mande).
fréquemment chez ces deux dernières espèces
Elle est connue, par ordre chronologique, sous
animales.
les noms suivants :
L’unicité de l’affection n’est cependant pas
- Dermatose confagfeuse des bovins (VAN
évidente à travers les descriptions qui en ont été
SACEGHEM (l-2) en 1914, 1915 et 1916 ; puis
faites et les noms dont elle a été gratifiée.
impetigo contagieux et impefigo froplcal 1934 (22).
Aussi,
pour chaque espèce
naturellement
- Soria (CURSON (44) 1920).
réceptive, nous avons pensé qu’il était intéres-
- Dermatomycose
(REID (23) 1921).
sant de rassembler toutes les appellations diffé-
- Sfrepfofhrlcose (Uoslm g i s h u skin dlseose)
rentes sous lesquelles elle a été étudiée.
(DAU BNEY (24) 1926).
- Sfrepfothricose (KEARNEY, W. (25) 1928),
Le mouton
DAUBNEY (26) 1934) (HUDSON (27-28) 1935
et 1937).
Cet animal est très sensible et il est atteint sous
- Mycot~c dermofifis (ALBISTON (29) 1933),
toutes les latitudes. Dans certains pays, la mala-
EDGAR et KEAST (30) 1940), SCHULZ (8) 1955),
die cause de graves dommages à l’élevage et à la
CHODNIK (31) 1956.
production de laine. Elle a reçu les dénomina-
- Malad/e cufonée de Senkobo (SCHULZ (8)
tions suivantes :
1955).
-
- Actinomycose ou sfreptothrmse (BUCK (19)
sfreptothricose ou encore uasim gishu skin
1948).
disease par DAUBNEY (24).
- Sfrepfofhricose cufonée (MALFROY (32)
- lumpy wool par BEKKERen
1928, STEYN (4)
1938), CURASSON e t MORNET ( 3 3 ) 1941),
en 1931, HUDSON (5-6) en 1935 et 1937, MASON
:ZLOTNIK (34) 1953), MORNET et THIERY
et BEKKER (7) en 1934, SCHULZ (8) en 1955,
135) 1955) (PLOWRIGHT (36-37) 1956 et 1958).
BEATON (9) en 1955.
- Mycotic dermat/fis par BULL (10) en 1929,
SEDDON (11) en 1929, BEATON (9) en 1955.
Le cheval
- Acfinomycofic dermafitis par ABDUSSA-
LAM et BLAKEMORE (12) en 1948, LALL et RAJA-
Chez ce? animal l’affection revêt une forme
GOPALAN (13) en 1949, NISBET et BANNA-
rès sporadique et elle n’a donné lieu qu’à peu
TYNE (14) en 1955.
Je descriptions détaillées. Elle est toutefois assez
- Sfrowberry foot rot par HARRISS (15) en
;ouvent citée par les auteurs.
1948 ; THOMPSON (16) en 1954, BISSET et
- Uasim gishu skin diseuse (DAUBNEY (26)
THOMPSON (17) en 1956.
1934).
- Sfreefofhricose-lurnpy
wool, en associant
- Sfrepfothricose (STABLEWORTH (38) 1937),
les deux désignations, par KANE, DOWNING
VZOULE et SOUTHERLAND (39) 1947).
etWILSDON (18) en 1955.
- Mycofic dermafitis (EDGAR et KEAST (30)
1940).
Le bceuf et le zébu
La chèvre
.
Les zébus (Bas indicus) et les bœufs sans bosse
d’Afrique (Bas fourus) sont susceptibles d’être
Cette dermatose existe chez la chèvre et prin-
atteints et font des affections dont le caractère de
:ipalement semble-t-il, dans le nord du Nigeria
gravité varie avec la région et l’origine des ani-
40-41-42), en Haute Volta et au Niger. Cependant,
124

par suite certainement de l’importance généra- /
- en Afrique du Sud (STEYN (4), MASON ef
lement moindre de l’élevage de cet anirnal,
BEKKER (7) SCHULZ (8)).
comparé à celui du bœuf et du mouton, elle n’a
- au Kenya (DAUBNEY (24), HUDSON (5)).
pas donné lieu à des observations aussi nom-
- au Nigeria (BEST (42), BEATON (40),
breuses et n’est souvent l’objet que d’une simple
PLOWRIGHT (36-37)).
citation dans les rapports annuels sous I’appella-
- dans l’Ouest Africain français (MALFROY
tion unique de streptothricose par BEST (42) et
(32), CURASSON et MORNET (33), MORNET et
KEARNEY (25) en 1925, par BEATON (40) en
THIERY (35)).
1932 et HUDSON (6 en 1957).
- en Afrique équatoriale française (PER-
.
REAU (46)).
- en Angola (CURASSON (47)).
Le dindon
A Madagascar elle pose un certain nombre de
Enfin une affection cutanée analogue aux pré-
problèmes importants aux éleveurs et, citée par
cédentes a été signalée chez le dindon par
DURIEUX (48) dès 1930, elle fait l’objet d’une
SOLIMAN et ROLLINSON (43) en 1951. Ils
enquête approfondie par BUCK (19) en 1948.
isolent un microorganisme identique à celui du
En Nouvelle-Zélande (REID (23) en 1921)
lumpy ~001 australien.
signale sur le bétail une dermatomycose qui,
Cette maladie est donc très ubiquitaire mais
bien que succinctement étudiée, peut être ratta-
semble atteindre de préférence les animaux de
chée à la streptothricose.
la ferme, le cas décrit sur le dindon faisant
En Australie, elle se rencontre sur le mouton,
exception.
le bœuf et aussi le cheval, surtout dans le sud du
Expérimentalement cependant, les lésions
continent (Nouvelle Galles du sud, Victoria et
peuvent être reproduites sur des espèces qui ne
Queensland) et fait l’objet de nombreux tra-
sont pas naturellement atteintes, principalement
vaux : BULL (IO), SEDDON (Il), ALBISTON (29),
sur le lapin mais aussi sur le cobaye et la souris,
EDGAR et KEAST (30), MOULE et SOUTHER-
quoique la réceptivité de ces deux dernières
LAND (39).
espèces soit moins marquée.
En Inde, elle est signalée sur le mouton par
LALL et RAJAGOPALAN (13).
Enfin en Europe et plus précisémenten Grande-
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE
Bretagne une affection cutanée du mouton attri-
buée prématurément à un virus, est reconnue
La streptothricose, signalée et décrite pour la
appartenir au même groupe nosologique que la
première fois au Congo Belge (l-2) semble être
streptothricose (HARRIS8 (15), THOMPSON (16),
particulièrement répandue dans les régions
NISBETet BANNATYNE(14), KANE, DOGWNIN
tropicales et inter-tropicales des continents aus-
et WILSDON (18) BISSET et THOMPSON (17)).
tralien et africain.
En Europe, hormis le cas isolé décrit par STA-
BLEWORTH sur le cheval, elle n’a pas été ren-
contrée jusqu’en 1948 où elle cause alors des per-
L’épizootologie de la streptothricose est domi-
turbations assez importantes dans certains trou-
née par l’influence primordiale que certains
peaux de Grande-Bretagne. Le continent amé-
facteurs extrinsèques, tels le climat et surtout la
ricain semble ne pas avoir été touché par la
saison, exercent sur le développement de la
maladie et nous n’avons pas de renseignements
maladie. Cette dernière est en effet essentielle-
épizootologiques dans ce domaine pour l’Asie.
ment saisonnière et tributaire pour son appari-
En Afrique, elle sévit tant sur le mouton que
tion, et surtout son extension, de conditions par-
sur le bceuf avec une incidence plus marquée sur
ticulières qu’il est nécessaire d’envisager.
l’une ou l’autre espèce selon le territoire et la
densité animale. Elle a été signalée :
Influence du climat
- au Congo Belge (VAN SACEGHEM (l-2)).
- au Nyassaland et au Tanganyika (CUR-
L’influence que le climat exerce sur I’épizoo-
SON (44), ZLOTNIK (34), GRIFFITHS (45)).
tologie de la streptothricose est surtout apparente
1 2 5

dans l’Ouest Africain où les zones climatiques
pas cette opinion, de même que CURSON (44)
sont bien délimitées et assez peu perturbées par
au Nyassaland.
le relief.
II en est de même pour la streptothricose du
La maladie se développe principalement dans
mouton dont les fluctuations adoptent en climat
une large bande de territoires, formée de zones
tempéré un rythme particulier en accord avec
sub-sahéliennes au nord et sub-guinéennes au
les saisons et leur alternance qui sont totalement
sud, pour disparaître peu à peu dans les régions
différentes de celles des pays tropicaux.
plus sèches bordant le Sahara, telles le nord du
Dans l’Ouest-Africain les premiers cas se mani-
Soudan et du Niger et la Mauritanie, où la plu-
festent dès le début de la saison des pluies, aux
viosité devient très faible ou nulle et le degré
environs des mois de juin et juillet ; ils, peuvent
hygrométrique insignifiant pendant la majeure
parfois précéder les premières précipitations
partie de l’année, et, dans les régions à climat
atmosphériques de quelques semaines ou n’ap-
sub-équatorial, caractérisées par une humidité
paraître qu’un peu plus tardivement au cours de
constante et élevée consécutive à des pluies
la saison des pluies.
importantes et une saison sèche relativement
Une fois déclarée, la maladie évolue en se
réduite.
généralisant sur les sujets atteints et en se propa-
Cette zone climatique particulièrement favo-
geant au sein du troupeau avec plus ou moins
rable à l’éclosion de la maladie est caractéri-
de rapidité. Parfois quelques animaux seule-
sée, bien que non uniformément étant donnée
ment sont atteints alors que certaines années la
son étendue, par l’alternance de deux saisons
morbidité peut dépasser 40 o/. de l’effectif.
distinctes et opposées, la saison sèche et la saison
Une régression générale des lésions inter-
des pluies. La première couvre 7 à 9 mois de
vient à la fin de la saison des pluies, dès le mois de
l’année, de septembre-octobre à juin-juillet,
septembre, mais les exceptions ne sont pas rares
selon la latitude. La pluviosité y est constamment
et il est difficile d’être très précis sur l’époque
nulle et le degré hygrométrique toujours très
exacte de la disparition de la morbidité. Nous
faible sauf à proximité de la côte où l’influence
avons pu constater en effet, notamment en 1958
maritime crée un micro-climat particulier. La
:51), l’apparition de nouvelles lésions sur de
deuxième occupe le reste de l’année de juillet à
eunes animaux au moment où normalement
octobre. Les pluies y sont fréquentes, parfois vio-
elles tendent à disparaître.
lentes et accompagnées de vent en bourras-
Plus tard, les animaux guérissent spontané-
ques. Elles procurent environ de 650 à 1 .OOO mm
nent ou restent porteurs de lésions et font une
d’eau. Le degré hygrométrique y est voisin de la
orme latente qui s’extériorise à la saison des
saturation et demeure élevé pendant quelques
>luies suivante.
semaines après les dernières chutes de pluies.
Les causes de cette fluctuation saisonnière
La succession d’une saison sèche prolongée
;Ont certainement multiples et complexes mais
au cours de laquelle les animaux souffrent, et
I n’en est pas moins vrai que certaines d’entre
d’une saison humide survenant assez brutale-
:Iles, dont l’évidence est manifeste, sont connues
ment paraît particulièrement favorable à I’éclo-
:t doivent faire l’objet d’un examen particulier.
sion de la maladie surtout dans l’Ouest-Africain.
Le rôle de la pluie
Influence des saisons
Les précipitations atmosphériques et leur
Le caractère saisonnier, extrêmement marqué
:orollaire, le degré hygrométrique, jouent en
.
de la streptothricose bovine est reconnu par la
+fet un rôle primordial dans le développement
majorité des auteurs, tant en Afrique VAN
ie la streptothricose aussi bien chez le bœuf que
SACEGHEM (22) BEATON (3), ZLOTNIK (34),
:hez le mouton. II est intéressant de remarquer
PLOWRIGHT (36) etc...) qu’en Australie (ALBI-
lue chez ce dernier cette influence est même
STON (29), qu’à Madagascar, BUCK (19).
ndépendante de la température et se constate
Cependant MOULE et SOUTHERLAND (39)
lussi en climat tempéré. Ainsi BULL (50) écrit
dans le Queensland (Australie) ne partagent
w sujet de la maladie sévissant sur le mouton
1 2 6

dans les territoires du sud de l’Australie (NOU- est certaine et réside dans les micro-lésions cuta-
I
velle Galles du Sud, Victoria et Queensland) :
nées répétées, consécutives aux impacts des
« L’apparition de la maladie dépend largement
gouttes, qui sont les conditions nécessaires à
de la pluviométrie élevée dans les mois d’hiver
l’apparition et au développement de la maladie.
et de printempsetest en conséquence irrégulière».
Si ces micro-lésions sont réelles, ce phénomène
NISBET et BANNATYNE (14) font des constata-
mérite de retenir l’attention. Cependant il est
tions identiques en Grande-Bretagne où la mala-
contesté par BEATON (40), qui constate en Nigé-
die évolue en période froide, mais pluvieuse, de
ria que les lésions débutent quelquefois sous le
même que KANE, DOWNING et WILSDON (18)
ventre et à la face interne des cuisses, et il est en
l
qui remarquent que la maladie apparaît dans
contradiction avec nos nombreuses observations,
les régions très arrosées de l’ouest et au cours des
en particulier en 1957 (52), de cas de strepto-
.
années très pluvieuses.
thricose apparus sur des animaux sains, bien
Chez le boeuf les observations effectuées en
avant les premières précipitations atmosphé-
Australie, à Madagascar et en Afrique, con-
riques.
cordent : la pluie et l’humidité sont à l’origine
La conséquence la plus importante des chutes
du développement de la maladie.
de pluie est à notre avis la diminution du rôle
Toutefois, en Afrique du Sud, ALEXANDER(49)
protecteur de la peau. En effet, la période des
et SCHULZ (8) ne partagent pas cette opinion.
pluies coïncide avec les mois de fortes chaleurs
A leur avis, l’humidité et la chaleur ne sauraient
qui entraînent chez l’animal une sudation impor-
être des facteurs importants, et il n’y aurait
tante, peu grave en elle-même si son évapora-
aucune relation entre l’apparition de la maladie
tion n’était pas empêchée par un degré hygro-
et les chutes de pluies. II est certain que nous
métrique voisin ou égal à la saturation. Cette
avons pu aussi constater quelques anomalies
sueur, associée aux chutes de pluies elles-mêmes,
entre l’apparition ou la régression de la maladie
va contribuer au ramollissement de la peau, à sa
et la saison de haute pluviosité ; toutefois, nous
moindre résistance, et peut même être à I’ori-
n’avons jamais observé une évolution de la mala-
gine d’une certaine irritation épidermique ;
die au cours de la saison sèche, ni l’apparition à
toutes conditions très favorables à l’éclosion de
l
cette période de cas nouveaux dans un troupeau
la maladie.
indemne ou contaminé.
Dans le même ordre d’idée, BULL (10) pense
Si le rôle de ia pluie est, aux exceptions citées,
que les germes,
normalement saprophytes
unanimement reconnu, les raisons pour les-
deviendraient virulents à la faveur du milieu
quelles elle favorise l’éclosion et la dissémination
eugénésique ainsi créé et, selon LALL et RAJA-
de la maladie ne sont pas encore clairement élu-
GOPALAN (13),
p énétreraient par les pores
cidées.
sous la couche cornée de l’épiderme. Cette
Aussi les interprétations sont nombreuses et
explication implique cependant la présence de
certainement contiennent toutes une part de
germes saprophytes à la surface du derme des
vérité.
animaux, or
/
MASON et BEKKER (7) ont fait sur
Les premières pluies font évidemment varier
des moutons non malades une recherche systé-
en quelques jours un nombre très important de
matique du microorganisme sans jamais le
facteurs qui conditionnent le milieu, soit direc- / découvrir. Chez les bovins, d’autre part, nous
,
tement (température, degré hygrométrique, élec-
ne l’avons jamais rencontré sous l’une quel-
tricité statique, etc.) soit indirectement (abon-
conque de ses formes aussi bien sur des animaux
,
s
dance des insectes piqueurs, état physiologique
sains que sur des animaux malades dans des
des animaux, végétation) et il s’avère difficile
régions étendues du corps encore indemnes de
1
de faire la part exacte qui revient à chacun d’eux.
i toute lésion.
P
Le rôle de la pluie doit donc être envisagé en
En 1934, VAN SACEGHEM (22) émet une opi-
premier lieu dans son action directe sur les ani- / ’nion analogue selon laquelle l’agent causal
maux, en second lieu au travers de ces consé-
saprophyte, le Tetrogenus congolensis devient
quences sur le milieu extérieur et de ces réper-
pathogène et se mute en forme filamenteuse,
.
I
tussions sur l’état général des animaux.
,qu’il a décrite sous le nom de Dermotophilus con-
Acfion directe. - Pour CHODNIK (31), elle
!Jolensis en 1915 (l), à la faveur des conditions
121

favorables créées par l’humidité au niveau de la
de l’herbe nouvellement poussée au début de la
peau.
saison humide pourrait favoriser l’éclosion de la
En fait, ce ramollissement du derme et I’exis-
dermatose. Nous n’avons jamais observé de
tente d’un milieu favorable au développement
phénomènes analogues, mais il est certain que
du germe au niveau de la peau facilitent sans
cette consommation provoque chez les bovins une
aucun doute le développement de la maladie ;
diarrhée assez profuse qui contribue à aggraver
mais les essais de reproduction expérimentale
leur état générai déjà mauvais à cette saison ;
des lésions ont montré indubitablement, tout au
or, dans un troupeau nous avons constaté que
moins chez les bovins, la nécessité de la création
généralement, les animaux en mauvais état
de solutions de continuité de l’épiderme pour
étaient plus réceptifs à la maladie, ainsi d’ailleurs
obtenir des lésions caractéristiques. II semble
que ceux qui faisaient une poussée aiguë d’une
donc que si les conditions ci-dessus sont, la plu-
maladie
intercurrente (trypanosomiase
Par
part du temps nécessaires, elles sont par elles-
exemple) ou ceux qui subissaient des stress
mêmes insuffisantes. L’existence d’autres facteurs
expérimentaux, consécutifs, entre autres, à I’in-
insectes piqueurs, parasites, arbustes épineux,
jection de doses importantes de vaccin lors des
blessures diverses superficielles, qui, provoquant
contrôles d’innocuité.
des érosions cutanées, permettent la pénétration
En conclusion, nous pouvons dire que I’épizoo-
du germe sous l’épiderme fragilisé, est indispen-
tologie de la maladie est régie essentiellement
sable.
par des facteurs climatiques et surtout saison-
Acfion indirecte. - Parmi ces derniers facteurs
niers dont le rôle, bien qu’encore non entière-
qui, associés aux précédents, semblent indispen-
ment élucidé, demeure primordial.
sables à l’éclosion de la maiadie, certains sont
particulièrement favorisés par la saison des
INCIDENCE DE LA MALADIE
pluies.
Avec les pluies, on constate en effet une aug-
L’importance médicale et économique de la
mentation considérable du nombre des insectes
streptothricose est très variable d’un pays à
et ectoparasites, hématophages ou non, dont la
l’autre selon la variété du bétail, sa densité, son
pullulation s’accompagne de réactions parfois
mode d’élevage et d’exploitation.
violentes de la part des animaux. Le prurit plus
Dans l’Ouest-Africain, il est difficile de chiffrer
ou moins impérieux qu’ils provoquent, oblige
exactement l’incidence de la streptothricose. Une
le bétail à se gratter violemment et à se frotter
enquête épidémiologique menée en 1956 par
contre les objets ou les buissons qui l’entourent à
MORNET n’a donné que des résultats partiels
l’étable ou au pâturage, occasionnant de la sorte
(non publié).
de nombreuses érosions cutanées qui sont autant
La morbidité demeure assez faible et la mor-
de portes d’entrée intradermiques pour l’agent
talité peu importante sur l’ensemble du cheptel,
de la maladie, et s’ajoutent aux micro-lésions
mais elles sont très irrégulières et peuvent varier
antérieures dues aux piqûres des insectes.
considérablement d’une population à l’autre.
Certains auteurs, tel HOBDAY (20) en Rho-
Ainsi, en Haute-Volta, GIDEL (54) signale que
désie du Nord, pensent que parmi ces parasites,
si, dans l’ensemble, la morbidité reste faible, elle
les tiques et plus particulièrement Amblyomma
est extrêmement élevée sur les zébus servant à la
voriegotum et Boophilus decolorotus joueraient non
traction et principalement au labour.
plus un rôle passif, mais un rôle actif dans I’éclo-
Au Niger dans la région de N’Guigmi, région
sion et la transmission de la streptothricose.
à faible pluviosité, en 1956 la morbidité est infé-
PLOWRIGHT (36) assure même qu’au Nigeria
rieure à 1 t& du troupeau et la mortalité nulle.
il n’y a pas de streptothricose sans tiques, quelle
Plus au sud, dans le cercle de Zinder, où la plu-
que soit la saison et la pluviosité. Cette question
viométrie est nettement plus élevée, elle atteint
très controversée et importante sera approfon-
5 y0 tandis que la mortalité est voisine de 1 %.
die dans un autre chapitre.
Dans un autre canton du cercle, elle aurait atteint
D’autres raisons ont été invoquées pour expli-
30 y0 des animaux (?),
quer le rôle indirect de la pluie. Ainsi on a pensé
Au Sénégal, si la morbidité atteint dans cer-
qu’une photosensibilisation due à l’absorption
tains troupeaux 30 %, dans d’autres elle est pra-
128

tiquement nulle. La mortalité, généralement
Forme chronique
insignifiante, peut, dans certaines circonstances,
prendre des proportions alarmantes. Aussi, en
Elle est la plus fréquemment rencontrée, la
1958, sur dix veaux atteints et non traités de
lplus connue et la plus souvent décrite. Elle débute
,
notre troupeau de la Ferme de Sangalcam, tous
au niveau de trois groupes de régions bien dis-
sont morts dans des délais assez brefs.
tinctes du corps, ce qui permet d’admettre trois
Nous n’avons que peu de renseignements sur
localisations :
l’importance de la maladie dans les autres
régions d’Afrique, En Rhodésie du Sud, en Rhodé- 1’ - haute, débutant sur les parties supérieures
ou latéro-supérieures du tronc, encolure, gar-
sie du Nord, au Tanganyika et en Angola, son
rot, dos, croupe et côte.
incidence préoccuperait particulièrement les
- basse, débutant sur les parties inférieures
éleveurs et le thérapeute. En 1918, GRIFFITHS (45)
du corps : extrémités distales des membres,
trouve, dans le nord du Nyassaland, une zone où
mamelles, ligne du dessous.
80 yo des animaux sont porteurs de lésions, En
- atypique, sur les régions glabres, princi-
Union Sud-Africaine, la maladie n’aurait appa-
palement la région anale et ano-vulvaire.
remment qu’une importance mineure, selon
SCHULZ (8).
La localisation haute est considérée comme clas-
Au point de vue économique, les répercus-
sique dans l’Ouest-Africain. Elle peut cependant
sions de la streptothricose sont importantes. La
être rare ou exceptionnelle dans d’autres régions,
peau des animaux atteints n’a en effet aucune
telle l’Afrique du Sud où, semble-t-il, la locolisa-
valeur en tannerie (53), des trous ou des points
tion basse domine.
de moindre résistance apparaissant après le
Les premières lésions apparaissent au niveau
tannage au niveau des lésions.
de la ligne du dessus, le plus souvent sur la partie
Dans certaines régions les animaux de trait,
supérieure de l’encolure ou du garrot. Le poil est
qui sont les plus fréquemment atteints, sont
piqué, hérissé de petites touffes plus ou moins
indisponibles aux périodes où justement ils sont
denses correspondant à des papules dermiques
les plus utiles (Haute-Volta (54)).
recouvertes de sérosité coagulée très percep-
Enfin les animaux faisant la forme latente en
tibles à la palpation. En une semaine, le nombre
saison sèche restent maigres et sont fortement
et le volume des papules augmentent. Elles
dépréciés en boucherie,
deviennent coalescentes puis une hyperkératose
Un point particulier est à noter. CURSON (44)
succède ou accompagne I’exosérose et tend à for-
signale qu’au Nyassaland les vaches porteuses
mer des croûtes épaisses qui donnent aux lésions
de lésions sont réputées comme les meilleures
l’aspect « ichtyosique » décrit par MORNET et
laitières, alors qu’au contraire une baisse de la
THIÉRY (35). Ces croûtes envahissent peu à peu
lactation, consécutive au mauvais état général dû
toute la ligne du dessus, les côtes et l’encolure.
à la maladie, est constatée dans l’Ouest-Africain.
Après quelques semaines d’évolution, de véri-
tables placards irréguliers et craquelés couvrent
SYMPTOMATOLOGIE
ces régions. Les autres parties du corps peuvent
Le tableau ciinique de la streptothricose bovine,
ensuite être atteintes : la tête, la paroi abdo-
en Afrique, à Madagascar et en Australie pré-
minale, les mamelles et la racine des membres
sente des caractères fondamentaux communs qui
où les lésions prennent souvent un autre aspect.
contribuent à en faire une entité nosologique
Elles revêtent alors soit laforme nodulaire (MOR-
bien particulière.
NET et THIÉRY, 35), voisine de celle en tronc de
Dans l’Ouest-Africain, elle revêt quatre formes
cône rencontrée chez la chèvre (MÉMERY, 55),
évolutives distinctes qui sont, par ordre de fré-
soit la forme numullaire ou en « macaron »,
quence, une forme chronique, une forme aiguë,
dont le pourtour est une circonférence parfaite
une forme subaiguë et une forme non évolutive
et dont la croûte centrale est peu épaisse et
ou latente (*). Elles peuvent se succéder sur un
friable et qui se transforme parfois en lésions
même animal sans cause apparente.
annulaires ou en « atoll 2 lorsque le centre ayant
, perdu sa formation croûteuse voit son poil
(*) Qui se passe de description.
1
repousser. Cet aspect est d’ailleurs commun à
129

l’épaisseur de la croûte près, à de nombreuses
diseuse). Les lésions débutantes apparaissent au
.
mycoses cutanées.
niveau des paturons, des canons, du fanon, des
L’évolution est lente ; il faut attendre un mois
mamelles, du museau et peu à peu gagnent la
et demi, deux mois, parfois trois, pour voir les
racine des membres puis le tronc. Au niveau des
premiers signes d’amélioration. L’état général,
genoux et des paturons il se forme des crevasses
souvent mauvais lorsque la maladie débute, se
juintantes, qui se compliquent souvent d’infec-
dégrade encore à mesure que les lésions s’é-
tiens secondaires pyogènes. Cette forme peut
tendent. La cachexie, lorsqu’elle survient, pré-
aussi donner lieu à une généralisation mais
cède de peu la mort qui n’est cependant pas fré-
nous ne l’avons jamais observée au Sénégal où
quente.
zette forme, quand elle existe, est très chronique
Dans la majorité des cas, dès le mois de sep-
?t dont les lésions prennent généralement I’as-
tembre, les lésions régressent et tendent à dis-
pect en « macaron » ou en « atoll ».
paraître. Toutefois la guérison totale n’est pas
La localisation atypique, consistant en l’atteinte
constante et deux évolutions sont communément
des parties glabres coexiste souvent avec l’une des
constatées, le malade guérit spontanément, ou
deux premières formes mais elle peut se dévelop-
reste porteur chronique et fait une forme non
per seule et ne se généraliser qu’ensuite à partir
évolutive ou « latente ».
des Iésions primitives du pourtour de l’anus ou de
Dans le premier cas, les croûtes sèchent et
la vulve, plus rarement des yeux et des naseaux.
découvrent en tombant un épiderme sain,
Les croûtes en région caudale et ano-vulvaire
indemne de cicatrice. Ensuite les poils repoussent
ztffectent une allure caractéristique décrite par
sans être modifiés ni dans leur pigmentation ni
rVZORNET et THIÉRY (35) sous l’appellation
dans leur structure. Toute trace de maladie dis-
:< Iéproïde » et qu’il serait peut-être plus évoca-
paraît bientôt et l’état général de l’animal s’amé-
teur d’appeler « encéphaloïde ». La lésion débu-
liore rapidement.
tante est faiblement ourlée d’un oedème érythé-
Dans le deuxième cas, les lésions régressent
mateux, légèrement suintant qui s’étend peu à
puis se fixent pour ne plus évoluer pendant tout
peu aux parties saines et à partir duquel la
le cours de la saison sèche. Elles prennent volon-
croûte se forme par exosérose puis hyperkéra-
tiers les formes en « macaron » ou en « atoll ».
tose. Elle devient très épaisse et en épousant les
Le poil tend à repousser par endroit, en petites
replis de la peau se creuse profondément et
touffes, et si des croûtes sont arrachées elles se
prend l’aspect de circonvolutions cérébrales,
reforment très lentement. A l’approche de la sai-
d’où son nom. Ces lésions se compliquent fré-
son des pluies ou dès les premières précipita-
quemment d’infections pyogènes secondaires
tions atmosphériques, une extension rapide
:staphylocoque,
corynébactérie et bacille de la
s’effectue donnant à l’infection un caractère de
nécrose) étant donné leur emplacement et les
gravité plus intense que lors de la première
crevasses profondes dont elles sont sillonnées.
atteinte. Les animaux demeurent en mauvais état
Une extension fréquente s’effectue sur la face
bien que l’alimentation soit bonne et la nourri-
postéro-interne des cuisses et sur le scrotum, par
ture abondante.
des croûtes en chapelets sensiblement verticaux,
En Afrique du Sud, SCHULZ (8) décrit un cer-
affectant une forme nodulaire, dont les nodules
tain nombre de prodromes que nous n’avons
seraient de véritables troncs de cône comme on
jamais constatés, tels du larmoiement et du
es rencontre sur la chèvre (55) et expérimen-
jetage avant le début de l’éruption cutanée ; de
talement sur les lapins.
même il observe, avec d’autres auteurs (CUR-
SON (44), VAN SACEGHEM (l-2), une exsuda-
Forme aiguë
tion cutanée importante qui agglutine les poils
et donne un aspect d’eczéma suintant aux lésions
La forme aiguë est une généralisation brutale
tout au moins à leur début. A Madcgascar,
de l’affection, soit sur un animal indemne, soit
BUCK (19) signale aussi ce caractère.
sur un animal porteur de lésions chroniques.
La localisation basse est peu fréquente dans
Elle se manifeste par l’apparition spontanée
l’Ouest-Africain : elle semble plus souvent ren-
sur toutes les parties du corps, tête, oreilles,
contrée dans la partie sud de l’Afrique (Senkobo
extrémités des membres et queue comprise, de
1 3 0

.
Fig. 2. - Sireptothricose. Forme chronique généralisée.
( C l i c h é Lobélevage,
Dakar).
l
Revue d’élevage et de médecine vétérinaire des pays tropicaux n”’ 2-3 - 1960

papules streptothricosiques en début d’évotu-
L’affection revêt l’allure générale de la forme
tien, de 2 a 3 mm de diamètre et espacées de
chronique. Cependant la généralisation est cons-
2 a 4 cm, régulierement
réparties et toutes iden-
tante et est relativement rapide, la cachexie et
tiques.
la mort surviennent en 6 à 8 semaines. La mor-
L’animal est en 24 à 48 heures couvert entiè-
talité est toujours élevée. BUCK la signale comme
rement de petites touffes de poils hérissés cor-
fréquente à Madagascar chez les métis (normand-
respondant à chaque papule. En quelques jours
rana et limousin-zébu) et sur le bétail européen
il s’établit une certaine coalescence puis l’état
importé.
général baisse brutalement et l’animal meurt en
6 à 10 jours.
IMMUNITÉ NATURELLE
Nous avons observé cette forme deux années
de suite :
Les nombreuses observations portant sur plu-
- en 1957, deux veaux portant quelques
sieurs années consécutives, révèlent qu’aucune
lésions nodulaires sur le garrot et sur le dos pré-
immunité n’apparaît chez les bovins après une
sentent à la mi-septembre, à deux jours d’inter-
première atteinte. Au contraire, il semblerait que
valle, une généralisation uniforme telle que ci-
d’une année à l’autre, ce soit les mêmes animaux
dessus. L’agent, considéré comme causal, est
qui contractent la streptothricose. De plus, ceux
retrouvé dans toutes les papules examinées à
qui ont passé la saison sèche avec des lésions
quelques niveaux qu’elles aient été prélevées.
latentes, font généralement une rechute à la sai-
Ces animaux ayant été traités, l’évolution natu-
son des pluies qui est plus grave que l’atteinte
relle n’a pu être observée.
précédente. Dans ce cas particulier, l’animal
- en 1958 (51) sept veaux et une vache
parait sensibilisé. En fait la moindre résistance
adulte présentent le même phénomène, sensi-
constatée est en partie la conséquence de I’affec-
blement au même moment. L’un des veaux était
tion latente qui a fortement contribué à le main-
porteur depuis trois semaines, au niveau du
tenir en mauvais état général contrairement aux
garrot et du dos, de lésions « ichtyosiques »
animaux sains ou guéris.
typiques. Deux autres, portaient des croûtes le
Cette absence d’immunité est confirmée par
long de grandes éraflures au niveau desquelles
l’étude de la maladie expérimentale et se retrouve
l’agent causaul proliférait en abondance ; les
chez les autres espèces animales réceptives,
quatre derniers étaient antérieurement indemnes
de toutes lésions décevables, de même que la
LES LÉSIONS
vache laitière. En quelques jours ils sont cou-
a) Microscopiques
verts de papules. Les sept veaux sont morts en
6 à 10 jours, la vache, traitée, n’a pas succombé
L’histopathologie a fait l’objet de deux études
à l’infection.
très approfondies en 1955 l’une par SCHULZ (8)
Cette manifestation fait penser à une bacté-
sur la maladie de Senkobo, l’autre par THIÉRY
riémie associée à un tropisme cutané de l’agent
(35) sur la streptothricose au Sénégal. La simi-
causal ; or nous n’avons jamais isolé le germe
litude des résultats est frappante et montre bien
par hémoculture et toutes les injections paren-
l’analogie des deux affections, les différences
térales, tendant à créer une septicémie artifi-
n’affectant jamais l’ensemble des lésions.
cielle et à reproduire ce phénomène ont échoué.
Certaines précisions peuvent cependant être
PERREAU (46) a eu aussi l’occasion d’obser-
apportées à la description de la papule strepto-
ver cette forme aiguë sur des jeunes animaux
thricosique à son premier stade. Ces aspects
dans la région du Tchad,
particuliers n’ont pas été mentionnés en 1955 car
ils avaient été attribués au mode de prélèvement
Forme subaiguë
des biopsies. Or leur présence et leur constance
sur des prélèvements suffisamment étendus pour
Elle est assez peu fréquente dans I’Ouest-
qu’ils ne soient pas en contact avec le moindre
Africain et seulement signalée sur des popula-
instrument avant leur fixation nous oblige à pré-
tions restreintes d’animaux particulièrement
ciser nos conceptions. Par ailleurs, nous avons
sensibles (56).
étudié la papule initiale à des stades plus pré-
1 3 1

cotes qu’antérieurement et chez un animal jus-
d’un antibiotique employé par voie parenté-
qu’alors indemne, et non plus des papules nou-
rale, par suite de cette exosérose, macroscopi-
vellement formées chez un sujet déjà affecte
quement évidente, qui apporte in sitt~ le produit
depuis quelque temps.
actif.
La lésion initiale doit donc être considérée
comme une inflammation dermique avec réac-
b) Macroscopiques
tion épidermique secondaire. Cette inflamma-
tion se traduit en premier lieu, et il convient de
La lésion dont les différentes formes et aspects
souligner ce point, par une congestion des
ont été décrits au cours de l’étude des symptômes
.
papilles dermiques accompagnée de microhé-
peut être considérée en un point donné comme
morragies capillaires et de diapédèse des héma-
formée de la croûte et du derme sous-jacent.
ties à travers l’épiderme. On assiste d’autre part,
Macroscopiquement, ils sont tous deux intéres-
-
à l’apparition de cellules inflammatoires diverses,
sants par l’aspect de leurs faces en contact,
histiocytes, lymphocytes et surtout polynucléaires
c’est-à-dire la face interne de la croûte d’une
neutrophiles qui diapédèsent peu à peu à tra-
part et la surface de la peau d’autre part.
vers l’épiderme.
En effet, si on arrache une croûte qui au cours
L’œdème inflammatoire des papilles dermiques
de sa phase évolutive et en l’absence d’infection
est assez discret, la sérosité s’évacuant assez
secondaire, est toujours fortement adhérente à
rapidement par exosérose à travers I’épithé-
la peau, on découvre un épiderme tourmenté
lium.
par l’hypertrophie des papilles dermiques, qui
II ne faut pas interpréter comme conséquence
,apparaissent comme autant de minuscules doigts
de l’affection les réactions histiocytaires périvas-
,de gant, de dimensions variées, dressés, fragiles,
culaires du derme planiforme ou tendiniforme
tet érythémateux. Le derme est œdématié et con-
car elles s’observent sur la plupart des animaux
( gestionné. L’arrachement y provoque des micro-
qui ont, tant soit peu, séjourné en brousse.
ilémorragies et même parfois des suffusions en
Au niveau de l’épiderme on constate la dispa-
Inappes. La face interne de la croûte est évidem-
rition de la mélanine que l’on retrouve dans les
Inent la réplique de la surface du derme. Elle
squames cornés de la surface, ce qui traduit I 1lrésente autant de petits cratères dans lesquels
l’intensité de la multiplication des cellules épi- / (:haque papille était incrustée. Un léger enduit
dermiques. Quelques cellules du corps muqueux
pultacé blanchâtre composé principalement de
de Malpighi situees au sommet des villosités
cellules desquamées et de leucocytes en voie
dermiques montrent des signes de souffrance se
de lyse recouvre le tout.
traduisant par l’apparition de quelques vacuoles
C’est à ce niveau que le microorganisme que
cytoplasmiques. On retrouve, entre les cellules,
nous appellerons momentanément, pour une
les polynucléaires en cours de diapédèse. Ils
meilleure compr2 hension « Actinomyces derma-
s’accumulent vers la surface dans des strates
pnomus », se trouve en abondance. Nous le
alternant avec des couches où la sérosité d’ori-
décrirons ici très succinctement car l’étude du
gine dermique s’est accumulée et séparés par
germe doit faire l’objet d’un autre travail.
des couches de cellules kératinisées. Dans quel-
II apparaît sous deux formes les plus couram-
ques gaines de poils la diapedèse des polynu-
ment rencontrées. D’une part en éléments fila-
cléaires est intense.
menteux mycéliens articulés et bourgeonnant,
L’étude histologique des premiers stades de la
d’autre part en « pseudomycélium » formé de
maladie est intéressante car elle facilite la com-
rangées de petits cocci. doubles, triples, qua-
préhension du rôle que joue le sérum et les
druples, parfois plus nombreux. Ce pseudomycé-
hématies dans la culture in vitro du microorga-
lium possède le même aspect général que le -
nisme responsable de la maladie. D’autre part
précédent avec de nombreuses figures de bour-
elle confirme les hypothèses qui ont guidé nos
geonnement et de dichotomie. II peut montrer en
essais de traitement au sujet de la protection dont
certains points, et surtout lorsqu’il est à un stade
bénéficie cet agent sous la croûte vis-à-vis d’une
intermédiaire entre les deux formes qui semblent
substance thérapeutique d’origine externe et sa
.
se succéder dans le temps, de gros éléments
plus grande vulnérabilité par exemple à l’égard
cocciformes, simples ou doubles dans la longueur
132
*

et qui sont souvent à l’origine de la germination
Dans ces conditions rien ne prouve que les
d’un nouveau filament.
lésions ne se sont pas développées à la faveur de
Enfin ce « pseudomycélium » peut disparaître
solutions de continuité fortuites et inapparentes de
et donner des amas d’éléments coccoïdes dans
l’épiderme, trop petites pour avoir attiré I’at-
lesquels on trouve lesdeuxtypes decocci signalés.
tention des auteurs mais suffisantes pour per-
mettre la pénétration du germe.
c) Lésions infernes
La technique la plus pratique, que nous ayons
employée dans toute notre expérimentation,
Certains auteurs
signalent, notamment. en
consiste à épiler, lorsque cela est possible, sinon
Rhodésie du Nord (28), la présence d’endocar-
à raser une surface de peau plus ou moins grande
dite verruqueuse lors d’autopsie d’animaux
selon l’animal traité. On la désinfecte et on la
morts de streptothricose. A l’exception de lésions
dégraisse à l’alcool-éther puis on y effectue des
internes non constantes et non spécifiques d’in-
scarifications à l’aide d’un vaccinostyle, de la
toxication chronique générale, décrites par
pointe d’un scalpel ou d’une aiguille hypoder-
MORNET et THIÉRY (35) et dues vraisemblable-
mique, lorsque les manceuvres précédentes n’y
ment à la disparition du rôle émonctoire de la
ont pas elles-mêmes provoqué auparavant des
peau, nous n’avons jamais rencontré d’autres
érosions épidermiques suffisamment nombreuses.
lésions sur les animaux morts de cette maladie.
Cette région est ensuite imbibée, soit avec un
broyat de croûtes d’animaux naturellement ou
LÉSIONS EXPÉRIMENTALES
expérimentalement atteints, soit avec une culture
pure du microorganisme causal. Les résultats
Le terme de « maladie expérimentale » pou-
obtenus avec l’un ou l’autre de ces produits
vant prêter à confusion, nous lui avons préféré
infectants sont en effet absolument identiques.
celui de lésions expérimentales, pIlis précis et plus
Nous avons d’autre part, dans le but d’obte-
près de la réalité.
nir uniquement la papule initiale de la lésion
En effet, une maladie Pvolutive identique à
naturelle, opéré sur la peau, non épilée et non
l’infection naturelle n’a jamais pu être obtenue.
rasée, des piqûres infectantes avec une aiguille
Expérimentalement il n’est pas possible de pro-
intradermique trempée préalablement dans un
voquer sur un animal sensible une généralisa-
bouillon de culture. La même expérience a été
tion des lésions à partir d’un point d’inoculation.
effectuée à l’aide d’épines d’arbres divers pour
Au contraire, des lésions caractéristiques, iden-
essayer de se mettre dans les conditions de la
tiques aux lésions naturelles, bien que localisées
contamination naturelle.
uniquement aux territolws de peau traitée,
peuvent se développer sur un grand nombre
Chez le bœuf
d’espèces animales et permettre une étude com-
parative intéressante de cette affection.
Les essais sont généralement couronnés de
Quelle que soit la technique envisagée pour
succès. L’intensité des résultats est cependant
reproduire ces lésions, il s’avère indispensable,
variable selon l’individu, la race, la pigmenta-
pour obtenir le succès, de provoquer des éro-
tion, et enfin la saison.
sions au niveau de l’épiderme.
Au cours des mois pluvieux de 1957, 21 veaux
En effet, lorsqu’on prend la précaution d’évi-
sans bosse (taurins), zébus ou métis taurin-zébu
ter toute microlésion de la peau dans une région
de tout âge ont été inoculés. Tous ont réagi, cer-
,
particulièrement choisie pour son intégrité,
tains intensément.
les essais demeurent toujours vains quelle que
Les zébus ou métis taurin-zébu se sont révélés
soit l’espèce choisie. Seuls BULL (10) et MASON
toujours plus sensibles que les taurins. Ils font
et BEKKER (7) signalent avoir pu provoquer la
des réactions plus intenses suivies d’une évolu-
formation de croûtes chez l’agneau ou chez le
tion plus longue. Ainsi deux d’entre eux ont gardé
mouton sans procéder à des scarifications. Mais
leurs lésions plus d’un mois et demi, treize n’ont
ils utilisent dans ce but une très grande quantité
totalement guéri qu’au bout de trois semaines à
.
de culture et humidifient constamment la laine un mois tandis que les six taurins avaient perdu
de la région traitée pendant plusieurs jours.
~
leurs croûtes dès le 15e jour.
133

Les animaux à peau mince et très pigmentée
Vers le 15e jour on constate trois évolutions :
apparaissent plus résistants ; ils font des réac-
- soit les croûtes tombent et découvrent un
tions moins caractéristiques et moins intenses
épiderme sec et sain sur leqcrel les poils repais-
que ceux à peau non pigmentée et épaisse.
sent rapidement,
La même expérimentation effectuée sur un
- soit après être tombées, eiles se reforment
nombre plus restreint d’animaux au cours de la
à certains endroits et font une évolution avortée
saison sèche (janvier et février) a donné des
qui retarde la guérison d’une huitaine de jours,
réponses moins caractéristiques,
L’évolution
-
générale est extrêmement accélérée et les lésions
soit enfin, elles persistent, s’épaississent,
obtenues n’ont jamais été comparables à celles
sèchent et finissent par être entraînées par les
de la maladie naturelle.
poils qui repoussent un mois à un mois et demi
II est cependant possible de définir une évolu-
après l’inoculation.
tion moyenne de la lésion expérimentale, chez
Le passage répété de bovin à bovin est facile-
le bceuf. Elle dure de quinze jours à un mois avec
ment obtenu sans modification sensible du pou-
une période de progression constante de huit
voir lésionnel du germe. II est régulièrement
jours environ, suivie d’un stade de latente dont
retrouvé sur la face interne des croûtes et dans
la longueur est très variable et d’une période
le léger enduit pultacé de l’épiderme SOLS-
de régression amenant la guérison totale.
cutané.
Aucune immunité ne peut être mise en évi-
Les lésions obtenues par piqûres avec des
dence et les lésions sont reproductibles plusieurs
épines ou des aiguilles contaminées ont repro-
fois de suite sur le même animal et au niveau de
duit l’aspect macroscopique et microscopique de
la même région,
la papule initiale naturelle, ce qui nous a permis
La lésion ne se développe pas d’emblée. Au
d’approfondir I’histopathologie de la lésion à
cours des premières 24 heures, l’irritation con-
son premier stade de formation. Toutefois, nous
sécutive au rasage et aux scarifications diminue
n’avons jamais obtenu d’extension à partir de
et disparaît, pour laisser place le 2e ou 3e jour
ces points et les croûtes qui se sont formées
à une inflammation dermique avec réactions
n’ont jamais dépassé la surface de la papule SOI~
épidermiques se traduisant par un érythème
2 à 3 mm de diamètre.
légèrement surélevé, sensible à la palpation et
parfois prurigineux et par une exosérose qui
Les essais de transmission aux bovins ont été
contribue à donner temporairement à la région
très nombreux (VAN SACEGHEM (22), BULL (IO),
traitée l’aspect d’un eczéma suintant. Cette
SEDDON (Il), ALBISTON (29), EDGAR et
KEAST (30), BUCK (19)) et ont donné des résul-
inflammation est parfois beaucoup moins carac-
téristique sur les animaux les moins sensibles.
tats à peu près équivalents. Cependant, CHOD-
NIK (31) aurait obtenu expérimentalement des
La coagulation de la sérosité entraîne la for-
mation d’une croûte blonde qui s’épaissit du fait
lésions évolutives se propageant aux régions
de I’exosérose sous-jacente et d’une réaction
saines et par suite simulant exactement la mala-
hyperkératosique secondaire mais importantede
die naturelle. Pour cela il maintient les animaux
l’épiderme. Cette croûte secrevasse, devient grise
inoculés dans une atmosphère saturée d’humi-
et peut atteindre 5 à 8 mm d’épaisseur au IOejour.
dité et les douche périodiquement. Cette tech-
nique ne nous a pas donné de résultats différents
Son arrachement découvre, exactement comme
dans la maladie naturelle, un épiderme fragilisé
et supérieurs à ceux que nous avons relatés.
et un derme œdématié, congestionné, facilement
D’autre part ARMFIELD (27), quel que soit le
hémorragique, présentant une hypertrophie
moyen employé, n’a pu reproduire les lésions
papillaire assez prononcée. Sa face interne,
chez les bovins et au Kenya en 1926, les pre-
d’un relief très tourmenté, correspondant aux
mières inoculations avec des cultures pures ont
papilles dermiques, est recouverte d’un léger
échoué.
enduit blanchâtre principalement constitué de
Enfin RIED (23) obtiendrait des lésions même
cellules desquamées et de leucocytes en voie de
sur la peau non scarifiée. Mais il est toujours
lyse où le microorganisme se trouve en abon-
difficile d’affirmer qu’elle était indemne de toutes
dance sous toutes ses formes.
érosions et de toute irritation avant l’inoculation.
134
a

Fig. 3. - Streptothricose. - Lésions expérimeniales chez le bceuf(7e jour). A : Cultures pures. B : Broyai
de croûtes maladie naturelle. C : Broyat de croûtes d’une lésion expérimentale du lapin.
Fig. 4. - Sireptothricose. - Lésions expérimentales chez le bœuf (21e jour).
135

Fig. 5. - Streptot:lricose. - Lésions expérimentales chez le bouc (15e jour).
L
Fig. 6. - Streptothricose. - Lésions expérimentales chez le lapin (18’ jour).
1 3 6

Chez la chèvre et le mouton
facilement, de même que le retour sur bovin.
Aucune immunité n’a pu être mise en évidence.
Nous étudions sous la même rubrique ces
Le mouton présente la même réceptivité aux
deux espèces animales car leur sensibilité nous
souches d’origine bovine qu’à celles d’origine
est apparue à peu près identique.
ovine.
Ce sont d’excellents animaux d’expérience
Tous les auteurs qui ont essayé la transmis-
et leur réceptivité est constante. Toutefois les
sion sur cet animal ont obtenu des résultats ana-
variations individuelles existent et influent sur la
logues, même sans avoir recours aux scarifica-
durée d’évolution et sur l’intensité des lésions.
tions selon BULL (10) et MASON et BEKKER (7).
Comme chez les bovins, il est indispensable
pour extérioriser le pouvoir lésionnel du germe
Chez le cheval ef le mulet
de provoquer des microlésions cutanées.
Les résultats sont identiques, que l’on emploie
Ces animaux se sont révélés assez peu récep-
des broyats de croûtes de bovins malades ou des
tifs vis-à-vis des souches que nous possédons.
cultures pures.
L’évolution fut rapide et huit à dix jours après
L’évolution est nettement plus longue que chez
l’inoculation toute trace de lésion avait disparu.
le bceuf et les croûtes qui sont généralement
L’érythème des premiers jours est nul, et les
plus épaisses persistent souvent plus d’un mois.
réactions dermiques peu apparentes ; de fines
La guérison n’est pas uniforme : alors qu’en cer-
croûtes se développent seulement au niveau des
tains endroits le poil repousse après la tombée
scarifications. Elles sèchent et tombent en huit
des croûtes, en d’autres points ces dernières
jours.
restent encore fortement attachées à la peau et
Le microorganisme est cependant retrouvé
ne se déssèchent que beaucoup plus tard.
régulièrement dans les croûtes.
Nous avons pu noter chez certains animaux
STABL EFORTH (38) puis MOULE ET SOU-
une tendance à l’extension des lésions, de plu-
THERLAND (39) décrivent une maladie natu-
sieurs centimètres au-delà de la zone scaritÎée
relle chez le cheval, HUDSON (5) la signale
mais jamais nous n’avons obtenu une générali-
aussi au Kenya. Cet animal est d’autre part cité
sation qui ait simulé la maladie naturelle.
comme expérimentalement réceptif par certains
Les lésions sont assez peu différentes de celles
auteurs parmi lesquels BULL (10) aurait obtenu
obtenues chez le boeuf. Au début toutefois,
des lésions sévères et desquamantes, avec des
l’érythème et l’oedème dermique sont plus
souches isolées de « lumpy wool » du mouton.
intenses, très sensibles à la palpation ; leurs
limites ne sont pas très précises et la transition
Chez le lapin
avec la peau saine se fait par l’intermédiaire
de papules d’abord coalescentes puis isolées. La
Le lapin est l’animal expérimental de choix
croûte s’épaissit rapidement et atteint un centi-
pour la streptothricose, sa réceptivité bien que
mètre à un centimètre et demi d’épaisseur vers
sujette à des variations individuelles est cons-
le IOe jour. Un certain prurit se manifeste incon-
tante, quel que soit le matériel utilisé et assez
testablement et l’animal cherche à se gratter et
élevée pour se manifester avec des broyats
à mordre la région inoculée. LALL et RAJAGO-
pauvres en germes.
PALAN (13) l’ont également observé sur les
II a de plus l’avantage de s’épiler facilement en
lésions de la maladie naturelle. Puis la croûte
donnant de petites érosions épidermiques géné-
se craquelle et le sang peut sourdre par les inters-
ralement suffisantes au développement ultérieur
tices des crevasses.
de la lésion, sans avoir recours aux scarifica-
L’arrachement accidentel ou volontaire dé-
tions.
couvre un épiderme congestionné et sanieux
La durée moyenne de l’évolution est de
dont les papilles sont encore plus hypertrophiées
21 jours, mais il n’est pas rare de trouver des
que chez les bovins, et le germe est toujours
lapins porteurs de croûtes adhérentes 45 jours
retrouvé en abondance sous toutes ses formes à la
après l’inoculation, tandis que certains autres
face interne des croûtes.
sont totalement guéris en une quinzaine de jours.
Le passage de mouton à mouton s’effectue
On peut faire des passages de lapin à lapin
1 3 7

sans modification de virulence, tout au moins
L’évolution de la lésion a éié suivie par biopsies
pour le nombre restreint de passages, une dizaine
pour étude histopathologique et par frottis pour
successifs, que nous avons effectué. II est possible
détermination bactériologique.
ensuite de repasser sur la chèvre, le mouton ou
La lésion expérimentale présente une image
le bœuf sans difficulté.
histologique identique à la lésion naturelle et
Le germe est toujours retrouvé en abondance
la papule résultant de l’inoculation par simple
à la face interne des croûtes sous toutes ses
piqûre du derme avec une aiguille infectée est
formes classiques.
semblable à la papuple naturelle. Or cette
Le lapin, par sa sensibilité et sa facilité de
papule, bien qu’assez étendue, ne renferme que
manipulation, peut être d’autre part un inter-
peu de germes, localisés généralement en un
médiaire très utile pour l’isolement des souches,
seul endroit, vraisemblablement au point d’ino-
lorsque celui-ci est rendu délicat du fait de la
culation. Ce n’est qu’à un stade ultérieur du déve-
présence de souillures nombreuses (mauvais
loppement de la lésion que l’on obtient un feu-
prélèvement, infections secondaires fréquentes,
trage extrêmement dense du microorganisme.
ou pauvreté en germes des croûtes sèches pro-
Cette apparente discordance s’explique par le
venant de lésions non évolutives). II est alors
fait que dans le derme où siège la lésion, les mas-
recommandé de faire un passage sur lapin après
tocytes sont en nombre inférieur à celui de la
broyage des croûtes et d’effectuer l’isolement
peau saine avoisinante et ne possèdent souvent
sur !es lésions spécifiques qui se sont dévelop-
qu’une quantité faible de granulations. Ceci
pées.
montre qu’il y a eu libération d’histamine ou
Les lésions ne présentent que peu de différence
d’héparine, qui toutes deux peuvent entraîner
avec celles obtenues chez le bœuf et le mouton.
les perturbations capillaires décrites dans I’his-
L’œdème cutanée accompagné d’érytheme
est
tologie de la papule et peuvent même détermi-
proportionnellement plus important encore que
ner un certain prurit, L’importance de cette réac-
chez le mouton. II est toujours très sensible à la
tion initiale proportionnellement à la quantité
palpation. Surcertains animaux particulièrement
relativement restreinte de germes nous amène à
réceptifs, il peut être légèrement envahissant. La
envisager l’existence soit d’un pouvoir toxique
croûte qui se forme s’épaissit rapidement et
de cet agent (exo ou endotoxine que nous cher-
atteint 3 à 10 mm d’épaisseur entre la 2e et la
chons à mettre en évidence), soit d’un agent
3e semaine d’évolution.
pathogène associé non encore mis en évidence
La lésion est prurigineuse et le lapin se gratte
jouant un rôle dans le développement de I’affec-
et essaie souvent avec succès d’arracher ses
tien.
croûtes en se frottant aux parois de sa cage. Une
Comme le boeuf, le lapin n’est pas immunisé
nouvelle croûte se forme aussitôt, présentant les
après une première infection expérimentale,
mêmes caractéristiques que la précédente.
même très étendue. Toutefois, lors de la ré-ino-
Le derme sous-cutané est congestionné, œdé-
culation après guérison, on constate une évolu-
matié, fragilisé et par suite facilement hémor-
tion plus rapide des lésions, et les symptômes
ragique. Ses papiiles sont aussi très fortement
locaux sont plus frustes, même si on expéri-
hypertrophiées. La croûte dont la face interne
mente sur une région cutanée différente de la
présente autant de cratères que le derme de
première. A la troisième inoculation, on peut
papilles, est recouverte d’un léger enduit pul-
faire des constatations comparables mais nous
tacé dans lequel le germe se retrouve en abon-
n’avons jamais rencontré de sujet devenu tota-
dance.
lement réfractaire. TOUS les auteurs n’obtiennent
II est cependant important d’attirer ici I’atten-
pas les mêmes résultats. si THOM~SON (16)
tion sur un fait qui a été particulièrement étudié
n’observe ni immunité ni même de diminution
chez le lapin, mais qui s’observe aussi bien chez
de réceptivité, en 1934, au Kenya (21), il a été
le bœuf dans les lésions naturelles ou expéri-
constaté un haut degré d’immunité après une
L
mentales que chez les autres animaux d’expé-
première attaque et BOCK (19) ne peu+ obtenir
rience, c’est la discordance entre l’importance
aUCUne léSiOn SUT des lapins guéris ayant déjà
de la lésion initiale (papule) et lu rareté à ce
fait des lésions, ; enfin STABLEFORTH (38)
stade de l’agent causal.
emploie letest d’immunité croisée sur lapin pour
138
*

Fig. 7. - Streptothricose. - Lésions expérimentales chez l’homme : 7 jours après inoculation
par scarifications.
comparer sa souche équine ,à une souche bovine
Chez la souris blanche et le rat blanc
du Kenya. Ces faits sont troublants mais pour
pouvoir comparer valablement ces résultats appa-
Ils sont aussi peu réceptifs l’un que l’autre et
remment discordants il faudrait connaître les
pourraient même être considérés comme résis-
diverses techniques qui ont été utilisées.
tants. Les lésions sont frustes mais univoques.
L’unanimité est cependant presque totale en
Ce sont de mauvais animaux d’expérience en
matière de streptothricose. MASON et BEK-
.
ce qui concerne le caractère réceptif du lapin,
seul REID (23), qui obtient des résultats excellents
KER (7), REID (23) HARRIS (15) et THOMP-
sur bovins, trouve le lapin résistant ainsi qu’HAR-
SON (16) les trouvent résistants.
RISS (15) qui n’a pu provoquer de lésion sur cet
animal.
Chez le rat de Gambie (Cricetomys gambionus)
Chez le cobaye
Même observation que pour le rat blanc,
Le cobaye s’est révélé peu sensible vis-à-vis
de nos souches. Ses lésions restent bénignes et
Chez la poule
évoluent en 7 à 8 jours. On ne constate prati-
La poule est totalement résistante ; aucune
quement pas d’érythème dermique. Les croûtes
lésion ne peut être obtenue. Et lorsqu’une croûte
ne se forment qu’aux endroits scarifiés et
se forme le germe y est très rare et en voie de
tombent rapidement. L’hypertrophie papillaire
dégénérescence.
I
est nulle.
Le microorganisme est néanmoins retrouvé
Chez l’homme
dans les croûtes sous ces formes évolutives.
.
Le cobaye est d’autre part un animal très ner-
II est intéressant de connaître la réceptivité de
veux qui se gratte et se frotte aux parois de sa
l’homme et dans l’affirmative la sensibilité de la
cage. II se débarrasse ainsi rapidement de ses
lésion.
croûtes qui sont peu adhérentes et friables.
Des scarifications sont effectuées sur I’avant-
II
Certains auteurs, REID (23) HARRIS (15),
bras de l’un de nous et badigeonnées avec une
THOMPSON (16) le trouve totalement résistant.
culture pure. A la fin du 2e jour un discret prurit
.
1 3 9
10

RESUMEN
La streptotricosis cuthnea. 1. Estudio de la enfermedad natural y experimental de 10s b6vidos.
Con el nombre de streptotricosis cuttinea, 10s autores estudian las enfermedades cutaneas con
evolucih subaguda, cr6nica o latente, estacionales, apiréticas, comunes a varias especies animales,
principalmente al buey y al carnero, atacando a 10s animales de toda edad, irregularmente conta-
giosas, parcialmente trasmisibles y segUn parece, debidas a un microorganismo de la familia de
las actinomicetkeas. Se caracterizan, principalmente, por reacciones de hiperqueratosis al nivel de
las lesiones, que tienden a invadir progresivamente toda la superficie del cuerpo, asi como por un
enflaquecimiento notable y a veces rapido pr0ximo a la caquexia, La curacion no proporciona
immunidad alguna.
En este primer articula, 10s autores estudian esta afeccion en las especies naturalmente recep-
tibles y particularmente en 10s b6vidos.
La distribution geogt%fica y 10s factores que favorecen su desarrollo son examinados y discu-
tidos al igual que 10s sintomas clinicos y las lesiones de la enfermedad natural. La reproduction
experimental de las lesiones en 10s diversos animales de laboratorio es expuesta y comentada.
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