PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. - Lymphotropisme et migration...
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. - Lymphotropisme et migration de Myco-
plasma mycoïdes, agent de la péripneumonie contagieuse bovine, dans les
lymphatiques périphériques. Note (*) de MM. JEAN ORUE, GE~RC;ES L3IÉ~~~~
et GEORGES TIIIÉRY, présentée par M. Clément Bressou.
La lymphangiographie directe superficielle révéle la richesse du réseau lympha-
tique dermique des bovins de l’Ouest-Africain. Le lymphotropisme et la rapidité
de la migration lymphatique de M. mycoïdes, qui est demontrée, expliquent l’inno-
cuité constatée des inoculations virulentes intra-dermiques.
L’injection sous-cutanée d’une souche virulente de Mycoplasma mycoïdes
provoque, chez les bovins réceptifs à la péripneumonie, un œdème enva-
hissant au point d’inoculation entraînant la mort (phénomène de
Willems) (‘). Lors d’injection intra-dermique aucune réaction ne se produit,
cependant l’immunité obtenue n’en est pas moins solide (“). L’étude précise
du devenir de ce micro-organisme, après son injection parentale, a été
envisagée pour expliquer l’innocuité et l’efficacité de cette méthode.
Nous nous proposons dans cette Note, d’une part, de confirmer l’impor-
tance du réseau lymphatique dermique des bovins, par lymphangiographie
superficielle directe et, d’autre part, de démontrer la migration rapide de
1M. mycoi’des du, point d’inoculation intra-dermique vers les relais ganglion-
naires,
qui supprime son immobilisation temporaire lors d’injection
sous-cutanée, dans le conjonctif lâche.
MATÉRIEL. - Colorant : Bleu de méthyle (triphényl-p-rosalininetrisul-
fonate de sodium) en solution saturée dans du sérum physiologique glucosé.
Culture : Souche de &‘. mycoïdes adaptée à l’œuf embryonné (T 3),
choisie à la fois pour son adaptation qui permet une culture in vitro facile
et pour sa virulence encore suffisante pour nos bovins d’expérience.
Bovins : 15 taurins (Bos taurus) réceptifs, à sérologie négative.
METHODES.
- La lymphangiographie superficielle est effectuée par
injection de colorants vitaux lymphotropes, suivant la technique classique
décrite pour la première fois par Hudack et Mac Master (:‘), et adaptée
à l’étude comparée de l’irrigation du derme et du tissu conjonctif lâche
sous-cutané et sous-peaucier.
Nous injectons d’un côté, rigoureusement dans le derme de la région
costale, 2/10 e de millilitre de colorant. De l’autre, symétriquement, à
l’aide d’une sonde, 0,5 ml, dans le conjonctif lâche. Afin d’éviter la diffusion
du colorant dans le derme, au point d’inoculation, une sonde de 2 mm de
diamètre est introduite sous la peau, sur une longueur de 20 cm, et main-
tenue en place pendant toute la durée de l’expérience.
Les observations sont faites 15 mn après l’injection, sur l’animal sacrifié,
par dissection immédiate des régions intéressées.
La migration de .J4. mycoïdes est démontrée par une technique que nous

avons conçue. Nous injectons 4 à 5/10 e dc millilitre de culture dc la
souche T 3 rigoureusement dans le derme au niveau de la ye cote d’un
bovin. Puis, 15 à 20 mn après l’inoculation, nous pratiquons l’cxerèse du
ganglion précrural satellite.
Le ganglion est broyé en sérum physiologique. Cette suspension est
d’abord ensemencée en milieu tryptosé additionné de IO yo de sérum,
puis inoculée à raison de I ml par voie sous-cutanée, à deux bovins réceptifs,
après un séjour de 24 h au réfrigérateur.
RÉSULTATS. - 1. Lymphangiographie. - a. Intra-dermique.
- La
fixation vitale ou atrophagocytose révèle un réseau dermique dense (fig. 1).
i
L’examen histologique met en évidence un réseau superficiel papillaire
constitué par de petites et moyennes fentes lymphatiques, se continuant
à la limite du derme papillaire, par des canalicules nettement déterminés,
qui traversent obliquement le derme planiforme et tendiniforme pour
former finalement un réseau sous-dermique de vaisseaux plus importants.
Macroscopiquement, au point d’injection, sur la face interne du tégument,
on note la présence d’une tache ramifiée, aranéiforme, très localisée, consé-
quence de la diffusion lacunaire du colorant et surtout de son drainage
par le réseau sous-dermique. Des canaux lymphatiques, anastomosés
entre eux, dont les valvules sont visualisées par la substance traceuse,
partent de cette zone, puis se réunissent en un, deux, parfois trois gros
vaisseaux. Ces derniers cheminant à la limite du derme et de l’hypoderme
pour rejoindre le ganglion satellite (ganglion précural), dont le hile est
déjà fortement imprégné de colorant.
b. Sous-cutané. Après injection sous-cutanée effectuée suivant la tech-
nique préconisée, aucun drainage n’est constaté, contrairement à ce qui
est observé après injection intra-dermique. La tache apparaît plus
contrastée, plus régulière et bien délimitée (fig. 2).
L’irrigation lymphatique du conjonctif lâche de cette région est donc
inexistante ou peu importante sur les bovins exempts de lésions récentes
ou anciennes ayant perturbé l’intégrité du réseau lymphatique.

(3)
2. Lymphotropisme et migration de M. mycoïdes. - Apparemment, le
micro-organisme a le même comportement que le colorant; son lympho-
tropisme semble donc exclusif.
La migration s’effectue, également, en moins de 15 mn? et sa présence
au niveau du ganglion est révélée par trois tests différcuts :
- l’adénoculture in vitro est positive;
- l’inoculation de la suspension ganglionnaire aux animaux réceptifs
provoque une réaction locale classique (l’injection symétrique d’une suspen-
sion de ganglion normal est sans effet);
- un phénomène de Willems se développe dans les délais normaux
sur l’animal d’expérience, non au point d’inoculation, mais au niveau de
la plaie operatowe, point d’aboutissement des lymphatiques.
En conclusion, nous avons démontré l’existence chez Ics bovins de
l’Ouest-Africain d’un réseau lymphatique dermique très dense, et confirmé
une nouvelle fois (‘) le lympho-tropisme de k!. mycoi’des. La coexist,ence de
ces deux facteurs favorise la migration très rapide du micro-organisme
vers les ganglions satellites où il est bloqué, et détermine l’innocuité cons-
tatée des inoculations virulentes.
Au contraire, l’absence presque totale d’irrigation lymphatique du tissu
conjonctif lâche, en facilkant la culture in situ de l’agent pathogène, assure
le développement de la réaction locale willemsienne. Ce phénomène se
produit, donc, chaque fois que JI. mycoïdes n’est pas ou n’est plus draîné
par le réseau lymphatique superficiel.
(*) Séance du 8 juin rg6o.
(1) P. MORNET, J. ORUE et L. DIAGNE, Bull. Serv. Elev. Ind. ani., 2, 1949, p. 2.
(2)
J. ORUE et G. MEMERY, Rev. Elev. Méd. Vét. Pays trop., 1960 (sous- presse).
(‘1) S . HUDACK et P. D. RI(: M ASTER, J. Exp. Méd., 57, 1933, p. 751.
(;) J. ORUE, G. MÉMERY et G. TIIIERY , Le lymphotropisme de M. mycoïdes. Son incidence
sur l’immunisation et la pathogénie de la péripneumonie contagieuse bovine, 1960 (sous
presse).
(Laboratoire central de l’élevage (( Georges Curasson +, Dakar.)

c
Extrait des Comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences,
t. 250, p. 40704072, séance du 13 juin 1960.
GAUTHIER-VILLARS,
55, Quai des Grands-Augustins, Paris (69,
Éditeur-Imprimeur-Libraire.
157903
Imprimé en France.