A n n . Rech. V é t (1989)20, 1 5 3 - 1 5 8 ...
A n n . Rech. V é t (1989)20, 1 5 3 - 1 5 8
153
0 ElsevierllNRA
Article de recherche
Formation de syncytia en culture et analyse
i
,
de la composition protéique de plusieurs souches de virus
de l’arthrite et de l’encéphalite de la chèvre (CAEV)
1. Blondin, C. Grillet et Y. Thiogane
Laboratoire de recherches sur la Pathologie des Petits Ruminants, INRA, Ecole Nationale Vétéri-
naire de Lyon, BP 31, 69752 Charbonnières Cedex, France
(accepté le 7-5-i 988)
Résumé - La capacité à former des syncytia sur diverses cultures cellulaires de chèvre et de mou-
ton a été étudiée pour 9 souches de virus de l’arthrite et de l’encéphalite de la chèvre (CAEV) iso-
lées soit à partir de lésions, soit a partir de tissu normal de chévre. Leur composition protéique a été
déterminée par électrophorèse sur gel de polyacrylamide. Toutes les souches de CAEV avaient une
grande affinité pour les cellules de membrane synoviale de chèvre. Toutes les souches pouvaient se
répliquer in vitro dans des monocytes de chèvres et produisaient plus de syncytia sur les cellules
cultivées à 39°C. Deux souches ne formaient pas de syncytia sur les cellules de cornet nasal de
chèvre. Une souche provoquait la lyse de toutes les cellules de chèvre testées et non celle des cel-
lules de mouton. Cependant, aucune différence significative du profil électrophorétique n’a pu être
observée entre ces souches.
arthrite - encéphalite - caprin - ovin - CAEV - syncytia - composition protéique - cul-
ture cellulaire
Summary - Syncytia forming activity of different caprine arthritis encephalitis virus (CAEN)
strains in goat and sheep cell cultures.The syncytia forming activity of 9 caprine arthritis ence-
phalitis virus (CAEV) strains isolated from lesions or normal goat tissue was evaloated in vitro. No
discrepancies were seen between the structural proteins of the 9 strains by gel electrophoresis.
Goat synovial membrane cells were the most susceptible to the 9 CAEV strains. Goat monocytes in
culture were susceptible to all the strains tesfed. At 39 OC, all the strains produced more syncitial
lesions. In nasal turbinate Ce//s, 2 sfrains did not form syncytia; one strain induced lysis of all the
goat cells used.
arthritis - encephalitis - caprine - ovine - CAEV - syncytia - protein composition
Introduction
vreaux des symptômes de paralysie
ascendante et, chez les adultes, une
Le virus de l’arthrite-encéphalite de la
arthrite évoluant chroniquement associée
,.k,L.s,rrr ,PAC\\,\\ ,.-& ,,- ,^-A:.*: . . ..^ “A& _^.. :“..^
___ ___ : ..-- --- . . . :- -.
. .

154
1. Blondin et a/.
centage de caprins sérologiquement posi-
Matbriel et Méthodes
tifs ne présente pas de symptômes cli-
niques (Narayan et a/., 1980). Cette étude
a pour but de relier les variations de I’ex-
Virus
pression clinique de l’infection à des diffé-
Virus CAEN Huit souches proviennent des
symptômes cliniques : 6 isolées d’articulations;
rences entre les souches isolées. Nous
2 de poumons.
avons donc comparé neuf sou’ches de
Une souche est issue d’un virus qui s’est
CAEV isolées à partir de lésions ou de
manifesté brutalement dans une lignée de cel-
tissu normal, en utilisant camme critère
lules articulaires, plusieurs mois apres I’explan-
de différenciation la capacité de ces
tation (Tableau 1).
souches à former des syncytia sur des
La recherche d’une activité transcriptase a
cultures cellulaires de chèvre et de mou-
été effectuée et permet d’affirmer que toutes
ton, pour savoir s’il existe une cellule-cible
ces souches sont des rétrovirus.
plus sensible au virus in vitro, et si l’effet
Virus maedi-visna. La souche de reférence
Ki 514 qui se réplique selon un cycle lytique sur
cytopathogène
observé en
culture
des cellules de mouton et de chèvre a été utili-
dépend de la nature de la cellule infectée
sée.
et de l’organe d’origine.
La formation de syncytia résulte d’une
Sérum
interaction entre les glycoprotéines d’en-
Un sérum de chevre positif en test ELISA et
veloppe virale et la membrane cellulaire.
précipitant en gelose (Vitu et a/., 1982) vis-a-vis
De plus, le réarrangement structural des
d’un antigène CAEV est utilise pour révéler les
glycoprotéines d’enveloppe peut expliquer
protéines virales séparées par électrophorese.
la variabilité antigénique observée au sein
des lentivirus. Nous avons donc étudié la
.Cultures cellulaires
structure protéique de ces souches
L’isolement et la propagation des virus sont
virales par électrophorèse.
effectuées en culture de membrane synoviale
Tableau 1. Particularités des différentes souches de CAEV
Souche no
Origine
Expression du virus
Nombre de passages
tissulaire
délai a (il
en culture b
1 2
Liquide articulaire 40
10
1 7
Articulation
2 8
10
1 8
Articulation
2 3
2 0
3 2
Poumon
1 5
3
4 3
Articulation
-
1 0
7 8
Articulation
41
3
8 0
Articulation
41
3
3.39
Poumon
-
1 0
3 1 1 2
Articulation
9 0
1 0
a Moment d’aooaritian des fusions cellulaires an& la mise en culture des tissus infectés : isolement du virus.

Wtrovirus de chèvre : fusion cellulaire
155
de chèvre établie en milieu de Eagle (MEM)
d’un virus à l’autre. Par contre, à la dose
supplémentée avec 10% de s&uti de veau
d’inoculation utilisée (100 DITCSO),
les
fœtal et des antibiotiaues (o~nicilline 100 UI.
streptomycine 100 mgiml). i’es souches virales
cellules de cornet nasal de chèvre sont
produisent des cellules géantes multinuclées
moins sensibles à 2 virus : la souche 78
par fusion des cellules infectbes. La sensibilité
bien que se répliquant, ne forme pas de
aux virus d&erminbe par l’inoculation de doses
syncytium et la souche 80 n’infecte pas
infectant les cultures de tissu (DIT$O) est
ces cellules. Ces 2 virus n’ont subi qu’un
recherchée pour différents types de cellules
d’origine caprine : cellules d’articulation, cel-
faible nombre de passages en culture. La
lules synoviales, cornet nasal, plexus choroïde,
souche 3112 induit la formation de fusions
monocytes et plexus choroïde de mouton en
cellulaires massives intéressant plusieurs
culturé; ces cellules ont été obtenues par
dizaines de cellules et provoque une lyse
explantation de tissu de foetus ou d’animaux
très jeunes. La fusion des cellules permet de
du tapis cellulaire. Toutes les souches de
déceler la présence du virus et d’effectuer des
CAEV se multiplient dans des monocytes
titrages en milieu liquide.
en culture (5 à 7 jours), même si elles
sont peu adaptées à la culture in vitro,
sans provoquer de I&ion visible.
Concentration des virus
Les surnageants de culture infectbe sont centri-
fugés 20 min à 2 000 x g à 4°C pour éliminer
Sensibilité des cellules de plexus choroï-
les débris cellulaires puis filtrés sur filtre Millipo-
de de mouton
re 0,45 pm. Ensuite, les virus sont concentrés
par précipitation au polyéthylène glycol (PEG)
à 300 S/I dans du chlorure de sodium 4 M ou
Nos souches se distinguent de la souche
par centrifugation sur gradient de saccharose
de référence maedi-visna K1514. En effet,
(1565%) sur rotor SX41 Beckmann à 4°C pen-
dant 11 h à 36 000 x g.
cette souche provoque la formation de
syncytia sur les cellules de plexus choroï-
de de mouton. Les diverses souches de
Electrophorèse, Immunodétection après
CAEV se répliquent dans les mêmes cel-
transfert (Western blot)
lules sans provoquer ni syncytia, ni lyse
Les protéines virales sont séparées par électro-
du tapis cellulaire.
phorèse verticale monodimensionnelle sur gel
de polyacrylamide (PAGE) en milieu dbnaturant
(sodium dodecyl sulfate, SDS) selon le systè-
Influence de la température
me de Laemmli (1970) et sont r&él6es apn3.s
transfert sur membrane de nitrocellulose par un
sérum anti-CAEV (Kyche-Andersen, 1984).
Pour toutes les souches de virus, le
nombre de syncytia observé au 4e jour
d’incubation double au 6e jour, et cela, à
37 et à 39%, indépendamment de la
Résultats
nature des cellules infectées. Pour la
souche 18, le nombre de foyers syncy-
Sensibilité des différentes cellules de
tiaux et la quantité de virus produit aug-
chèvre
mentent avec la température.
Electrophorèse : immunodétection après
Les cellules de membrane synoviale, d’ar-
transferf
ticulation et de plexus choroïde de chèvre
sont infectées par les différentes souches
-
^

156
1. Blondin et a/.
tern blot permet de distinguer les pro-
des cellules de chèvre en culture a permis
téines appartenant à la nucléocapside
de confirmer que toutes les souches de
(~14, ~16, ~19, p28 et ~45) et les pro-
CAEV ont une grande affinité pour les cel-
téines constituant l’enveloppe (~70, p92
lules de membrane synoviale de chèvre,
et ~135). Une bande correspondant à une
qu’elles peuvent se répliquer dans des
protéine 35 kDa apparaît régulièrement et
monocytes de chèvre en culture et
semble être d’origine cellulaire.
qu’elles produisent plus de syncytia quand
Après purification par centrifugation,
les cellules sont cultivées à 39°C.
seules persistent les protéines de la
Pour comparer les diverses souches
nucléocapside. L’utilisation d’un sérum
de virus, nous avons évalué leur capacité
spécifique du virus visna révèle l’antigène
à former des syncytia et à produire du
p28 du CAEV.
virus dans plusieurs catégories de cellules
de chèvre et de mouton. Ces critères
nous ont conduit à distinguer 3 sortes de
Discussion
souches : les souches qui ont le même
comportement sur les différents systèmes
cellulaires testés et qu’on ne peut différen-
La comparaison de 9 souches de CAEV
cier les unes des autres; les souches 70
pour leur capacité à provoquer la fusion
et 80, peu adaptées à la culture in vitro
Fig. 1. Electrop~orèse SIX-PAGE. Gel à 8% en bis-acwiamide. Révélation oar imrnunodétection

Rétrovirus de chèvre : fusion cellulaire
157
qui ne forment pas de syncytia sur les cel-
virus localisés dans les phagocytes
lules de cornet nasal de chèvre alors que
mononucléés et qui, dans certains cas,
les souches adaptées produisent des
font apparaître des signes cliniques. Chez
fusions importantes; la souche 3112 qui
le mouton, le rétrovirus le plus souvent
se réplique selon un cycle lytique sur les
rencontré est le maedi-visna dont la
cellules de chèvre et non sur les cellules
souche la plus connue est la souche
de mouton. On distingue classiquement
K1514. Mais les souches responsables
parmi les rétrovirus des petits ruminants
ou isolées de pneumonie progressive des
les virus visna maedi qui provoquent la
ovins d’Amérique du Nord sont bien dis-
formation de syncytia et la lyse des cel-
tinctes de la souche de référence K1514.
lules de plexus choroïde de mouton
Les souches de rétrovirus isolées chez la
(Narayna et a/., 1982; Querat el a/., 1984)
chèvre (pneumonie, arthrite, mammite)
et les virus CAEV qui n’ont pas cette acti-
sont des virus de type CAEV qui sont dis-
vité. Mais, Klevjer-Anderson et Cheevers
tinctes de la souche K1514 (maedi-visna
(1981) et Russe (1984b) ont démontré
virus) mais possèdent de nombreux ca-
que les souches de CAEV peuvent se
ractères qui les rapprochent des souches
répliquer dans les cellules ovines en for-
de pneumonie progressives des petits
mant des syncytia : ceci ne vaut sans
ruminants. On peut alors se demander s’il
doute pas pour toutes les souches dans
est légitime de distinguer deux groupes,
tous les systèmes (Barban ef a/., 1984) et
maedi-visna et CAEV, parmi les rétrovirus
peut tenir au niveau d’adaptation de la
qui infectent les ovins et les caprins.
souche considérée à la culture in vitro. La
souche 3112 qui provoque la fusion des
cellules de chèvre et la lyse du tapis cellu-
Références
laire se distingue bien des autres souches
isolées de lésions spécifiques de I’infec-
tion. Cette souche 3112 est la plus viru-
Barban Y., Querat G., Sauze N., Filippi P.,
Vigne R., Russo P. & Vitu C. (1984) Lentivirus
lente in vitro et provoque des lésions lors
are naturally resident in latent form in long-term
de l’inoculation intra-articulaire chez le
ovine fibroblast culture. J. Gen. Virol. 52. 680-
chevreau; elle a pour origine des tissus
6 8 2
sains ne présentant aucune lésion appa-
Klevjer-Anderson P. & Cheevers W.P. (1981)
rente. Malgré son activité lytique, cette
Characterization of the infection of caprine
souche doit plutôt être considérée comme
synovial membrane cells by the retrovirus
caprine arthritis-encephalitis virus. Virology
une souche CAEV que comme une
110,113-119
souche maedi.
Kyche-Andersen J. (1984) Electroblotting of
Par électrophorèse, aucune différence
multiple gels : a simple apparatus without buf-
n’apparaît entre les souches de virus
fer tank for repid transfer of proteins from poly-
étudiés mais nous n’avons pas déterminé
acrylamide to nitrocellulose. J. Biochem. Bio-
phys. Methods 10,203-208
exactement les protéines uniquement
Laemmli U.L. (1970) Cleavage of structural
d’origine virale : la quantité de virus n’est
proteins during the assembly of the head of
pas toujours suffisante et le sérum utilisé
bacteriophage T4. Nature 227,680-685
provient d’un animai séropositif qui recon-
Narayan O., Clements J.E., Strandberg J.D.,
naît les protéines virales mais aussi des
Cork L.C. & Griffin D.E. (1980) Biological cha-
protéines d’origine cellulaire.
racterization of the viruses causing leukoence-
phalitis and arthritis in goats. J. Gen. Viol. 50,
Ces résultats montrent que l’on peut
69-79

158
1. Blondin et a/.
Slow virus replication : the rote of the macro-
Russe P. (1984b) Les affections à virus lents
phages in the persistence and expression of
chez la chèvre. In : Les Maladies de /a
visna virus of sheep and goats. J. Gen. V~O/.
Chèvre, Niort 9-17 octobre 1984. Les Colloques
59, 345-356
de I’INRA, INRA, Paris, 28,621-638
Querat G., Barban V., Sauze N., Filippi P.,
Russe P. & Vitu C. (1984) Highly lytic and per-
Vitu C., Russo P., Filippi P., Querat G. & Giauf-
sistent lentivirus naturally present in sheep with
fret A. (1982) Une technique ELISA pour la
progressive pneumonia are genetically distinct.
detection des anticorps ami-virus maedi-visna.
J. Gen. Virol. 52, 672-679
Etude comparative avec I’immunodiffusion en
Russe P. (1984a) Virus de l’arthrite encéphalite
gelose et la fixation du complément. Camp.
caprine. Ann. Rech. Vét. 15,3-6
Immun. Microbiol. Infect. Dis. 5, 469-481