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&III. Org. mond. Santé \\ ,961 25 459-466
Bull. WZd Iflth Org. 1
’ ’
Epidémiologie de la bilharziose vésicale
au Sénégal oriental
Observations sur l’écologie de Bulinus guernei et de Bulinus senegalensis
S. GRETILLAT 1
Situé au nord de la Haute-Gambie, le Sénégal oriental, région boisée, sablonneuse
et sans cours d’eau pérennes, ne possède comme points d’eau de saison sèche que des bas-
fonds de marigots, des mares non permanentes et des étangs alimentés par des sources.
Bulinus guernei et Bulinus senegalensis sont les seuls gastéropodes d’eau douce présents
dans ces collections d’eau.
Dans cette région, où règne une haute endémicité bilharzienne, seul B. guernei a été
trouvé infesté par des formes larvaires de Schistosoma haematobium. Introuvable dans
les mares non pérennes, il est très abondant dans les étangs permanents, qui sont autant
de foyers d’infestation.
La lutte antimollusques dans ces points d’eau isolés, sans communication avec les
ruisseaux de la région, même en saison des pluies, et où est assurée la survie de B. gnernei
au cours de la saison sèche, permet d’espérer une baisse considérable de l’endémicité
bilharzienne dans cette région du Sénégal.
INTRODUCTION
Le Sénégal oriental est une contrée à relief pra-
tiquement nul, sèche et boisée, ou les seuls cours
A la demande du Service des grandes Endémies
d’eau sont des marigots affluents de la Gambie,
du Ministère de la Santé et des Affaires sociales de
ne coulant que pendant la saison des pluies de juin
la République du Sénégal, le Service d’Helmintho-
à octobre.
logie du Laboratoire national de Recherches vétéri-
En dehors de cette période, les rares points d’eau
naires à Dakar fut chargé, en novembre 1960 et
existants, sont des bas-fonds de marigots plus ou
février 1961, d’une enquête malacologique dans la
moins vaseux, et des mares pérennes ou non pé-
région de Tambacounda (Sénégal oriental).
rennes très éloignées les unes des autres. Chaque
Dans cette partie du Sénégal (fig, l), où les cas
village possède en général son puits dont la profon-
de bilharziose vésicale humaine sont fréquents, il
deur varie de 40 à 70 mètres.
s’agissait de reconnaître et de déterminer le ou les
Un certain nombre de mares et de marigots placés
mollusques d’eau douce hôtes intermédiaires de
de part et d’autre de l’axe routier Kaolack-
Schistosoma haematobium (Bilharz, 1852), les points
Tamba-Counda (Route fédérale no 1 Dakar-Bamako),
d’eau où avait lieu l’infestation des malades, et
entre les agglomérations de Senthiou-Maleme et
éventuellement les possibilités pratiques de leur
Koumpentoum ont été visités (fig. 2).
destruction dans le cadre d’une action d’ordre pro-
phylactique. Cette dernière question ne pouvait être
PLAN DE TRAVAIL
résolue que par l’étude sur le terrain de certains
facteurs écologiques, notamment ceux assurant la
Les travaux devaient porter sur les points suivants:
pérennité des espèces vectrices au cours de la saison
1. Prospection et recherche des mollusques d’eau
sèche.
douce existant dans les mares et les marigots.
2. Détermination et évaluation approximative de
* Chef du Laboratoire d’Helminthologie, Laboratoire
la densité malacologique par mètre carré de gîte, et
national de Recherches vétérinaires de Dakar, République
- du Sénégal.
par espèce.
1052
- 459 -
s

460
S. GRETILLAT
FIG
RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL
* La partie hachurée indique la région représentée à la figure 2.
3. Evaluation de la densité des pontes.
Le tableau (pp. 462-463) donne pour chaque gîte
4. Nature des substrats sur lesquels sont fixés les
prospecté les caractéristiques générales ainsi que la
mollusques et leurs pontes.
nature et le genre d’infestation des gastéropodes qui
y ont été récoltés.
5. Nature de la végétation aquatique, du sol, et
du fond de chaque gîte.
RÉSULTATS OBTENUS SUR LE TERRAIN
6. Renseignements pris sur place pour établir le
type de chaque point d’eau:
Observations d’ordre hydrologiqrrc
a) Affluent de la Gambie pendant la période plu-
Fin novembre, beaucoup de mares non perma-
vieuse, ou n’ayant aucune communication avec
nentes sont sèches et leur fond argileux est jalonné
les ruisseaux de la région.
de crevasses de plusieurs centimètres de large. Les
endroits où nous avons trouvé des mollusques d’eau
b) Date approximative à laquelle se produit éven-
douce sont de deux types:
tuellement le déssèchement.
a) Des points d’eau non permanents (mares dis-
7. Mesure approximative du pH de l’eau du gîte
paraissant au cours de la saison sèche et formées
(à l’aide de papier indicateur).
par l’accumulation des eaux de pluies dans une
8. Mesure de la température de l’eau en indiquant
dépression naturelle à fond plus ou moins imper-
l’heure de la mesure.
méable) (mares de Kisengi, Pete, Paldas), ou col-
9. Dissection des mollusques récoltés pour l’éta-
lections d’eau dans les bas-fonds d’un ruisseau et
blissement du genre et du pourcentage de leur infes-
qui finissent par tarir vers les mois de janvier ou de
tation par des formes larvaires de trématodes.
lévrier, mais parfois beaucoup plus tôt (marigots de
L’itinéraire des prospections fut établi de telle
Koussanar et de Senthiou Maleme).
sorte que les dissections furent effectuées en général
b) Des points d’eau permanents alimentés par
le lendemain de la récolte des bulins.
une source et qui conservent, jusqu’au début de la

BILHARZIOSE VÉSICALE AU SÉNÉGAL ORIENTAL
461
F I G . 2
SÉNEGAL ORIENTAL - RÉGION OUEST DE TAMBA-COUNDA,
AVEC EMPLACEMENTS DES GITES A MOLLUSQUES PROSPECTÉS
saison des pluies, un peu d’eau ou de vase encore
Observations d’ordre hydrobiologique et écologique
humide. Ces mares qui occupent une superficie de
Elles découlent des précédentes. La végétation
plusieurs hectares pendant les grandes pluies de juin
aquatique varie suivant le régime hydraulique de
a octobre, ne sont plus représentées début décembre
chaque point d’eau. Alors que les lentilles d’eau
que par une ou plusieurs flaques de l-2 m de pro-
(Lemna) sont abondantes dans toutes les mares, les
fondeur et de 20-100 m de diamètre. A l’époque
nénuphars (Nymphaea) n’existent que dans les per-
des plus basses eaux, il n’existe plus dans le centre
manentes. Cette plante semble, en effet, avoir besoin
de la mare que quelques excavations plus ou moins
d’un endroit humide (source), pour assurer sa péren-
profondes, à fond très vaseux, communiquant avec
nité d’une saison à l’autre. Les lentilles d’eau sont,
une nappe d’eau souterraine où se réfugient quelques
par contre, capables de survivre pendant toute une
_
crocodiles (constatations faites en février).
saison sèche dans la vase désséchée, pour envahir la

462
S. GRETILLAT
CARACTÈRES DES GfTES ET TYPES
----F---.- - i Visite
E a u
Gîtes
Type du gîte
~- -.
U s a g e s
Végétation
F o n d
i-
d a t e
temp.
I PH.
_
-
A
-
-~~- ----.--_ A.
.._~
_
..~-
l
marigot non
25.X1.60
2 5 ° C
6
abreuvoir
nulle
boue
permanent
v a s e
-
--.....---

~
I I
marigot non
25.X1.60
1 8 h
2 5 ° C
‘52
abreuvoir
nulle
boue
permanent
v a s e
-.~-
-~
-
I
III
mare permanente
26.X1.60
15h 30°C
6
bain, boisson,
dense
v a s e
lessive, abreuvoir
lentilles d’eau
1
-.‘-
/
.--
.-
-~
I
I V
mare permanente
27.X1.60 / 9 h
/
20°C
V
bain, boisson,
dense
j
latérite
lessive, abreuvoir
nenuphars
et vase
/

-~-
I
.--~-.
~-----Lp-, l
vj mare non
- 27.X1.60
11 h / 21°C
6
bain, boisson,
dense
i latérite
permanente
lessive, abreuvoir
lentilles d’eau
, et vase
-
/ ~ --._
/
/
--~-
-~
I
V I
mare permanente
27.X1.60
2 5 ° C
6,5
i
bain, boisson,
m o y e n n e
argile
I
ambnagée
lessive, abreuvoir
nknuphars
/ et vase
---.-~_
L1
I
VII
mare non
27.X1.60
2 5 ° C
6
/
bain, boisson
dense
j
latérite
permanente
lessive, abreuloir
lentilles d’eau
;
etvase
l
.-
~-- ---L--.
.----
/
---,. -’
VIII
marigot non
28.X1.60 / 1 6 h
26-C
62
abreuvoir
nulle
I
vase
I
permanent
l
i
et argile
-
IX
marigot non
Ier
1 1 h
24-c
62
bain, boisson,
dense
v a s e
!
permanent
X11.60
lessive, abreuvoir
nénuphars
~

l
I
-i
x l mare permanente
Ier
i 16 h / 24°C
6,5
boisson, bain,
dense
XII.60 1
lessive, abreuvoir
nknuphars et
/

i
1
-----._ lentilles d’eau
-/--
1
I
/
e Pour évaluer la densité des mollusques par mètre carré, il a été procédé comme suit:
Deux surfaces carrées de 5 m de côté sont jalonn&es dans deux endroits choisis du gîte à prospecter. Le même homme récolte
pendant 15 minutes dans chacune des aires ainsi ddlimitées, tous les mollusques visibles en surface et en profondeur. Les récoltes
une fois dénombrées sont divisées chacune par 25. Les deux rkàultats
obtenus et arrondis à un nombre entier donnent le maximum
et le minimum par unité de surface de gite.
mare dès qu’elle se remplit par les pluies. II suffit,
Casamance, Biomphalaria pfeiferi gaudi Ranson et
en effet, de placer dans un aquarium rempli d’eau
Lymnaea caillaudi Bourguignat, manquent (Gretillat,
un bloc d’argile sèche pris dans le fond d’une mare,
1960).”
pour qu’au bout de quelque temps une abondante
Nous avons trouvé B. senegalensis dans toutes les
végétation de lentilles d’eau apparaisse.l
mares, permanentes et non permanentes, sans com-
La faune malacologique de ces gîtes est unique-
munication avec d’autres marigots, même en saison
ment représentée par deux espèces de bulins : Bulinus
des pluies.
guernei Dautzemberg, et Bulinus senegalensis Müller.
En plus ou moins grand nombre suivant les gîtes,
Les autres gastéropodes d’eau douce que l’on
les adultes avec leurs pontes, sont fixés le plus
trouve ailleurs au Sénégal et en particulier en
souvent à des débris de bois en décomposition.
1 Cette expérience a été réalisée plusieurs fois par le Pro-
s Gretillat S. (1960) Rapport d’enyttêtes parasitologiques
fesseur Larivière, de la Faculté de Médecine de Dakar
faires en Cn~a»mnce, Laboratoire Central de l’Elevage, Dakar
.
(communication personnelle).
Sénégal (document non publié).
.

BILHARZIOSE VÉSICALE AU SÉNÉGAL ORIENTAL
463
D’INFESTATION DES MOLLUSQUES RÉCOLTES
Mollusques récoltes
-
Bulinos senegalensis
Gîte
Infe(r$ion
Infe;st&ion
rensité / m2 c
Pontes
support
Denm2é’
Pontes
supporl
0
-
-
.~ ~-~D~- ~--
-
-
-
-
-
.
-
-
-._
5 à 10
absentes
ipFa;rurri
4 Ech.0
1
KOUSSANAR
(

(

)
KoUSSANAR
sbsentes
;;FaIrurri
/ 3 Ech.
l
-
11 Par.c
IL.-.- ! 10
à 50 Nombreuses e;Fayurri
5 Ech.
K I R E N G I
1
4 Str.
-7.-
_-~
50 à 60
nombreuses
nénuphars
7 Sch.d
10 à 15
rares
6 Str.
2 Par.
5 Ech.
/
SILLE
rares
v a s e
2 Sch.
/
là2
rares
nulle
PANAL
1
1
115à20 inombreuses iboispourri ilr/h. y IPALDAS I-
5 à 10
rares
1if:ayurri
négative
1
)
1
,izGY
15 à 30
nombreuses
nénuphars
12 Sch.
1 5 à 1 0
rares
5 Str.
1 BOUN-
/
/
,
, 5 Ech.
TOUNKO
+ de50
nombreuses i $nuphars
/
; $rhr
/
5 à 10
peu
racines
nombreuses
nénuphars
MAKILE
/
rochers
5 Ech.
i
!
I
--.. -i---
a Formes larvaires d’fchinostomidae.
C Formes larvaires de Paramphistomidae.
d Formes larvaires de Schistosoma haematobium.
e Formes larvaires de Strigeidae.
On trouve aussi de très nombreux spécimens posés
secrète, soit sous forme de pontes résistantes à la
sur la vase du fond, mais aussi en surface attachés
dessiccation.
aux lentilles d’eau. Sur les bords désséchés des mares
Quant à B. guernei, il n’existe pas dans les mares
en voie de tarissement nous n’avons jamais remarqué
isolées non perennes.
de coquilles vides de B. senegalensis, pas plus que
Si l’on consulte le tableau 1 donnant les résultats
sur le fond argileux et craquelé des trous d’eau
généraux des prospections, ce mollusque paraît être
récemment taris.
inféodé aux points d’eau permanents alimentés par
Nous supposons, comme d’autres auteurs l’ont
une source et dont la flore aquatique est composée
déjà écrit, Ransford (1948), Gerber (1952), que ce
de nénuphars (mares de Sille, Panal, Makile, marigot
mollusque s’enfonce dans la vase du fond quand
de Bountounko). Dans le cas où on le trouve dans
la mare tarit et qu’il résiste aux dures conditions
des marigots qui s’assèchent complètement, ce sont
de la saison sèche, soit sous la forme adulte, isolé
des points d’eau qui vraisemblablement sont repeu-
de l’extérieur à l’aide d’une cloison protectrice qu’il
plés chaque année à partir de gîtes permanents quand

c
_ ï
464
5.. GRETILLAT
les eaux de la Gambie refluent dans les ruisseaux
des parois de l’aquarium, quand le milieu n’est plus
de la région pendant les grandes pluies de juillet
assez aéré.
et d’août.
Nous avons observé, d’autre part, au cours du
L’écologie de ce mollusque semble donc être
transport de mollusques vivants, que si B. senega-
toute différente de celle de B. senegalensis, surtout
lensis supporte facilement un séjour de plusieurs
en ce qui concerne ses possibilités de résistance aux
jours en milieu presque dépourvu d’humidité,
dures conditions de survie de l’espèce au cours de
B. guernei ne résiste que quelques heures à un tel
la saison sèche. B. guernei serait incapable de résister
traitement. Par contre, si l’on a soin de mettre un
au desséchement
complet d’un gîte, si l’on en juge
peu d’eau dans le fond du récipient, ce mollusque
par les innombrables coquilles vides, grandes et
peut voyager sans dommage, alors que B. senega-
petites, que l’on trouve sur les bords découverts des
lensis meurt dans les 24-36 heures, dès que le milieu
mares à la suite de la baisse des eaux. La conserva-
devient putride.
tion de l’espèce d’une année à l’autre ne semble
Ces faibles besoins en oxygène libre et dissous
donc pouvoir se réaliser que par des exemplaires
expliqueraient pourquoi B. guernei assure sa survi-
restant en état de vie ralentie, soit dans de petites
vance en estivant dans des eaux aussi peu aérées
poches d’eau, soit dans de la vase trcs humide. Ce
et stagnantes que ces t trous à crocodiles )). Par
sont les conditions que présentent les mares perma-
contre, très sensibles à la dessiccation, tous les indi-
nentes de cette région où subsiste même en fin de
vidus qui sont surpris par la baisse des eaux au
saison sèche un trou alimenté par une petite résur-
moment du dessèchement des mares, meurent. Ce
gence.
sont les innombrables coquilles vides que l’on
En février 1961 nous avons trouvé ce mollusque
trouve accumulées dans les petites dépressions du
en très grande quantité sur des débris végétaux
fond des mares, derniers refuges où se sont rassem-
-
immergés, récoltés dans une crevasse de 1,s m de
blés les mollusques avant de mourir.
profondeur, située dans le fond desséché d’une mare
(mare de Makile), et donnant accès à une nappe
R É S U L T A T S O B T E N U S A L A D I S S E C T I O N D E S M O L L U S Q U E S
L
d’eau souterraine.
Bulinus senegalensis
Du point de vue distribution géographique, sa
présence dans des mares aussi isolées que celles de
Sur 643 spécimens disséqués et provenant de six
Pana& Sille et de Makile (voir fig. 2), semble décon-
gîtes différents, il a été trouvé les pourcentages et
certante. Ces collections d’eau ne communiquent en
le genre d’infestation suivants:
période d’hivernage (saison des pluies), avec aucun
Sporocystes et furcocercaires de Strigeidea: 4 TA-
des ruisseaux de la région. Elles sont à plusieurs
10 % (deux espèces)
Rédies et cercaires d’Ecilinost[)nlidac:
5 x-10 %
dizaines de kilomètres de distance dans une contrée
sablonneuse à sol très perméable.
Bulinus guernei
On imagine difficilement comment un mollusque
Sur 1055 exemplaires disséqués, provenant de
tel que B. guernei, pourrait passer d’un gîte dans un sept gîtes différents, on a trouvé les pourcentages
autre, même à l’occasion de pluies torrentielles. Le
d’infestation suivants :
transport d’œufs de mollusques par des oiseaux est
Sporocystes et furcocercaires pouvant être rap-
peu vraisemblable, et si cela est possible on devrait
portées à l’espèce S. haematobium: 2x-8 % suivant
trouver au moins quelques exemplaires de B. guernei
les gîtes
dans certaines mares non permanentes.
Furcocercaires de Strigeidea : 3 %
Pour expliquer une telle distribution il y aurait
Rédies et cercaires d’Echinostomidae:
4 x-5 %
l’hypothèse d’une faune relicte datant d’une époque
Cercaires diplocotyles de Paramphistomidae:
1 “i,
où le Sénégal avait un climat plus humide, mais il
Quoique B. senegalensis soit considéré par certains
existe aussi la possibilité d’un transport des bulins
auteurs comme un hôte intermédiaire de S. haema-
par les eaux souterraines.
tobium en Gambie anglaise, McCullough & Duke
A ce sujet, nous avons pu constater au laboratoire,
(1954), Duke & McCullough (1954), nous ne l’avons
sur des souches de B. guernei en provenance de deux
jamais trouvé infesté par les formes larvaires de ce
mares de cette région, que l’arrêt prolongé de
trématode au cours de cette enquête. En conséquence
l’aération dans les aquariums ne déclenchait aucune
nous pensons qu’il ne joue aucun rôle, ou tout au
réaction de fuite. Par contre les mêmes conditions
moins qu’un rôle mineur dans l’épidémiologie de
provoquent la remontée de B. senegalensis le long
la bilharziose vésicale dans cette région du Sénégal.

BILHARZIOSE VÉSICALE AU SÉNÉGAL ORIENTAL
465
ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA BILHARZIOSE VÉSICALE HUMAINE
en saison des pluies demanderait plusieurs inter-
DANS LA PARTIE NORD-OUEST DU SÉNÉGAL ORIENTAL
ventions. Pour des raisons économiques on devrait
Points d’eau où s’infestent les habitants
limiter la lutte antimollusques à certains biefs très
utilisés par les habitants (par exemple’ lieu de
Seuls les gîtes à B. guernei sont à considérer.
baignade des enfants). L’épandage du molluscicide
1. Mares permanentes. Elles sont vraisemblable-
devant être réalisé dans des eaux calmes pendant
ment d’importants lieux d’infestation. Le tableau
au moins 24 heures, le bief traité doit être surveillé,
montre que les prélèvements effectués dans ces gîtes
afin qu’il subisse une nouvelle intervention, dès
présentent toujours à la dissection un certain pour-
l’apparition de nouveaux mollusques venant de
centage d’infestation par des formes larvaires de
l’amont ou de l’aval.
S. haematobium.
Pratiquement il semble que l’épandage de produit
2. Marigots permanents. Ils semblent jouer le
antimollusques dans tous les bas-fonds de marigots
même rôle que les mares permanentes dont ils sont
pouvant être considérés comme gîtes permanents à
une variante.
B. guernei, soit le moyen le plus économique et le
3. Marigots non permanents. Ils ne sont utilisés
plus efficace. L’époque d’une telle intervention se
par les habitants qu’en période de grandes eaux.
situerait alors en novembre ou décembre.
Plus tard, quand les eaux baissent, ils deviennent
trop boueux et ne servent plus qu’à l’abreuvement
D I S C U S S I O N
du bétail. Le fait d’être utilisés par l’homme pendant
Aux observations que nous avons faites au
.*
une certaine époque de l’année laisse supposer qu’ils
sont eux aussi des lieux d’infestation.
Sénégal oriental, on peut comparer les résultats
obtenus par les chercheurs c.ui ont étudié l’épidé-
Epoque où se produirait I’infestation des habitants
miologie de la bilharziose vésicale dans une région
Pour les mares et les marigots permanents, cette
très voisine, la partie orientale de la Gambie anglaise.
infestation doit surtout avoir lieu en saison chaude,
T h o m a s (1947), D u k e & McCullough (1954),
à l’époque des hautes eaux, quand les conditions
Wright (1956), Smithers (1956), signalent l’exis-
optimums sont réalisées pour la sortie des furco-
tence de B. guernei, B. globosus, B. senegalensis et
cercaires. Quant aux marigots non permanents, la
B. forskalii dans les mares et les rizières de la
recrudescence du nombre de cas de bilharziose
Gambie orientale. Ils trouvent aussi Biomphalaria
vésicale clinique parmi les enfants des écoles de
pfeifferi gaudi dans les marigots affluents de la
certains centres traversés par de tels cours d’eau,
Gambie.
laisse supposer que cette infestation se produit sur-
Du point de vue nature des gîtes à mollusques,
tout au cours des trois ou quatre premiers mois de
Smithers (1956) trouve B. senegalensis en abon-
la saison pluvieuse. A cette époque, en effet, les
dance dans toutes les rizières et les mares pirennes
enfants se baignent fréquemment dans les ruisseaux.
ou non pérennes à fond latéritique des plateaux
voisins du fleuve. Les autres espèces ont leur habitat
seulement dans les rizières et les étangs communi-
MOYENS PRATIQUES DE PROPHYLAXIE
quant avec les marigots en période de crues.
DE LA BILHARZIOSE VÉSICALE
Dans la partie au nord-ouest du Sénégal oriental
La lutte prophylactique sur le terrain par la des-
que nous avons prospectée, et où on trouve des
truction du mollusque vecteur pourrait, semble-t-il,
mares isolées ne pouvant être envahies par les
être essayée par épandage de produits molluscicides
mollusques à l’occasion des crues, B. guernei assure
dans les gîtes à B. guernei les plus visités par les
sa survie en se maintenant en état de vie ralentie
habitants. L’époque du traitement de chaque gîte
dans les sources et nappes d’eau souterraines ali-
doit être déterminée par son régime hydraulique et
mentant ces mares.
ses risques de recolonisation par des mollusques
Comme hôte intermédiaire de S. haematobium en
adultes.
Gambie anglaise, McCullough & Duke (1954) et
Pour les mares permanentes, il semble que l’époque
Smithers (1956) citent B. forskalii (= B. senegalensis),
des basses eaux conviendrait, sans toutefois attendre
B. guernei, B. globosus et Physopsis africana.
que les mollusques se soient réfugiés dans leurs
Au sujet de la valeur de B. forskalii comme vecteur
gîtes permanents, en général difficilement accessibles.
de S. haematobium, ces auteurs se réclament surtout
Pour les marigots non permanents, leur traitement,
des travaux de Adams (1934, 1935), à l’île Maurice,

466
S
.
GRETILiAT
8
et de ceux de Leroux (1954), sur la possibilité d’infes-
infesté expérimentalement, mais que dans les con-
ter ce mollusque au laboratoire.
ditions naturelles son infestation par les miracidia
Par contre Larivière & Charnier (1957), travaillant
de S. haematobium est extrêmement rare, ce qui
sur des B. forskalii récoltés au Sénégal dans la région
expliquerait ‘peut-être pourquoi nous ne l’avons
du cap Vert, disent n’avoir jamais pu obtenir
jamais trouvé infesté au cours de cette enquête
l’émission expérimentale de furcocercaires.
malacologique.
Comme le prétend Muirhead-Thomson (1958),
Quant à B. guernei, il est bien le vecteur hôte
nous pensons que B. senegalensis, qui est une espèce
intermédiaire de S. haematobium dans cette région
sans doute très voisine de B. ,fbt-skalii, peut être
du Sénégal oriental.
REMERCIEMENTS
Nous remercions le Docteur Orue, Directeur de la
nous ont fournies dans l’accomplissement de ce travail.
Rkgion de Recherches vétérinaires et zootechniques de
Nous tenons aussi à remercier Monsieur le Professeur
l’Ouest-Africain, et le Docteur Lacan, Chef du Service
Ranson du Museum d’Histoire Naturelle de Paris qui
des grandes Endémies au Ministère de la Santé et des
a bien voulu se charger de la détermination de notre
Affaires sociales du Sénégal, pour toutes les facilités qu’ils
matériel malacologique.
SUMMARY
The Helminthology Service of the National Veterinary
The latter is found in a11 water collections, whether
Research Laboratory at Dakar carried out two malaco-
permanent or subject to drying out; but B. guernei exists
logical surveys, in November-December 1960 and
only in the residual pools of the feeder streams of the
Februaty 1961, in the Tamba Counda area of Eastern
River Gambia and in ponds with permanent water, being
‘*
Senegal, where numerous cases of human urinary bilhar-
apparently unable-unlike B. senegalensis-to survive
ziasis are recorded annually. This is sandy, wooded
several months of the dry season in the dried mUd of
country without permanently flowing water. In the dry
temporary water holes.
season water is found only in the more or less muddy
From a large series of snail dissections it would appear
pools remaining in the deeper portions of dried-out
that bilharziasis in this part of Senegal is carried by
streams which feed into the River Gambia during the
B. guernei; larval forms of Schistosoma haematobium
rainy months, in temporary ponds or water-pockets on
were found in 2%-S% of dissections of this snail but
lateritic or clay soil, and in a certain number of spring-fed
never in B. senegalensis.
permanent ponds.
The authors consider that the intermediate host could
The village Wells are of a considerable depth (40-70 m)
in large measure be controlled-and the bilharziasis ende-
and the difficulty of obtaining water in sufficient quantity
micity rate reduced in consequence-by application of
causes the local inhabitants to use the surface pools and
molluscicides to permanent water-bodies (pools in dried
water-pockets for all purposes, including drinking,
feeder streams and ponds which do not dry out) shortly
bathing, laundering and watering their stock.
before the period of lowest water, particular attention
The two surveys indicated that the only freshwater
being paid to those collections of water which are most
gastropods found in these water-bodies are Balinus
used by the human population.
grcernei Dautzemberg and BU~&S senegalensis Müller.
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