République du Sénégal Ministère de...
République du Sénégal
Ministère de l’Agriculture
Institut Sénégalais de Recherches Agricoles
La qualité du lait et produits laitiers
Communication à I’ateliel
de restitution de l’étude sur
la filière lait au Sénégal
GRET / ENDA-GRAF
Dakar, 30 Mars 2000
Maty BA DIA0
ISRA - CDH

Introduction
L’étude de la commercialisation (El Ketrouci, 1994) a montré l’importance à accorder à la
qualité du lait pour certains types de consommateurs. Les contrôles bactériologiques et les
mesures de qualité n’ont jamais été régulièrement effectués, dans le cadre du projet laitier et
sont inexistants en élevage traditionnel. Or, la totalité des éleveurs suivis vendent leurs
produits à l’état cru. Ce lait est donc vendu sans aucune garantie de qualité ou de composition
pour le consommateur.
Les analyses, sur deux séries de prélèvements de 20 échantillons chacun (novembre 96 et
janvier 1997), ont pu être réalisées. Elles concernent la composition du lait (matière sèche,
matière grasse, matière protéique, densité...), les bactéries, les levures et les champignons.
Les bactéries sont considérées selon trois critères :
- présence normale : c’est la flore dite acidifiante ou lactique, utile pour une transformation
ultérieure du lait frais, cru.
- pollution : les germes de l’environnement trouvent dans le lait un excellent milieu de
culture. Il faut donc les rechercher systématiquement, d’une manière globale. Ensuite il faut
isoler et identifier ceux qui peuvent être dangereux selon les critères de l’hygiène alimentaire.
la recherche porte sur les germes fécaux (entérobactéries en général et Salmonella en
particulier, streptocoques fécaux) et pseudomonus,, sur les germes anaérobies sulfito-
réducteurs.
- pathologie : c’est à dire celle de l’animal producteur ou de l’éleveur, avec une attention
particulière sur les risques de zoonose. Les germes à identifier sont Staphylococcus,Brucella
et Mycobactérium.
1. Caractéristiques physico-chimiques du lait
En l’absence de références en matière de composition du lait en zone tropicale, nous allons
comparer nos résultats aux normes hançaises pour le lait frais.
La densité moyenne du lait est comprise entre 1029 et 1034, donc dans la fourchette normale
(tableau 1). Le pH mesuré au niveau de l’exploitation est correct, variant entre 6,6 et 6,s. Le
lait devient, cependant plus acide pendant son stockage et son transfert sur Dakar qui
s’effectuent à la température ambiante, sans réfrigération.
Pour le lait caillé, la fermentation semble être très poussée, compte tenu du pH minimum de
précipitation totale de la caséine qui est de 4,6 à 4,7. L’excès de caillage suite à un temps
d’incubation long peut expliquer cela. La qualité du lait caillé de la veille utilisé comme
ferment peut aussi en être une cause.
Le lait des vaches Montbéliardes est d’une qualité inférieure par rapport à la moyenne
observée en France, surtout pour les matières grasses. Le taux butyreux est de 29,5 %. contre
37,8 %. rapporté par le Contrôle laitier français sur les vaches de même race, toutes lactations
confondues. La moyenne de matière sèche est également en deçà des normes comprises entre
125 et 135 g de M.S./l.

Nous ne pouvons discuter valablement de tous les facteurs de variation susceptibles
d’expliquer ces résultats. Les effets du stade de lactation, du niveau de production et de l’âge
de l’animal ne peuvent pas être isolés, le lait analysé étant un lait de mélange de plusieurs
vaches à des âges et des stades différents. Le climat tropical et l’alimentation sont deux
facteurs importants de variation de la composition du l#ait.
Les vaches locales donnent un lait plus riche que celui des Montbéliardes. Cette augmentation
ne traduit pas une aptitude de la vache locale à synthétiser plus de matières sèches, grasses, ou
protéiques, mais une concentration de matières fabriquées dans une quantité moindre de lait
(Preston, 1988).
2. Qualité bactériologique du lait
Un lait de bonne qualité ne doit pas décolorer le bleu de méthylène en moins de trois
heures. A l’épreuve de la réductase microbienne, peu d’échantillons (30 %) ont rempli cette
condition (tableau 2). Le lait, quelque soit sa nature et son origine est donc rarement conforme
au normes définies par l’Institut Sénégalais de Normalisation (tableau 3). L’abondance de la
flore totale même dans les exploitations de Montbéliardes montre les limites de la formation
reçue par les bergers, en matière d’hygiène de traite au sens large : hygiène des locaux, des
animaux, du matériel, et du trayeur lui-même.
Il est généralement admis que l’acidité du lait caillé pourrait détruire les germes. Cette
forme de présentation du lait semble assurer une conservation acceptable puisque le produit
peut-être commercialisé quelques jours apparemment sans gêne pour le consommateur. Si les
germes qui se sont multipliés ne sont pas des germes pathogènes notoires, leur abondance est
cependant le signe que l’hygiène minimale n’est pas respectée, d’où de fortes possibilités de
risques.
Les coliformes fécaux sont retrouves dans tous les types de lait. Ce sont des germes
qui vivent dans le tube digestif de l’homme et des animaux. Leur présence signe une
contamination lors de la traite et pendant les manipulations et transvasements multiples que
subissent les produits avant la commercialisation.
La présence de staphylocoques (Staphylococcus aurewu notamment) dans le lait cru
témoigne de l’existence de mammites cliniques dans la majorité des troupeaux (Lacourt,
1986). Leur sensibilité aux acides créés par les bactéries lactiques (Alais, 1984) peut expliquer
leur absence dans le lait caillé.
Les analyses n’ont pas décelé la présence de germes pathogènes majeurs. La détection
sur sérum de k$cohr-rcterium parutubenxlosis en 1991 et 1992 par le LNERV, laisse
cependant planer le doute sur les risques potentiels courus par les consommateurs. Il est
absolument nécessaire que la situation soit clarifiée pour lever toute suspicion. Ce travail est
d’autant plus urgent que les élevages ne détiennent pas de patente sanitaire, pourtant exigée
par I’ISN pour tout producteur de lait cru. L’application de cette réglementation aurait peut-
être encouragé l’amélioration des conditions d’hygiène dans les élevages.
Les champignons et levures n’ont pas fait l’objet d’une numération mais leur présence
est assez constante dans l’ensemble des prélèvements. Il est difficile d’en tirer une conclusion
pratique particulière, car ce sont des éléments permanents de l’environnement. Ils traduisent
eux aussi le fait qu’au cours des manipulations, le lait est très exposé à l’air ambiant.

3. Qualité hygiènique du lait : présence de résidus
Nous n’avons pas pu diagnostiquer la présence de résidus (antibiotique, acaricide...) dans le
lait. II nous est donc difficile de conclure quant aux risques réels courus par le consommateur.
Cependant, il est connu que les composés organo-phosphorés (bromaphos, féni-trothion. ..)
utilisés pour le détiquage des animaux sont des produits dangereux pour la santé humaine. Or,
il est constaté sur le terrain que la traite n’est jamais interrompue après le détiquage et les
doses employées sont parfois très fantaisistes. Il y a donc lieu de s’interroger sur l’absence de
ces résidus dans le lait.
Pour les antibiotiques, les risques sont faibles dans Ile cas d’une administration pendant le
tarissement. La durée moyenne de la période sèche est suffisamment longue dans les élevages
pour permettre l’élimination totale du produit. Si le traitement survient pendant la lactation, le
risque est réel. Les délais d’attente légaux ne sont pas toujours respectés, à cause d’un déficit
de sensibilisation des éleveurs ou des bergers et parce qu’aucun contrôle de la qualité ne vient
les pénaliser.
Cas de la poudre de lait du commerce
La poudre importée est dans la plupart du temps titrée à 0 ou O,l% de matière grasse. Après
reconstitution, le produit obtenu devrait être enrichi avec de la matière grasse animale pour
retrouver à peu prés les caractéristiques de lait ” pur”. Or, dans le commerce, il y a un certain
amalgame sciemment entretenu par certains transformateurs qui, bien que rajoutant de la
matière grasse végétale, utilisent l’appellation ” lait puer et naturel” . C’est de la fraude. Cette
situation est grave et doit attirer l’attention aussi bien des pouvoirs publics que des
associations des consommateurs.

Conclusion
La composition du lait de Montbéliarde est médiocre. Ce résultat peut être expliqué par les
conditions d’élevage (notamment l’alimentation) et le climat tropical.
Sur le plan bactériologique, on constate la présence d’une flore microbienne globale
abondante, mais sans agent pathogène majeur. Cependant, en matière d’hygiène alimentaire,
l’expérience montre que les risques sont d’autant plus grand que les germes sont plus
nombreux. Il existe donc une marge de progrès importante dans le domaine de l’hygiène de la
traite et du conditionnement du lait.
D’un point de vue prospectif, il importe d’améliorer les techniques de production (traite,
récipients, eau) ainsi que les techniques de transformation artisanale, de confirmer l’absence
de germes pathogènes par une série d’analyses beaucoup plus élargie et de trouver les bases
techniques pour faire respecter la législation en matière d’hygiène alimentaire. Il est
également important de pouvoir dépister les résidus (médicaments, pesticides, métaux.. .), car
leur présence dans le lait peut présenter un danger pour le consommateur.
Aussi s’il y a un domaine où le contrôle de qualité est une nécessité fondamentale, c’est bien
celui des produits laitiers. A tous les stades, une attention particulière doit être portée à
l’hygiène, à l’intégrité des nutriments depuis la matière première jusqu’au produit fini. Les
pouvoirs publics doivent faire appliquer les textes réglementaires en matière de production et
de vente de lait et produits laitiers. L’information du public sur les risques liés à la
consommation de produits laitiers qui ne sont pas de qualité, est également importante si l’on
veut préserver la santé des populations. Informer, éduquer et ensuite sanctionner doivent être
les trois actions prioritaires. L’Institut Sénégalais de Normalisation (ISN) doit y avoir un rôle
prépondérant.

Tableau 1 : Caractéristiques physico-chimiques du lait dans les Niayes (analyses effectuées en
1996-97)
Nature et origine des
Densité
A”D
PH
MS W)
MG W>
MA W)
nrélèvements
Mélange de lait frais
de MTB (après traite)
1,032110,02
13,9&2,2
6,7410,89
122,9+7,9
30,3+7,5
33,5?3,7
Mélange de lait frais
de vaches locales (a.t.) 1,032+0,03
16,9+3,1
6,65&0,88 145,8+13,2 57,81111,8
37,4&2,7
Lait frais au kiosque
de Coplait-Dakar
1,033f0,02
18,5&3,4
6,25f0,77 1 2 1,2+8,1
30,4+8,6
33,2&4,3
Lait caillé -kiosque de
Coplait-Dakar
107,31110,1 4,56+0,87 123,1*12,1 29,8+10,2
34,4+5,5
Lait caillé de femmes
Peul-Dakar
115,6+12,4
4,28f0,92 146,9+11,7 58,4+7,6
36,9&4,5
Tableau 2 : Caractéristiques microbiologiques du lait dans les Niayes (analyses effectuées en
1996-97)
Nature et origine des
Flore totale
Coliformes fécaux
Staphylococcus aureus
prélèvements
xl 04/ml
/ml
/ml
Mélange de lait frais de
89
156
2
MTB (après traite)
Mélange de lait frais de
103
177
absent
vaches locales (a.t.)
Lait frais au kiosque de
125
135
1
Coplait-Dakar
Lait caillé au kiosque de
850
1 4
absent
Coplait-Dakar
Lait caillé de femmes
875
13
absent
Peul-Dakar
N.B. : Tous les échantillons sont indemnes de salmonelles

Tableau 3 : Normes sanitaires des laits commercialisés (I.S.N., 1988)
Types de lait
Flore totale
Colifonnes fécaux
Salmonelles
Staphylococcus
x 10001ml
/mX
aureus
lait cru
20
100
absence
absence
lait caillé
n.i.
-3
absence
absence
lait pasteurisé
10
absence
absence
absence
crème crue
30
Cl00
absence
n.i.
n.i. = non indiqué
Bibliographie
ALAIS Ch., 1984. Science du lait : principes des techniques laitières. IVè édition.
Paris, Ed. SEPAIC. 814 p.
El KETROUCI A., 1994. L’approvisionnement de la ville de Dakar en produits laitiers.
Mémoire DESS, CIRAD-EMVT, 95 p.
1. S.N., 19X8. Les normes microbiologiques : lait et produits laitiers.
Dakar, Institut Senégalais de Normalisation (ISN/CT$3CT1).
KONTE M.; 1985. Ecologie bactérienne des parties distales du tractus génital chez. les bovins au Sénégal.
Mémoire de confirmation. ISRA-LNERV, 11 1 p.
PRESTON T.R., 1988. Developpement des systèmes de production laitière sous les tropiques
CTA Publ., 71 1).