--- REPUBLIQUE DU SENEGAL ----------.--.. ...
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REPUBLIQUE DU SENEGAL
----------.--..
MINISTERE DU DEVELOPPEMENT RURAL
ET DE L’HYDRAULIQUE
_-___-_--m-
INSTITUT SENEGALAIS DE RECHERCHES
AGRICOLES
- - - - - - - - - - - -
DEPARTEMENT DE RECHERCHES
SUR LES PRODUDUCTIONS
ET LA SANTE ANIMALES
-_-__-_-----
LABORATOIRE NATIONAL DE L’ELEVAGE
ET DE RECHERCHES VETERINAIRES
DAKAR-HANN
CELEBRATION DE LA 10e JOURNEE MONDIALE
DE L’ALIMENTATION, LE 16 OCTOBRE 1990
A S A I N T - L O U I S (SENEZAL)
(C.R.A./ISRA)
LES PROBLEMES D’ENVIRONNEMENT LIES
AUX AMENAGEMENTS HYDRO-AGRICOLES DANS
LE BASSIN DU FLEUVE SENEGAL :
IMPACTS SUR LA SANTE HUMAINE ET ANIMALE
Communication présentée par :
Oumar Talla DIAW
Service de Parasitologie
LNERVIISRA
R E F . No 68IPARASITO.
OCTOBRE 1990

R E S U M E
--(Joo---
La construction des barrages et les aménagements hydroagricoles
entraÎne des perturbations ecologiques
qui peuvent avoir d’énormes
conséquences sur l’environnement et par conséquent sur la santé
de l’homme et de l’animal. Les Trématodoses telles que les Bilharzioses
humaines et la Distomatose animale font partie de ces principales
maladies dites “hydriques”
favorisées par ces perturbations.
La prolifération des Mollusques est une des premières conséquences
de la mise en service du barrage de Diama. II s’en est suivi des
épidémies de Bilharziose intestinale à Richard Tell, et de Distomatose
ovine à Mbane (Lac de Cuiers).
Dans les autres zones aménagées, les conditions sont devenues
également favorables à 1’ installation et à l’extension des ces affections.
Des mesures sanitaires, écologiques et environnementales
s’imposent afin de réduire les impacts de ces aménagements.
MOTS CLES : Barrage - aménagement - environnement - Bilharziose -
Distomatose - Mollusques - Fleuve Sén&gal - Vallée.

PRESENTATION DU THEME
Depuis son existence, I’Homme agit sur son environnement (air,
eau et terre) pour améliorer sa condition et assurer son alimentation.
En cherchant à augmenter la productivité agricole, il provoque
des perturbations écologiques (usage d’insecticides, de fongicides, amé-
nagements hydro-agricoles, barrages, etc., .).
Les conséquences proches et lointaines de toutes ces interventions
ne sont pas toujours heureuses, et I’Homme apparat? actuellement comme
un des grands perturbateurs de l’équilibre biologique.
Le thème de cette journée mondiale de l’alimentation “la nourriture
pour l’avenir” nous invite à tirer la sonnette d’alarme pour rappeler
à I!tiomme que dans sa recherche pour l’alimentation, il doit respecter

son environnement.
Ces dégats sur l’environnement compromettent la “nourriture
pour I’aveni r”, et l’homme doit. penser au développement durable, ce
qui revient à ne pas perturber les harmonies et les équilibres naturels
de nos écosystèmes. C’est dans le cadre des liens entre l’alimentation
et l’environnement que nous essayerons d’étudier les conséquences des
perturbations ecologiques
occasionnées par les aménagement hydroagri-
coles et les barrages dans le Bassin du Fleuve Sénégal.
La prolifération de Mollusques dans le Delta en 1989 et les épi-
démies de Distomatose et de Bilharzioses nous permettent d’illustrer
ces conséquences.
. . . / . . .

IMPACTS DES AMENAGEMENTS ET BARRAGES
SUR LA SANTE HUMAINE ET ANIMALE DANS
LE BASSIN DU FLEUVE SENEGAL
Depuis quelques années, le Sahel traverse une période de sécheresse
qui a d’énormes conséquences économiques (désertification, diminution
numérique du cheptel, rendements économiques faibles, etc.. .)
La réalisation des barrages de Diama et de Manantali sur le Fleuve
Sénégal représente d’immenses possibilités d’enrichissement et de progrès
social pour les populations des pays riverains.
Le fonctionnement des barrages permettra de disposer d’une
importante quantité d’eau nécessaire pour irriguer des terres au Sénégal,
en Mauritanie et au Mali.
Au Sénégal, il est prévu de mettre en valeur 240 000 ha et cei
représente l’une des meilleures occasions’ d’atteindre l’autosuffisance
alimentaire pour la fourniture de céréales,.de produits marakhers et fruitiers.
Ainsi de grands périmètres sont actuellement aménagés tandis
que les périmètres anciens sont peu à peu remis en état. En effet, depuis
longtemps des essais de mise en place de cultures irriguées ont eu lieu
dans la Vallée du Fleuve (jardins de Richard-TOI1 en 1824).
L’objectif de la culture irriguée est de réduire le déficit vivrier.
Cette mise en eau des barrages ainsi que les aménagements hydro-
agricoles ont pour corollaire des perturbations écologiques : créations
de lacs de retenue, de biefs, de canaux d’irrigation de drains et vastes
surfaces afftuentes ou effluentes d’eau.
Toutes ces modifications environnementales sont importantes
et risquent d’être lourdes de conséquences pour la santé humaine et
animale.
.
.
l
.
. . a

-3-
Une étude globale et approfondie des modifications permet d’ap-
précier les conséquences de ces aménagements. II faudra tenir compte
des effets négatifs sans autant les amplifier jusqu’à refuser le dévelop-
p e m e n t ,
mais aussi ne pas minimiser leurs impacts.
Le barrage de Dlama permet d’arrêter la remontée de la “langue
salée”
qui arrivait jusqu’à 250 km en amont de St-Louis et de constituer
une réserve d’eau douce pendant toute l’année.
C’est dans le contexte de modifications écologiques qu’il faut
étudier les impacts des barrages sur la santé humaine et animale.
Le paludisme, I’onchocercose, la filariose et les Trématodoses
humaines et animales (Schistosomiases et Distomatose, etc.. .) sont les
principales maladies à vecteurs pour lesquelles l’eau constitue un élément
essentiel dans leur épidémiologie (maladies hydriques) .
Dans le cadre de notre étude, nous nous limiterons aux Trémato-
doses humaines et animales : Bilharziose urinaire et intestinale, Schistosomose
et Distomatose animales.
Toutes ces affections ont un cycle biologique nécessitant le passage
obligatoire par un Mollusque d’eau douce.
L’eau est indispensable pour la surive du parasite, de l’hôte
intermédiaire,
et pour la transmission. C’est ainsi que les modifications
des conditions hydrologiques peuvent influer sur I’épidémiologie de I’infec-
tion, et la prévalence de la maladie.
En relation avec les modifications de l’environnement, le Mollusque
hôte intermédiaire constitue un élément essentiel dans I’épidémiologie
de ces Tréma todoses . Ces réserves d’eau douce peuvent conditionner
favorablement l’évolution des Mollusques vecteurs de Maladies.
. . . / . . .

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Depuis 1977,
une étude est entreprise sur les Mollusques de
la région du Fleuve Sénégal en particulier sur les Pulmonés, hôtes inter-
médiaires de Trématodoses humaines et animales. Ceci a permis d’établir
une carte malacologique au niveau du Delta et du Lac de Guiers et
de déterminer la dynamique des populations des bulins dans la même
z o n e .
C’est pour évaluer les impacts des aménagementset du barrage
de Diama sur la santé qu’ est poursuivie, l’étude de -l’évolution des
Mollusques et leur incidence sur les Trématodoses.
M A T E R I E L E T M E T H O D E S
Des prospections malacologiques sont effectuées au niveau des
différents points d’eau des zones aménagées.
Les Mollusques sont récoltés, identifiés et comptés. Puis nous
étudions leur écologie et leur rôle épidémiologique (nature et taux de
leur infestation).
Les densités des Mollusques et les prévalences des différentes
Trématodoses établies dans différentes zones permettent de comparer
la situation avant et après le barrage de Diamma,
Des enquêtes parasitologiques permettent de déterminer les
prévalences des Trématodoses.
!
. . . ..*

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R E S U L T A T S
I - DONNEES MALACOLOGIQUES DANS LA VALLEE : RESULTATS
ANTERIEURS
Des enquêtes malacologiques au niveau des cuvettes aménagées
de Nianga et Guedé chantier (périmètres aménagés ayant plus de
40 ans) ont révélé la présence de Mollusques tels que Buiinus forskalii,
B. senegalensis et B. truncatus.
Ils sont hôtes potentiels de Tréma-
todoses humaines et animales et sont récoltés dans les parcelles et
les canaux secondaires.
Certaines données bibliographiques signalent l’existence de la
Bilharziose dans le département de Podor.
. - WATSON en 1969 signale un taux de 15 à 20 % de Bilharziose
urinaire.
- Un rapport OMS signale un taux de 2,4 % en 1977 au niveau
du Diéri dans la région de Podor.
- En 1985, VERCRUYSSE, enregistre 33,l % à Guedé chantier
et 3,3 % à NDioum.
II - DONNEES MALACOLOCIQUES DANS LE DELTA : RESULTATS
ANTERIEURS
14 espèces de Mollusques sont identifiés au niveau du Delta dont
9 sont des hôtes intermédiaires potentiels ou naturels de Trématodoses
humaines et animales.
Ils sont rencontrés dans les zones aménagées.
Cependant, à part le petit foyer de Lampsar, les Bilharzioses
humaines sont presques inexistantes dans ce delta.
. . /. .,.

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B. truncatus a la plus forte densité et ne semble pas jouer un
rôle dans la transmission. B. globosus, B. untbilicatus et B. senegalensis
ne sont qu’en petit nombre.
Cette faible prévalence des Trématodoses est en relation avec
I!&cologie des Mollusques en situation defavorable à cause de la salinité
de l’eau.
----> Avant l’établissement des barrages, la situation épidémiologique
est plus grave dans la Vallée que dans le Delta.
III - PROLIFERATIONS DE MOLLUSQUES ET INCIDENCES SUR LES
TREMATODOSES (Après barrage)
l”) - E t u d e
malacologique : Prolifération de Mollusques
Les prospections malacologiques de ces dernières années surtout
en 1988 et 1989 ont montré une nette tendance à l’augmentation des
populations de Mollusques (Bulins, Biomphalaria et Lymnées) . C’est
en 1989 et début 1990 que la prolifération est la plus forte surtout
pour Lymnaea natalensis et Biomphalaria pfeifferi.
En effet, la distribution des Lymnées et des Biomphalaria était
très restreinte, circonscrite à quelques zones avec des densités très
faibles de 1 à 2. Dans tout le Delta et le Lac de Guiers, un total
de 40 Lymnées et 20 Biomphalaria seulement ont été récoltés pendant
plusieurs prospections en différentes saisons de l’année (2).
Les Biomphalaria étaient signalés à Dakar Bango (Delta) et à
Keur Momar SARR., Ngnit et Mpack (Lac de Cuiers)
. WATSON
signale également leur présence en 1969 dans le Lac de Guiers
;
alors que les Lymnées avaient une répartition plus large mais avec
l
. . . . . .

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une faible densité surtoutdans les zones aménagées du Delta et le
Lac de Guiers .
En 1977-l 978, MALECK, lors d’une prospection malacologique
dans le Delta et le Lac de Guiers, remarque la rareté, voire l’absence
des Lymnées et Biomphalaria qu’il estime être la conséquence de plu-
sieurs années de sécheresse .
Les récentes études au niveau des localités de Richard-Totl,
Rosso, Ross-Béthio, Lampsar et du Lac de Guiers, en 1988-89-90,
permettent d’établir la situation de la faune malacologique avant et
après la construction du barrage de Diama, en comparant les densités
de populations de Mollusques.
On constate surtout une augmentation des populations de Lymnées
et Biomphalaria et une distribution plus étendue.
En effet, de nouvelles zones sont maintenant envahies par les
Mollusques ( Richard-Tell,
Rosso, Ross-Béthio et Mbane) avec de fortes
densités (1 à 32 pour les Lymnées et 1 à 382 pour les Biomphalaria
surtout dans les canaux de la C.S.S.*) .
Au niveau de certains bassins alimentes par la Taouey à Richard-
Tell, de fortes densités de Lymnées et del Biomphalaria sont constatées.
Ces Mollusques sont plus sensibles et plus exigeants. Ils ne
peuvent se développer que dans certaines conditions : eau pérenne
et non saumâtre en particulier. Ces conditions sont maintenant réunies,
ce qui explique leur prolifération. Les populations de Bulins moins
exigeantes sont restées plus stables en colonisant quelques zones
nouvellement irriguées.
*c.s.s.
: Compagnie Sucrière Sénégalaise à Richard-Tell.

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2O) - Incidences sur les Trématodoses
Cette prolifération des Lymnées et des Biomphalaria a une
incidence directe sur l’évolution des Trématodoses en particulier
sur la Distomatose animale et sur la Bilharziose intestinale humaine.
a) - La Distomatose à Fasciola qigantica
Dans les années 1970, avant la période de sécheresse qui
a duré une dizaine d’années, la Distomatose à Fasciola gigantica
sévissait principalement dans la région du Delta avec une prévalence
de 58 % alors que dans la vallée, elle était inférieure à 20 %,
Plusieurs années de sécheresse ont entraîné la disparition
progressive de la Distomatose devenue très rare chez les bovins
de la région du Fleuve. En 1978, on enregistre une prévalence
de 12 % aux abattoirs de Saint-Louis.
Actuellement,
la prévalence de la Distomatose a progressé
parallèlement à la prolifération des Lymnées devenues abondantes
dans la région du Delta et du Lac de Guiers. Les prévalences
enregistrées de 35 à 40 % montrent l’évolution de la Distomatose
tendant vers la situation qui prévalait dans les années 1970.
Les observations faites en 1988 et 1989 montrent que cette situation
commence maintenant à s’aggraver avec
l’extension de la. Distomatose
bovine (Ross-Béthio et Mbane) et l’installation de la Distomatose
ovine. En effet, c’est la première fois qu’on signale des foyers
de Distomatose ovine. A Richard-Tell, aux abattoirs, on enregistre
une prévalence de 11
% chez les petits ruminants. A Mbane,
sur le Lac de Guiers, il faut citer l’épidémie de Distomatose
ovine qui a sévi en juillet 1988, avec une prévalence de 62 %.
Ces foyers de Distomatose constituent un problème majeur
de santé animale entrai’nant d’importantes pertes au niveau des
productions animales.
. . . l . . .

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b) - La Bilharziose intestinale à S. mansoni à Richard-TOI1
En 1968-69, CARLOS a enregistré quelques cas de Bilharziose
intestinale à S. mansoni à Matam et environs. Mais aucun cas
n’a jamais été signalé au niveau du Delta et le Lac de Guiers.
C’est seulement en janvier-mars 1988 que le premier cas
de Bilharziose intestinale a été signalé dans le Delta au niveau
de Richard-Tell.
C’est à Richard-Pol1 où se trouve l’un des plus grands aména-
gements et le seul casier pour la culture irriguée de la canne à sucre.
Le réseau hydrographique est très dense et se compose du Fleuve
Sénégal, du marigot de la Taouey, du canal de la Taouey et des canaux
d’irrigation et drains de la C.S.S.
Apres la mise en service du barrage de Diama, les conditions
sont devenues favorables 3 l’installation et à la pillulation des Mollus-
ques surtout Biomphalaria pfeifferi hôte intermédiaire de S. mansoni
agent de la Bilharziose intestinale.
A part le -Pleuve, toutes les zones aquatiques sont remplies de
Mollusques d’une densité de 2 à 385 ; et les taux d’infestation des
Biomphalaria varien.t .de 9 à 64 % d’un quartier à un autre.
Une étude parasitologique a montré une prévalence globale de
43 % qui peut atteindre 75 à 95 % dans certains quartiers.
Richard-TOI1 est un carrefour de populations et de travailleurs sai-
sonniers, qui une fois infestés peuvent disséminer la Bilharziose favori-
sant son extension dans une région devenue favorable à Biomphalaria
pfeifferi :
C’est une maladie chronique ins’idieuse qui altère l’état
de santé de l’homme. L’intensification de l’infection entraîne une forte
. . . / . . .

morbidité, et certaines complications pulmonaires ou cardiaques peuvent
être cause de mort.
C O N C L U S I O N E T R E C O M M A N D A T I O N S
Ces cas de Bilharziose et de Distomatose nous ont montré comment
des modifications de l’environnement peuvent influer défavorablement
sur la santé humaine et animale.
Qu’il s’agisse du Paludisme,, de I’Onchocercose, de la Filariose
et des Bilharzioses, toutes ces affections d’évolution aiguë ou chronique
ont des répercussions négatives sur la capacité de travail donc sur
le rendement. Le coût de leur traitement diminue énormément le budget
des familles et de la communauté.
“Prendre conscience des dangers que les plans de mise en
valeur des ressources hydrauliques peuvent entraîner, est une condition
primaire à remplir pour protéger la santé de la population humaine
dont toute mesure de développement économique vise en définitive
à améliorer le sort et celle du cheptel qui est l’un des éléments essen-
tiels de sa propreté”.
Avec des mesures de protection de la santé et de conservation
de l’équilibre écologique, les impacts des barrages et aménagement
peuvent être minimisés.
Dans tout projet, il faut inclure les coûts des mesures de préven-.
tion établies après des études approfondies.
. . . / . . .

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Une surveillance épidémiologique s’avère de plus en plus néces-
saire surtout au niveau des périmètres irrigués afin de prévoir les
risques d’ infestation et de mettre en place les moyens de lutte adaptés.
Dans l’ensemble, l’impact global des barrages et aménagements
devrait être positif à condition de respecter toutes les mesures et
recommandations tant écologiques, environnementales que sanitaires.
En améliorant la santé humaine et animale, on facilite les objectifs
économiques et sociaux de ces projets de mise en valeur en assurant
la nourriture pour l’avenir afin d’obtenir un développement durable.