REVUE CRITIQUE Epidémiologie de certaines...
REVUE CRITIQUE
Epidémiologie de certaines affections à Trématodes
des animaux domestiques en Corse
(Bilharziose bovine et Distomatose bovine et ovine)
(Observations effectuées au cours d’une mission réalisée en automne 1962)
Par S. GRETILLAT
Suite aux résultats des recherches effectuées au Laboratoire National de Recher-
ches Vétérinaires de Dakar-Hann (République ,du Sénégal), au sujet de l’épidémiologie
*
de la Schistosomiase bovine des Ruminants domestiques de l’Ouest africain et de la
biologie de son agent causal, il a paru interessant de procéder à une enquête épidé-
miologique d’ans un pays tempéré où cette affection parasitaire existe.
Brumpt ayant signalé dès 1930 l’existence en Corse de la bilharziose bovine à
Schistosoma bovis (Sonsino, 1876) avec comm’e hôte intermédiaire Bulinus contortus,
nous avons pu effectuer, dans ce département français, entre le 12 septembre et le
1” octobre 1962, une mission d’étude sur l’état actuel de cette parasitose (*).
Dès notre arrivée à Ajaccio, nous avons pris contact avec le Docteur Romani,
Directeur des Services vétôrinaires
départementaux de la Corse, qui nous a signalé
l’importance pathologique et économique ‘de la distomatose bovine et ovine à Fasciola
hepatica (Linné, 1758) dans les vallées de l’ensemble de l’île. Nous avons donc profité
de notre séjour en Corse pour étudier l’épidémiologie et les possibilités d’éradication,
par voie prophylactique, de cette parasitose, qui cause chaque année des pertes écono-
miques importantes aux industries laitières et lainières.
Pour cette raison, le présent ‘exposé comportera deux parties :
1” Etude épidémiologique de la bilharziose bovine et hôte intermédiaire.
* Nous remercions M. l’Inspecteur général Sauvel, le Docteur Pagot, Directeur général de
l’Institut d’Elevage et de Médecine vétérinaire des pays tropicaux, ainsi que le Docteur Orue, Direc-
teur du Laboratoire National de Recherches Vétérinaires de Dakar, de nous avoir permis et
facilité l’accomplissement de cette mission.
Nous remercions le Docteur Romani de l’excellent accueil qu’il nous a réservé et de tous les
renseignements qu’il nous a fournis au sujet du cheptel corse et de son état sanitaire.
-

r
412
S. GRETILLAT
2” Etude épidémiologique de la distomatose à Fasciola hepatica : gîtes à mollus-
ques, prophylaxie ,de la maladie par la lutte anti-mollusques, avec conditions d’appli-
cation et prix de revient de cette action sur le terrain.
1. - Etude épidémiologique sur la bilharziose bovine en Corse
Gîtes à Bulinus contortus - Enquêtes faites aux abattoirs
Les foyers de bilharziose bovine signalés par Brumpt en 1929 et 1930 se trouvant
dans le Sud de l’lle, notre <enquête malacologique porta essentiellement sur les cours
d’eau et mares résiduelies des régions de Sartène, Monaccia, les petits ruisseaux côtiers
situés au Sud de Propriano ‘sur la côte occidentale, et entre Bonifacio et Porto-Vecchio
sur la côte orientale.
Des prospections malacologiques ont été faites sur les cours d’eau suivants: Gravone
et Prunelli à l’Est d’Ajaccio ; Mutoleggio, Vallée ‘du Taravo, Baracci et Rizzanèse, à
l’Est et au Sud de Propriano ; Loreto, Ortolo au Su’d-Est de Sartène, Gioccia et Spar-
tano dans la région de Monacia ; Canalli au Nord de Bonifacio ; Ventilègne, Stabaccio
à Porto-Vecchio ; Orso et ses affluents, Cavo et Santa Lucia, Conta, Favone, Solen-
zara, Chiola et Travo, au Nord de Porto-Vecchio.
Parmi ces rivières, ruisseaux ou mares, dont certains étaient en voie de dessé-
chement ou parfois à sec, nous n’avons trouvé de gîtes à Bulinus contortus que dans
le Rizzanèse (5 gîtes), le Baraci (3 gîtes), 1’Ortolo (2 gîtes) et le Spartano (3 gîtes).
I
- GîTES DU RIZZANÈSE : Cette rivière, à fond plus ou moins sablonneux, pré-
sentait en septembre un lit principal encombré de gros cailloux avec un débit assez
important et un courant très fort. Le niveau de la rivière ayant considérablement baissé,
les parties latérales de son lit où prédomine le sable étaient parsemées ‘de loin en loin
de mares résiduelles de plus ou moins grarrde étendue où dans certaines d’entre elles
poussait une flore aquatique composée de joncs, de roseaux, de Sparganium et de Typha.
L’eau était en général claire et son pH variait de 6,2 à 6,4 suivant les gîtes. Le
fond sablonneux était parsemé *de petits cailloux granitiques sur lesquels étaient fixés
de très nombreux B. contortus avec leurs pontes.
Ces gîtes (fig. l), d’après leur situation et l’âge des mollusques que l’on y rencon-
tre, sont vraisemblablement les endroits où est assurée la pérennité de l’espèce au cours
de la saison sèche.
Toutes les mares residuelles où nous avons trouvé B. contortus présentaient un
plan d’eau bien ensoleillé.
Il existe ‘de nombreux troupeaux de moutons dans toute cette région, et ces col-
lections d’eau servent d’abreuvoir au gros et au petit bétail.
- GîTES DE LA VALLÉE DU BARACI : Le Baraci est un petit cours d’eau perma-
nent se jetant dans le golfe de Propriano, à quelques kilomètres au Nord ‘de la ville
du même nom.
Son cours quelque peu torrentueux, comme ,d’ailleurs celui de la plupart des ruis-
I

AFFECTIONS A TREMATODES EN CORSE
413
seaux côtiers de l’Ouest de la Corse, ne permet pas l’installation de gîtes à mollusques
dans le lit proprement dit qui est très souvent encombré par de nombreux rochers.
Par contre, au voisinage de son embouchure, la Vallée du Baraci ‘s’élargit et la baisse
des eaux au cours des mois secs de l’été forme des mares résiduelles soit dans le lit
lui-même, soit dans les prairies avoisinantes. Ces collections d’eau, dont le fond est en
général vaseux, sont encombrées par une végétation aquatique représentée principale-
ment par des joncs et des roseaux, mais également par des algues et des Utriculaires.
Cap Corse
f Gifes a' lymnées
- Gifes à Buh
n
Les trois gîtes à B. confortus que nous lavons repérés dans la vallée de cette rivière
étaient de cette nature et très proches de la mer, l’un d’eux se trouvait à une centaine
de mètres du littoral et renfermait ‘de ,nombreux bulins adultes plus ou moins enfoncés
dans la vase ou fixés à des fragments pourris de branches d’arbre.
II y a lieu de noter que le Baraci se jette dans la mer par une embouchure encom-
brée d’alluvions qui sont un obstacle à la remontée de l’eau salée le long du dernier
bief de ce cours d’eau, c’est ce qui ‘explique la possibilité de survie de mollusques d’eau
douce ,dans des poches d’eau pourtant très proches du littoral.

414
S. GRETILLAT
Le pH de l’eau varie entre 6,2 et 6,4, ‘avec en septembre une température de 19” C.
à 10 heures du matin.
- GîTEs DE LA VALLÉE DE L'ORTOLO : Cette rivière dont le débit est fort impor-
tant présente les mêmes caractéristiques que le Rizzanèse et le Baraci. Les gîtes à
B. contort~s sont des mares résiduelles des bords du lit principal qui est rocheux et
le courant trop tumultueux ne permet pas l’installation de gîtes à mollusques.
Plusieurs de ces collsections d’eau à fond sablonneux parsemé de petits blocs de
granit, et ne présentant comme flore aquatique que quelques algues, ont été repérées
aux environs et sous le pont de 1’Ortolo (route de Sartène à Bonifacio).
PHOTO no 1. - Mare résiduelle du bord du lit du Rizzanèse. Gîte à Bulinus confortus
et à Limnées
La faune malacologique très peu dense n’était représentée que par quelques jeunes
B. contortus et quelques Lyrnnaea stagnalis adultes. Absence de pontes sur les cailloux
et les algues. pH de l’eau : 6,2 ; température : 19” à 15 heures en septembre, mlalgré
un très fort ensoleillement.
Comme pour le Rizzanèse, seules les mares ensoleillées renfermaient des mollus-
ques.
Ces gîtes, compte tenu de l’âge des bulins, étaient de peuplement récent, mais les
conditions de milieu n’étant pas favorables à une reproduction normale, il est peu vrai-
semblable qu’ils puissent représenter des lieux de conservation de l’espèce.
- GîTES DE LA RÉGIONDE MONACIA (VALLÉES DE LA GIOCCIA ET DU SPARTANO).
Les premiers gîtes à B. contortus signalés en Corse par Brumpt en 1929 étant ceux
Y

AFFECTIONS A TREMATODES EN CORSE
415
de la région de Monacia, nous avons minutieusement prospecté cette région où deux
vallées alluvionnaires servent de pâturages au gros bétail.
De loin en loin, dans ces prairies brûlées par le soleil et où l’herbe est rare en sep-
tembre, existent de petites mares à fond vaseux, de faible profondeur en général, alimen-
tées par une nappe phréatique située à que4ques mètres au-dessous du niveau moyen du
sol.
Ces poches d’eau encombrées par des joncs, des Typhkz, des roseaux et des Iri-
datées ‘diverses étaient sèches lors de notre passage, ou en voie de desséchement, avec
un fond bourbeux au milieu et craquelé sur les bords.
Il nous a été impossible de retrouver un seul mollusque d’eau douce, soit dans la
vase, encore présente dans deux de ces mares, soit sur des fragments de végétaux à
demi-pourris prélevés dans ce milieu.
Par contre, dans deux mares résiduelles très fangeuses des bords du lit du Spar-
tano, en contrebas ~du village de Monacia, nous avons récolté un très grand nombre de
B. contortus de taille moyenne fixes sur des algues en suspension dans l’eau. pH de
l’eau : 6,2 ; température de l’eau à 16 heures : 22”.
Ces deux points représentent peut-être ,des lieux de survie de l’espèce. Quant aux
mares des prairies de la vallée, leur desséchement s’expliquerait par les deux années
de sécheresse excessive que vient de subir le Sud de l’Ile, puisque Buttner signale en
1957 les avoir trouvées en eau en septembre 1956.
Quel a été le devenir de la faune malacologique abondante existant dans ces mares
et que signalent Brumpt en 1930 et Buttner en 1957 ?
Il est probable que pour fuir le desséchement, les Bulins se soient enfouis pro-
fondément dans les couches inférieures encore humides du fond, car nous n’avons
trouvé aucun cadavre ou débris de coquille de B. contortus sur les bords de ces trous
qui ordinairement ‘servent d’abreuvoir aux bovins.
- DISSECTIONS DE~ BULINS RÉCOLTÉS DANS LES GîTEs.
Chez 70 Bulinus confortus provenant des gîtes du Rizzanèse, 5 exemplaires infes-
tés par des çercaires monocerques avec rédies.
Chez 150 B. contortus provenant des deux gîtes de la région de Monacia, résultats
négatifs.
Chez 50 spécimens récoltés dans les gîtes de la vallée du Baraci, 26 exemplaires
infestés par des cercaires monocerques non identifiables.
- VISITES ET CONTRÔLES FAITS AUX ABATTOIRS DE SARTÈNE ET DE PROPRIANO.
Nous avons pu examiner les viscères de douze bovidés abattus à Sartène et de trois
bovidés sacrifiés aux abattoirs de Propriano.
La recherche systématique des schistosomes adultes dans les veines mésentériques
et vésicales, ainsi que ,dans le foie et le système porte de ces ‘animaux originaires des
vallées du Rizzanèse, de l’Orto10, #de la région de Roccapina et de celle du Baraci, ne
nous a permis de récolter que quatre exemplaires mâles adultes de Schistosoma
bovis.
Il nous a malheureusement été impossible de faire les mêmes recherches sur des
viscères de moutons. Malgré un cheptel ovin important, seuls les jeunes mâles de quel-

416
S. GRETILLAT
ques mois sont sacrifiés au printemps, les adultes réformés (vieilles brebis) étant exportés
vers l’Italie.
Interprétation des résultats obtenus au cours de cette mission.
II est probable qu’au cours des deux dernières années, la sécheresse excessive ait
fait régresser considérablement le nombre de gîtes à B. contortu.s et que, parallèlement,
de telles conditions n’aient permis la survie que ‘d’exemplaires très résistants et en
principe non infestés par les formes larvaires du schistosome bovin.
C’est ce qui expliquerait peut-être les résultats négatifs que nous avons constatés
à la dissection des Bulins récoltés dans les gîtes.
Les résultats ‘des enquêtes faites aux abattoirs sont plus difficilement interprétables.
Ils démontreraient :
1” soit une régression de la schistosomiase bovine dans le Sud de la Corse, avec
une souche de Sch. bovis en voie de disparition (nous n’avons trouvé que quelques
rares mâles ne pouvant assurer la pérennité ,de l’espèce) ;
2” ‘soit que la souche de Sch. bovis soit conservée par d’autres hôtes définitifs
(moutons, chèvres ou animal sauvage).
Devant l’impossibilité de pouvoir ramener au laboratoire de Dakar une souche
de Sch. bovis, nous avons pu, avec beaucoup de précaution, transporter une cinquan-
taine de B. contortus que nous avons mis en élevage.
A l’aide de cette souche, nous espérons pouvoir, d’ici quelques mois, tenter l’in-
festation expérimentale de B. contortus par des miracidia de Sch. curussoni Brumpt,
1931, du Sénégal, et savoir si, éventuellement, l’aire de dispersion de ce schistosome
pourrait ,déborder accidentellement dans les régions où vit ce Bulin (région circum-
méditerranéenne).
2. - Epidémiologie de la distomatose
des Ruminants domestiques en Corse. Gîtes à Limnées
Possibilité de lutte prophylactique
par destruction des hôtes intermédiaires
Le Docteur Romani, Directeur des Services vétérinaires départementaux de la
Corse, nous ayant signalé l’importance économique de cette parasitose qui cause indi-
rectement chaque année de lourdes pertes à l’industrie laitière (lait de brebis traité sur
place ou exporté en France pour la fabrication du fromage de Roquefort), nous avons
sur sa demande étudié sur le terrain quelles pouvaient être les modalites d’infestation
des animaux et l’emplacement des gîtes permanents à Limnées qui assurent la pérennité
de l’hôte intermédiaire au cours des périodes de sécheresse.
L’agent causal (Fusciolu hepaticu) de la distomatose des Ruminants domestiques
a un cycle évolutif où la phase de multiplication a lieu chez l’hôte intermédiaire.

.
*r
AFFECTIONS A TREMATODES EN CORSE
411
Si l’on tient compte ,des constatations d’abattoirs où, sur dix bovins adultes abat-
tus, huit à neuf sont parasités massivement par cette douve, il est facile de se rendre
compte qu’un traitement général de tous les bovins, ovins et caprins de l’île serait
pratiquement sans inciden’ce pratique sur le taux d’endémicité ‘distomienne.
En effet, quel que soit le produit antidistomien utilisé, et il est à noter que les
médicaments les plus efficaces ne sont pas sans danger pour la vie du malade, un
traitement antidouves n’est dans la plupart ,des cas qu’un « blanchiment », quelques
parasites résistant toujours au vermifuge, les « blanchis » continuant à être des dissé-
minateurs d’œufs.
Or, les expériences de laboratoire le prouvent, il suffit d’un miracidium pour
infester une Limnée qui, au bout de quelques semaines, émettra plusieurs milliers de
cercaires. Ces dernières, en s’enkystant sur les herbes, présenteront un danger certain
pour les Ruminants qui les broutent.
Pour obtenir une diminution sensible et appréciable de la maladie dans une région
donnée, il est nécessaire d’avoir recours à la prophylaxie vraie qui consiste à éviter
l’infestation des animaux :
1 a Par la destruction des métacercaires enkystée.~ sur les herbes. A notre avis,
une telle action, qui est en général très onéreuse, car il est nécessaire de traiter large-
c
ment les terrains reconnus infestés, n’a qu’un résultat passager, même si tous les kystes
sont détruits, puisque, l’année suivante, les mollusques infestés par les porteurs de
parasites continuent à émettre des cercaires qui vont réinfester les pâturages.
2” Par la destruction de l’hôte intermédiaire, soit par des travaux d’assainissement,
soit par des produits chimiques appelés molluscicides.
Un tel procédé brise le chaînon essentiel du cycle évolutif du parasite et son lieu
de multiplication.
Quand il est possible, c’est à notre avis le moyen le plus sûr, le plus économique
et le plus pratique pour obtenir une diminution sensible du taux d’endémicité dans une
région donnée.
Les travaux d’assainissement, par drainage, asséchement,
dérivation, etc... sont
difficiles à réaliser, en général onéreux, et demandent pour chaque cas une étude par-
ticulière qui ne peut être rentable que pour de grands ensembles, ce qui n’est pas le
cas en Corse, où les terrains de pacage sont de petite superficie.
Par contre, la destruction ,des Limnées dans leurs gîtes permanents au moyen de
l’épandage d’un produit anti-mollusques, au moment où celles-ci sont rassemblées dans
des petites poches d’eau qui persistent à la fin de l’été, ne demande que peu de personnel
et très peu de produit.
Gîtes permanents à Limnées rencontrés dans le Sud de la Corse.
Ces gîtes, qui permettent la survie de la Limnée pendant la période des basses
\\
eaux, semblent être de deux types :
a) Ruisseaux coulant en région côtière basse (côte orientale). En septembre, le

4.
.
478
S. GRETILLAT
fond du lit sablonneux lprésente de loin en loin des mares résiduelles où s’est réfugiée
la faune malacologique du cours d’eau.
Autour de ces mares, ayant en général quelques mètres de diamètre et un à deux
mètres ‘de profondeur, nous avons trouvé de très nombreuses coquilles de Limnées,
mortes au cours du desséchement
du ruisseau.
Ces trous d’eau où pullulent les Limnées sont autant de gîtes permanents assurant
la pérennité de l’hôte intermédiaire d’une saison à l’autre.
h) Barrages de retenue d’eau sur les ruisseaux descendant de la montagne et d’où
partent de petits canaux servant à l’irrigation des prairies situées en contrebas.
PHOTO n” 2. - Prairie irriguée où les canaux d’irrigation sont envahis par des Lim-
nées (Vallée du Loreto)
Ces réservoirs de quelques mètres cubes, où poussent parfois du cresson de fon-
taine, mais plus fréquemment des roseaux et des Iridacées, sont la plupart du temps
des lieux de prédilection pour les Limnées qui se trouvent dans une eau calme, légè-
rement oxygénée par une flore aquatique moyennement dense et constamment renou-
velée par un faible ,débit (fig. 2 et 3).
Par contre, les Limnées sont rares et, la plupart du temps, inexistantes dans les
canaux d’irrigation qui sillonnent les pacages, le courant trop fort gênant leur instal-
lation.
Nous avons visité une trentaine ,dme gîtes, soit dans les vallées de basse altitude,
soit dans les vallées plus encaissées non loin des sources de certains cours d’eau côtiers
(altitude variant entre 300 et 600 mètres). Vallées du Baraci, du Loreto, de l’Ortolo,
du Rizzanèse, du Spartalo, du Canalli, du Ventilègne, de l’Oso, de la Conta, du Tarco

AFFECTIONS A TREMATODES EN CORSE
419
et de la Favone. Le pH de l’eau variait entre 6,2 et 6,4 ; le fond était en général vaseux,
très rarement sablonneux.
PHOTO n” 3. - (Vallée du Loreto). Petit ruisseau de
montagne,
où un petit barrage immédiatement en
aval d’un pont de la route, a créé un gîte à Limnées
de dimensions et de volume réduits (photo no 4),
mais où est assurée la péremité de l’espèce vectrice.
Ces deux clichés montrent combien faible serait le
coût de l’assainissement de ces gîtes permanents ne
présentant que quelques mètres cubes d’eau à
traiter
Prophylaxie de la douve du foie en Corse par la lutte antimollusques.
Les endroits où se réfugient les Limnées à la fin de l’été, au moment où les eaux
sont les plus basses, sont des gîtes pérennes nettement circonscrits, de faible volume

480
S. GRETILLAT
en général pratiquement sans courant (fig. 4). La Limnée résistant très mal au desséche-
ment et ne s’enfonçant pas dans l’a vase, la destruction des mollusques dans ces points
d’eau provoquerait la disparition ou, tout au moins, une baisse considérable de la faune
limnologique du bassin hydrographique du cours d’eau considéré.
Dans le cas où les Services vétérinaires départementaux de la Corse prévoiraient
une action prophylactique contre la distomatose des Ruminants, il y aurait lieu d’effec-
tuer un premier essai dans une région déterminée.
FIG. n” 4
Plan pour un premier essai de lutte anti-Moltusques
1” Choisir les bassins hydrographiques de deux ou trois cours d’eau côtiers avec
tous leurs petits affluents.
2” A partir de la source de chacun ‘d’eux, traiter à la fin de l’été toutes les poches
d’eau résiduelles se trouvant dans le fond du lit desséché.
3” Le produit à utiliser pourrait être le dyméthyldithiocarbamate de zinc OU
zirame sous forme de Pou>dre micronisée titrant 90 % de matière active, dont 100 %
des particules ont un ‘diamètre inférieur à 40 I-I, parmi lesquelles 90 % ont un diamètre
inférieur à 10 u.
Ce produit a une D.L. 100 en 24 heures contre les Limnées à des doses de une à
deux parties par million (1 à 2 p.p.m. = 1 à 2 g/mètre cube d’eau). (Pratiquement et
pour éviter des erreurs de ,dosage dues principalement aux difficultés d’évaluation du
volume de l’eau à traiter, il y aurait lieu de prévoir des doses de 4 à 5 p.p.m.).
Sans aucune toxicité pour l’homme et les animaux domestiques, il ne présente
aucun danger pour les utilisateurs, et la seule précaution à prendre lors de son épan-

AFFECTIONS A TRJZMATODES EN CORSE
4 8 1
dage est d’éviter son ,contact avec les yeux et les muqueuses au niveau desquels il
provoque une légère irritation.
Il diffuse très bien, même dans les gîtes encombr6s par de nombreuses plantes
aquatiques, et il suffit ‘de le déposer à la main ou à l’aide d’une poudreuse dans un coin
du gîte pour que, quelques heures après, il se soit dispersé dans toute la mare ou dans
le canal d’irrigation.
Au point de vue pratique, la destruction des gîtes à Limnées d’une région déter-
minée ne peut pas être laissée à la seule initiative de l’éleveur auquel on procurerait
le produit avec les directives nécessaires à son emploi sur le terrain. On n’aboutirait
,
de la sorte qu’à des résultats souvent aléatoires dus :
a) à un manque de coordination dans les travaux d’assainissement ;
b) aux risques d’erreurs dans le dosage du produit molluscicide (évaluation du
volume de l’eau à traiter, calculs en parties par million) ;
c) au non traitement des gîtes à Limnées situés en dehors des zones de pâturages.
A notre avis, il y a lieu de prévoir une équipe mobile de deux ou trois personnes
pourvue d’un véhicule tous terrains et convenablement entraînée à la recherche systé-
matique ‘de tous les gîtes et à leur traitement.
Bibliographie
BRUMPT (E) (1929). - Cycle évolutif du Schistosoma hovis (Bilharzia crassa) ; infection spontanée
de Bulinus contortus en Corse C. -R. Acad. Sci. CLXXXXI, p. 879.
-
(1930). - Cycle évolutif complet de Schistosoma bovis. Infection naturelle en Corse et
infection expérimentale de Bulinus confortus. Ann. Paras. hum. camp., VIII, pp. 17-50.
BUTTNER (A.) et BOLJRCART (N.) (1957). - Etude des facteurs épidémiologiques qui président à la
création d’un foyer de bilharziose humaine. Observations faites au Brésil et en Corse.
Bull. soc. Path. exot., L, pp. 473-480.
Au sujet de l’emploi du zirame comme molluscicide, et de la prophylaxie de la fasciolose des
ruminants, les travaux suivants peuvent être consultés :
GRÉTILLAT (S.) (1961). - Distomatose et bilharziose des ruminants domestiques. Leur prophylaxie
par la lutte antimollusques. Rev. Elev. Vét. Pays Trop., XIV, 3, pp. 293-313.
-
(1961). - Un nouveau molluscicide, le diméthyldithiocarbamate de zinc (zirame). Bull.
O.M.S., XXV, pp. 581-588.
-
(1961). - Prophylaxie des affections à Trématodes de l’homme et des animaux domestiques
*
par destruction des Mollusques, hôtes intermédiaires. (Résultats obtenus avec un nouveau
molluscicide, le diméthyldithiocarbamate de zinc). Cahiers Méd. Vét., sept.+&. 1961, XXX,
5, pp. 153-171.
[Znstitut d’EIevage et de Médecine vétérinaire des Pays tropicaux
Laboratoire National de Recherches Vétérinaires de Dakar-Hann (République du Sénégal)]
-------