INSTITUT D’ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE DES...
INSTITUT D’ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE
VÉTÉRINAIRE DES PAYS TROPICAUX
i
REVUE D’ÉLEVAGE
ET DE
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
DES PAYS TROPICAUX
Fréquence au Sénégal du botulisme
animal d’origine hydrique
t
par M. P. DOUTRE
1
Tome XXII (nouvelle série)
NO 1 - 1 9 6 9
VIGO~- FRÈRES, ÉDITEURS -~-
23, rue de l’École-de-Médecine, PARIS-VI’
Rer. Elev. Méd. Vét. Pays frop., 1969, 22, 1 (29-31)
Fréquence au Sénégal du botulisme animal
d’origine hydrique
par M. P . DOUTRE
RÉSUMÉ
L’auteur rapporte trois observations de botulisme animal ayant pour origine
l’absorption d’une eau d’abreuvement contaminée par des cadavres de petits
mammifères. Une hypothèse concernant l’origine de l’épizootie observée depuis
1959 dans le Fer-10 est formulée.
Depuis moins d’un an, par trois fois, le diag-
Observation no 2 :
nostic de botulisme a été posé à la suite de
Elle provient de la région de Podot-. Le
mortalités survenues chez des animaux d’espèces
13 décembre 1968, au village de Gadde Boffé,
variées, abreuvés avec l’eau retirée de trois puits
26 moutons, 6 ânes et 2 chevaux succombent
différents.
après avoir absorbé l’eau d’un puits où égale-
La relation de ces trois observations fait
ment un chat avait été précipité. Des prèlève-
l’objet de la présente note :
ments recueillis sur des animaux morts, le
Observation no 1 :
cadavre du chat et un échantillon d’eau par-
viennent au Laboratoire.
Elle a été rapportée dans une note publiée
De la toxine botulique est mise en évidence
récemment (*). Des bovins et des chevaux, dont
dans le surnageant de la culture, en bouillon
le nombre n’est pas précisé, succombent en
V-F anaérobie, de fragments desséchés du
offrant des signes paralytiques, après avoir
cadavre du chat (DMM/souris = 0,00005 ml).
absorbé l’eau du puits de Taïba-Thiékéné
La séroneutralisation montre qu’il s’agit cette
(département de M’Backé). Les commémoratifs
fois du type C de CI. botulinum.
précisent que des chats y ont été noyés.
L’ensemencement en bouillon V-F anaérobie
Observation no 3 :
de quelques sédiments, présents dans le fond de
la bouteille ayant servi au transport d’un prélè-
Elle est effectuée au village de BeytiI-Moukha-
vement d’eau, donne une culture mixte dont le
dess situé à 80 km dans l’est de Khaffrine. Nous
surnageant se révèle contenir de la toxine
avons eu la possibilité de nous rendre sur les
botulique (DMM/souris = 0,00005 ml).
lieux de 9 janvier 1969.
La séroneutralisation effectuée sur souris
118 bovins, 10 moutons et 1 cheval ont suc-
montre qu’une souche de Clostridium botulinum
combé après avoir bu l’eau du puits autour
de type D est responsable de la mortalité cons-
duquel se rassemble une communauté familiale
tatée.
de quelques cases. A notre arrivée, le puits
-
avait été vidé et un cadavre d’écureuil fouisseur,
(*) Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1969, 22, 1.
appelé communément rat-palmiste (Xerus ery-
- 2 9
-
thropus) y avait été découvert après environ
de ce genre ne fut rapporté par les agents du
15 jours d’immersion,
Service de IlElevage.
Près des restes décomposés d’un bovin mort
Toutefois, ces accidents permettent de for-
depuis une semaine, un oiseau se traînait,
muler une hypothèse quant à l’origine de I’épi-
incapable du moindre vol (Pie-grièche à bec
zootie de botulisme rencontrée dans la région
jaune, Corvinella corvina).
d’élevage du Ferlo depuis déjà près d’une
Deux bovins sacrifiés à l’agonie ont fourni
décade (les premiers rapports remontent à 1959).
des prélèvements qui furent rapportés au
II est en effet possible de considérer que, dans un
Laboratoire, ainsi qu’un échantillon d’eau et la
ou plusieurs forages, l’eau d’un abreuvoir
peau de l’écureuil.
souillée par un cadavre de chat ou de petit
mammifère quelconque, ait été la cause d’une
La culture en milieu V-F anaérobie d’un
intoxication botulique limitée. Les restes des
broyai de foie et celle d’un broyat d’anse intes-
animaux morts, disséminés dans un rayon de
tinale d’un des bovins abattus permettent
plusieurs centaines de mètres autour du point
d’obtenir un surnageant de centrifugation qui se
d’eau contaminé, auraient été à l’origine de la
montre contenir de la toxine botulique (DMM/
propagation des spores botuliques, leur absorp-
souris 0,005 ml). La séroneutralisation sur souris
tion étant facilitée par I’ostéophagie présentée
révèle que le type C est de nouveau en cause.
par des bovins en état d’aphosphorose saisonnier.
L’origine botulique de l’intoxication apparaît
La dissémination des restes, des ossements des
comme évidente et l’hypothèse d’un empoison-
nouvelles victimes et leur consommation par des
nement, dû à la malveillance, par une substance
animaux carencés auraient permis à la maladie
chimique était désormais écartée. Une bouteille,
de faire tache d’huile et de s’étendre progressive-
type bouteille à sirop, avait été en effet sortie
ment à toute la région d’élevage.
du puits, le propriétaire avait porté plainte
L’accident survenu à Beytil-Moukhadess, vil-
et une enquête débutait...
lage situé bien en dehors du Ferlo, pourrait
donc, si les cadavres n’étaient pas détruits
ou enfouis selon les recommandations for-
DISCUSSION
mulées, être à l’origine d’une seconde flambée
de botulisme dans une zone d’élevage jusqu’alors
En six mois, trois cas d’intoxication botulique,
indemne.
ayant pour origine une eau d’abreuvement
souillée par des cadavres de petits mammifères,
Insfifut d’Elevage et de Médecine Vétérinaire
ont été constatés par le Laboratoire. Cette
des Pays Tropicaux, Maisons-Alfort.
répétition, rapprochée dans le temps, semble
Laboratoire National de I’Elevage
pour le moins étonnante, lorsque l’on sait que
et de Recherches Vétérinaires
dans les années passées, jamais un seul exemple
Dakar (Sénégal).
S U M M A R Y
Frecuency of animal botulism from hydric origin in Senegal
The author reports three cases of animal botulism caused by the absorption
of water from Wells contaminated by corpses of small mammals. An hypothesis
concerning the origin ofthe outbreak observed since 1959 in the Ferlo is expres-
s e d .
RESUME N
Frecuencia del botulismo animal de origen hidrica en Senegal
El autor relata tres observaciones de botulismo animal debido a la absorcion
de agua de pozos contaminados por cadaveres de pequefios mamiferos. Una
hipotesis concerniendo el origen de la epizootia que se encuentra desde 1959 en
Fer10 h o sido formulada.
- 3 0 -
BIBLIOGRAPHIE
1. CALVET (H.), PICART (P.), DOUTRE (M.
une tourterelle (Sfrepfopelia roseogrisea bor-
P,) et CHAMBRON (J.). - Aphosphorose et
nuensis) du Ferlo (Sénégal). Rev. Elev. Méd.
botulisme au Sénégal. Rev. Elev. Méd. vét. Pays
vét. Pays trop., 1967, 20 (4) : p. 601-604.
hop., 1965, 18 (3) : p. 249-282.
6. MULLER (J.). - Botulisme équin et bovin au
2. DOUTRE (M. P,) et CHAMBRON (J.). - Le
Danemark. Bull. O/jT ht. Epi~., 1963, 59 :
botulisme des ruminants et des équidés au
p. 1379-I 390.
Sénégal. Caractères de la souche isolée de
7. PIGOURY (L.), MICHEL (C.) et CHABAS-
Cl. bofulinum et de sa toxine. Rev. Elev. Méd.
SOL. - Rôle de l’eau dans I’étiologie du
vét. Pays trop., 1966, 19 (4) : p. 495-510.
botulisme animal. Rev. CPS Santé Armées, 1962,
3. DOUTRE (M. P.). - Le botulisme animal au
3 : p. 649.
Sénégal. Bull. Or inf. Epi~., 1967, 67 (11-12) :
8. PREVOT (A. R.), HUET (M.) et TARDIEUX
p. 1497-I 515.
(P.). - Etude de vingt-cinq foyers récents de
4. DOUTRE (M. P.). - Première observation de
botulisme animal. Bull. Acad. vét. de France,
botulisme C beta chez le porc au Sénégal.
1950, 23 : p. 481-487.
Rev. Elev. Méd. véi. Pays trop., 1967, 20 (2) :
8. PREVOT (A. R.) et SILLIOC (R,). - Une
p. 351-353.
énigme
biologique : chat et botulisme.
5. DOUTRE (M. P.). - Botulisme de type C chez
Ann. Inst. Pasteur, 1955, 89 : p, 354-357.
Imonmé en France. - Imu. JOUVE. 12. Rue de Tournon. Paris (6’)
VÉTÉRINAIRE DES PAYS TROPICAUX
i
REVUE D’ÉLEVAGE
ET DE
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
DES PAYS TROPICAUX
Fréquence au Sénégal du botulisme
animal d’origine hydrique
t
par M. P. DOUTRE
1
Tome XXII (nouvelle série)
NO 1 - 1 9 6 9
VIGO~- FRÈRES, ÉDITEURS -~-
23, rue de l’École-de-Médecine, PARIS-VI’
Rer. Elev. Méd. Vét. Pays frop., 1969, 22, 1 (29-31)
Fréquence au Sénégal du botulisme animal
d’origine hydrique
par M. P . DOUTRE
RÉSUMÉ
L’auteur rapporte trois observations de botulisme animal ayant pour origine
l’absorption d’une eau d’abreuvement contaminée par des cadavres de petits
mammifères. Une hypothèse concernant l’origine de l’épizootie observée depuis
1959 dans le Fer-10 est formulée.
Depuis moins d’un an, par trois fois, le diag-
Observation no 2 :
nostic de botulisme a été posé à la suite de
Elle provient de la région de Podot-. Le
mortalités survenues chez des animaux d’espèces
13 décembre 1968, au village de Gadde Boffé,
variées, abreuvés avec l’eau retirée de trois puits
26 moutons, 6 ânes et 2 chevaux succombent
différents.
après avoir absorbé l’eau d’un puits où égale-
La relation de ces trois observations fait
ment un chat avait été précipité. Des prèlève-
l’objet de la présente note :
ments recueillis sur des animaux morts, le
Observation no 1 :
cadavre du chat et un échantillon d’eau par-
viennent au Laboratoire.
Elle a été rapportée dans une note publiée
De la toxine botulique est mise en évidence
récemment (*). Des bovins et des chevaux, dont
dans le surnageant de la culture, en bouillon
le nombre n’est pas précisé, succombent en
V-F anaérobie, de fragments desséchés du
offrant des signes paralytiques, après avoir
cadavre du chat (DMM/souris = 0,00005 ml).
absorbé l’eau du puits de Taïba-Thiékéné
La séroneutralisation montre qu’il s’agit cette
(département de M’Backé). Les commémoratifs
fois du type C de CI. botulinum.
précisent que des chats y ont été noyés.
L’ensemencement en bouillon V-F anaérobie
Observation no 3 :
de quelques sédiments, présents dans le fond de
la bouteille ayant servi au transport d’un prélè-
Elle est effectuée au village de BeytiI-Moukha-
vement d’eau, donne une culture mixte dont le
dess situé à 80 km dans l’est de Khaffrine. Nous
surnageant se révèle contenir de la toxine
avons eu la possibilité de nous rendre sur les
botulique (DMM/souris = 0,00005 ml).
lieux de 9 janvier 1969.
La séroneutralisation effectuée sur souris
118 bovins, 10 moutons et 1 cheval ont suc-
montre qu’une souche de Clostridium botulinum
combé après avoir bu l’eau du puits autour
de type D est responsable de la mortalité cons-
duquel se rassemble une communauté familiale
tatée.
de quelques cases. A notre arrivée, le puits
-
avait été vidé et un cadavre d’écureuil fouisseur,
(*) Rev. Elev. Méd. vét. Pays trop., 1969, 22, 1.
appelé communément rat-palmiste (Xerus ery-
- 2 9
-
thropus) y avait été découvert après environ
de ce genre ne fut rapporté par les agents du
15 jours d’immersion,
Service de IlElevage.
Près des restes décomposés d’un bovin mort
Toutefois, ces accidents permettent de for-
depuis une semaine, un oiseau se traînait,
muler une hypothèse quant à l’origine de I’épi-
incapable du moindre vol (Pie-grièche à bec
zootie de botulisme rencontrée dans la région
jaune, Corvinella corvina).
d’élevage du Ferlo depuis déjà près d’une
Deux bovins sacrifiés à l’agonie ont fourni
décade (les premiers rapports remontent à 1959).
des prélèvements qui furent rapportés au
II est en effet possible de considérer que, dans un
Laboratoire, ainsi qu’un échantillon d’eau et la
ou plusieurs forages, l’eau d’un abreuvoir
peau de l’écureuil.
souillée par un cadavre de chat ou de petit
mammifère quelconque, ait été la cause d’une
La culture en milieu V-F anaérobie d’un
intoxication botulique limitée. Les restes des
broyai de foie et celle d’un broyat d’anse intes-
animaux morts, disséminés dans un rayon de
tinale d’un des bovins abattus permettent
plusieurs centaines de mètres autour du point
d’obtenir un surnageant de centrifugation qui se
d’eau contaminé, auraient été à l’origine de la
montre contenir de la toxine botulique (DMM/
propagation des spores botuliques, leur absorp-
souris 0,005 ml). La séroneutralisation sur souris
tion étant facilitée par I’ostéophagie présentée
révèle que le type C est de nouveau en cause.
par des bovins en état d’aphosphorose saisonnier.
L’origine botulique de l’intoxication apparaît
La dissémination des restes, des ossements des
comme évidente et l’hypothèse d’un empoison-
nouvelles victimes et leur consommation par des
nement, dû à la malveillance, par une substance
animaux carencés auraient permis à la maladie
chimique était désormais écartée. Une bouteille,
de faire tache d’huile et de s’étendre progressive-
type bouteille à sirop, avait été en effet sortie
ment à toute la région d’élevage.
du puits, le propriétaire avait porté plainte
L’accident survenu à Beytil-Moukhadess, vil-
et une enquête débutait...
lage situé bien en dehors du Ferlo, pourrait
donc, si les cadavres n’étaient pas détruits
ou enfouis selon les recommandations for-
DISCUSSION
mulées, être à l’origine d’une seconde flambée
de botulisme dans une zone d’élevage jusqu’alors
En six mois, trois cas d’intoxication botulique,
indemne.
ayant pour origine une eau d’abreuvement
souillée par des cadavres de petits mammifères,
Insfifut d’Elevage et de Médecine Vétérinaire
ont été constatés par le Laboratoire. Cette
des Pays Tropicaux, Maisons-Alfort.
répétition, rapprochée dans le temps, semble
Laboratoire National de I’Elevage
pour le moins étonnante, lorsque l’on sait que
et de Recherches Vétérinaires
dans les années passées, jamais un seul exemple
Dakar (Sénégal).
S U M M A R Y
Frecuency of animal botulism from hydric origin in Senegal
The author reports three cases of animal botulism caused by the absorption
of water from Wells contaminated by corpses of small mammals. An hypothesis
concerning the origin ofthe outbreak observed since 1959 in the Ferlo is expres-
s e d .
RESUME N
Frecuencia del botulismo animal de origen hidrica en Senegal
El autor relata tres observaciones de botulismo animal debido a la absorcion
de agua de pozos contaminados por cadaveres de pequefios mamiferos. Una
hipotesis concerniendo el origen de la epizootia que se encuentra desde 1959 en
Fer10 h o sido formulada.
- 3 0 -
BIBLIOGRAPHIE
1. CALVET (H.), PICART (P.), DOUTRE (M.
une tourterelle (Sfrepfopelia roseogrisea bor-
P,) et CHAMBRON (J.). - Aphosphorose et
nuensis) du Ferlo (Sénégal). Rev. Elev. Méd.
botulisme au Sénégal. Rev. Elev. Méd. vét. Pays
vét. Pays trop., 1967, 20 (4) : p. 601-604.
hop., 1965, 18 (3) : p. 249-282.
6. MULLER (J.). - Botulisme équin et bovin au
2. DOUTRE (M. P,) et CHAMBRON (J.). - Le
Danemark. Bull. O/jT ht. Epi~., 1963, 59 :
botulisme des ruminants et des équidés au
p. 1379-I 390.
Sénégal. Caractères de la souche isolée de
7. PIGOURY (L.), MICHEL (C.) et CHABAS-
Cl. bofulinum et de sa toxine. Rev. Elev. Méd.
SOL. - Rôle de l’eau dans I’étiologie du
vét. Pays trop., 1966, 19 (4) : p. 495-510.
botulisme animal. Rev. CPS Santé Armées, 1962,
3. DOUTRE (M. P.). - Le botulisme animal au
3 : p. 649.
Sénégal. Bull. Or inf. Epi~., 1967, 67 (11-12) :
8. PREVOT (A. R.), HUET (M.) et TARDIEUX
p. 1497-I 515.
(P.). - Etude de vingt-cinq foyers récents de
4. DOUTRE (M. P.). - Première observation de
botulisme animal. Bull. Acad. vét. de France,
botulisme C beta chez le porc au Sénégal.
1950, 23 : p. 481-487.
Rev. Elev. Méd. véi. Pays trop., 1967, 20 (2) :
8. PREVOT (A. R.) et SILLIOC (R,). - Une
p. 351-353.
énigme
biologique : chat et botulisme.
5. DOUTRE (M. P.). - Botulisme de type C chez
Ann. Inst. Pasteur, 1955, 89 : p, 354-357.
Imonmé en France. - Imu. JOUVE. 12. Rue de Tournon. Paris (6’)