Bull. Org. mond. Santé 1964,30, 413-425 ...
Bull. Org. mond. Santé
1964,30, 413-425
Bull. Wld Hlth Org.
1
Efficacité du zirame (diméthyldithiocarbamate de zinc)
sur les gîtes à mollusques en rivière
et toxicité pour les poissons
S. GRÉTILLAT l & A. LACAN2
Une campagne de prophylaxie antibilharzienne et antidistomienne réalisée au Sénégal
en mars 1963 dans des biefs du haut cours du fleuve Casamance, a permis de confirmer la
valeur molluscicide du zirame (diméthyldithiocarbamate de zinc) en eau courante. A des
doses de 2 à 3 p.p.m., il détruit les bulins et les limnées vecteurs situés dans les gîtes des
bords du cours d’eau.

Au point de vue ichtyotoxicité de ce molluscicide, cette opération montre que, si cer-
taines espèces sont tuées en 12 à 96 heures, d’autres par contre sont insensibles, leurs
alevins pouvant vivre sans être incommodés dans des eaux contenant du zirame.
Au cours de cette opération, 1600 kg de zirame ont été déversés dans I3,5 km de bief
de rivière représentant un volume d’eau de 830 000 ms.
En décembre 1962, une opération pilote de prophy-
marigots affluents, sont le lieu de prédilection de
laxie antibilharzienne par destruction des mollusques
nombreux mollusques d’eau douce. Disposant de
d’eau douce hotes intermédiaires, réalisée au Sénégal
moyens relativement importants, nous avons pensé
oriental (région de Tambacounda), permit de confir-
intéressant de mettre sur pied une opération qui, par
mer sur le terrain et à échelle moyenne, la valeur
certains côtés, dépassait le domaine de la recherche
molluscicide d’un produit de synthèse, le diméthyl-
et empiétait sur celui de la prévulgarisation des tech-
dithiocarbamate de zinc, ou zirame, déjà reconnue et
niques à employer dans des interventions de grande
signalée en 1961 par le Service d’Helminthologie
du
envergure.
Laboratoire national de 1’Elevage et de Recherches
D’autres régions du Sénégal (Haute Gambie,
vétérinaires de Dakar (Grétillat, 1961a; Grétillat &
Kédougou), présentent au point de vue endémicité
Lacan, 1963).
bilharzienne et nature des biotopes de l’hôte inter-
Cette expérimentation fournit un certain nombre
médiaire, des conditions très voisines de celles ren-
d’indications sur les techniques d’épandage du pro-
contrées en Haute Casamance; cependant, les raisons
duit dans les mares et les marigots en eau calme, mais
suivantes ont milité en faveur du choix de cette der-
les résultats obtenus ne pouvaient être extrapolés aux
nière pour y tenter une opération antimollusques.
cas, un peu particuliers, de gîtes à mollusques situés
1. Kolda et ses environs immédiats, ainsi que
le long des bords d’une rivière.
Dianha-Malari, situé 35 km plus à l’ouest, sont de
La Haute Casamance (régions de Kolda et de
gros centres de haute endémicité bilharzienne. A
Dianha-Malari) présente un des plus hauts taux d’en-
Kolda, 70 à 80% des écoliers présentent des oeufs
démicité bilharzienne du Sénégal. Dans cette partie
de schistosomes à éperon polaire dans leurs urines
de son cours, le fleuve Casamance, ainsi que ses
et plus de la moitié d’entre eux souffrent d’hématurie
plus ou moins prononcée.
1 Chef du Service d’Helminthologie au Laboratoire natio-
nal de 1’Elevage et de Recherches v&&inaires de Dakar,
2. Plusieurs enquêtes épidémio-malacologiques
Sénégal.
réalisées par le Service d’Helminthologie du Labo-
2 Chef du Service des Grandes Endémies.au Ministère de
ratoire national de Recherches vétérinaires de Dakar
hx,katé et des Affaires sociales de la Repubhque du Senegal,
avaient permis de déterminer l’hôte intermédiaire de
1408
- 413 -

L
414
S. GRÉTILLAT & A. LACAN
la bilharziose génito-urinaire dans cette région, à
branches et de troncs morts arrachés et transportés
savoir Bulinus jousseaumei Dautzemberg, ainsi que
par le cours d’eau pendant les crues, de mai à
l’emplacement et la nature de ses gîtes.1
octobre.
3. D’autre part, au cours de ces mêmes enquêtes,
Cet ensemble de conditions constitue un substrat
de nombreux gîtes à Lymnaea natalensis caillaudi
idéal pour la croissance d’une végétation aquatique,
Bourguignat, hôte intermédiaire de Fasciola gigan-
surtout dense le long des rives, représentée par des
tica Cobbold (douve géante), avaient été repérés,
graminées aquatiques, des Cypéracées, des joncs, des
expliquant la fréquence de la distomatose bovine
Nymphaea, des lotus et des Pistia stratiotes. Dès que
dans les troupeaux de cette région du Sénégal
la profondeur du cours d’eau dépasse 2 m, toute
(Grétillat, 1961 b).
végétation aquatique disparaît. Enfin, dans certaines
criques en eau calme du bord de la rivière, poussent
en abondance des utriculaires et des algues.
ÉLÉMENTS ~É~cx~Fw~QIJE~, TOPOGRAPHIQUES,
Du point de vue hydrographique, si en période
BIOLOGIQUES ET PHYSICO-CHIMIQUES
d’hivernage le fleuve reçoit de très nombreux affluents
SUR LA RIVIÈRE CASAMANCE
constitués par des marigots grossis par les pluies, par
La Casamance est un cours d’eau permanent du
contre, en saison sèche, ses seuls tributaires sont
sud du Sénégal, de 280 km de longueur environ, cou-
quelques marigots pérennes situés sur sa rive gauche.
lant de l’est vers l’ouest. Elle se jette dans I’Atlan-
Ces petits cours d’eau de faible débit sont les émonc-
tique par un très large estuaire donnant accès aux
toires de zones plus ou moins marécageuses situées
navires de haute mer jusqu’au port de Ziguinchor,
entre la Casamance et la frontière sénégalo-gui-
situé à 50 km à l’intérieur des terres.
néenne.
Une très faible pente, un lit très large dans une
En ce qui concerne les principales constantes
région de faible altitude font que l’influence de la
physico-chimiques des eaux de la Casamance et de
marée est ressentie jusqu’à 180 km à l’intérieur des
ses affluents, cinq enquêtes, faites en mai-juin 1960,
terres. Cette teneur en sel, si faible soit-elle, de toute
en mai 1962 et en janvier-mars 1963, montrent que
la partie inférieure du cours de la rivière fait que
leur pH varie de 6,5 à 6,9 suivant la nature des rives
les premiers gîtes à mollusques ne se rencontrent
et du fond. La température est de 22” C en janvier-
qu’en Haute Casamance, un peu en aval de Dianha-
février et atteint 26”-27” C en mai le long des rives
Malari où les eaux de la rivière sont douces.
dans les criques en eau calme, mais n’est que de
Prenant sa source à environ 40 km à l’est de Kolda,
24”-25” C sur les hauts-fonds où l’eau est courante.
dans un fond de vallée marécageuse encombrée de
La teneur des eaux en matières organiques est
joncs et de graminées poussant sur un sol légèrement
variable, suivant la nature des biefs. Très faible sur
acide de pH 5,s à 6,2, la Casamance traverse ensuite
les hauts-fonds, elle est par contre importante dans
une région très boisée pratiquement inhabitée (forêt
les endroits où l’eau est calme et profonde.
classée et réserve de chasse de Bakor), où son lit est
Du point de vue ensoleillement, les marigots
coupé de loin en loin par des seuils rocheux limitant
affluents de la Casamance mis à part, la largeur du
des biefs en eau calme dont la largeur varie de 15 à lit de la rivière fait que ses eaux sont pratiquement
30 m, pour une profondeur allant de 1 à 3,50 m.
exposées aux rayons solaires pendant toute la jour-
Ces dimensions sont celles de la rivière en saison
née, les arbres situés le long des rives n’ombrageant
sèche, car au cours de la saison des pluies, les préci-
que très faiblement les petites anfractuosités des
pitations très abondantes (1,30 m, étalées sur 6 mois,
bords du cours d’eau.
de mai à octobre) font déborder la rivière dans la
Tout cet ensemble de conditions est infiniment
forêt aux endroits où le lit est peu encaissé.
favorable à l’installation et à la pérennité de nom-
Le fond du fleuve (les hauts-fonds exceptés, dont
breux gîtes à Bulinus jousseaumei et à Lymnaea
le sol est rocheux) est vaseux, recouvert d’une épaisse
natalensis caillaudi qui trouvent dans les endroits où
couche de matières organiques présentant à sa sur-
l’eau est moyennement profonde (0,50 à 1 m), les
face des débris végétaux composés de feuilles
matières organiques nécessaires à leur nourriture, un
d’arbres tombées dans la rivière et des fragments de
bon ensoleillement et des supports représentés par
les feuilles et les tiges de lotus et de nénuphars, lieux
’ Grétillat, S. (1960) Rapport d’enquêtes parasitologiques
d’élection pour la ponte.
faites en Haute Casamance. Rapport non publié du Labora-
toire national de I’Elevage et de Recherches vétérinaires de
Ces deux gastéropodes d’eau douce, se trouvant
Dakar.
approximativement dans les mêmes biotopes, et la

.
EFFET DU ZIRAME SUR LES MOLLUSQUES ET TOXICITÉ POUR LES POISSONS
4 1 5
Casamance n’étant en saison sèche aux environs de
d) sur la toxicité possible du produit pour la faune
Kolda qu’une rivière de faibles dimensions (20 à
(batraciens, larves d’insectes, etc.) et la flore aqua-
30 m de large sur 1 à 2,5 m de profondeur), une
tiques.
opération antimollusques paraissait possible et ren-
table puisqu’on groupait en une seule opération
P R O S P E C T I O N S P R É A L A B L E S
prophylaxies antibilharzienne et antidistomienne, en
traitant un volume d’eau relativement faible.
La région de Kolda et ses environs
Cette partie du cours de la Casamance ne présente
pas de marigots affluents, tout au moins en saison
PRODUIT UTILISÉ ET TECHNIQUES D’ÉPANDAGE
sèche.
Le zirame utilisé se présentait sous la forme d’une
Du point 1 au point 2 de la carte (voir figure), la
poudre micronisée très légère (densité moyenne
rivière a 10 à 20 m de large et 1 à 2,50 m de profon-
0,25 à 0,30) titrant 90% de produit pur et emballée
deur, avec des rives bordées par une forêt galerie peu
dans des sacs de 20 kg doublés de polyéthylène; la
dense. Dans ce bief de 3,5 km l’eau est calme, très
solubilité maximum de la poudre dans l’eau est de
chargée en matières organiques et recouverte tout le
6 5 mg/l.
long des rives par de nombreux nénuphars (pH de
Cette poudre très fine (100 % de ses particules ont
l’eau 6,8). Température en surface à 14 heures: 26” C
un diamètre inférieur à 40 p, parmi lesquelles 90%
(mars-avril). De très nombreux troncs d’arbres et
d’entre elles ont un diamètre inférieur à 10 CL), devait
des branches pourries encombrent par endroits le
être répandue à la surface de l’eau pour réduire au
lit de la rivière.
minimum les pertes de substance, toujours possibles,
A environ 300 m en amont du point 2 existe une
sous l’action du vent.
série de hauts-fonds où l’eau coule rapidement sur un
D’autre part, pour assurer une bonne dispersion
fond rocheux et où n’existe aucun gîte à mollusques.
du produit dans les eaux à assainir, il fallait par un
Le point 2 de la carte est caractérisé par un endroit
épandage rationnel, soit le long des rives, soit suivant
du lit où l’eau, profonde et calme, stagne plus ou
le grand axe du cours d’eau. La solution la plus
moins sur un fond vaseux où poussent de nombreux
pratique pour obtenir un tel résultat était l’utilisa-
nénuphars et lotus constituant d’importants gîtes à
tion d’une embarcation légère à faible tirant d’eau
mollusques.
permettant d’atteindre commodément et rapidement
Un autre seuil rocheux existe 5 à 600 m en aval du
les endroits à traiter, tout en facilitant le transport
point 2, puis la rivière amorce un méandre où l’eau
du personnel et celui du molluscicide à déverser dans
est très calme comme elle n’est plus bordée de forêt
les gîtes.
galerie, la teneur en matières ‘organiques diminue
A cet effet, on utilisa deux canots pneumatiques
pour devenir plus importante au niveau du bief
pouvant emporter à eux deux six hommes et 450 kg
point 3 - point 4 où le cours d’eau traverse des villages
de charge utile.
à forte densité de population. Ce bief, à fond très
vaseux, sert en de nombreux points de lieu de bai-
gnade et les femmes viennent y laver leur linge et
PLAN DE TRAVAIL
leur vaisselle. La densité malacologique y est très
Au cours de cette opération réalisée en mars 1963,
élevée et la surface de l’eau est presque entièrement
le plan de travail suivant a été adopté:
recouverte par des nénuphars et des lotus. Le pH de
1. Prospections préalables destinées à repérer les
l’eau est de 6,6 à 6,8 et sa température est de 26”-
biefs de rivière à assainir.
27” C à 14 heures en mars-avril.
Le point 4 de la carte correspond au pont de
2. Evaluation approximative du volume de l’eau
Kolda faisant communiquer les quartiers rive gauche
de chaque bief de rivière à traiter par le zirame.
et rive droite de la ville et construit sur un seuil
3. Epandage du molluscicide.
rocheux. Ce haut-fond, où l’eau est courante, crée
4. Contrôle des résultats obtenus:
en amont du pont une retenue d’eau, sorte de piscine
naturelle très fréquentée par les enfants et les adultes
a) sur la faune malacologique vectrice
de Kolda qui viennent s’y baigner chaque jour.
b) sur les autres mollusques d’eau douce
Les gîtes à bulins de ce bief ainsi que ceux placés
c) sur la toxicité éventuelle du produit pour les
en aval du pont méritent une remarque spéciale. En
poissons
effet, si de nombreux mollusques vivent dans les

416
S . GFtÉTILLAT
& A. LACAN
K O L D A E T S E S E N V I R O N S
peuplements de nénuphars et de lotus, il existe une
linéaire de palissade, les mollusques avec leurs pontes
très forte densité malacologique dans des biotopes
étant fixés sur ces fragments de bois en décomposition.
créés artificiellement par les habitants de Kolda, et
Le bief point 4-point 5 de la carte représente sen-
très favorables à la prolifération des gastéropodes
siblement les mêmes conditions que le bief en amont
d’eau douce.
du pont de Kolda, à savoir, un fond vaseux avec des
Pendant toute la traversée de la ville de Kolda, la
rives en pente douce sur lesquelles sont installés des
Casamance présente des rives en pente douce qui sont
potagers. Plus en aval, le lit s’encaisse et la rivière
découvertes au fur et à mesure que les eaux baissent
est bordée par une forêt galerie de faible densité.
au cours de la saison sèche. Ces riches terrains allu-
La largeur moyenne ne dépasse pas 20 m et la
vionnaires sont utilisés par les riverains comme pota-
profondeur au milieu du lit varie de 1 à 2 m.
gers dont l’étendue s’accroît jusqu’au bord des rives
Du point 1 au point 5 de la carte, les eaux ne sont
humides du fleuve permettant ainsi un arrosage quo-
pratiquement que très peu ombragées et sont expo-
tidien plus facile. Or, pour protéger leurs légumes
sées toute la journée à l’action de la lumière solaire.
contre les animaux errants prédateurs tels que les
Alors que Lymnaea natalensis caillaudi préfère les
moutons et les chèvres, ces cultivateurs entourent
couches supérieures bien ensoleillées, Bulinus jous-
leurs jardins par des palissades faites de branchages
seaumei se rencontre plutôt en profondeur; on le
et de fragments de buissons coupés qui descendent
trouve fixé sur des feuilles de lotus immergées à 20
plusieurs mètres en avant dans le fond du lit de la
ou 30 cm au-dessous de la surface, ou sur des feuilles
rivière. Ces tronçons de bois pourrissent peu à peu
d’arbre tombées dans le fleuve, présentant un début
*et constituent pour les bulins des gîtes de reproduc-
de décomposition et recouvertes d’une fine couche
tion idéaux, au point qu’il est possible de recueillir
de débris organiques dont se nourrit vraisemblable-
en mars plusieurs centaines d’exemplaires par mètre
ment le mollusque.

EFFET DU ZIRAME SUR LES MOLLUSQUES ET TOXICITÉ POUR LES POISSONS
417
La densité malacologique est surtout élevée, en ce
Les techniques utilisées pour l’évaluation de la
qui concerne les bulins, dans les endroits où croissent
densité malacologique dans les gîtes prospectés
en abondance Nymphaea et lotus, mais, par contre,
sont les suivantes:
beaucoup plus faible dans les biefs profonds ou à sol
Gîtes situés en bordure de la rivière : un aide récolte
rocheux, où ne pousse aucune végétation aquatique.
à la main tous les mollusques qu’il peut trouver sur
Les rives plus ou moins marécageuses à sol acide,
le fond, à la surface de l’eau et sur les supports végé-
où prolifèrent des graminées aquatiques et des joncs,
taux dans un rectangle de 1 mx 10 m le long de la
ne semblent pas convenir aux mollusques. A titre
rive, délimité par des pieux placés dans la rivière.
d’exemple, le bief de rivière indiqué en traits hachu-
rés sur la carte présente toutes ces conditions. Les
Gîtes situe% au milieu du cours d’eau : les peuple-
peuplements de nénuphars et de lotus y sont très
ments de nénuphars et de lotus, ainsi que les débris
rares et l’eau y est très profonde (2,5 à 3,5 m). Ce
végétaux, sont relevés délicatement et le nombre de
bief ne contient pratiquement pas de gîtes à mol-
mollusques est évalué par m2 de surface de rivière.
lusques.
Cette dernière technique est beaucoup plus approxi-
Les premières collections de bulins et de limnées
mative que la première, étant donné l’impossibilité
ayant été repérées plus en aval (à partir du point 1
de compter les spécimens se trouvant sur le fond du
de la carte), l’épandage du molluscicide a débuté à
cours d’eau et ceux se détachant des supports végé-
ce niveau pour se terminer à quelques kilomètres en
taux au cours de la manipulation de ces derniers.
aval de Kolda (point 5 de la carte).
La densité malacologique constatée dans les peu-
Dianha-Malari
*
plements de nénuphars et de lotus est très variable
L’importance de la Casamance au niveau de ce
suivant les endroits considérés.
centre où le fleuve devient navigable (largeur moyenne
Bief point 1 - point 2 de la carte:
50 à 60 m, profondeur 1 à 3 m), ne permettait pas
d’envisager avec les moyens dont nous disposions
Le long des rives:
un épandage de zirame sur plusieurs km de part et
Bulins: 5 à 30/m2
d’autre de ce port.
Limnées : 2 à 1 O/m2
A Dianha-Malari, où le taux d’endémicité bilhar-
Lanistes: très rares
zienne est très élevé, les deux foyers principaux d’in-
Point 3 de la carte:
festation sont l’ancien et le nouvel embarcadères,
Le long des rives:
lieux de baignade très fréquentés par les habitants.
Il fut donc décidé de ne traiter qu’un bief de 1,5 km
Bulins: 10 à 50/m2
en amont et un de 0,5 km en aval, en insistant sur les
Limnées: 2 à 20/m2
deux enclaves de la rive droite où se trouvent les
Lanistes: 10 à 20/m2
deux jetées.
Pont de Kolda, point 4 en aval et en amont:
En effet, une prospection préalable faite à 5 km
Le long des rives:
en amont de Dianha-Malari démontra l’absence de
gîtes à mollusques dans cette portion de la Casa-
Bulins: 20 à 60/m2
mance dont le milieu est un chenal profond de
Limnées: 2 à 30/m2
2 à 3 m, ne présentant aucune végétation aquatique
Lanistes: parfois plus de 200 mZ
en surface, alors que les rives marécageuses sont
Vers le milieu de la rivière:
occupées par un épais couvert végétal constitué par
Bulins: 5 à 10/m2
des graminées et des joncs laissant difficilement péné-
Limnées : 5 à 10/m2
trer les rayons solaires, condition peu favorable à la
Lanistes: 5 à 10/m2
vie des bulins et des limnées.
Fixés aux palissades des potagers des rives :
Le pH de l’eau au niveau des deux embarcadères
de Dianha-Malari est de 6,8 à 7 et sa température de
Bulins: 200 à 300/m2
26” C à 10 h du matin. Quant au chenal médian de
Bief point 4 - point 5:
la rivière, son pH est de 6,6 avec une température
Le long des rives:
de surface de 25” C à 11 heures.
Bulins: 5 à 10/m2
La teneur en matières organiques est très élevée
Limnées: 3 à 5/m2
dans le port avec un fond vaseux de 20 à 30 cm
Lanistes : plus de 1 50/m2
d’épaisseur constitué par des débris végétaux et les
----

418
S. GRÉTILLAT & A. LACAN
coques d’arachides tombées au cours de leur embar-
satisfaisants dans l’ensemble (voir tableau 2), à l’ex-
quement dans les chalands.
ception d’une petite portion de la Casamance dans
laquelle on dut procéder à un épandage supplémen-
É
taire de zirame (voir tableau 1). Cet échec partiel ne
VALUATION D~J VOLUME D'EAU A TRAITER
provenait vraisemblablement pas d’une erreur de
Dans les conditions pratiques, les doses létales
dosage, mais plutôt, comme on le verra plus loin,
de zirame pour les mollusques d’eau douce étant de
d’une mauvaise technique de déversement du mol-
1 à 3 parties par million (1 à 3 g par m3 d’eau), il
luscicide dans la rivière.
était indispensable de procéder soit avant, soit au
A titre d’exemple, pour une partie de fleuve ayant
cours de l’épandage du molluscicide, à l’évaluation
une profondeur moyenne de 1 m (évaluation du
du volume des eaux à traiter.
profil du lit à la sonde), et une largeur moyenne de
Pour calculer le poids de zirame à répandre, on
25 m on obtenait un volume linéaire de 1 x 25 =
procéda à l’établissement du volume linéaire, égal
25 m3 au mètre, qui après correction devenait: 2.5 Y 2
au produit de la profondeur moyenne par la largeur
= 50 m3 au mètre, nécessitant le déversement de
moyenne du cours d’eau.
100 g de zirame par mètre linéaire de bief, pour obte-
Le courant étant très faible en surface (quelques
nir une concentration moyenne de 2 p.p.m.
cm/seconde) dans la partie moyenne des biefs,
l’influence des facteurs courant et débit fut compen-
ÉPANDAGE DU MOLLUSCICIDE
sée approximativement par un indice de correction
de 2 intervenant sur le volume linéaire.
Techniques
Cet indice de correction s’avéra valable par la suite
Quatre techniques d’épandage furent expérimen-
puisque les résultats obtenus en fin d’opération furent
tées (tableau 1).
TABLEAU 1
OPÉRATION ZIRAME DANS LES RÉGIONS DE KOLDA ET DE DIANHA-MALARI (MARS 1963)
-
Concen- 1
Résultats
:p$?, /
2
Tr%s bons; zirame bien diffuse en
Irrégulière
Mauvais; zirame très mal diffuse
i
- - - -
Avec canot 80
Bons
_
_ __~--~
..-
Point 3
- 6 0
60 000 Avec canot le 120
2
Très bons
Point 4
long du bief
.~._
- - -
;o$tcCn,,,, 1 1500
1
i 6 0
1
90000
1

p,v$~~mm;k
1

ZOO_
23
Très bons
..---./.-
Pont Kolda
Avec canot le
1 0 0
IV1
Très bons
Point 5
2
/ Très bons; effets du zirame posi-
tifs jusqu’à environ 4 km en aval
du point 5
-
*
23
Très bons

EFFET DU VIRAME SUR LES MOLLUSQUES ET TOXICITÉ POUR LES POISSONS
419
1. Les quantités de produit nécessaires au traite-
long de ce bief, même ceux placés dans les anfractuo-
ment du bief furent déversées en amont sur une
sités de la rive. L’action du zirame ne s’atténua que
cinquantaine de mètres.
quelques centaines de mètres en amont du point 2 de
2. Le zirame correspondant au traitement du bief
la carte au niveau d’un haut-fond, à un endroit où le
fut répandu en amont sur une longueur de 300 m
courant de surface devenait très faible. On fut obligé
environ et à bord d’une embarcation, le produit se
de parfaire et de compléter le traitement de la par-
dispersant et diffusant vers l’aval sous la seule
tie de ce bief par l’épandage de 15 kg de zirame
influence du courant.
(tableau 1).
Ce procédé est rapide, pratique, mais nécessite
3. Le zirame fut répandu à la main en déversant
cependant une prospection préalable pour connaître
lentement le contenu des sacs à la surface de l’eau
la topographie et le volume d’eau de la partie de
tout au long du bief, le produit et le personnel se
rivière à assainir. Par mesure de prudence, cependant,
trouvant sur une embarcation parcourant la rivière
il est préférable de limiter les longueurs de bief à
suivant sa partie axiale.
traiter à 1 ou 1,5 km, et de prévoir des dépôts de
4. L’épandage du molluscicide fut réalisé grâce à
molluscicide tout au long du fleuve aux endroits où
un appareil diffuseur de poudre monté à l’arrière
le produit doit être déverse.
d’une embarcation se déplaçant au milieu du fleuve,
les quantités de produit déversées variant suivant le
3. La troisième technique qui consistait à déverser
volume linéaire moyen de chacune des parties du
lentement le contenu des sacs à la surface de l’eau à
bief.
bord d’une embarcation se déplaçant le long de la
partie axiale de la rivière, a été essayée sur 4 km de
*
Discussion
fleuve (entre les points 3 et 5 de la carte), représen-
1. La première manière de procéder (200 kg de
tant un volume de 240 000 m3 d’eau traités avec
zirame déposés sur 50 m en amont d’un bief de
420 kg de zirame.
La poudre molluscicide diffusa parfaitement,
-
3000 m, point 2 - point 3 de la carte), donna de très
mauvais résultats. Trois jours après l’épandage, les
même sur les bords des rives encombrées par les
bulins et les limnées étaient encore vivants dans des
nénuphars et les lotus. Les résultats furent excellents
gîtes situés à 300 m en aval du point de traitement.
en ce qui concerne la destruction des gîtes à mol-
Le zirame déposé en trop grande quantité au même
lusques.
endroit avait précipité sur le fond de la rivière où le
Moins rapide et plus pénible que la précédente,
courant presque nul à ce niveau n’avait pu l’emporter
cette technique est cependant plus rationnelle et plus
et le faire diffuser vers l’aval. Un mois après l’opéra-
sûre car elle permet un dosage plus homogène.
tion, nous retrouvâmes au point de traitement des
4. Dans un bief de 1 km en aval du point 5 de la
amas de produit sur la vase du fond de la rivière
carte, sur 2 km de rivière et dans les deux plans d’eau
ainsi que sur les racines et les tiges de nénuphars et
des embarcadères de Dianha-Malari, le zirame fut
de lotus.
dispersé et dosé à l’aide d’un appareil construit
Un brassage énergique du lit de la rivière fait trois
spécialement pour cette opération dans les ateliers
jours après le déversement du produit à l’aide de
du Laboratoire national de Recherches vétérinaires
pelles et de pioches ne permit pas de remettre le
de Dakar.
zirame en suspension pour le faire diffuser en aval.
Monté à l’arrière d’une embarcation et constitué
2. La deuxième technique fut essayée dans le bief
essentiellement par une vis d’Archimède
tournant
de rivière situé entre les points 1 et 2 de la carte.
dans un tube horizontal alimenté en partie supérieure
Cette portion de la Casamance, longue de 3 km envi-
par une trémie contenant le produit, il permit de
ron et d’un volume approximatif de 210 000 m3, fut
traiter en 5 heures environ 230 000 m3 d’eau avec
traitée avec 400 kg de zirame, déversés lentement à la
500 kg de zirame, le diffuseur débitant en moyenne
surface de l’eau sur une longueur de 2 à 300 m
70 g de poudre par tour de manivel1e.l
*
(point 1 de la carte), à bord d’une embarcation se
Cette technique donna d’excellents résultats. Le
déplaçant vers le milieu de la rivière en laissant le
molluscicide déposé régulièrement à la surface de
produit se répandre largement à la surface de l’eau
l’eau en petites quantités tout le long du bief à trai-
avant d’être emporté vers l’aval par le courant.
ç
Cette manière de procéder donna de bons résultats
1 Pour la description et le fonctionnement de ce diffuseur,
puisque les gîtes à mollusques furent détruits tout au
voir l’article publié dans ce même numéro, à la page 427.

420
S. GRÉTILLAT & A. LACAN
ter, ne précipita pas immédiatement au fond de la
pas possible de retrouver des spécimens vivants au
rivière (la poudre se maintint en surface), et eut le
cours des contrôles faits après 48 heures, 4 jours et
temps de diffuser dans les gîtes à mollusques des
30 jours.
anfractuosités des rives.
Les échecs relevés dans les gîtes situés entre les
D’autre part, l’avantage de pouvoir doser sur
points 2 et 3 de la carte sont imputables à une mau-
place les quantités déversées par unité de longueur
vaise diffusion du zirame en aval du point 2. Le pro-
de bief permit de réaliser une économie appréciable
duit déversé en trop grande quantité au même point
de produit.
à un endroit où l’eau est très profonde, calme et
encombrée par des débris végétaux, a provoqué une
CONTRÔLE DES RÉSULTATS
chute massive de la poudre sur le fond de la rivière.
Le pourcentage de mollusques tués en aval de ce
Faune malacologique vectrice
point d’épandage est très difficile à évaluer, cepen-
Les contrôles d’efficacité du produit (tableau 2)
dant dans un gîte situé à 300 m environ en aval du
sont faits 48 heures, 4 jours, et un mois après l’épan-
point 2, un ramassage effectué par une équipe de
dage du zirame.
3 aides donne des résultats voisins de ceux trouvés
Quarante-huit heures après l’opération, les plans
avant le traitement du bief, c’est-à-dire 10 à 50 bulins
d’eau sont inspectés en canot, en relevant de loin en
et 2 à 20 limnées par m2 de surface le long des rives.
loin les tiges et feuilles de nénuphars et de lotus ainsi
II est aussi malaisé d’évaluer le pourcentage des
que les fragments de bois pourri qui sont des sup-
mollusques tués en aval du point 5 puisque dans cette
ports pour les bulins et les limnées. Ces contrôles sont
partie du cours de la Casamance aucune évaluation
particulièrement minutieux aux endroits où ont été
de la densité malacologique n’a été faite avant l’opé-
repérés des gîtes importants lors des prospections
ration. Tout ce que nous pouvons dire c’est qu’à
antérieures.
partir d’un point situé environ 3 km après le dernier
Dans deux biefs, des cages de contrôle en bois avec
endroit où a été répandu le zirame (1 km en aval du
treillis de nylon dans lesquelles ont été disposées des
point 5), l’action du molluscicide n’a plus été de
feuilles de nénuphars et une cinquantaine de bulins
100% puisque certains gîtes ont subsisté le long des
et de limnées vivants, permettent de contrôler l’effi-
rives.
cacité et le pouvoir de diffusion du zirame.
En ce qui concerne le contrôle de la date de repo-
Ces cages sont placées en eau calme, dans des
pulation malacologique des gîtes dans les biefs trai-
anfractuosités de la rive, toujours à une dizaine de
tés, une prospection faite 60 jours après le traitement
mètres au moins des points où avait été répandu le
des eaux aurait été souhaitable. Cette vérification
molluscicide.
aurait dû être faite; à la fin mai des raisons d’ordre
Quatre jours après la fin de l’opération, un contrôle
technique et l’apparition précoce des premières
supplémentaire est fait en certains points reconnus à
grandes pluies d’hivernage ne nous permirent pas
l’avance comme présentant une forte densité malaco-
d’accomplir ce travail.
logique.
Enfin, un mois après, les mêmes points sont visités.
Autres mollusques d’eau douce
Ce dernier contrôle permet de voir si éventuellement
Bulinus jousseaumei et Lymnaea natalensis caillaudi
quelques spécimens ont échappé à l’action du zirame.
ne sont pas les seuls mollusques d’eau douce existant
En 30 jours, ces gastéropodes ayant eu le temps de
dans la haute Casamance (voir tableau 2).
pondre, l’examen des tiges et des feuilles de nénu-
En effet, Biomphalaria pfeifiri gaudi Ranson,
phars, gîtes de choix, renseigne sur l’état de la faune
quoique assez rare, est rencontré dans les mêmes
malacologique ayant résisté à l’opération anti-
gîtes que les deux précédents, mais, chose curieuse,
mollusques.
d’après les statistiques du Service de Santé, les cas
Pour les contrôles d’efficacité faits 48 heures,
de bilharziose intestinale humaine à Schistosoma
4 jours et 30 jours après la date d’épandage du
mansoni Sambon seraient très rares dans la région
molluscicide, des techniques identiques à celles
de Kolda.
utilisées pour l’évaluation de la densité malacolo-
Bulinus senegalensis Müller (Bulinus (Pyrgophysa)
gique avant le traitement des eaux sont utilisées.
forskalii) est rare lui aussi, tant à Kolda qu’à Dianha-
La proportion des bulins et des limnées détruits
Malari.
entre les points 1 et 2 et entre les points 3 et 5 peut
Anisw sp. (Gyraulus SP.), est par contre très abon-
être estimée à 100 ‘A puisque dans ces biefs il n’est
dant en certains endroits.

421
EFFET DU ZIRAMP,
SUR LES MOLLUSQUES ET TOXICITÉ POUR LES POISSONS
TABLEAU 2
CHEZ LES MOLLUSQUES DANS LES DIFFERENTS BIEFS TRAITES AU ZIRAME
E s p è c e s
C o n -
trôles
B i e f s
B. jousseaumei
L. natalensis
Quelques gîtes
Quelques gîtes
Point 1
non detruits en
Point 2
amont du point 2
l
/
Les gîtes à mollusques n’ayant pas etté completement détruits dans ce bief en raison d’une mauvaise
technique d’épandage du zirame, on traite à nouveau avec 80 kg de produit
-
-
Gltes détruits.
Coquilles
Point 3
Gîtes détruits
Coquilles vides
Gîtes détruits
vides à la
Plus de 50% de mortalite.
point 4
à la surface
s u r f a c e
I Malades fuyant vers les rives
-
Gîtes détruits.
Gîtes détruits.
Coquilles
Point 4
Bulins morts
Limnées mortes
vides à la
Plus de 50% de mortalité.
Pont Kolda
dans les cages
dans les cages
Gîtes détruits
Malades fuyant vers les rives
contrôles
contrôles
s u r f a c e
L
Gîtes détruits.
Gites detruits.
Bulins morts
Limnées mortes
Coquilles
Plus de 50% de mortalité.
dans les cages
dans les cages
Gîtes detruits
vides à la
Malades fuyant vers les rives
contrôles
contrôles
s u r f a c e
-
Coquilles
Point 5
Gites détruits
Gîtes détruits
Gîtes détruits
vides à la
Plus de 50% de mortalité.
1 km aval
s u r f a c e
Malades fuyant vers les rives
I
-
Point 1
Gîtes detruits
Gîtes detruits
Gîtes détruits
Gîtes detruits
Point 2
70 à 80% de mortalite. Les speci-
T
mens encore vivants presentent
Point 2
des signes de fatigue (incapa-
Gîtes détruits
Gîtes detruits
Gîtes détruits
Gites détruits
Point 3
cite de refermer leur opercule)
-
Point 3
Gttes détruits
Gîtes détruits
Gîtes détruits
Point 4
Gîtes détruits
-
Point 4
Gîtes détruits
Gîtes détruits
Gîtes detruits
Gites detruits
Les survivants ont des déplace-
Pont Kolda
ments très lents
-
Gltes détruits
Gîtes détruits
Gites detruits
Gîtes détruits
Les survivants ont des déplace-
ments très lents
-
Les gîtes sont entièrement detruits jusqu’à environ 2 km en aval du
Point 5
Le taux de mortalité diminue
dernier endroit où a été repandu le zirame. Tout le produit déposé
1 km aval
2 km en aval du point 5
dans les biefs amont diffuse vers l’aval
-
Dianha-
Gîtes detruits
Gîtes detruits
Gîtes détruits
Malari
-
L’ensemble des gîtes à mollusques situes dans ces biefs semblent
Tous les lanistes sont morts.
B i e f s
avoir Bté détruits. La recherche de pontes sur la face inférieure des
Les coquilles vides sont accu-
P o i n t 1
feuilles de nénuphars et de lotus, ainsi que sur les tiges de ces plantes
mulees sur les rives sur une
Point 5
et sur les fragments de bois pourri se trouvant dans la rivière, est
épaisseur de plusieurs cm
négative
Dans le bief traité tous les lanis-
Point 5
Les premiers gîtes ayant résisté au zirame sont retrouves à environ
tes sont morts. Les premiers
4 km en aval du point 5, c’est-à-dire environ 3 km en aval du dernier
survivants sont retrouves à en-
22 en
point d’eoandage du molluscicide
viron 2 km en aval du ooint 5

.
422
S. GRÉTILLAT & A. LACAN
Cette énumération ne serait pas complète si nous
Il est à noter que le taux de mortalité chez les
*
omettions de mentionner deux mollusques operculés
lanistes est beaucoup plus aisé à déterminer que chez
très abondants dans la Casamance à Kolda: Cleo-
les bulins et les limnées, et ceci pour trois raisons:
pafra bulimoides Olivier et surtout Lanisfes adansoni
taille du mollusque (1 à 3 cm de diamètre); résis-
Kobelt, dont les nombreuses colonies occupent les
tance de la coquille vide qui, même après un séjour
rives du fleuve partout oit l’eau peu profonde, bien
de 30 jours dans l’eau, n’est pas brisée par le courant
ensoleillée et bien oxygénée, coule sur un fond argilo-
et se trouve encore à la surface de la vase; enfin le
sablonneux.
fait qu’à l’approche du zirame, ces mollusques fuient
Si les Cleopaha sont détruits par le zirame dans
vers les rives où ils viennent mourir, ce qui facilite
les jours qui suivent son épandage, il n’en est pas de
considérablement les contrôles.
même des lanistes dont un certain nombre émigrent
En résumé, dans la région de Kolda, le zirame
sur les bords et ne meurent qu’environ 3 semaines
répandu dans des biefs d’une longueur totale de
après la fin de l’opération antimollusques (état des
11,5 km a largement diffusé en aval et c’est pratique-
coquilles constaté au cours du dernier contrôle fait
ment sur 14,5 km que la faune malacologique vec-
au bout de 30 jours).
trice (bulins et limnées) a été détruite. Les lanistes,
plus résistants parce qu’ayant la possibilité de fuir
Lanistes adansoni. Ces mollusques operculés sont
sur les rives, n’ont été totalement détruits que 2 à 3
beaucoup plus résistants au Firame que les bulins
semaines après l’opération antimollusques et seule-
et les limnées.
ment sur 12 à 13 km de rivière.
1. Quarante-huit heures après le traitement: 30 à
Toxicité du zirame pour les poissons d’eau douce
40 % des mollusques sont morts le pied en extension.
40 % environ présentent des symptômes d’incoor-
Un certain nombre de tests réalisés in vifro au
dination motrice avec insensibilité presque totale au
Laboratoire national de Recherches vétérinaires de
niveau du pied. Chez les plus malades, les réflexes
Dakar avait montré que ce produit était, à des doses
sont presque inhibés au point qu’il est possible de
de 5 a 10 p.p.m., toxique pour Caraussius auratus,
basculer l’opercule sans que le mollusque oppose la
Tilapiu melunopleura Duméril, Epiplatys sp. (Grétillat,
moindre résistance. 20 à 25 ‘% des spécimens tentent
1961a).
de fuir le long des rives pour échapper à l’action
Lors d’une opération pilote de prophylaxie anti-
toxique du molluscicide. Le degré de résistance du
bilharzienne réalisée au Sénégal en région de Tamba-
mollusque à l’intoxication par le zirame ne semble
counda (Grétillat & Lacan, 1963), le zirame utilisé à
pas en relation avec son poids et sa taille.
raison de 4 à 7 p.p.m. dans des marigots avait tué
un grand nombre de Tilapia melanopleura, Hemi-
2. Quatre jours après le traitement: 40% environ
chromis .fasciatus Peters et Hemichromis bimaculatus
des coquilles sont vides ou en état très avancé de
Gill, alors que des silures C/arias sp. Scopoli étaient
putréfaction; 50% environ des mollusques sur le
épargnés. La mort survenait au bout de 24 à
point de mourir ont le pied en extension et les
72 heures, cependant que quelques spécimens parti-
réflexes complètement annihilés. 10 y0 environ de
culièrement résistants parvenaient à survivre.
lanistes sont le long des rives, sur la vase humide et
Les troubles observés étaient des symptômes géné-
se déplacent lentetient en présentant des symptômes
raux de fatigue accompagnés d’accélération respira-
de fatigue.
toire.
3. Trente jours après le traitement: dans l’en-
A Kolda et à Dianha-Malari, il a été possible de
semble des biefs traités, il n’est pas possible de
faire les observations suivantes qui, si elles n’ap-
relever la présence d’un seul laniste vivant.
portent aucune explication quant aux processus d’in-
Par contre, et cela est intéressant à noter, les pre-
toxication des poissons par le zirame, n’en sont pas
miers spécimens encore vivants se trouvent dans des
moins intéressantes, puisqu’elles prouvent qu’un cer-
anfractuosités de la rive à environ 2 km en aval du
tain nombre d’espèces comestibles ne sont pas tuées
point 5. Ces exemplaires représentent à peu près 2 à
par ce produit (tableau 3).
5 o/O du nombre de lanistes morts gisant sur la vase
Les espèces sensibles au zirame et tuées par des
a
du bord de la rivière.
concentrations voisines de 2 p.p.m. sont les s.1 ivantes :
A 2,5 km en aval du point 5, le pourcentage de
1. Gnathonemus senegalensis (Steindachner , 1870).
lanistes tués (coquilles vides) diminue considérable-
C’est un représentant de la famille des Mormyridae

ment pour n’être que de 10 à 15 %.
dont les adultes mesurent de 18 à 20 cm de long.

EFFET DU ZIRAME SUR LES MOLLUSQUES ET TOXICITÉ POUR LES POISSONS
4 2 3
T A B L E A U 3
SENSIBILITÉ AU ZIRAME DE QUELQUES ESPÈCES DE POISSONS DE HAUTE-CASAMANCE
E s p è c e s
Regime
Sensibilite
au zirame
Point de recolte
_z
Notopteros afer
Mort en
Biefap(O:t
1 - point 2 Dianha-
2-3 jours
Gnathonemus senegelensis
Mort en
Bief point 1 - point 2
12-24 heures
Barbus sp.
Organismes
Mort en
Tous les biefs traités à Kolda
benthiques
12-24 heures
Alestes nurse
Carnassier
Résiste au
Biefs à proximite de Kolda
et algues
zirame
Micralestes
Résiste au
Biefs à proximite de Kolda
septentrionalis
zirame
Epiplatys
bifasciatos
Insectes
Résiste au
Biefs 5 proximité de Kolda
zirame
-
C/arias sp.
Résiste au
Village de Saré-Moussa
zirame
!-
Il affectionne particulièrement les eaux calmes plus
puis déplacements très lents au point qu’il est pos-
ou moins troubles plutôt que les biefs de rivières où
sible de capturer le poisson avec une épuisette).
le milieu est bien aéré. Son corps et sa tête sont
3. Barbus sp. (famille des Cyprinidue). De nom-
recouverts par une peau épaisse, muqueuse, criblée
breuses espèces appartenant à ce genre sont très
de pores et son épiderme comprend des organes
largement représentées dans la Casamance aux envi-
spéciaux à cellules neuro-glandulaires appelés mor-
rons de Kolda. Longs de 2 à 6 cm suivant les espèces,
myromastes. Il se nourrit d’algues et d’insectes. Très
ces poissons, dont la détermination spécifique est
abondant dans les biefs de la Casamance en amont
très malaisée, sont tués par le zirame en 12 à 24
de Kolda (point 1 - point 2 de la carte), il est tué par
heures.
le zirame en 12 à 24 heures.
Les espèces non sensibles au zirame même à des
2. Notopterus ufer (Günther, 1868). C’est un pois-
concentrations voisines de la saturation sont les
son d’eau douce ou légèrement saumâtre, d’Afrique
suivantes :
tropicale et du Sud-Est asiatique (famille des Notop-
1. Alestes nurse (Rüppell, 1832). C’est un poisson
teridae). Ce poisson, dont les adultes mesurent de
de la famille des Characinidae, dont les adultes
25 à 45 cm de long, vit dans des marigots ou des
mesurent de 10 à 15 cm de long. Très nombreux
biefs de rivière où l’eau est calme, plus ou moins
dans la Casamance au niveau de Kolda et de ses
trouble et profonde.
environs, omnivore, il doit se nourrir principalement
Les adultes, de couleur brun sale, mesurent de 25 à
de déchets de cuisine, riz, débris de viande, mil, etc.,
45 cm de long. Il a un régime carnassier. En Haute-
aux endroits où les habitants procèdent au nettoyage
.
Casamance, il est fréquent dans les biefs profonds
de leur vaisselle. L’exemplaire vivant ramené à Dakar
en amont de Kolda et surtout à Dianha-Malari. Les
pour détermination faisait partie d’un lot de 14 pois-
adultes de cette espèce sont tués par le zirame en 48 à
sons adultes pêchés à la ligne à un endroit où une
72 heures, la mort étant précédée par des troubles où
grande quantité de zirame avait été déposée 4 jours
3
alternent des symptômes de fatigue, avec des périodes
auparavant. Le milieu était pratiquement resté à
d’excitation (sauts au-dessus de la surface de I’cau,
saturation pendant au moins 12 heures.

424
S. GRÉTILLAT & A. LACAN
2. Micralestes septentrionalis (Boulenger, 1911).
é
Par contre, on note un flétrissement très marqué
Il appartient lui aussi à la famille des Characinidae.
des utriculaires tout le long des points d’épandage,
Poisson de petite taille, extrêmement abondant dans
ainsi que le jaunissement et la disparition des Pistia
la Casamance, il mesure de 4 à 5 cm de long, se
strutiotes L. dans certains biefs, la toxicité du zirame
nourrit d’algues, de phytoplancton et accessoirement
pour cette plante aquatique ayant déjà été signalée
de graines et d’insectes.
par Grétillat en 196 1.
Les exemplaires ramenés à Dakar pour détermina-
tion (adultes et alevins) furent capturés au filet dans
D I S C U S S I O N
un bief traité trois jours plus tôt au zirame, ainsi qu’à
Des constatations faites dans les différents biefs de
l’endroit où avaient été pêchés les Alestes nurse.
rivière traités, on peut estimer que pratiquement le
3. Epiplatys bifasciatus (Pfaff, 1833). 11 appartient
zirame en poudre micronisée dispersé uniformément
à la famille des Cyprinodontidae et vit dans les mêmes
et en fine couche à la surface d’un cours d’eau ayant
biotopes que le précédent, se nourrissant principale-
un courant de quelques cm/seconde dans sa partie
ment d’insectes. Les adultes mesurent de 25 à 35 cm
axiale, est entraîné sur une distance pouvant attein-
de long et peuvent vivre en rivière dans un milieu
dre 3 km si le lit n’est pas encombré par une végéta-
saturé de zirame. Leurs alevins sont également insen-
tion aquatique trop abondante. Un courant très
sibles. Contrairement à ce qui avait été observé à
rapide (cas des hauts-fonds et des rapides) nuit à la
Dakar au laboratoire sur des Epiplatys récoltés dans
bonne dispersion du produit dans les anfractuosités
la région du Cap-Vert et qui moururent en 24 heures
et criques en eau carme des bords du cours d’eau où
dans un aquarium traité avec 1 p.p.m. de zirame
se trouvent en général les gîtes à mollusques. Quand
(Grétillat, 1961), E. bifasciatus n’est pas sensible à
un bief de rivière présente ces particularités, les gîtes
;
ce produit en eau courante.
des rives doivent être traités spécialement.
4. CZarias sp. (famille des Claridae). Plusieurs
La végétation aquatique, nénuphars, lotus et sur-
espèces de ce genre existent en Haute-Casamance.
tout graminées, freine la vitesse de diffusion du
Ce sont des poissons fouisseurs de vase et le zirame
zirame sans toutefois l’annuler complètement.
.
ne les tue pas.l
Quand le cours d’eau présente une courbe, l’épan-
dage du zirame ne doit pas se faire le long de sa rive
Toxicité du ziramr pour la faune et la flore aquatiques
convexe où le courant est le plus fort, mais en se
en général
rapprochant de la rive concave. Une moins grande
Faune aquatique autre que les poissons. Batraciens :
turbulence des eaux permet au molluscicide de diffu-
malgré la présence de très nombreux batraciens dans
ser vers les gîtes situés le long des rives.
la Casamance, aucun cadavre n’a été retrouvé au
Dans les biefs où le courant de surface au centre
cours des contrôles d’efficacité, tant sur les rives qu’à
de la rivière est supérieur à 5 cm/seconde et où la
la surface de l’eau.
végétation aquatique est très dense le long des bords,
Insectes: quelques cadavres de larves d’odonates
il y a lieu de procéder à l’épandage de la poudre en
sont trouvés à la surface de l’eau et sur les tiges de
suivant les rives à quelques mètres du bord pour
nénuphars deux jours après l’épandage du zirame.
donner au molluscicide le temps de diffuser latéra-
Par contre, de nombreux coléoptères aquatiques
lement.
vivent encore dans le milieu 4 jours après l’opération.
Pratiquement, et pour être certain d’obtenir une
Acariens: les hydracariens qui sont largement
bonne diffusion du molluscicide dans toutes les par-
représentés dans les eaux de la Casamance ne
ties du cours d’eau, une distance de 1 km est une
semblent pas sensibles à l’action du zirame.
valeur moyenne à retenir pour un courant de quelques
cFlore aquatique. Sur les Nymphaea et les lotus cm/seconde, dans un bief à peu près rectiligne moyen-
aucune action toxique n’a été observée, même aux
nement encombré par des nénuphars et des lotus et
endroits où le produit a été déversé en très grande
dont les bords ne présentent pas de criques trop
quantité (point 2 de la carte). Les mêmes observa-
profondes.
tions ont pu être faites sur les graminées aquatiques
En ce qui concerne le taux de zirame existant dans
a
.
et les joncs.
les différentes parties du bief situé en aval du point
d’épandage, il n’existe pas à notre connaissance, à
1 La détermination des genres et des espèces, ainsi que le
l’heure actuelle, de technique permettant de doser ce
recueil des données SUT leur écologie et leur éthologie, ont été
produit, tout au moins aux concentrations utilisées
possibles grâce aux travaux de Daget (1954, 1961) sur les
poissons de l’Afrique occidentale.
dans la lutte contre les mollusques.

EFFET DU ZIRAME SUR LES MOLLUSQUES ET TOXICITÉ POUR LES POISSONS
425
Les tests de laboratoire faits à ce sujet par le
300 m, cette technique est de loin inférieure à celle
Service de Chimie du Laboratoire national de
plus longue et plus pénible qui consiste à répan-
Recherches vétérinaires de Dakar se sont révélés
dre la poudre antimollusques tout au long du
inutilisables sur le terrain parce que d’interprétation
cours d’eau, soit à la main, soit plus facilement à
trop difficile.
l’aide d’un appareil diffuseur de poudre monté à
Au point de vue pratique, si l’assainissement de
l’arrière d’une embarcation se déplaçant soit le
biefs d’une longueur de 1 km est possible par l’épan-
long des rives, soit suivant la partie axiale de la
. 1.
dage du produit en amont sur une distance de 200 à
nviere.
SUMMARY
In the course of a campaign for the prevention of bil-
Various methods were tried for dispensing the mollusci-
harziasis and fascioliasis in Senegal, various stretches of
cide, which is in the form of a water-dispersible powder.
the Upper Casamance river totalling 13.5 km and con-
Where the current is slow, the most effective method was
taining some 830 000 m3 of water were treated in March
found to be to distribute small quantities on the surface
1963 with altogether 1600 kg of ziram. The main inter-
of the water along the mid-line of the watercourse, either
mediate hosts of Schisfosoma and Fasciola in the area
by hand or, preferably, by means of a mechanical dis-
wvered are Bulinus jousseaumei and Lymnaea nafabnsis
penser described in another paper. In reaches with a slow
caillaudi; other molluscs present, though in lesser num-
greater than about 5 cm per second or where there is
bers, include Bulinus senegalensis, Biomphalaria pfeifferi
dense aquatic vegetation along the edges of the river,
gaudi, Anisus SP., Cleopatra bulimoides and Lanistes
the molluscicide is best applied at no more than a few
.
adansoni.
metres from either bank.
By snail collections and the use of caged molluscs, the
Observations made on the toxicity of ziram to fish did
efficacy of ziram was determined two days, four days
not allow of any conclusions as to the way in which the
s
and one month after application of the molluscicide.
poison acts but did indicate that in field conditions
In relatively still water, ziram, applied at a dosage of
Notopferus afer, Gnathonemus senegalensis and Barbus
2-2.5 p.p.m. from a boat proceeding up the middle of
species are killed by a concentration of 2 p.p.m., whereas
the river, dispersed effectively to the river’s edges and
Micralesfes septentrional& Alestes nurse, Epiplatys bi-
killed ail the above molluscan species, except Lanisfes
fasciatus and Clarias species are resistant to higher con-
adansoni, within 48 hours. Greater than 50% mortality
centrations. Earlier experiments had indicated that that
among Lanistes was observed at two days, and 100%
Epiplatys was susceptible to 1 p.p.m. in laboratory con-
mortality at one month.
ditions.
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PRINTED IN SWITZERLAND