INSTITUT D'ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE...
INSTITUT D'ÉLEVAGE ET DE MÉDECINE
VÉTÉRINAIRE DES PAYS TROPICAUX
REVUE D’ÉLEVAGE
ET DE
MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
DES PAYS TROPICAUX
Note sur la présence d’aflatoxine
dans les fanes d’arachides
par R. BOUDERGUES, H. CALVET,
E. DISCACCIATI et Mme M. CLICHE
I Tome XIX (nouvelle série)
N” 4 - 1966
I
v1~0-r FRÈRES, ÉDITEURS
23, rue de l'École-de-Médecine, PARIS-VI"

e
Rev. Elev. Méd. Et. Pays trop., 1966. 19, 4 (567-571).
Note sur la présence d’aflatoxine
dans les fanes d’arachides
par R. BOUDERGUES, H. CALVET, E. DISCACCIATI ef Mme M. CLICHE
RÉSUMÉ
Les fanes d’arachide constituent en pays arachidien et spécialement au Sénégal
un aliment appété par les diverses espèces animales. Des recherches effectuées
sur ce fourrage au Laboratoire National de I’Elevage et de Recherches Vétéri-
naires de Dakar, ont révélé la présence d’aflatoxine de toxicité comparable
à celle trouvée dans la graine et les tourteaux d’arachide.
Les bovins d’expérience entretenus au Labo-
- Extraction et dosage de I’aflatoxine sur :
ratoire national de I’Elevage et de Recherches
l un échantillon moyen de paille,
vétérinaires de Dakar reçoivent traditionnelle-
l des échantillons de feuilles,
ment comme nourriture de base, un fourrage
l des échantillons de tiges,
constitué de fanes d’arachide. Ce même aliment
l des échantillons de coques.
entre dans le rationnement des animaux de
laboratoire, lapins, cobayes élevés à la ferme
- Contrôle de toxicité des extraits sur :
annexe de Sangal kam.
0 caneton,
Durant les années 1964-1965, la mortalité
l ceuf embryonné.
z
survenue sur des zébus et des taurins ndama,
- Essais de culture de I’Aspergillus isolé de la
à la suite de troubles mal définis, suscite l’intérêt
paille.
des diverses sections du Laboratoire. Les recher-
-
ches de bactériologie, virologie, parasitologie,
entreprises ne peuvent en élucider la cause.
I . - EXTRACTION ET DOSAGE
Durant la même période, l’élevage de cobayes
PHYSICO-CHIMIQUE
de Sangalkam est décimé par plusieurs enzooties
meurtrières dont l’origine demeure également
Le dosage de I’aflatoxine est effectué selon la
indéterminée.
méthode préconisée par The Tropical Product
La répétition de ces accidents et les lésions
Institute (2).
anatomo-pathologiques rencontrées font alors
Les fanes d’arachide utilisées sont prélevées
envisager l’existence possible d’un facteur toxi-
sur une livraison arrivant au Laboratoire pour
que dans l’aliment distribué. Etant donné la
être entreposée dans les greniers. Les feuilles,
nature de cet aliment, la fane d’arachide, l’étude
tiges, racines et coques de la plante Arochis
s’oriente vers la recherche de I’aflatoxine.
hypogeo sont broyées séparément au broyeur
t
II convient de signaler que STARON et Collab.
Gondard, ainsi qu’un échantillon moyen de
1. N. R. A., Path. vég. Versailles (5) ont isolé
paille totale.
Aspergi//us ochraceus à partir d’un foin stocké
50 g de broyat sont délipidés pendant 6 h en
dans de mauvaises conditions et ayant provoqué
soxhlet par de l’éther de pétrole.
9
la mort de trois génisses.
Le résidu desséché est traité durant 4 h par du
Les résultats de ces travaux préliminaires
méthanol, également en soxhlet.
font l’objet de cette note et intéressent les points
L’extrait méthanolique, concentré à 50 ml,
suivants :
i ’est agité avec 25 ml d’eau et 25 ml de chloro-
561
REVUE D’ÉLEVAGE
9

forme. La phase chloroformique est décantée ei
II. - CONTROLE DE TOXICITÉ DES
on extrait trois fois la phase méthanol par 25 ml
EXTRAITS DE L’ÉCHANTILLON MOYEN
de chloroforme.
Les phases chloroformiques sont réunies ei
A. - Sur caneton
amenées à un volume de 100 ml.
1Préparafion
de I’exfroif glucosé.
Chromatographie.
L’extrait chloroformique de la paille est
Les extraits sont chromatographiés sur Kiesel.
mélangé à du glucose et évaporé à 60 OC en
gel G en même temps que des solutions témoins
agitant jusqu’à obtention d’un produit pulvéru-
lent. Ce granulé sec est mis en suspension dans
Solution témoin no 1 (T,).
la quantité nécessaire d’eau distillée pour obtenir
Aflatoxine B en solution chloroformique
par dose :
1 microlitre = 0,000 1 y d’aflatoxine.
- Glucose . . . . . . . . . . . . . . .
Solution témoin no 2 (T,).
- Aflatoxine . . . . . . . . . . . . .
5 microlitres de T, contiennent 0,0003 y f
- Eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
d’aflatoxine B et 0,0003 y d’aflatoxine G
La solution T, est la dilution au 1/200e de l(
L’extrait chloroformique (P) contient :
solution obtenue en dissolvant dans 200 ml dt
- 6 y d’aflatoxine B par ml,
chloroforme, 5,6 mg d’un mélange d’aflatoxine [
- 12 y d’aflatoxine G par ml.
et G (dosé par spectrophotométrie au T. P. I
La toxicité de I’aflatoxine G étant 3 fois moin-
Londres et contenant 44 p. 100 de B et 44 p. lO(
dre que celle de B, 8 ml de l’extrait P ont été
de G).
utilisés par dose caneton.
La D. L. 50 sur les canetons de 3 jours utilisés
Résultats qualitatifs.
au Laboratoire Nationa! de I’Elevage à Dakar,
On trouve en lumière U. V. deux taches fluo
se situe en effet aux environs de 80 pgljour
rescentes :
(résultat de plusieurs essais de toxicité effectués).
- une bleu de Rf = 0,56,
Résulfofs.
- une vert jaune de Rf = 0,40.
Les pigments végétaux (chlorophylle, etc...:
donnent des traînées et des spots rouges en U. V )l
et jaunes verdâtres en visible. En effectuant une
1 lot témoin de 8 canetons rece-
première chromatographie avec du chloroforme
vant du glucose . . . . . . . . . . .
1 (ww)
1 lot traité de 8 canetons rece-
ces traînées peuvent être pratiquement éliminée:5
vant du glucose -+- aflatoxine
6
et amenées à migrer avec le front du solvant
B. - Sur œuf embryonné
Résultats quantitatifs.
Préparafion de l’extrait injecté.
Aflatoxines
L’extrait chloroformique P est passé sur
colonne d’alumine basique (*).
B
G
-~
Une première élution par du chloroforme
élimine la chlorophylle. Une deuxième élution
Echantillon moyen de paille 3 p. p. m. 6 p. p. m.
-
-
feuille 3
18
par du méthanol-chloroforme puis du méthanol
-
-
tige
0,6
OD9
donne un extrait incolore P, contenant les afla-
-
-
coque 3
3
toxines B et G. Des dosages chromatographiques
sur plaque Kieselgel G montrent que les afla-
Notons la forte proportion d’aflatoxine G dan
la paille et principalement dans les feuilles
(*) Prolabo.
568

toxines B et G se retrouvent dans l’extrait P,1
A partir de ces souches sur gélose, des arachi-
qui est dépourvu de chlorophylle.
des broyées sont ensemencées selon la technique
Les extraits P, sont évaporés et repris par dc
décrite dans le rapport annuel du Laboratoire
propylène glycol de façon à obtenir des solution:
national de I’Elevage de Dakar, année 1964.
contenant :
Le dosage physico-chimique des tourteaux
- 0,025 y d’aflatoxine dans 0,04 ml,
d’arachide obtenus, a donné un taux d’aflatoxine
- 0,050 y d’aflatoxine dans 0,04 ml.
B, de 150 p. p. m. et d’aflatoxine G, de 130 p. p. m.
Un deuxième passage sur arachides broyées
Une partie des extraits P subit le même traite
est effectué à partir de la culture précédente.
ment afin de contrôler si la chlorophylle es’ t
Le taux d’aflatoxine B, est alors de 250 p. p. m.,
toxique ou a une action sur la toxicité des afla
celui d’aflatoxine G, de 20 p, p. m.
toxines.
La souche « paille» différente à l’origine s’a-
La technique de VERRET et Coll. (4) a étt:
dapte donc au nouveau milieu de culture consti-
adoptée. On injecte les extraits à tester dans I(1
tué par des arachides broyées et les aflato-
poche à air desfeufs.
xines sont retrouvées dans les proportions
habituellement obtenues sur ce milieu.
Résultats.
Les essais sur œuf embryonné de ces extraits
Z
d’arachide confirment la toxicité de I’aflatoxine
Clairs Mort
Aorts/
provenant de la souche isolée de la paille
Eclos
d’arachide.
Lot 112 œufs témoins . . . . . . . . .
3
1
‘19
Lot 2 12 œufs témoins percés . . . .
5
1
‘17
CONTAMINATION DES GRENIERS
Lot 3 12 œufs témoins propylène
glycol . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6
1
A FOURRAGE
Lot 412œufstémoinschlorophylle 6
V)i
Lot 5 12 ceufs témoins 0,025 y d’a-
flatoxine 6 1 . . . . . . . . . . . . .
6 3
Les greniers à fourrage ayant contenu d’im-
316
Lot 6 12 ceufs témoins 0,050~ d’a-
portantes quantités de cette paille d’arachide
flatoxine B, . . . . . . . . . . . . . 1 5
1
; 7
717
pendant une saison correspondant aux conditions
Lot 712 ceufs extrait paille P, à
0,025~ . . . . . . . . . . . . . . . . . /
5
j 4
climatiques d’humidité et de température favo-
4l7
Lot 812 ceufs extrait paille P, à’
/
rables au développement de I’Aspergillus, des
0,050ys . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
i 8
v
essais sont tentés pour mettre en évidence la
Lot 9 12 owfs extrait total P à
0,050y . . . . . . . . . . . . . . . . . i
6
j
5
516
contamination éventuelle de ces locaux.
/
Après évacuation de toute la paille d’arachide
et un nettoyage sommaire du sol, des échantil-
Les extraits paille P et P, ont une toxicité pou1
lons de paille de riz, de foin de prairie de France
l’œuf embryonné identique aux solutions témoin
et d’arachide sont entreposés durant deux mois.
d’aflatoxine B,. La chlorophylle n’a aucunt
Les arachides sont broyées, mises en boîte de
action.
Pétri, stérilisées et réhumidifiées ; deux boîtes
sont posées sur le sol, deux boîtes témoins mises
III. - ESSAIS DE CULTURE-ISOLEMENT
à l’étuve.
DE LA SOUCHE
Il faut souligner que les conditions climatiques
d’humidité et de température étaient alors moins
Des échantillons de paille sont mis en boîtl e’ propices que pendant le stockage de la paille
de Pétri, stérilisés à IlOoC pendant ving minute:;*
d‘arachide.
humidifiés à 20 p. 100 en poids et étuvés (i
Ces échantillons repris, stérilisés, humidifiés
30 OC & 1 OC en atmosphère saturée d’ea U
et mis en étuve à 30 OC-J= 1 OC en atmosphère
pendant 10 jours. II se développe un mycéliurr
saturée d’eau, amènent le développement d’un
*
1,
blanchâtre les premiers jours, virant au ver -t
mycélium vert à partir de l’arachide broyée.
dès le troisième jour ; quelques spores sor It
Aucune moisissure ne se développe sur les
repiquées sur gélose inclinée de Brian et mise!S
échantillons de paille ainsi que sur les arachides
à l’étuve.
témoins mises à l’étuve.
5 6 9

La contamination des greniers à fourrage
survenue pendant le séchage des fanes, après
paraît donc probable mais le développement de
leur arrachage. On est donc amené à envisager
I’Aspergillus demande un milieu et des condi-
la possibilité d’une invasion de l’arachide par
tions de température et d’humidité particulières.
le champignon, durant son cycle végétatif. La
r
concentration du métabolite de I’Aspergillus
/‘/~VUS se faisant dans certaines parties de la
CONCLUSION
plante, dans les feuilles par exemple, comme
Ile montrent les analyses.
L’aflatoxine, métabolite de Aspergillus flovus,
Cette hypothèse peut trouver une confirma-
est donc susceptible de se trouver dans les fanes
tion dans les résultats analytiques obtenus à la
d’arachide, aliment traditionnel du bétail au
faveur de l’expérimentation agricole sur I’afla-
Sénégal.
toxine 1964-65 (EXAGRAF 1).
Le champignon peut contaminer les locaux de
En effet, au cours de cette campagne, exécutée
stockage de ces fanes.
sous l’égide de I’UNICEF en vue d’obtenir pour
Dans le lot examiné, entreposé certainement
l’alimentation humaine des farines d’arachide
dans des conditions exceptionnellement mau-
exemptes d’aflatoxine, des analyses physico-
vaises, le taux du toxique s’avère très élevé.
chimiques ont porté sur un certain nombre
Un bovin consommant couramment de 4 à 5 kg
d’échantillons d’arachide.
de ce fourrage absorbe donc 12 à 15 mg d’afla-
Ces échantillons de graine provenaient d’ara-
toxine B,. Les tests effectués sur canetons et sur
chides séchées suivant plusieurs procédés. L’in-
ceufs embryonnés montrent que la toxicité de
novation essentielle portait sur l’utilisation d’un
« I’aflatoxine paille » est comparable à celle
engin servant à déshydrater l’arachide en tota-
obtenue sur arachides ensemencées par I’Asper-
lité, dès arrachage.
gillus povus.
Or, sur 46 échantillons provenant de ce der-
Les susceptibilités individuelles mises en évi-
nier mode de séchage, 6 résultats furent positifs
dence dans l’expérimentation sur la vache
à un taux supérieur à 0,05 p. p. m., ce qui
laitière (1) peuvent expliquer que les accidents
démontre la contamination possible de l’arachide
survenus sur les bovins, au Laboratoire, aient
avant l’arrachage.
conservé un caractère sporadique. Mais cette
expérimentation semble avoir mis en lumière
/nsfitut d’Elevage et de Médecine véférinaire
un autre fait important.
des Pays tropicaux
En effet, les taux d’aflatoxine et la nature même
Maisons-Alforf
de cette aflatoxine sont très différents suivant
Laborafoire n a t i o n a l d e / ‘ E l e v a g e e t d e
les diverses parties de la plante. Ce phénomène
Recherches vétérinaires
est difficilement explicable par une contamination
Dakar-Honn
S U M M A R Y
Note on the presence of aflatoxin in groundnut’s haulms
In countries where groundnut is grown ond specially in Senegal, groundnut’s
houlm is a good food for various domestic animais.
Researchs made on this fodder ai the Laboratoire National de [‘Elevage et de
Recherches vétérinaires in Dakar have shown the presence of afl’atoxin whose
toxicity is comparable to the toxicity evidenced in the groundnut’s seed and cake.
570

*
RESUME N
Nota sobre la presencia de aflatoxina en las hojarascas de 10s cacahuetes
‘.*
En 10s paises dbnde crece el cacahuete, particularmente en Senegal, las hoja-
rascas del cacahuele son un alimento gustado por varias especies animales.
Durante las investigaciones efectuadas en el Laboratorio National de la Gana-
deria y de las Investigaciones veterinarias de Dakar, se demostrb en este pienso
la presencia de aflatoxina cuya toxicidad se compara con la encontrada en el
grano y en las tortas del cacahuete.
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d’arachides (The essay of a toxic principle
1 9 5 6 , 1 4 ( 2 ) : 7 3 - 7 9 .
Imprink re F r a n c e . - Jmp. JOUVE. 12. Rue de Tournon. Paris (6.1